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HISTOIRE
L'ECONOMIE POLITIQUE
EN EUROPE.
HISTOIRE
^
L'ÉCONOMIE POLITIQUE
EN EUROPE,
DEPUIS LES ANCIEnS JUSQU'A NOS JOURS,
rai sonnée des i
d'kconomie politique.
M. BLAIVQUI aîné,
Deuxième Edition,
PARIS,
GUILLAUMIN, LIBRAIRE,
Ëdileur du Diclionnaire du Commerce et dei Marchandises,
KT DK u coi.i.BCTia!« UEB pbi:mcipaiix ^cono!iu«ie»,
(•Icrie de la Bourte, 3, pattage dei Panoramai.
1842.
HISTOIRE
DE
L'ÉCONOMIE POLITIQUE.
CHAPITRE XXVII.
De Téconomie politique sous Louis XIY. — Ordonnances du
commerce. —De la marine. — Des eaux et forêts. — Code noir.
— Conseils de prud'hommes. — Lois sur les pauvres. — Fon-
dation des hospices d'enfans-trouvés. — Création de compa-
gnies commerciales. — Opinion des économistes contempo-
rains : Vauban, Boisguilbert, Tabbé de Saint-Pierre.
Si, comme récrivait naguère un de nos hommes
d'état', « les lois sont toujours le monument le plus
important et le plus instructif pour Thistoire, » il
n'est pas de législation plus intéressante pour l'é-
conomie politique que celle du règne de Louis XIY .
Nous avons déjà fait connaître la pensée domi-
nante du grand ministre auquel ce règne a dû tant
' M. Thiers, article Law, de ÏEncyclopédie progressive.
6 HISTOIRE
d'éclat; il est temps de signaler les actes qui en
furent l'expression, et dont l'ensemble compose
le plus bel édifice qui ait été élevé par aucun gou-
vernement à la science économique. Seul, en effet,
au milieu des ruines du passé, cet édifice est de-
meuré debout; et il plane encore de toute sa hau-
teur sur nos institutions , qui n'ont pas perdu,
malgré le choc des révolutions, l'empreinte de son
imposanteoriginalité. C'est à Colbert qu'appartient
l'honneur d'en avoir doté la France , et d'avoir
compris le premier, dans toute leur étendue, les
ressources de la production. Sully avait voulu
maintenir la France dans les limites étroites d'un
système exclusivement agricole et patriarcal ; il
s'était opposé de toutes ses forces au développe-
ment des manufactures, et il n'avait vu dans le
commerce qu'une chance dangereuse d'exporta-
tion pour les espèces. L'austérité de son économie
politique s'était perpétuée sous le règne même de
Louis XIII, par des réglemens somptuaires et des
ordonnances d'un caractère hostile au progrès des
richesses. Colbert ouvrit la carrière au travail na-
tional d'une manière régulière et savante, et nous
ne saurions douter que sa législation ait devancé
d'un siècle au moins les théories de l'économie
politique moderne. Par lui, la France agrandit ses
frontières et se mit en relation avec le monde; elle
cessa d'être exclusivement agricole, et elle s'en-
DE l'Économie politique. 7
richit tout à la fois de la valeur nouvelle donnée
à son territoire et à ses habitans.
Cette époque demeurera éternellement célèbre
dans les annales de la science, parce qu'elle a dé*
montré l'union intime du progrès matériel et du
progrès social. Que d'existences commerciales ont
dû leur origine à ces belles ordonnances sur la
marine, sur le négoce, sur les manufactures, dont
Golbert était le dispensateur et l'organe! Quand on
les étudie avec attention, il est facile de reconnaître
qu'elles ont suscité à l'aristocratie foncière une ri-
valité formidable, en donnant à tous les citoyens
la facilité de s'élever à la fortune par la seule in-
fluence du travail. Les forces de la nation en ont été
doublées , et Louis XIV a pu , durant les longues
années de son règne, élever notre pays au premier
rang des puissances ; heureux s'il n'avait point
abusé des ressources immenses accumulées par
son ministre! Notre temps, si fertile en essais ha-
sardeux, n'a rien qui puisse être comparé à la har-
diesse des^ créations de cette époque; on les dirait
toutes fondues d'un seul jet, tant elles sont sage-
ment coordonnées entre elles et dirigées vers un
but identique.
C'est premièrement la situation des pauvres qui
attire les regards de l'autorité. Tandis qu'en An-
gleterre on les fustigeait, on les mutilait sous les
auspices des lois draconiennes de Henri YIII,
8 HISTOIRE
Golbert faisait rendre un édit pour établir à Paris
une maison de refuge où les indigens devaient être
reçus comme membres vivans de Jésus-Christ , et non
pas comme membres inutiles de l'état ' . Un autre édit
de juin 1662 veut qu'il soit fondé un hôpital en
chaque ville et bourg du royaume pour les pauvres
malades, mendians et orphelins, qui y seront ins-
truits aux métiers dont ils pourront se rendre capables.
Des primes d'encouragement sont accordées aux
compagnons qui épouseront des orphelines de
Fhospice de la Miséricorde : le roi veut , dans ce
cas, qu'on leur accorde la maîtrise sans frais. Les
ordonnances rendues sous son règne témoignent
des efforts constans de ce prince pour extirper de
ses états le fléau delà mendicité, grave question
de tous les âges, et que le nôtre n'a su résoudre
encore qu'en emprisonnemens et en poursuites!
En même temps, la sollicitude du pouvoir établis-
sait les premières maisons d'enfans-trouvés ', de-
venues depuis lors des asiles plus meurtriers pour
l'enfance que ne le serait l'abandon même ; et
notre progrès se borne encore à compter les vic-
times * !
* Édit d'avril 161$6, dans la Collection d'Isamberty tom. XVII,
p. 526.
« Édit de juin 1670.
' M. Mac CuUoch rapporte que dans Thospice des enfans-
trouvés de Dublin, sur 12,786 enfans exposés , il y eut 12,561
DE l'Économie politique. 9
J'ai dit ce qu'avait fait Colbert pour les manu-
factures. Il a poussé trop loin la manie réglemen-
taire, et nous avons peine à comprendre aujour-
d'hui ce luxe de peines appliquées aux erreurs de
la^hitnie ou de la mécanique, comme si elles étaient
des attentats à la morale. Cependant une telle ri-
gueur était peut-être nécessaire au succès de l'in-
dustrie, comme la sévérité de la règle aux commu-
nautés naissantes; et Colbert Ta rachetée par tant
de bienfaits qu'on éprouve beaucoup d'embarras
à la lui reprocher. Il lui sembla que la discipline
des ateliers était le plus sûr moyen de les défendre
contre les périls de la concurrence étrangère , et
il sut l'y maintenir avec une sévérité inflexible.
Ainsi se répandait par toute l'Europe la bonne re-
nommée des produits français, et leur supériorité
ne tarda point à être constatée sur les marchés du
monde. L'industrie française commença par des
chefs-d'œuvre la carrière brillante qu'elle n'a cessé
de parcourir, et nous vivons encore des traditions
glorieuses de son illustre fondateur. Une impul-
sion supérieure et unique présidait sur toute la
surface du pays aux mouvemens de la production,
disciplinée comme une armée, et si quelquefois le
génie individuel a rencontré des obstacles dans
la sévère uniformité des réglemens, la masse des
morts, en moins de six années, de 1791 à 1797. (Principles of
political economy^ p. 252, édition de 1850.)
10 ^ HISTOIRE -^
travailleurs a beaucoup gagné à leur promulgation.
Tout se tenait d'ailleurs dans les vues générales,
de Colbert. Son génie protégeait d'une sollicitude
commune les intérêts de l'agriculture, de l'indus-
trie et^du commerce. C'est là sa véritable gloirj^,
et tandis que nous dissertons encore sur l'impor-
tance relative de ces trois principaux élémens de
la prospérité publique , il en encourageait avec
une égale ardeur toutes les branches. La décla-.
ration du 25 janvier 1671 défendait de saisir les
bestiaux du fermier ', comme Sully avait interdit
la saisie des instrumens du labourage. L'ordon-
nance de juillet 1656 prescrivait le dessèchement
des marais. Un arrêt du conseil, du 17 octobre
1665, portant rétablissement des haras, jetait les
bases de cette institution tout agricole, dont nous
aurions retiré depuis long-temps d'heureux fruits,
si toutes les administrations avaient été pénétrées
de l'esprit de son auteur. Eniin le magnifique édit
sur les eaux et forêts ', qui coûta huit années de
travaux à Colbert, est devenu la base de notre
Code forestier. Mais il ne sufQsait pas d'aplanir
les difficultés naturelles delà production agricole :
de quoi lui eût servi cette fertilité nouvelle , dé-
pourvue de débouchés pour la vente des produits.
* « Il ne voulait pas, dit Necker, que le malheur fût puni par
rimpuissance de le réparer. »
«Août 1669.
DE l'Économie politique. 11
Goibert avait songé à l'importance des routes,
et il les fit réparer avec tout le luxe de ressources
que lui permettait la fortune de la France. L'ou-
verture du canal des deux mers , le projet du ca-
nal de Bourgogne et toutes ces lignes hardies , si
savamment tracées depuis sur la carte de notre
pays, sont des témoignages frappans de sa solli-
citude à cet égard. Ses prédécesseurs semblaieni
n'avoir songé qu'à isoler tes provinces françaises
entre elles, et la France du reste de l'Europe : Goi-
bert eut pour système d'abaisser les barrières et
de multiplier les transactions. Dans l'industrie, il
crée les conseils de prud'hommes; pour le com-
merce, il publie successivement sa déclaration '
sur le fait et négoce de la lettre de change, et son im-
mortelle ordonnance de mars 1673, notre premier
Code de commerce; mais c'est surtout la naviga-
tion qui lui doit les services les plus éminens.
Avant V ordonnance de la marine ' SY^\ en fixa pour
* 9 janvier 1664.
* Je me borne à citer le préambule de cette ordonnance pour
donner une idée de la manière large et hardie dont Colbert en-
visageait toutes les questions :
« Louis, etc.
» Après les diverses ordonnances que nous avons faites pour
régler par de bonnes lois l'administration de la justice et de nos
finances, et après la paix glorieuse dont il a plu à Dieu de cou-
ronner nos dernières victoires, nous avons cru que pour achever
le bonheur de nos sujets il ne restait plus qu'à leur procurer
Tabondance, par la facilité et Taugmentation du commerce, qui
<*st une des principales sources de la félicité des peuples : et
12 HISTOIRE
la première fois, d'une manière précise, les rè^
gles essentielles , le commerce maritime était
presque nul en France ; Colbert seul lui donna
l'impulsion et la vie. Les compagnies des deux
Indes, dignes émules des villes anséatiques , s'é-
tablirent sous ses auspices. Une colonie , partie
de La Rochelle, alla peupler Cayenne; une autre
prit possession du Canada, et jeta les fondemens
de Québec; une troisième s'établit à Madagascar.
Le commerce du Levant fut ranimé , celui du
Nord ouvert, celui des colonies étendu. La com-
pagnie du Sénégal , d'abord organisée en mono-
pole , vît bientôt son commerce tomber dans le
domaine public, et le Code noir * fut la première
comme celui qui se fait par mer est le plus considérable , nous
avons pris soin d'enrichir les c6tes qui environnent nos états, de
nombre de havres et de vaisseaux pour la sûreté et la commo-
dité des navigateurs qui abordent à présent dans tous les ports
de notre royaume ; mais parce qu'il n'est pas moins nécessaire
d'affermir le commerce par de bonnes lois, que de le rendre li-
bre et commode par la bonté des ports et par la force des armes,
et que nos ordonnances, celles de nos prédécesseurs, ni le droit
romain, ne contiennent que très peu de dispositions pour la
décision des différends qui naissent entre les négocians et les
gens de mer, nous avons estimé que, pour ne rien laisser à dé-
sirer au bien de la navigation et du commerce, il était important
de fixer la jurisprudence des contrats maritimes, jusqu'à pré-
sent incertaine , de régler la juridiction des officiers de Pami*-
rauté , et les principaux devoirs des gens de mer , et d'établir
une bonne police dans les ports, côtes et rades qui sont dans
l'étendue de notre domination. A ces causes, etc. »
• Mars 1685.
DE l'égonomib politique. 13
eharte constitutionnelle de cette race infortunée
que l'Europe éclairée devait affranchir un jour.
On ne sait ce qu'on doit le plus admirer, ou de
Vensemble de cette vaste législation économique
ou de la netteté des considérations sur lesquelles
ses arrêts étaient motivés. Colbert prenait soin de
s'entourer de tous les hommes versés dans les
matières où sa main vigoureuse allait porter la ré-
forme ; il les interrogeait , écoutait leurs objec-
tions, modifiait très souvent sa pensée d'après la
leur. Il faisait planter une pépinière dans le fau-
bourg du Roule, et il établissait des coches d'eau
sur la Seine. Il créait la petite poste * , et il per-
fectionnait la grande; il creusait la rivière de Marne
et il faisait de Dunkerque un port franc. Des ré-
glemens, des édits , des déclarations , des lettres-
patentes , des ordonnances eurent pourvu dans
moins de vingt années à la solution de toutes les
difficultés soulevées par le commerce des grains,
du vin, du bois, du tabac, des métaux précieux.
On eût dit que la France ne se connaissait point
encore, et que le ministre de Louis XIV la révé-
lait à elle-même , tant elle vit surgir de son sein
d'usines importantes et des flottes nombreuses
appareiller de ses ports. Quoique le grand Col-
bert n'ait jamais eu l'occasion de formuler ses
* Mai 16i(5.
14 HISTOIRE
idées en sytème ' et de publier ce que, de notre
temps, on appelle un programme, il est facile de
reconnaître en lui un des novateurs les plus ré-
solus dont l'histoire fasse mention. Né dans la
classe laborieuse et parvenu par son mérite seul
au faite des honneurs, il ne cessa jamais de tra-
vailler à l'amélioration du sort du plus grand nom-
bre, et le témoignage des écrivains contemporains
fait foi des résistances qu'il eut le courage d'op-
poser aux prodigalités de Louis XIV, La France
était devenue si belle , avant que ce prince eût
dévoré toutes les ressources dont Colbert l'avait
enrichie'! Jamais on n'avait plus clairement re-
* Voici ce que dit à ce sujet Forbonnais , son meilleur his-
torien :
« Quoique la communication de ce qui reste des papiers de
» ce grand homme m'ait été accordée pai* sa famille ^ on serait
» surpris du peu de secours que j'en ai tiré. Quelques projets
» d'état des dernières années, des apostiHes très courteâ et par
» observations, ne pouvaient contenter qu'une partie de ma eu-
» riosité. C*est son esprit que je voulais connaître , et le seul
» monument qui en reste est consacré en deux feuilles écrites à
» mi-page, en forme de notes. Les édits , ordonnancés et arrêts
» rendus sur les matières économiques aai été ma seoie res-
» source. » {Considérations sur les finances de France^ tome I,
page 271.)
' Colbert s'en exprimait en termes vifs au roi lui-même , dans
un mémoire dont j'extrais ce passage :
« A l'égard de la dépense , quoique cela ne me regarde en
» rien^ je supplie seulement votre majesté de me permettre de
» lui dire qu'en guerre et en paix elle n'a jamais consulté ses fi-
9 nances pour résoudre ses dépenses , ce qui est si extrâOrdi-
DE l'Économie politique. 15
connu ce ([ue peut le génie d'un grand peuple,
quand il est gouverné par des hommes dignes de
le comprendre et de le diriger.
Aussi, même après les revers qui suivirent la
vieillesse du roi , même après la révocation de
redit de Nantes, la France ne descendit point sans
retour du rang élevé qu'elle s'était acquis. Ce fut
sans doute uncoup horrible pour elle queceluiqui
lui enleva cinq cent mille de ses enfans les plus
industrieux, car cette perte cruelle n'a jamais été
réparée ; mais les habitudes d'ordre et de travail
dont ils étaient imbus se répandirent dans toute
l'Europe, et c'est ainsi que la grande rénovation
opérée par Colbert cessa d'avoir le caractère étroit
de nationalité que peut-être elle eût conservé.
Chaque peuple reçut sa part des bienfaits de cet
hommed'état; l'Allemagne, l'Angleterre, la Suisse,
la Hollande recueillirent avec nos proscrits l'héri-
tage de nos manufactures , et malheureusement
celui des idées exclusives qui avaient présidé à
leur établissement. Personne ne songea que Col-
» naire, qu'assurément il n'y en a pas d'exemple; et si elle vou-
» lait bien se faire représenter et comparer les temps et les
» années passés , depuis vingt-cinq ans que j'ai l'honneur de la
> servir, elle trouverait que quoique les recettes aient beaucoup
» augmenté, les dépenses ont de beaucoup excédé les recettes;
» et peut-ê^e que cela convaincrait votre majesté à modérer et
» retrancher les excessives, et mettre par ce moyen un peu plus
» de proportion entre les recettes et les dépenses. »
16 HISTOIRE
bert n'avait entendu accorder à l'industrie qu'une
protection provisoire , pour lui donner le temps
de grandir et de se consolider. On chercha le
progrès dans la prohibition, tandis qu'il le vou-
lait par la concurrence , et la prohibition dure
encore, sous des formes plus ou moins restricti-
ves, parce qu'il est plus facile d'exclure des rivaux
que de les surpasser. Voilà comment le système
de Colbert est devenu européen; mais il n'a été
fatal à la France que parce qu'il l'a exposée aux
représailles de ses voisins, au moment même où
la révocation de l'édit de Nantes laissait notre in-
dustrie désarmée. Colbert avait semé : l'étranger
recueillit.
On ne saurait attacher trop d'importance à l'é-
tude de ces faits, sans laquelle l'histoire de l'éco-
nomie politique sous Louis XIV serait inexplicable.
Colbert lui-même fut réduit plus d'une fois à
défaire son propre ouvrage , par le malheur des
temps et par la nécessité de suffire aux exigences
des événemens. Le numéraire, que ses tarifs
avaient pour but de retenir en France, en sortit
par millions pendant la longue persécution des
protestans, et avec eux la plupart de nos arts dont
ils emportaient le secret : nous perdions ainsi tout
à la fois d'immenses capitaux ' et les industries
' Macpherson {Annales du Commerce^ tome 11 , page 617)^
V
DE l'Économie politique. 17
capables de nous dédommager de leur perte. C'est
de ces temps calamiteux que date Torigine des
plus brillantes manufactures étrangères et cette
soif de monopoles qui caractérise le système mer-
cantile. Il y eut un moment où l'on ne faisait plus
d'autres livres que pour démontrer l'avantage
d'accaparer le numéraire et le danger de le laisser
sortir^ Les Hollandais même , devenus manufac-
turiers, proclamèrent avec ardeur le régime des
prohibitions, et les écrivains, contemporains, de
la Grande-Bretagne, ne parlent que des inconvé-
niens de l'échange, toutes les fois qu'il se résout
pour leur pays en exportations d'espèces. « Le
moyen le plus sûr d'enrichir la nation, écrivait
Thomas Mun ' , est de vendre chaque année aux
étrangers plus de marchandises que nous ne con-
sommons des leurs. » Lord Davenant, sir Josuah
Ghild, sir Jandes Stcuart, ses compatriotes, Melon
et Forbonnais en France , Genovesi et son école
en Italie, Ustariz en Espagne ont tenu le même
langage et il n'est pas surprenant que l'Europe
entière ait sanctionné des préjugés empreints
d'une certaine couleur de patriotisme.
La puissance irrésistible des principes modifia
néanmoins, même à son origine , cette tendance
évalue à près de cent millions de francs les richesses métalliques
importées en Angleterre par les réfugiés.
' England*ê treasure by foreign trade^ page li.
DEUXIÈME ÉDITION. ti
18 HISTOIRK
exclusive des gouvernemens en matière d'indus-
trie. Nous les voyons presque tous tempérer par
des traités de commerce, c'est-à-dire par une
véritable concession de privilèges, la rigueur des
nouveaux tarifs. On dirait qu'ils éprouvent le
besoin de se dédommager mutuellement du tort
que le système prohibitif ne peut manquer de
leur causer. Et déjà, sous Louis XIV, ce n'était
pas seulement sur de telles questions qu'on es^
sayait la controverse ; l'économie politique abor-
dait des discussions plus hautes et plus périlleu-
ses. Les prodigalités de la fin de ce règne avaient
porté au comble la misère publique. Tout ce que
le génie de Golbert avait créé de ressources était
épuisé. Lui-même était obligé de recourir à des
expédiens oppressifs pour suffire aux exigences
de son maître, et plus d'une fois, le désespoir
dans l'âme , il avait augmenté des taxes contre
lesquelles son cœur et sa raison protestaient
également : « Il faut épargner cinq sous aux cho-
ses non nécessaires, disait-il à Louis XIY, et jeter
lés millions quand il est question de l'intérêt ou
de la gloire du pays. Un repas mutile de 3,000 /t-
x>re$ me fait une peine incroyable , et lorsqu'il est
question de millions d'or pour la Pologne, j'en-
gagerais ma femme et mes enfans et j'irais à
pied toute ma vie pour y fournir. » Tel était
l'homme dont un peuple aveuglé troubla les fu-
DE L'KGONOMIE politique. 19
Dérailles et qu'il fallut ensevelir de nuit à Saint-
Eustache, comme un ennemi public.
Mais ce noble héritage de franchise fut re-
cueilli après sa mort, et il se trouva des voix gé-
néreuses qui osèrent prendre la défense des
principes^ et>des peuples. Le maréchal de Yâuban
n'hésita point à faire entendre, dans son Prcjet
d'uM Dmie royale, d'austères mérités * : « Par
toutes les recherches que j'ai pu faire, disait-il^
depuis plusieurs années que je m'y applique, j'ai
fort bien remarqué que dans ces derniers temps
près de la dixième partie du peuple est réduite
à la mendicité et mendie effectivement; que des
neuf autres parties il y en a cinq qui ne sont pas
en état de faire l'aumône à celle-là, parce qu'eux-
mêmes sont réduits, à très peu de chose près, à
cette malheureuse condition; que des quatre
autres parties qui restent, trois sont fort malai-
sées et /embarrassées de dettes et de procès, et
que dans la dixième, où je mets tous les gens
d'épée, de robe, ecclésiastiques et laïques, toute
la noblesse et les gens en charge militaire et ci-
vile, les bons marchsinds, les bourgeois rentes et
les accommodés, on ne peut pas compter sur
' On verra dans la bibliographie raisonnée qui termine cet
ouvrage, les motifs sur lesquels je me suis fondé pour recon-
naître le maréchal de Vanban comme Taateur véritefble de la
JHme rùyale^ fai}ssement attribuée à Boisguilbert.
20 HISTOIRE
cent mille familles, et je ne croirais pas mentir,
quand je dirais qu'il n'y en a pas dix mille peti-
tes ou grandes, qu'on puisse dire être fort à leur
aise. *
Le maréchal de Yauban avait été frappé, com-
me Colbert , de l'inégale répartition des taxes ,
qui était le plus grand fléau de son temps, et il
déplorait l'abus des privilèges en vertu- desquels
les classes les plus riches étaient exemptes d'im-
pôts. Il lui vint à l'idée que les revenus, obtenus
à si grands frais, des peuples, pouvaient être
avantageusement remplacés par une contribution
foncière, unique, générale, proportionnellement
égale, Gxée au dixième des revenus en nature
pour les fruits de la terre , en argent pour les
autres biens, et qu'il nommait par cette raison
la Dimê royale.
On trouve de nombreux rapports entre ses
vues économiques et celles que Turgot devait
faire prévaloir un demi-siècle plus tard. Il de-
mandait la suppression des douanes intérieures
et l'abaissement des tarifs sur les produits étran-
gers; une réduction de moitié sur l'impôt du sel
et Tabolition des impôts indirects, y compris la
dime ecclésiastique. Il y avait dans son projet
de réforme beaucoup d'améliorations impratica-
bles ; mais les maximes fondamentales sur les-
quelles il était appuyé lionorent tout à la fois son
DE l'Économie politique. 21
jugeiûent et son caractère : <r Aucun état, disait-
il, ne peut se soutenir, si les sujets ne le sou-
tiennent. Or, ce soiuim comprend tous les besoins
de l'état auxquels, par conséquent, tous les su-
jets sont obligés de contribuer. De cette néces-
sité il résulte : premièrement , une obligation
naturelle aux sujets de toute condition de contri-
buer à proportion de leur revenu ou de leur in-
dustrie, sam qu'aucun d'eux s'en puisse raisonna^
blement dispenser; deuxièmement^ qu'il suffît,
pour autoriser ce droit, d'être sujet de cet état ;
troisièmement, que tout privilège qui tend à
l'exemption de cette contribution est injuste et
abusif, et ne peut ni ne doit prévaloir au préju-
dice du public. »
Mais ce n'est pas seulement dans ces générali-
tés linancières que brille la raison supérieure de
Vauban ' et son amour ardent de l'humanité ; on
retrouve dans les moindres^ détails l'administra-
teur habile et l'économiste éclairé. Il suffît de
lire, dans sa Dime royale, le chapitre qu'il a con-
sacré àf4'impôt du sel, où se trouvent mêlées
des considérations de la plus grande profondeur,
aux détails les plus familiers et les plus populai-
res. « Le sel, selon lui, est une manne dont Dieu a
* La plus belle analyse qu'on ait faite des idées de Vauban se
trouve dans l'ouvrage de Stcuarl. {Recherches des principes de
l'écmomie politique^ lis. \ y chap. a ^
22 lilSTOIRK
gratifié le genre humam, et sur lequel , par consé-
quent, il semblerait qu'on n'aurait pas dû mettre
d'impôt. » Puis il ajoute : « La cherté du sel le
rend si rare, qu'elle cause une espèce de famine
dans le royaume, très-sensible au menu peuple,
qui ne peut faire aucune salaison de viande pour
son usage, faute de sel. Il n'y a point de ménage
qui ne puisse nourrir un cochon, ce qu'il ne fait
pas, parce qu'il n'a pas de quoi avoir pour le sa-
ler ; ils ne salent même leur pot qu'à demi et sou-
vent point du tout. » Ne croirait-on pas, en lisant
ces réflexions naïves , entendre un écrivain de
l'antiquité? Et cependant le livre de Yauban est
peu connu, quoiqu'il renferme les principales
bases de la science économique, dont nous glo^
rilions chaque jour les modernes fondateurs.
Un autre économiste, également oublié, du
siècle de Louis XIV, Pierre de Boisguilbert, a re-
tracé sous les plus vives couleurs les souffrances
et le$ besoins de ses contemporains, dans un
écrit intitulé : Détail de la France sotiS Louis XIV.
Il y signale sans ménagement les causes de la
décadence dont les symptômes devenaient visi-
bles à tous les yeux , et il insiste , comme Yau-
baq, sur les iniquités d'une mauvaise répartition
des taxes, contre laquelle le grand Golbert lui-
même avait inutilement protesté^ Les douanes
n'y sont pas plus épargnées que dans le livre de
DE l'Économie politique. $3
YaubaD : « Elles causent , dit-il , à peu près les
mêmes effets que les aides, et plus de mal enoore,
en bannissant les étrangers de nos ports et en les
obligeant d'aller chercher ailleurs ce qu'ils ve-
naient quérir chez nous, ou d'apprendre nos ma-
nufactures en attirant nos ouvriers. » La même
rectitude de jugement se iaisait^ remarquer, dans
toutes les autres appréciations de l'état de la
France à cette époque, état déplorable, qui arra-
chait des larmes à tous les hommes généreux, et
qui avait pénétré d'une égal^ inquiétude les éco-
nomistes et les poètes, Boisguilbert et Yauban,
Fénelon et Racine! Partout la population ne ces*
sait de décrottre : « Le mçnu peuple est beau-
coup diminué dans ces derniers temps , disait
Yauban, par la guerre, par les maladies et par 1^
misère des dernières années , qui en ont fait
mourir de faim un grand nombre ^i réduit beau-
coup d'autres à la mendicité. »
On ne saurait disconvenir pourtant que le rè-
gne de Louis XIY, tant décrié, n'ait Quvert la
carrière à des réformes importante^ dans Tbis-
totre de l'économie politique. L'industrie, sévè-
rement organisée, fit naître des chefe-d'œuvre ^t
doubla nos forces productives ; le commerce s'é-
leva à une hauteur jusqu'alors inconnue sous
l'empire des institutions fondamentales qui de-
vaient en accroître la splendeur. Le toit du roi
4 •
24 HISTOIRE
fut de dépenser plus d'argent que ne lui en
fournissaient les impôts et d'empêcher la forma-
tion des capUaux qui auraient complété l'œuvre
de Colbert. Les profits étaient absorbés avant de
naître , et déjà s'ouvrait , sous les auspices de
Louvois 9 le gouffife des emprunts qui devaient
changer la science des finances et perfectionner
l'étude du crédit. La France était devenue un
immense atelier, d'où nous voyons déjà poindre
les quêtions de paupérisme, malgré le peu de
développement des machines et les Obstacles op-
posés à l'encombrement des industries, par le
sjrstème des corporations. Le projet de paix per-
pétuelle de l'abbé de Saint-Piéi^re , considéré
comme une utopie, renferme une foule d'aperçus
ingénieux sur ces difficultés sociales, et la grande
école Économiste du dix-huitième siècle se révèle
déjà tout entière dans ces paroles remarquables
de Boisguilbert : « Bien que la magnificence et
l'abondance soient extrêmes en France, comme
ce n'est qu'en quelques particuliers, et que la
plus grande partie est dans la dernière indi-
gence, cela ne peut compenser la perte que fait
l'état pour le plus grand nombre '. »
* Détail de la France sous Louis XI V^ chap. vu , 1" partie.
•^•if^ -
DE l'Économie politique. 26
CHAPITRE XXVIII.
Propagation du système mercantile en Europe , sous le nom de
Colbertisme. — Il est neutralisé par la contrebande. — In-
fluence de la; contrebande sur la solution des questions éco-
nomiques.
>
C'est à tort qu'on regarde Colbert comme le
fondateur du système mercantile: nous avons vu
que ce système, dont la prétention est de vendre
toujours sans acheter jamais , venait des Espa-
gnols et qu'il fut l'œuvre de Charles-Quint. On
le connaissait déjà par toute l'Europe avant qu'il
eût un nom, et Colbert n'en était pas partisan
dans les premiers temps de son ministère, car
toutes les ordonnances de cett^ époque étaient
favorables à la liberté du commerce. C'est seule-
ment quand il voulut donner une impulsion éner-
gique à nos manufactures, qu'il réfléchit au parti
qu'on pourrait tirer de la prohibition des pro-
duits étrangers. Tous les fabricans intéressés à
l'élévation du prix des marchandises devinrent ,
dès ce moment, ses a4ixiliaires et prirent avec ar-
deur la défense d'un système qui leur assurait
d'immenses bénéfices. En même temps , le fisc
avait sa part des droits auxquels étaient assujé-
26 HISTOIRE
tis les articles importés, et cette alliance contri-
bua encore à fortifier le préjugé public. Personne
n'aurait osé désapprouver un expédient assez
heureux pour enrichir tout à la fois les particu-
liers et l'état.
On ne reconnut point, en effet, sur-le-champ,
la nature véritable du dommage causé au pays
par l'adoption de ce système. On voyait de tou-
tes parts s'élever des fabriques; le haut prix de
leurs produits procurait aux chefs de l'industrie
des profits considérables et multipliait leurs ca-
pitaux par l'accumulation. Les manufactures
françaises de soieries , de glaces , de draps , de
tapis ne connaissaient plus de rivales, et l'Eu-
rope entière était devenue leur tributaire ; mais
il vint un moment où les étrangers se mirent à
user de représailles et à repousser les denrées
françaises. Au tarif de 1667 , les Hollandais ré-
pondirent, en 1671, par la prohibition des vins
et des eaux-de-vie de France; et cette querelle,
toute commerciale, n'en fut pas moins une des
princi(>alcs causes de la guerre de 1672, puis-
qu'il fallut adoucir les tarifs à la paix de Ni-
m«\gU(>. Toutefois , la contagion avait gagné tous
les |>ouplos , et les guerres de douanes n'ont
ot>sS(^ d'aflligor le monde depuis cette époque.
lino autre oons<'H|uenco fâcheuse du système
in^rtNiniilo ou rt>strici.if , co fui rasscrvisseaient
DE l'Économie politique. 27
absolu des travailleurs aux capitalistes , et Tac-
croissement de la misère indiyfduelle en pré-
sence de là richesse générale. Ce terrible con-
traste n'a cessé d'effrayer depuis lors les sociétés
modernes. Une production artificielle et ardente
a pris la place du travail régulier et paisible
des temps antérieurs , et , par une contradiction
étrange, on a restreint les moyens de vendre en
limitant la faculté d'acheter. Le système mercan-
tile est né de l'idée fausse qu'un peuple s'enri-
chit en exportant et s'appauvrit en important ;
erreur fondamentale, dont les inconvéniens ont
été mis désormais hors de doute par les écono-
mistes de tous les pays. Simple historien, je ne
retracerai point les débats mémorables qui se
sont élevés sur cette grave question ; it me sutBra
de rappeler que les complications dont elle est
hérissée doivent leur origine aux privilèges pro-
digués par Golbert à l'industrie française, et que
l'industrie des autres nations s'est fait concéder
à son tour.
Il y a lieu de penser que si les vraies lois de
la production lui eussent été mieux connues,
Golbert n'aurait entraîné ni son pays ni l'Eu-
rope dans la voie périlleuse où ils sont aujour-
d'hui engagés. A l'exemple des Espagnols , cet
illustre ministre s'est trop préoccupé de l'in-
fluence du numéraire, et il n'y a pas vu qu'en dé-
28 HISTOIRE
finitive chaque nation paie avec ses propres pro-
duits les produits qu'elle tire de l'étranger, soit
que l'étranger envoie de l'or , soil qu'il livre des
marchandises. Il a partagé le préjugé commua ' à
une époque où la découverte récente des mines
d'Amérique avait procuré à leurs heureux pos^-
sesseurs une suprématie enviée des autres peu-
ples. C'est pour obtenir sa part de l'or répandu
en Europe que la France voulut avoir ses comp-
tes soldés en espèces, malgré le cortège de vexa-
lions de tout genre dont cette résolution devait
être accompagnée. -
Jamais, il faut le dire, aucun paradoxe ne fut
accueilli avec plus d'enthousiasme que celui sur
' Don Bernard de UUoa a signalé avec une grande lucidité
Terreur générale de ses concitoyens au sujet des richesses mé-
talliques :
« Quand nous' nous vîmes maîtres, dît-il, du Nouveau-Monde
et de ses mines, nous crûmes avec confiance que ce vain titre
nous assurait à jamais la jouissance de ces trésors; il nous sem-
bla voir les natioâs dans une humble dépendance venir chercher
chez nous le superflu de nos richesses. Abusés par cette flat-
teuse chimère et contens de la beauté et du bon marché des
étoffes étrangères, nous abandonnâmes le soin de nos manufac-
tures; Tétranger profita d'une négligence si favorable pour éle-
ver les siennes, et nous enleva bientôt par ce moyen, non seu-
lement tout ce que les Indes nous avaient produit d'or et
d'argent pendant plusieurs années, mais même les matières
précieuses de notre cru, dont ses manufactures ne peuvent se
passer. » [Du rélablissemenl des manufactures et du commerce
d'Espagne, page 5.)
DE l'économie politique. 29
lequel reposait toute la théorie du système mer-
cantile. En France, en Angleterre , en Allema-
gne, en Italie, en Espagne^ tous les écrivains se
montrèrent unanimes à vanter les merveilles de
l'isolement industriel, sans considérer que ce
système se détruisait en se généralisant, et que
Tespoir de vendre sans acheter serait perdu le
jour où chaque peuple voudrait forcer ses voi-
sins d'acheter ^ns vendre. Les plus sa vans éco^
nomistes se firent les propagateurs de cette doc-
trine, et il y en eut un sv grand nombre , que la
seule nomenclature de leurs écrits occupera plu-
sieurs pages de cet ouvrage'. L'administration
ne tarda point à s'associer à leurs idées, qui ont
donné naissance à tous les obstacles réservés à la
grande réforme commerciale dont nous entre-
voyons l'aurore. Si de grands intérêts privés ont
été créés sous l'empire de ce préjugé, ce n'est
point un motif pour désespérer des améliora-
tions impérieusement réclamées par l'intérêt gé-
néral. « Le licenciement d'une armée, dit Adam
Smith, entraine bien aussi quelques inconvé-
niens : faut-il donc demeurer dans un élat de
guerre perpétuel, de peur de renvoyer qqdques
soldats? »
Le système mercantile n'a vécu si long-temps
que parce qu'il fut, dès le principe, revêtu d'une
* Voir la bibliographie raisonnée à la fin de ce volume.
32 HIST^OIRE
malédictions dont ii été accablé par les économis-
tes du dix-huitième siècle; il règne encore de nos
jours dans tes conseils des gouvernemens, et il
maintieht, sous le masque d'un patriotisme in-
téressé, tous les monopoles dont l'Europe souffre
et se plaint.
Toutefois, il est dans la nature des mauvaises
institutions de n'être jamais respectées et de don-
ner naissance à des protestations qui finissent
par en amener ta réforme : la contrebande a été
pour le système exclusif la plus constante et la
plus expressive de ces protestations. La contre-
bande est devenue de nos jours une véritable
puissance moitié commerciale, moitié militaire,
qui a ses stations capitales et ses tarifs officiels,
des soldats aguerris et des chefs expérimentés.
Elle est aussi exacte dans ses livraisons que le
négociant le plus scrupuleux ; elle brave les sai-
sons et les lignes de douanes les mieux surveil-
lées, au point que les compagnies d'assurance
qui la protègent comptent moins de sinistres que
toutes les autres. La contrebande est, en effet, le
seul moyen qui reste aux industries pour se pro-
curer les produits prohibés dont Tusag^ leur est
indispensable. Elle n'^ cessé de grandir en même
temps que l'extension prise par les affaires, et
sur plusieurs points de l'Europe, elle s'est ré-
gularisée avec un ordre et une halnleté qui tien-
DE L*ÉGONOMIB POLITIQUE. 33
lient du prodige. C'est à ta contrebande que le
commerce doit de n'avoir pas péri sous Tinfluence
du régime prohibitif : tandis que ce régime
condamnait les peuples à s'approvisionner aux
sources les plus éloignées , la contrebande rap-
prochait les distances , abaissait les prix et neu-
tralisait l'action funeste des monopoles. Une
concurrence invisible et sans cesse renaissante
tenait les privilégiés en haleine et dédommageait
la consommation de la rigueur des tarifs. Quoi-
que son existence seule soit une offense à la loi',
la contrebande n'a pas moins contribué à la so-
lution de presque toutes les questions d'économie
politique relatives aux échanges. Tandis que les
savans discutent et que le commerce supplie, la
contrebande agit et décide sur les frontières; elle
se présente avec la puissance irrésistible des faits
accomplis, et la liberté du commerce n'a jamais
remporté une seule victoire qu'elle ne l'ait pré-
parée.
Si l'on examine attentivement les époques où
la contrebande a prospéré, il sera facile de se con-
vaincre que c'est toujours dans les pays et aux
époques où le système mercantile a été en vigueur.
' Château, maison, cabane ^
Nous sont ouverts partout ;
Si la loi nous condamne,
Le peuple nous absout.
BÉRANGBR, chanson des Contrebandiers*
DEUXIEME EDITION. 5
34 HISTOIRE
Les colonies américaines de l'Espagne en furent
de tout temps le foyer. Quand Napoléon décréta
le blocus continental, la Russie, TAllemagne, la
Hollande se couvrirent de contrebandiers; l'em-
pereur lui-même fut obligé d'autoriser la fraude
au moyen des licences , devenues la source îrré-
gulière de tant de fortunes. La guerre de i812
déclarée à la Russie a eii pour motif principal la
résistance opposée par les Russes aux exigences de
la prohibition française, et il y eut un moment où
la contrebande fut Tunique ressource du com-
merce européen. Si, dans cet aperçu rapide des
révolutions delà science économique, il nous était
permisde citer des faits particuliers et récens, nous
démontrerions aisémentque c'est à la contrebande
seule qu'on doit attribuer les modifications impo-*
sées au système exclusif. Nos fabricans de mous-
seline n'ont obtenu Feutrée conditionnelle des co-
tons filés étrangers qu'après s'en être pourvus
long-temps par la fraude; et nos tarifs sur les che-
vaux n'ont été adoucis qu'après l'aveu public ' que
le contrebandier montait sur sa marchandise et
galoppait avec elle. Que de marchandises aujour-
d'hui rares et chères verraient leur tarif abaissé,
si ia contrebande pouvait les prendre en croupe et
traverser la frontière avec elles i II suffirait d'un
* Cet aveu a été fait dans une de» séance» de la session parle-
mentaire de 1856.
DE l'éconouie politique. 36
perfectionnement notable dans la fraude pour bou-
leverser tous les tarifs du mondeet pour obliger cha-
que nation à se maintenir dans le genre de produc-
tion spécial à son sol ou au génie de ses habitans.
Le système mercantile n'a pas été plus heureux
dans ses tentatives opiniâtres pour attirer le numé*
raire des pays étrangers que pour en exclure les
marchandises. En vain les lois prohibaient la sortie
de Tor sous des peines sévères; en vain, comme en
Angleterre, les gouvernemens ont essayé de faire
pencher la balance en leur faveur et ils ont publié
des tableaux d'exportations supérieurs à ceux de
leurs importations: TAngleterren'ena pasconservé
une guinée de plus, et c'est aujourd'hui le pays où
l'on rencontre le moins d'espèces. L'Espagne, terre
classique de la prohibition, n'a cessé de fournir de
l'or à toute l'Europe. Le papier-monnaie a chassé
le numéraire toutes les fois que sa présence en a
fait baisser la valeur, et malgré la peine de mort
infligée aux contrebandiers. C'est que la peur de
payer les marchandises étrangères avec des métaux
précieux est Une peur frivole; les métaux précieux
ne vont jamais d'un pays dans l'autre pour ac-»
quitter de prétendus soldes, mais pour chercher
le marché où ils se vendent le plus cher. Il nous
convient toiyours de consommer les produits que
l'étranger fournit meilleurs ou à meilleur compte
que nous, bien assurés que nous sommes que
36 HISTOIRE
l'étranger se paiera par les choses que nous pro-
duisons à meilleur compte que lui. « Je dis qu'il se
paiera ainsi , parce que la chose ne peut se passer
d'aucune autre manière '. » L'histoire est toute
pleine des démentis que les événemens ont donnés
à la politique, lorsque celle-ci a tenté d'intervenir
dans des intérêts d'exclusion ou de ressentiment.
Quand Philippe II, devenu maître du Portugal,
voulut interdire à ses nouveaux sujets toute com-
munication avec les Hollandais, ceux-ci, exclus des
entrepôts de Lisbonne où ils avaient coutume de se
fournir des marchandises de l'Inde, allèrent cher-
cher ces marchandises aux Indes mêmes, et ce qui
avait été fait pour causer leur ruine fut l'origine de
leur grandeur. Plus tard, la Convention nationale
de France ayant prohibé à l'entrée les cuirs bruts
d'Espagne, sous prétexte qu'ils nuisaientà ceux de
notre pays, les Espagnols, obligés de consommer
leuiis cuirs bruts, se mirent à les tanner eux-
mêmes, et cette industrie passa en Espagne avec
une bonne partie des capitaux et des ouvriers
français. La même chose est arrivée dans le
royaume de Naples , où les droits élevés par nous
sur les laines de ce pays ont forcé les produc-
teurs à en tirer parti, c'est-à-dire à fermer à nos
draps un débouché de la plus haute importance.
* J.-B. Say, Traité d'économie politique^ nouvelle édition
de 1841 , fMge 178.
DE l'Économie politique. 37
Les vices du système mercantile ont été signa-
lés avec la dernière évidence par les écrivains de
l'école économiste , et réfutés sans réplique par
Adam Smith \ par J.-B. Say % et par les auteurs
les plus renommés. Ce système ne se soutient
aujourd'hui que par les difficultés dont sa lon-
gue existence a été l'origine. Aucun homme
éclairé ne croit plus en Europe aux merveilles de
la balance du commerce ; mais les graves compli-
cations que ce système a enfantées ne sauraient
se résoudre sans froisser les intérêts nombreux
auxquels la prudence méticuleuse des gouverne-
mens se refuse à porter atteinte. Intimement liée
d'ailleurs aux recettes du fisc, la doctrine des ta-
rifs élevés trouve des protecteurs dans les hommes
d'état qui craignent de compromettre tout à la
fois les revenus publics et les entreprises parti-
culières. C'est par les progrès du crédit public
que le système mercantile périra ; le jour où ses
conséquences auront été portées à leurs dernières
limites en produisant un encombrement général
dans les industries, il faudra bien revenir au sys-
tème de la liberté qui seul peut rétablir l'équili-
bre entre la production et la consommation.
* Bidkeiie dei nations , liv. iv.
* Traité d'économie politique^ liv. i^ chap. XV, nouvelle
édition de 1S41.
38 UISTOIftB
CHAPITRE XXIX.
De la première lutte du système mercantile avec la liberté du
commerce entre l'Angleterre et la Hollande. — ^Funestes effets
de cette lutte.— Acte de navigation. — ^Éloquente philippique
de M. d'Hauterive contre le système restrictif.
Il y a eu un moment, en Europe, où le système
mercantile et celui de la liberté du commerce se
sont trouvés en présence, sous les drapeaux de
deux puissantes nations : l'Angleterre et la Hol*
lande. Quand la première jeta le défi à la seconde,
celle-ci s'était élevée à un très haut degré de ri-
chesse et de splendeur par le libre développement
du travail de ses habitans et sans le secours d'au-
cune loi restrictive. Les Hollandais offraient à l'u-
nivers un exemple frappant de ce que peut le génie
d'un peuple laborieux, lorsqu'il est secondé par
des institutions commerciales fondées sur le prin-
cipe de la liberté. Leur territoire ne produisait
presque point de céréales, et cependant les disettes
leur étaient inconnues, au point que l'Europe s'a-
dressait à eux dans ses extrémités. « Que la famine
règne ailleurs, disait l'auteur de la riûhesse de la
Hollande^ et vous trouverez du froment, du sei-
gle et d'autres grains à Amsterdam; ils n'y man-
D£ L'ÉCONOIllK POLITIQUE. 39
queoi jamais. » Par leur navigation, les Hollandais
étaient devenus les intermédiaires obliges du cokn-
merce universel. Sir William Petty estimait ^ en
1690, le tonnage de leurs navires à plus de 900
mille tonneaux , c'est-à-dire à près de la moitié
de tout le tonnage de l'Europe, et cependant ils
n'avaient à exporter aucun produit qui leur fût
propœ. Leur pays était le magasin général de
toutes les industries, et leurs navires, suivant
l'expression de sir William Temple, h roulage de
r Océan. La division du travail était pratiquée chez
eux^ avec une admirable intelligence ; non seule-
ment des négocians, mais des villes tout entières
s'occupaient exclusivement d'une seule branche dé
commeroe. Middelbourg, par exemple , faisait le
commerce du vin; Flessingue, celui des Indes oc-
cidentales; Saardam était peuplé de constructeurs
de navires; Siuys, de pécheurs de hareûgs. Dans
chacune de ces branches, il existait une concur>^
rence active et toutes étaient conduites avec une
habileté et uùe économie dignes de servir de mo-
ùèk(d. Lorsqu'après le traité d' Aix-la-Ghapelle , le
sCdthouder fit une espèce d'enquête dans le but
de connaître les vues utiles qui pouvaient lui être
pt\)po8ées par ses concitoyens, les négocians expé-
rimentés qu'il consulta , mirent au premier rang
descaus^ de l'ancienne prospérité delà Hollande
les maximes de tolérance, c'est-à-dire de liberté
4.
40 HISTOIRE
politique et commerciale , dont la fédération s'é-
tait fait une loi. Si , plus tard , ce pays descendit
du haut degré où cette politique littérale l'avait
élevé, il ne faut l'attribuer qu'à l'introduction des
monopoles , notamment à celui de la compagnie
des Indes, devenu ia source des plus honteux abus,
j'ai presque dit une pépinière de crimes.
C'est alors surtout que la Grande-Bretagne crut
devoir opposer à la prospérité des Hollandais son
fameux acte de navigation, qui assurait à la marine
anglaise le monopole des transports, par des pro-
hibitions absolues en certains cas et par de fortes
taxes dans d'autres , sur la navigation étrangère.
Il fut défendu à tous les bâtimens dont les pro-
priétaires, les maîtres et les trois quarts de l'é-
quipage ne seraient pas sujets anglais, de com-
mercer dans les établissemens et colonies de la
Grande-Bretagne ou de faire le cabotage sur ses
côtes, sous peine de confiscation du bâtiment et
delà cargaison. D'autres mesures restrictives com-
plétèrent ce système d'exclusion d'où sortit la
guerre maritime la plus acharnée dont l'histoire
fasse mention. La France y joua son rôle contre
les Hollandais par la publication du tarif de 1664^
et c'est dépuis cette époque que les nations les
plus éclairées de l'Europe n'ont cessé de rivaliser
d'efforts pour se nuire, au lieu de trafiquer en-
semble sur des bases loyales. Ces entraves réci-
D£ L^ÉCONOMIE POLITIQUE. 41
proques ont à peu près anéanti tout commerce large
et régulier entre elles et remis aux mains des
contrebandiers la principale importation des mar-
chandises anglaises en France et des marchandises
françaises enAngleterre. Le commerce, long*temps
livré au monopole des compagnies privilégiées, a
dégénéré depuis lors en exactions et en rapines dé
toute espèce. Ainsi nos pères ont vu trois grandes
compagnies se disputer aux Indes l'exploitation
des épices , par les moyens les plus violens. Les
Hollandais ont détruit avec une rigueur sacrilège
les gérofliers des Moluques, pour empêcher leurs
rivaux de participer aux récoltes. La seule idée
qui préoccupait ces compagnies était d'exclure
la concurrence, de s'emparer du monopole de
certains articles et d'en limiter l'approvisionne-
ment, de manière à en élever le prix à des taux
énormes. Si l'on voulait avoir une preuve frap-
pante de l'inQuence ruineuse de ce système et de
sa tendance à restreindre l'étendue naturelle du
champ du commerce , on la trouverait dans ce
fait que les négocians américains qui commercent
librement aujourd'hui avec les possessions des
Pays-Bas, dans l'archipel oriental, emploient
plus de navires que n'en employaient les mono-
poleurs hollandais. L'abolition récente du privi-
lège de la compagnie anglaise des Indes n'a pas
moins contribué à augmenter les relations de
42 HISTOIRE
TAngleterre avec ia presqu'île indostanique. Une
simple station de pêcheurs, Ttie de Singapore, est
devenue, sous l'empire delà liberté commerciale,
un établissement du premier ordre en moins de
\ingt années.
Partout où le principe de la liberté s'est trouvé
en lutte avec celui du monopole, les mêmes ré-
sultats se sont manifestés. C'est en vain qu'on
prétend que l'acte de navigation a été la source
du développement industriel de la Grande-Bre-
tagne ; cet acte ne peut être considéré que comme
un sacrifice imposé au commerce en faveur de la
politique. Adam Smith ne l'a justifié que sous ce
rapport * et encore est-il permis de douter au-
jourd'hui , en présence des résultats définitifs de
son adoption, que cet acte ait été une œuvre de
sa politique. Le principal résultat de sa mise en
vigueur a été de réduire chaque jour davantage le
commerce de l'Angleterre avec les autres nations
européennes et d'obliger cet empire à chercher
dans ses colonies des débouchés que l'exclusion
des étrangers lui faisait perdre chez eux. La for-
tune de la Grande-Bretagne a commencé dès ce
moment à reposer sur des bases artificielles; il
* « Comme la sûreté de TÉtat est d'une plus grande impor-
tance que sa richesse , Tacte de navigation est peut-être le plus
sage de tous les réglemens de commerce de TÂngleterre. » {Ri-
ehesie des nations^ liv. iv, chap. S.)
DE l'Économie politique. 43
lui a fallu entretenir des flottes considérables pour
protéger des établissements lointains, dont l'é-
mancipation menace sans cesse de frapper au
cœur son industrie accoutumée au régime des
monopoles. Il y a à peine dix années que M. Hus-
kisson signalait, au sein du parlement , ces dan-
gereuses probabilités; et cependant, ni l'Angle-
terre, ni l'Europe, ne sont encore guéries des
doctrines pernicieuses de Charles-Quint. Ces doc-
trines ont habitué les peuples à considérer comme
des mesures utiles toutes celles qui présentaient
un caractère d'hostilité contre leurs voisins ; elles
ont fait passer dans tous les codes un nouveau
droit des gens, en vertu duquel le bien de cha-
cun semble avoir pour élément principal le mal
d'autrui. Quelles qu'aient été, depuis, les révo-
lutions qui ont agité le monde , ce préjugé fatal
est demeuré le même, pendant la guerre des
États-Unis d'Amérique, pendant la révolution
française, après l'émancipation des colonies es-
pagnoles, après celle de la Grèce et même après
la conquête d'Alger. En vain les compagnies pri-
vilégiées ont succombé les unes après les autres;
en vain dans l'Amérique du sud, le monopole
a-t-il abruti et décimé les populations, tandis que
la liberté les décuplait et les enrichissait dans
l'Amérique du nord : le système mercantile pour-
suit ses ravages et ne reçoit des gouvernemens
44 HISTOIRE
ies plus avancés que des attaques molles et de&
coups mal assurés. « La théorie des lois prohibi-.
tives, dit M. d'Hauterive', est écrite en lettres de
sang dans l'histoire de toutes le» guerres qui de-
puis quatre siècles mettent partout l'industrie
aux prises avec la force, oppriment Tune, cor-
rompent l'autre, dégradent la morale politique,
infectent la morale sociale et dévorent l'espèce
humaine. Le système colonial, l'esclavage, les
haines de l'avarice qu'on appelle haines nationa-
les, les guerres de l'avarice qu'on appelle guerres
de commerce, ont fait sortir de cette boite de
Pandore l'inondation des erreurs ,. des fausses
maximes, des richesses excessives, corruptrices
et mal réparties, de la misère, de l'ignorance et
des crimes qui ont fait de la société humaine
dans quelques époques de l'histoire des peuples
modernes, un tableau si odieux qu'on n'ose s'y
arrêter, de peur d'avoir à prononcer contre le
développement de l'industrie et contre le progrès
même de la civilisation. »
Cependant, malgré ce sombre tableau, le sys-
tème prohibitif portait en lui-même les germes
d'une rénovation qui en a beaucoup atténué les
funestes effets. L'élan incontestable qu'il a im-
primé à la production en Angleterre, en France
et en Hollande, surtout dans le commencement,
* Èlémens d'économie polUique^ page 199.
DE l'Économie i^olitique. 45
contribua beaucoup à élever le taux des profits
dans toutes les branches d'industrie protégées et
y fit affluer d'immenses capitaux, qui ne tardèrent
pas à devenir insuffisans. C'est ainsi que la ban-
que de Hollande et la banque d'Angleterre fu-
rent appelées à pourvoir par le crédit aux be-
soins chaque jour croissans de l'industrie et du
commerce des deux pays. La fortune de ces ban-
ques se lie intimement à l'acte de navigation, à
rétablissement des manufactures', et elle s'expli-
que d'une manière naturelle par les avantages qui
en résultaient pour les compagnies, mises en me-
sure de braver à l'abri du crédit, la lenteur des
retours des deux Indes. C'est aussi au crédit que
Louis XIV expirant, demandait la réparation des
erreurs et des prodigalités de son règne, qui en-
gendrèrent, comme chacun sait, le système de
Law.
* L'acte constitutif delà banque d'Angleterre (27 juillet 1694),
est ainsi intitulé dans la charte primitiTe de concession : An aet
for graniing to (heir maje$ties several duties upon tonnage of
skips and vesteU^ and upon beer^ aie and others liquors , for
seeuring certain reeompences and advantageê in the said act
mentioned , to such persons as shall voluntarily advanee the
tum of fifteen hundred thousand ponds, towards carryng on
the war with France.
(GiLBART, Histoire des Banques, page 27.)
46 HISTOIRE
CHAPITRE XXX.
Naissance du crédit en Europe. — Institution desbancjues. — ^In-
fluence qu'elles ont exercée sur la marche de Féconomie po-
litique.— Des banques de dépôt et en particulier de celle
d'Amsterdam. — Des banques de circulation» — De la banque
d'Angleterre.
Peu de révolutions ont exercé sur la marche
de la civilisation une influence pareille à celle de
la fondation du crédit en Europe. Ce fut une con^
quête nouvelle du génie de rhomme, et une force
immenseajoutée à toutes celles dont il pouvait dis-»
poser. D'où venait cette force ? par quel concours
de circonstances se manifestait-elle , au moment
même où la découverte des mines de l'Amérique
semblait devoir la rendre superflue ? Comment^
après tant de bienfaits, est-elle devenue tellement
féconde en catastrophes, que des esprits éclairés
ont été jusqu'à maudire son existence? Sa source
véritable se perd dans la nuit des temps. On sait
qu'il y avait des banquiers à Rome et à Athènes,
qu'il y en a eu au moyen-âge, et que des ban*
ques publiques ont été fondées en 1157 à Venise,
en 1349 à Barcelone, à Gênes en 1407, à Ams-
terdam en 1609, à Hambourg en 1619, et en
DB l'Économie politique. 47
1694 en Angleterre. Voilà les faits et les dates :
il nous reste à expliquer les uns et les autres.
Le premier effet de la découverte du Nouveau-
Monde fut de donner une impulsion vraiment fé-
brile aux spéculations sur l'Amérique. Les capi-^
taux, attirés par l'appât d'énormes bénéfices ^
afQuèrent vers ce genre de commerce, au détri-*
ment de beaucoup d'autres industries plus utiles
et surtout moins aventureuses. Des matières pre-
mières jusqu'alors inconnues, le sucre, le coton,
le tabac,. les épices, entrèrent dans la consomma-
tion et devinrent l'objet d'un commerce immense ;
des armemens nombreux partirent de tous les
ports d'Europe pour y revenir avec de riches
cargaisons; mais il fallait attendre leur retour
afin d'en recueillir les bénéfices, et la longueur
des voyages nécessitait des avances considérable^.
Aussi les premières banques s'établirent -elles
toutes dans des villes maritimes. Plus tard , le
système prohibitif, en appelant vers les manu-
facturés une partie des capitaux qui s'étaient
portés vers le commerce extérieur, fit sentir cha-
que jour davantage la nécessité du crédit; et les
nouvelles banques naquirent encore des besoins
du travail.
Rien de plus sinxple et de plus ingénieux que
le principe fondamental de ces banques, dont
l'établissement sépare en deux époques très
48 " HISTOIRE
distinctes l'économie politique ancienne et mo-»
derne. Chez les anciens, la production n'avait de
ressources que dans le travail des esclaves et dans
les capitaux des usuriers ; chez les modernes elle
eut pour appui la liberté de l'ouvrier et les faci-
lités du crédit. Dès qu'on se fut aperçu que le
numéraire que les marchands étaient obligés de
garder en caisse pour faire face à leurs paie-'
mens, devenait entre leurs mains un capital im-^
productif, on réfléchit aux moyens d'en tirer un
profit, en substituant la promesse aux écus, et en
créant les banques. « L'or et l'argent qui circu^
lent dans un pays, dit à cet égard Adam Smith ',
peuvent se comparer précisément à un grand
chemin qui, tout en servant à faire arriver au
marché les grains et les fourrages, ne produit
pourtant rien par lui-même, pas même on grain
de blé. Les opérations d'une banque sage, en ou-
vrant en quelque manière un chemin dans les
airs, donnent au pays la facilité de convertir une
bonne partie de ses grandes routes en gras pâtu-
rages et en terres à blé, et d'augmenter par là le
produit annuel de son territoire et de son tra-
vail. Il faut convenir, néanmoins, que si le com-
merce et l'industrie d'un pays peuvent s'élever
de quelque chose à l'aide du papier-monnaie,
ainsi suspendus, pour ainsi dire sur les ailes
* Richesse des nations^ liv. 11^ chap. ii.
DE l'Économie politique^ 49
d'Ioare, ils ne sont pas tout-à-'fàit aussi assurés
dans leur marche que quand ils portent sur le
terrain solide de l'or et de l'argent. »
Ce passage de Smith caractérise d'une manière
exacte et pittoresque les véritables propriétés du
crédit. Mais les premières banques d'Europe ne
se hasardèrent point à \oler avec les ailes d'Icare,
et leurs essais timides furent bien éloignés des
opérations hasardeuses des banques de nos jours.
Elles s'appelaient modestement des banques de
dépôt, et leurs coflFres renfermèrent toujours en
espèces des sommes égales au montant de leurs
billets. Ces billets n'étaient que des certificats
transmissibiespar endossement comme nos lettres
de change, et ils n'offraient d'abord d'autre avan-
tage que l'économie du transport des espèces.
Chaque florin de papier avait sa garantie en
écus; seulement, les écus étaient d'un poids et
d'un titre authentiquement reconnus, pour ôter
toute incertitude aux porteurs d'effets de com-
merce et pour donner à la monnaie de banque
une fixité qui la rendit supérieure à toutes les
autres. En vain les États voisins altéraient leurs
monnaies ou se laissaient envahir par des espèces
dépréciées : la simple stipulation du paiement en
un ordre où transfert sur la banque de dépôt pro-
tégée par l'État, assurait à ce titre une supério-
rité décisive, et bientôt tous les paiements furent
PnnUÈHB EDITION. ^
50 HISTOIRE
Stipulés en monnaie de banque. Cependant, les
certificats de dépôt étaient limités par le montant
des sommes versées, et la circulation n'avait, en
se faisant au moyen du papier, que Tavantage
d'être plus commode et plus prompte.
C'est la banque d'Amsterdam qui s'établit la
première sur ces bases simples et régulières, car
ce que nous savons de la banque de Venise et
de celle de Gênes ne permet pas de douter que
ces banques fussent autre chose que de grandes
régies de perception à l'usage du gouvernement.
L'esprit qui présida à la fondation de la banque
d*Âmsterdam était entièrement différent. Les né-
gociants habiles qui en conçurent la pensée avaient
sagement réfléchi que toute épargne dsans là dé-
pense d'entretien du capital f.xe d'un pays est
une source d'amélioration pour son revenu. Or,
tout ce qu'on n'engage point dans ce capital im-
mobile, se reporte au capital circulant qui fournit
les matières premières et les salaires du travail,
et qui imprime l'activité à toutes les industries.
La substitution du papier à la monnaie d'or et
d'argent était une manière de remplacer un in-
strument de commerce extrêmement dispendieux
par un autre plus simple et plus économique. Ce
premier avantage devait frapper des négocians
ausîîi éclairés que ceux d'Amsterdam ; mais ce
n'était pas W seul que leur offrît l'organisation
DE l'Économie politique. 5i
de la banque dont ils devaient tirer tant de pro^
fit. La Hollande était alors inondée d'une grande
quantité de monnaie étrangère, usée et rognée,
que son commerce étendu lui apportait de toutes
les contrées de TEurope, et qui avait réduit la
valeur de la monnaie courante à neuf pour cent
au-dessous de la bonne monnaie neuve. Aussi
celle-ci était-elle fondue et exportée aussitôt
qu'elle paraissait dans la circulation, et les mar-
chands ne savaient où trouver des espèces pour
acquitter leurs lettres de change, dont la valeur
devenait cTe jour en jour plus variable, au grand
détriment de leurs intérêts.
Ce fut le premier objet qui attira la sollicitude
des fondateurs de l'établissement. La banque ne
reçut les monnaies étrangères bonnesou mauvaises
et la monnaie du pays elle-même, que sur le pied
de leur valeur intrinsèque, et elle décida qu'on
ne les échangerait contre de bonne monnaie au
titre légal, qu'en déduisant les frais de mon-
noyage et d'administration. L'argent de banque
nbtint dès lors une faveur marquée sur la mon-
naie courante, et cette circonstance augmenta
considérablement la demande des billets. La ville
d'Amsterdam était responsable de leur paiement,
et les facilités que l'emploi de ces billets offrait
au commerce, en élevèrent sensiblement le prix
au-dessus de leur valeur réelle. Toutefois, celte
5^ HISTOIRE
supériorité n'élait reconnue qu'autant que la
monnaie (correspondante restait en dépôt dans les
coflFres de la banque, d'où l'on ne pouvait d'ail-
leurs la retirer qu'avec désavantage, puisqu'il
fallait payer une certaine somme pour leS frais de
garde, ou plutôt de sortie. Plus tard, la banque
donna crédit sur ses livres en échange dés dépôts
de lingots d'or et d'argent, et cette combinaison
ajouta de nouvelles facilités à toutes celles qu'of-
fraient déjà ses billets de crédit. On conçoit ai-
sément que la valeur de ces billets reposant tout
entière sur la présence des écus donnés en
échange, il fallait que la banque surveillât sé-
rieusement la garde des coffres, et que le gou-
vernement sût résister à la tentation d'y puiser
dans un moment de besoin. Aussi la direction
de rétablissement était-dlé confiée à quatre ma-
gistrats renouvelés chaque année, qui vérifiaient
l'état du trésor en entrant en fonctions, le com-
paraient avec la situation des livres et sous la
responsabilité du serment. Chacun sait que lors-
qu'à l'approche ^es Français^ en 1672, la ban-
que voulut faire distribuer aux ayant-droit le
montant des dépôts, les espèces retirées de ses
caves portaient encore les traces d'un incendie qui
avait éclaté plusieurs années auparavant. Ainsi,
le crédit public et privé commença à se fonder
par la confiance, et il faut rendre honneur aux
DE l'Économie politique. 63
hommes qui ont donné ce noble exemple aux so-
ciétés modernes. Dès ce jour, la science économi-
que eut fait un pas immense. Il fut démontré
qu'on n'avait pas besoin du numéraire métalli-
que pour développer l'industrie et le commerce,
puisqu'il suffisait de quelques millions de feuilles
volantes pour en tenir lieu dans toutes les trans-
actions. Le crédit devint ainsi un véHtable capi-
tal aux mains des travailleurs, et prépara leur
émancipatioa en les investissant d'un genre de
propriété sans limites ^ la plus respectable de
toutes, car elle est fondée sur l'exercice du tra-
vail et le respect des engagemens. Rien n'arrê-
tera plus désormais l'effet de l'intelligence hu-
maine, comme aux temps malheureux de l'usure
romaine et du servage féodal ; et l'histoire, loin
de donner un démenti aux théories de l'économie
politique, né fera que les confirmer chaque jour..
La banque d'Amsterdam et les autres banques
de dépôt établies sur des base^ semblables n'ét,aient
pourtant qu'un premier essai dans les voies du
crédit. Sans doute elles donnaient à l'or et à l'ar-
gent, sous la forme de certificats transférables,
une puissance de circulation plus active; mais
sauf le bénéfice résultant de Vagio, la valeur des
capitaux monétaires n'était point augmentée par
leur transformation en billets de crédit. L'Eu-
rope demeurait avec les seules ressources de son
S4 HISTOIRE
numéraire, accrues de tout l'or et l'argent im-
porté d'Amérique, mais insuffisantes pour ré-
pondre au besoin de production que ce nouvel
élément de richesse y avait provoqué. On avait
fait un grand pas ; il fallut en faire un plus grand
encore, et les banques de dépôt devinrent des
banques de circulation. Puisque les certificats
des premières étaient acceptés comme monnaie,
en raison de la confiance qu'on avait dans la ga-
rantie des dépôts, pourquoi n'aurait-on pas
poussé cette confiance un peu plus loin, en aug-
mentant le nombre des billets jusqu'à concur-
rence d'une somme plus forte que le montant des
dépôts ? Quel inconvénient pouvait-il en résulter
pour les porteurs de ces effets, certains d'être
remboursés en espèces, dès qu'ils en manifeste-
raient la volonté? Ne voyait-on pas, tous les
jours, les billets d'un banquier circuler avec tous
les privilèges de l'argent, jusqu'au point de por-
ter intérêt comme la monnaie même?
Il ne s'agissait plus que de déterminer par des
calculs certains quelle serait, sur yne masse d'af-
faires donnée, la quantité de billets qui se pré-
senteraient au remboursement, afin d'avoir tou«-
jours en caisse la somme de numéraire nécessaire
pour y faire face. La moindre économie réalisée
sur le fonds de réserve devenait un bienfait pour
le travail, et pouvait servir à alimenter des indus-
DR l'Économie politique. 5&
triés nouvelles. On était inditre d'en disposer
par l'exportation, pour accroître le capital consa-
cré au commerce étranger. C'est comme si on
eût augmenté d'autsnt la richesse générale du
pays, et il n'en coûtait que l'impression ou la
gravure des billets, au moyen desquels l'argent
était remplacé. Ici commence à se manifester la
parfaite justesse de la comparaison du crédit aux
ailes d'Icare, si poétiquement imaginée par Adam
Smith. Personne ne saurait atQrmer dans quelle
proportion la somme d'argent en circulation dans
un pays est à la valeur totale du produit annuel
qu'elle fait circuler. Les banques de circulation
doivent-elles réserver le tiers, le quart, le cin-
quième ou la moitié de leur capital en espèces,
pour êtrç prêtes sans cesse à rembourser la por-
tion de leurs billets émis, qui viendraient se con-
vertir en écus? N'y a-t-il pas un daiigcr perpér
tuel pour elles à se trouver en présence d'une
chance permanente de remboursement ? Car c'est
principalement en escomptant des lettres de
change, c'est-à-dire en avançant de l'argent sur
ce gage, que les banques émettent leurs billet^.
Leur profit coasi^te à percevoir un intérêt sur
ces billets j usqu'à l'échéance des lettres de change.
Le paiement seul fait rentrer à la banque les
avances qu'elle a faites, avec le profit de l'inté-
rôt qu'elle a prélevé. Qu'arriverail-il donc si,
5a HISTOlltK
après avoir donné ses billets en échange des ef-
fets du commerce^ ces effets n'étaient pas payés
à leur échéance? Quelle ressource resterait-il aux
porteurs de billets de la banque, si le gage de ses
créanciers périssait dans ses mains ?
C'est surtout sous ce point de vue que les ban-
ques de circulation sont loin de présenter les
mêmes motifs de sécurité que les banques de dé-
pôt. Elles rendent plus de services que celles-ci;
mais elles offrent moins de garanties. Leurs ad-
ministrateurs ne savent pas toujours se défendre
de la tendance naturelle à escompter, c'est-à-dire
à réaliser un profit assuré, immédiat et palpable
au moyen d'un simple billet qui n'est qu'une
promesse. La plupart des banques ont péri par
l'abus de leur propre principe , et pour n'avoir
pas calculé qu'en multipliant leurs escomptes,
elles s'exposaient à épuiser leurs réserves* Adam
Smith, James Steuart, J.-B« Say, MM. Storch, et
surtout M. de Sismondi, ont exposé de la manière
la plus lucide et la plus admirable toutes les com-
plications qui peuvent résulter, soit pour le pu-
blic, soil pour les banques, des erreurs de calcul
ou de l'avidité de leurs actionnaires. Us ont dé-
montré jusqu'à la dernière évidence que toute
émission exagérée de billets obligeait ces établis-
semens à des amas de numéraire dans une pro-
portion d'autant plus grande, que l'inquiétude
DE l'egonomib politique. 57
des porteurs les faisait accourir en plus grand
nombre. La nécessité de racheter des espèces
imposait aux banques, dans ce cas, des sacrifices
supérieurs aux profits qu'elles avaient retirés des
escomptes, et elles étaient souvent contraintes de
rappeler à grands frais, de l'étranger, le numéraire
dont leurs émissions excessives avaient provoqué
l'exportation. L'Europe a vu depuis un siècle des
exemples mémorables de ces crises de circulation :
la suspension des paiemens de la banque d'An-
gleterre et la ruine des banques de province dans
ce pays, sans parler du système de Law et plus
tard des assignats, dans le nôtre; révolution im-
mense-que nous étudierons à part, à cause des
graves enseignemens que fournit son histoire.
Cependant le crédit a survécu à toutes ces tem-
pêtes , semblable à la poudre à canon qui ouvre
des routes au sein même des rochers , malgré les
périls attachés à son usage. Quand on compare de
nos jours la circulation du papier à celle des espè-
ces, on demeure convaincu que le crédit a opéré
une profonde révolution dans les relations des
peuples. Chaque instant nous révèle des matières
nouvelles dont la production s'empare au moyen
du crédit, et que le crédit seul permet d'expédier
aux extrémités du monde. Les entreprises colos-
sales dont notre siècle ouvre la marche, l'esprit
d'association qui s'étend comme un réseau sur la
58 HISTOIRE
surface de l'Europe, la lutte qui s'établit partout
entre la civilisation et les débris de la barbarie ,
tout est l'œuvre ducrédit ; tout vient de cette idée
si féconde et si simple, qui donna naissance aux
banques de circulation et principalement à la
banque d'Angleterre. Tout homme a pu , dès lors,
porter sa tête haute avec la fierté que donne l'es-
poir d'une indépendance honorable. La propriété
foncière a vu s'élever à côté de ses donjons les usi-
nes de l'industrie; les mers se sont couvertes de
navires et les rives étrangères de colonies euro-
péennes. Tout a marché d'un pas rapide et le monde
a fait plus de chemin depuis deu^ cents ans qu'il
n'en avait fait dans les dix siècles antérieurs.
L'histoire est là pour prouver que cette puis-
sance de crédit est celle qui doit décider désor-
mais en dernier ressort des grands débats de ce
monde , témoin la Hollande qui finit par humilier
Louis XIV, et l'Angleterre qui a envoyé Napoléon
mourir à Sainte^Hélène.
Les commencemens de cette puissance ont
néanmoinsété très modestes, même en Angleterre,
où la première banque de circulation sembla d'a-
bord se modeler sur celles de Venise et de Gênes,
et ne fut pendant long-temps qu'un bureau de la
trésorerie. En 1694 on la vit tour-à-tour prêter
son capital entier au gouvernement et exiger de
lui des intérêts de huit pour cent; puis doubler ce
DE l'Économie politique. 59
même capital en 1696 et le prêter encore, en 1708,
après l'avoir doublé une seconde fois. EJn vain ses
actions perdent la moitié de leur valeur; en vain
ses billets souffrent une dépréciation de vingt pour
cent, et cessent- ils un moment d'être payés : on
ne se lasse point de souscrire de nouvelles actions,
malgré la baisse énorme des premières, parce que
c'est l'état qui est le principal débiteur delà ban-»
que, et que déjà se lait sentir l'influence de Isi
garantie nationale sur les emprunts publics. On
a bientôt compris l'importance d'une telle solida-
rité et fô confiance publique s'attache à la fortune
de f état comme à la meilleure ancre de salut. La
banque d'Angleterre a fait depuis cette époque
des fautes capitales, et même, un jour, en 1797,
elle a osé suspendre totalement ses paiemens en
espèces, sans rien perdre de son importance, mal-
gré cette faillite déclarée. La nationo^atifia la dé-
cision du parlement qui autorisait la banqueroute,
et les billets de la banque devenus du papier-mon-
naie, de véritables assignats, continuèï^ent de
circuler comme s'ils eussent toujours été rem-
boursables en écus. Le gouvernement les reçut en
paiement des impôts et l'emprisonnement pour
dettes ftit épargné à ceux qui se libéreraient par
ce moyen. On aurait cru qu'à dater de ce jour ces
billets se multiplieraient outre mesure; mais les
actes du parlement et la prudence publique en
60 HISTOIRE
continrent rémission dans de sages limites , et
l'Angleterre a pu se passer pendant vingt ans de la
plus grande partie de son numéraire, sans cesser
d'être la première nation commerçante du monde.
Enfin le fameux acte de M. Peel amena la re-
prise des paiemens en espèces, vers la fin de l'an-
née 1819, et cinq années après, en 1824, on
comptait en Angleterre près de sept cents com-
pagnies • organisées, ou près- de l'être, au capi-
tal de 10 milliards, dont le quart était constitué
en 1827, avec 2 milliards 500 millions. Dans ce
court espace de temps , la Grande-Bretagne avait
prêté aux étrangers 1 milliard 250 millions de
francs. Tels sont les effets merveilleux du cré-
dit ' et son influence sur le développepient de
* A complète view of the joint stock companies formed du-
ring the years 1824 and 1825 by Henry English.
' J^ai dû me boraei' à indiquer ici sommairement la révolution
opérée en Europe par rétablissement des banques de dépôt et
de circulation , et les principales bases sur lesquelles ces ban-
ques reposent. Tous les détails de leur organisation ont été
exposés die la manière la plus complète dans Adam Smith, Ri-
eheêêe des nations^ livre TI , cbap. 2, et livre IV, chap. 5 ; dans
le IV® livre de Steuart , Recherches des principes de Véconomie
politique^ et dans M. de Sismondi , Nouveaux principes d'éco-
nomie politique , t. ii^ ce dernier , adversaire déclaré des ban-
ques ; ce sont les trois auteurs qu'il faut lire de préférence sur
cet important sujet. M. Storch, J.-B. Say, Malthus, Ricardo lui-
même, ont dû leur emprunter , surtout aux deux premiers , les
belles-anàlyses qu'ils ont données de la physiologie des banques.
Pour qui désire approfondir la matière, V Histoire des Banques^
DE l/ÉCONOMIE POLITIQUE. 61
la production, que, malgré ces exportations con-
sidérables de numéraire et malgré l'énorme ca-
pital engagé dans les entreprises de mines, d'é-
clairage, de bateaux à vapeur, de filatures et de
forges , l'Angleterre trouve encore, de nos jours,
le moyen de consacrer 5 ou 600 millions à ses
chemins de fer. Elle commandite les travaux de
la paix avec autant d'énergie qu'elle poursuivait,
il y a vingt-cinq ans, les travaux delà guerre.
Et cependant l'Angleterre est le pays de l'Europe
où il y aie moins d'espèces métalliques, de^sorte
que, chez elle, du moins, on pourrait croire à la
vérité de cet adage économique de Ricardo : « La
monnaie est arrivée au maximum de la perfec-
tion, quand elle est à l'état de papier. » Je n'expli-
que pas, je raconte ; avant d'en croire Ricardo,
il faut voir ce qu'a essayé Law.
de M. Gilbart, le fameux pamphlet de Cobbett , intitulé : Paper
agaimt goldy vrai chef-d'œuvre de dialectique et de netteté fi-
nancière, Touvrage de M. Thomton, And inquiry on the paper
crédit^ et l'enquête publiée par le parlement d'Angleterre à l'oc-
casion du renouvellement du privilège de la banque , sont des
documens indispensables à consulter. Toute la science du crédit
est là. On peut consulter aussi, mais avec réserve, l'ouvrage de
M. Joseï^ de Welz , intitulé : La magia del crédita ivelatGy
a vol. in-4. Naples, 1824.
63 HISTOIKR
CHAPITRE XXXL
Du système de Law. — Dès circonstances qui lui ont donné nais-
sance.— ^Des causes principales de sa ruine. — ^Influence qu'il a
exercée sur la marche de l'économie politique.
Au commencement du dix-huitième siècle, il
s'était opéré un changement profond dans l'éco-
nomie politique de l'Europe. L'extension extra-
ordinaire prise par le commerce extériieuret l'éta-
blissement du système restrictif avaient concen-
tré les capitaux sur la navigation et sur les manu-
factures. On eût dit que la terre était abandonnée
comme un élément stérile, et il ne fut plus ques-
tion que de compagnies privilégiées, soit pour le
commerce des Indes-Orientales ou Occidentales,
soit pour la fabrication des draps , des tapis ou
des glaces. Tous les fonds se portèrent bientôt vers
ces entreprises, à cause de la faveur et des profits
que leur assurait le monopole. Cliaqué peuple
d'ailleurs, entrant dans la voie des tarifs, crut
devoir protéger sa production contre les rivalités
de ses voisins et chercher son élévation dans leur
décadence : l'Espagne , au moyen des prohibi-
tions; l'Angleterre, en excluant les navires étran-
gers ; la France, en les frappant de droits diffe-
DK L'ÉCONOMIK POLITIQUK. (>S
rentîels. Toutes les habitudes bienveillantes de
réciprocité furent remplacées par des mesures
répulsives , véritable image de la guerre au sein
même de la paix.
Pour comble de malheur, des guerres trop
réelles sortirent de ces doctrines pernicieuses,
dont Vacte de navigation et le tarif de 1664 n'étaient
que le prélude. Au dommage intérieur que se
causaient les nations par l'abus du système pro-
tecteur, il fallut bientôt ajouter les maux affreux
qui résultèrent d'une lutte ouverte et soutenue
de part et d'autre avec un égal acharnement. On
a vu ce qu'avait pu produire en ce genre la riva-
lité de l'Angleterre et de la Hollande, et de quelles
catastrophes furent troublées les dernières an-
nées du règne de Louis XIV. Les fmances de
tous les peuples étaient épuisées ; il n'y avait plus
de capitaux pour pousser la guerre, ni pour re-
lever l'industrie. Un peuple seul, au sein de ces
désastres, avait conservé une attitude fière et in-
domptable, comme plus tard l'Angleterre en pré-
sence de Napoléon : c'étaient tes Hollandais; et
ils n'avaient trouvé de ressources, après lew pa-
triotisme, que dans leur crédit. Nous avons dit
quelles vues ingénieuses avaient présidé à sa fon-
dation et les développemens rapides que prit U
banque d'Amsterdam, malgré la limite imposée à
ses émissions de billets, par la nécessité d'en pos^
64 HISTOIRE
séder le capital équivalent en espèces. Bientôt
les banques de circulation, et surtout la banque
d'Angleterre, donnèrent une impulsion plus ac-
tive à toutes les industries , et le travail entra
dans une ère nouvelle.
La France seule, parmi ces grandes nations;
était demeurée en retard , et son gouvernement
mal inspiré se livrait aux excès de la révoccuionj
tandis que l'Angleterre et la Hollande enfantaient
des merveilles, sous les auspices du crédit. Vau-
ban et Boisguilbert ont décrit en termes pathéti-
ques le triste abaissement de la puissance pro-
ductive de la France en ces temps déplorables.
// ne leur restait plus que les yeux pour pleurer, di-
saient-ils de nos pères, et force nous est de
croire à la réalité de leurs malheurs, confirmés
par d'aussi nobles témoignages. Ce fut en cet état
que Louis XIY mourant laissait notre pays. Jus-
qu'au dernier moment, son ministère avait vécu
d'expédiens misérables. On l'avait vu réduit à
multiplier des charges ridicules pour tirer quel-
que argent des nouveaux titulaires ; et tandis que
l'Angleterre et la Hollande empruntaient à trois
ou à quatre pour cent, les traitants faisaient payer
l'argent au roi de France dix , vingt et jusqu'à
cinquante pour cent. L'énormité des impôts avait
épuisé les campagnes, veuves de leurs laboureurs
par suite des consommations cle la guerre; le
DE l'Économie politique. 65
commerce était devenu presque nul ; l'industrie,
décimée par la proscription des protestans, sem-
blait condamnée à perdre toutes les conquêtes
dues au génie de Golbert.
Telle était la situation de la France quand
Louis XIY mourut. La dette publique s'élevait
alors à plus de trois milliards, et la banqueroute
semblait imminente. Elle fut même proposée au
régent, qui la rejeta noblement, et qui se borna
à établir une commission (la fameuse commission
du visa ,) pour examiner la validité des droits des
divers créanciers de l'État. C'est à cette époque
que Jean Law fit la proposition d'une banque de
circulation et d'escompte, et jeta dans notre pays
les premiers fondemens du;crédit. Il nous faut
exposer avec quelque étendue les idées si hautes
et si long-temps méconnues de cet homme cé-
lèbre, qui eut le tort commun à tous les hommes
de sa trempe, celui d'avoir raison cent ans trop
tôt et de mourir sans être compris. Sa première
jeunesse avait été aventureuse, mais toute pleine
d'études spéciales sur le crédit public en Angle-
terre, en Hollande, à la source des grandes af-
faires. Il avait vu de près ce que peut, dans un
pays, l'activité de la circulation, et son imagina-
tion, exagérant les bienfaits du crédit, lui avait
fait croire que l'abondance du numéraire était la
principale cause de la richesse des États, puisque
DEUXlàME I^DITIOlf. ^
66 HISTOIRE
le numéraire seul amenait le développement de
leur industrie et de leur prospérité. C'était, à quel-
ques égards, le préjugé général de l'Europe au
temps où il vivait, et ce préjugé ne contribua pas
peu à favoriser l'adoption de ses vues. Il lui sem-
bla qu'en assurant à un pays la possession d'une
quantité de numéraire sufGsante pour comman-
der le travail, on] le ferait arriver au plus haut
degré de richesse et de puissance. Or, les ban-
ques de circulation, permettaient de suppléer le
numéraire par le crédit qui procure au papier la
valeur et l'utilité de l'argent, et comme il n'y a
point de limites aux émissions de papier-monnaie,
la richesse publique lui paraissait désormais à
l'abri de tous les obstacles.
Telle fut l'erreur de Law : l'exagération d'un
bon principe. Il avait pris l'effet pour la cause, en
attribuant au crédit des résultats dont le crédit
n'est que la conséquence. Il n'avait pas considéré
que le numéraire, espèces ou papier, devait tou-
jours être proportionné à la quantité de valeurs
en voie de circulation par l'échange, et que les
écus étaient impropres à faire naître l'industrie
chez un peuple, «ans le secours du travail préexis-
tant« L'augmentation du numéraire, sans l'ac-
croissement correspondant de valeurs échangea-
bles, ne ferait qu'élever le prix de toutes choses,
au lieu d'accroître la richesse réelle d'unis na-
DE L*ÉCONOMIE POLITIQUE. 67
tîon. Maïs le génie vaste et sûr de Law avait com-
pris de prime-abord la nécessité de fournir à bon
marché des capitaux au travail. Il avait remar-
qué que le crédit individuel, c'est-à-dire celui
des banquiers et des marchands d'argent était
souvent funeste à l'industrie, à cause du despo-
tisme exercé par les prêteurs sur les travailleurs;
et il voulait substituer à la commandite du cré-
dit individuel la commandite du crédit de l'État.
« N'oubliez pas, disait-il au régent, que l'intro-
duction du crédit a plus apporté de changement
entre les puissances de l'Europe que la décou-
verte des Indes ; que c'est au souverain à le don-
ner, non à le recevoir. »
Toutes ses idées se tournèrent donc, dès le
principe, vers les moyens d'assurer au gouverne-
ment la direction du crédit public, en mettant
entre ses mains l'administration d^une banque
générale chargée de percevoir tous les revenus de
l'État et d'exploiter tous les monopoles dont il
serait investi. Mais soit qi^e les théories de fi-
nances fussent alors comprises de peu de monde,
soit que la nouveauté du projet eût effrayé les es-
prits, Law n'obtint que le droit d'établir unel)an-
que privée, parfaitement semblable, à beaucoup
d'égards, à ce qu'est, de nos jours, la banque de
France, et dont le fonds social fut de six millions,
divisés en douze cents actions de cinq mille
68 HISTOIRE
francs chacune. Cette banque était autorisée à
escompter les lettres de change, à se charger des
comptes des négocians et à émettre des billets
payables au porteur, en écus du poids et du titre
de reçu du jour. A peine cette banque était-elle
fondée que le crédit reparaissait de toutes parts ',
la confiance gagnait même les étrangers, et Tu-
* Dutot décrit ainsi , en les exagérant , les avantages produits
par la banque de Law :
<t L^abondance se répandit bientôt dans les villes et dans les
campagnes; elle alla y tirer les uns et les autres de Poppressicm
des dettes que Tindigence avait fait contracter, elle réveilla Pin-
dustrie, elle rendit la valeur à tous les biens-fonds, qui avait été
suspendue par ces dettes, elle mit le roi en état de libérer et de
remettre à ses sujets plus de cinquante-deux millicms d^impo-
sitions des années antérieures à 1716 , et pour plus de trente-
cinq millions de droits éteints pendant la régence; elle fit baisser
rintérét des rentes , elle écrasa l'usure , elle porta les terres aa
denier 80 et 100, elle fit élever des édifices dans les villes et
dans les campagnes, réparer les anciens qui tombaient en ruines,
défiriphei* les terres, donner des valeurs à des matériaux fîrés da
seifi de la terre, qui n'en avaient point auparavant; elle rappela
nos citoyens que la misère avait forcés d'aller ailleurs cbercber
à vivre; enfin , cette abondance attira les richesses étrangères,
les bijoux, les pierres iH*écieuses, et tout ce qui pouvait accom-
pagner le luxe et la magnificence, nous vinrent des pays étran-
gers. Que ces prodiges ou ces merveilles aient été produits par
Tart, par la colufiance, par la crainte ou par des chimères, si on
le veut, on ne saurait s'empêcher de convenir que eet art , que
cette confiance, que cette crainte ou que ces chimères avaient
opéré toutes ces réalités, que l'ancienne administration n^aurait
jamais produites. »
(Réfl^xionê p(^ilique$ sur les finances et sur le cam-
meree de France^ tome I®'.)
DE l'Économie politique. 69
sure cessait d'exercer ses ravages. Le gouverne-
ment ajouta sa sanction à celle du public en re-
cevant comme espèces les billets de la banque de
Law. C'était le premier essai qu'on faisait en
France de cette monnaie nouvelle, et l'on peut
affirmer hardiment que Tusage en serait devenu
général, s'il n'avait aussi promptement dégénéré
en abus. En effets dès que le régent eut rendu
l'édit du 10 avril 1717, qui obligeait les fermiers
et les receveurs des impôts d'acquitter en espèces
les billets de la banque, toutes les fois qu'il leur
en serait présenté, ces billets acquirent une im-
portance considérable ; l'argent cessa de* voyager
et se réfugia dans les caisses des provinces ou
dans celles de la banque, pour y faire face aux
remboursemens , d'autant moin& demandés, que
le papier était plus commode et d'un transport
moins coûteux. Le succès fut si complet et si dé-
cisif, que la banque put émettre jusqu'à cin-
quante millions de billets avec un capital de six.
Les dépôts d'or et d'argent augmentaient chaque
jour avec la demande des billets. On en demandait
Blême plus qu'on n'en demande aujourd'hui que
les billets de la banque ont tant de peine à circu-
ler, aussitôt qu'ils ont franchi l'enceinte de Paris.
Ainsi, Law avait réalisé en moins de deux an-
nées les plus brillantes utopies du crédit public
et privé. Il avait obtenu , sur une échelle im-
70 HISTOIRE
mense, des résultats qui sont encore, après cent
ans, concentrés dans quelques villes de com-
merce; il était parvenu d'un seul trait au terme
d'une course qui semblait devoir exiger plusieurs
relais de générations. Ce sera un éternel hon-
neur pour sa mémoire d'avoir organisé de toutes
pièces, sans y omettre aucun rouage essentiel^ un
mécanisme aussi compliqué que celui des ban-
ques de circulation et d'avoir familiarisé ses con-
temporains, victimes de tant de déceptions fi-
nancières, avec le régime de la confiance et des
billets. Qui pourrait dire quelle fut sa joie ea
voyant le*succès si prompt de son ouvrage, le tra-
vail encouragé, l'espérance renaître, et la France
sourire à scjs efforts ! Mais ces jours de triomphe
devaient être de courte durée, et la Providence
lui réservait pour un avenir très prochain , de.
cruelles compensations. Nous en profiterons,
comme d'un enseignement grave et digne de fi-
gurer dans l'histoire de la science.
Déjà la banque de circulation établie à Paris
ne suffisait plus à l'ambition de Law. Il poursuis
vait toujours le premier objet de ses désirs, l'éta-
blissement d'une banque nationale chargée de
percevoir les revenus publics et d'exploiter les
privilèges commerciaux qu'il plairait au gouver-
nement de lui concéder. La possibilité d'émettre
des billets pour une somme dix fois plus élevée
DE l'Économie politique. 71
que les réserves en espèces lui semblait désormais
trop bornée. Il avait conçu la pensée de réunir
en une association commune tous les capitalistes
de France et de leur faire mettre en commandite
tous les élémens de la richesse publique, depuis
la propriété foncière jusqu'aux éventualités du
commerce colonial. Quelle plus belle hypothè-
que que la France !^et quelle valeur une telle
garantie devait acquérir, quand le crédit assuré
au plus humble propriétaire, ouvrirait une car-
rière illimitée aux améliorations de toute espèce !
Mais Law ne pouvait pas présenter ce projet au
public dans sa majestueuse simplicité; la confiance
nationale n'était pas assea éclairée pour le per-
mettre. Il lui fallut greffer, si Ton peut parler
ainsi, sa banque universelle sur quelque institu-
tion adaptée aux préjugés de ses contemporains, et
le malheur voulut que la manie de coloniser, qui
était alors fort à la mode, lui fournit l'occasion
de fonder une compagnie de commerce sur les
bords du MississipC. Ainsi naquit la compagnie des
Indes-Occidentales, au capital de cent millions,
composé de deux cent mille actions de cinq
cents francs chacune, sous forme de billets
au porteur, transmissibles par voie d'endosse-
ment. Pour en favoriser la réalisation, Law crut
devoir faire autoriser, par l'édit de concession
( août 1717), tous les actionnaires à verser le
72 HISTOIRE
montant de leur souscription, un quart en es-
pèces et les trois autres quarts en certificats de
rentes, connus sous le nom de bUlets d'Etat^ alors
fort dépréciés. Cette circonstance leur donna
quelque faveur et releva sensiblement le crédit
public; mais le salut de l'entreprise dépendait
réellement du succès oolonial de la compagnie ,
et quelle que fût la crédulité des contemporains,
les dividendes ne se composèrent jamais que de
l'intérêt des billets d'État, payé par le gouverne-
ment aux actionnaires. Bientôt une opposition
formidable, sortie du sein des parlemens, préten-
dit contester à la banque nouvelle le droit de
percevoir les impôts et de faire les paiemens pu-
blics, et défense fut faite aux employés du fisc
d'échanger contre des espèces les billets qui leur
seraient présentés. Il fallut un lit de justice pour
y mettre ordre, sans parler de la concurrence des
frères Paris, qui organisèrent Y arUi-systime' sous
l'influence des parlementaires.
Enfin, le 4 décembre 1718, deux ans et demi
après sa fondation, la banque de Law fut déclarée
banque royale, et le capital fut remboursé en
* On appela anti-êystème , par opposition aux idées de Law,
connues sous le nom de système , Tassociation formée par les
quatre frères Paris, de Grenoble, pour renverser la banque de
Law, au moyen d'un capital de cent millions, dont les intérêts,
mieux garantis que ceux de la banque , devaient naturellement
faire tomber les actions de celle-ci.
DE l'Économie politique. 73
écus aux actionnaires. Le roi se chargeait désor-
mais de la garantie des billets , dont l'émission
s'éleva en quelques mois à une somme supé-
rieure au capital de l'ancienne banque. Malheu-
reusement, pour accréditer les nouveaux billets,
Law crut devoir obtenir du régent un édit qui
défendait les transports du numéraire entre les
villes où se trouvaient des bureaux de la ban-
que. C'était donner un cours forcé à son papier-
monnaie, et ce ne fut pas la seule erreur de Law.
U était dans sa destinée d'importer en France ,
avec les plus utiles usages du crédit, le plus dé-
sastreux de ses abus, l'agiotage. L'agiotage naquit
des relations de la banque royale avec la compa-
gnies des Indes-Occidentales. Les actions de cette
compagnie ayant baissé considérablement, Law,
qui voulait les soutenir , s'obligea à les acheter
au dessus du pair à une époque donnée, s'enga-
geant à payer une prime égale à la différence du
prix de bourse avec le pair. Chacun voulut cou-
rir la chance du bénéfice qui en résultait, et les
actions montèrent. Elles montèrent bien davan-
tage encore, quand Law, en possession de la fa-
veur du régent, eut fait joindre au privilège de la
compagnie des Indes-Occidentales le monopole
des Indes-Orientales, avec l'autorisation d'émet-
tre un nouveau capital capable de suffire à la
grandeur de cette association. Des combinaisons
74 UISTOIIŒ
habiles, parce qu'elles étaient neuves , firent af-
fluer les espèces dans les coffres du novateur
écossais. Il donnait du temps aux actionnaires
pour acquitter le montant de leurs actions, sans
songer que le temps lui manquerait à lui-même
pour achever son œuvre, et qu'on lui reproche-
rait bientôt la ruine du pays; mais , enfin , il
donnait du temps, le temps dont les Américains
de nos jours ont dit qu'il valait de l'argent , time
is money. Les spéculateurs achetèrent à la fois
des actions et des espérances., et Law redoubla
d'efforts pour donner de la valeur aux unes et
aux autres. L'argent versé à grands flots dans les
caisses de l'état lui inspira l'idée d'une refonte
des monnaies : il s'en fit accorder la fabrication
exclusive par un édit, dont la faveur coûta cin-
quante millions à la banque. Ainsi commencè-
rent ces concessions réciproques entre le gouver-
nement et le système , le premier accordant tou-
jours, et le second promettant sans cesse, avec
la même irréflexion et la même insouciance de
l'avenir. Il y eut pourtant d'énormes bénéfices
recueillis par suite de la refonte des monnaies, et
pour peu que la compagnie des Indes eût fourni
sa part de dividendes, la banque royale aurait été
assise sur des bases inébranlables. L'avidité des
gens de cour et la folie des spéculateurs en dé-
cidèrent autrement.
DE l'Économie politique. 76
Déjà les actions s'étaient élevées à un taux que
ne justifiaient ni les garanties offertes par la
compagnie , ni même les chances de profit les
plus exagérées. Ce ne fut plus qu'un jeu, dont
l'histoire est trop connue pour qu'il soit néces-
saire d'en donner les détails. Ils suffît de dire que
la hausse des actions improvisa des fortunes vrai-
ment fabuleuses, et ançiena, dans la propriété ,
des déplacemens qui n'ont pas tous été sans
avantage pour la prospérité générale du pays.
L'aristocratie foncière, lasse de posséder des ter-
res dont les revenus modestes ne pouvaient se
comparer aux profits éblouissans de l'agiotage,
échangea ses prés et ses bois contre des actions;
les salaires s'élevèrent à un taux inconnu jusqu'a-
lors, et les marchandises qui encombraient les
magasins ne purent suffîre à l'empressement des
acheteurs. Law semblait parvenu au comble de
ses vœux. Si quelques rivaux mal inspirés ache-
taient ses billets pour l'inquiéter par de fortes
demandes de remboursement en écus, il faisait
rendre un édit qui réduisait la valeur des espè-
ces, et il déconcertait les coalitions par l'audace
de son alliance avec le gouvernement. Jamais, il
faut le dire, des expériences plus hardies ne fu-
rent faites avec une telle promptitude et sur une
telle échelle; jamais des théories plus aventureu-
ses n'eurent à leur service un pouvoir plus ab-
76 HISTOIRE
solu. Il ne restait plus qu'une dernière tentative,
la plus dangereuse, il est vrai , mais la plus sé-
duisante de toutes, le remboursement de la dette
publique. Celle là devait rencontrer moins qu'au-
cune autre des obstacles de la part du régent ;
mais elle eut le défaut d'être exécutée sans pré-
caution et d'une manière prématurée. Quinze
cents millions ne pouvaient pas être ainsi dépla-
cés légèrement dans un pays moins habitué aux
vastes opérations du crédit que l'Angleterre et la
Hollande. C'était aussi hasarder beaucoup que
de substituer les actions de la compagnie des
Indes aux titres des créanciers de l'État et de leur
faire troquer, comme on le disait dans le temps,
leurs certificats de rentes contre les brouillards
du Mississipi. Cependant, la mesure aurait réussi
sans la fureur avec laquelle le public se précipita
dans les spéculations dont elle devint le signal.
Les actions , à peine émises , montèrent au tri-
ple, au quintuple et même au décuple de leur capi-
tal nominal. On eût dit que les Français ne sau-
raient plus désormais où placer leur argent, tant
ils se pressaieilt pour obtenir à tout prix des ti-
tres du nouvel emprunt. La seconde émission vit
se réaliser à cinq mille livres, cent mille actions
de cinq cents francs. Ce fut une frénésie géné-
rale, encouragée d'ailleurs par la latitude accor-
dée aux souscripteurs de se libérer en dix ver-
DE l'Économie politique. 77
semens de mois en mois. Il suffisait de donner des
arrhes^ comme dit si ingénieusement M. Thiers %
pour s'assurer dix actions au lieu d'une. Les
créanciers de l'État ne furent pas les derniers à
se prêter à leur spoliation, et l'histoire du sys-
tème est toute pleine de brigandages qui ont ou-
vert dignement dans notre pays la carrière de
l'agiotage.
Nous ne pouvons exposer ici succinctement
que les résultats de cette grande révolution fi-
nancière, qui causa de grands maux , comme
toutes les révolutions, mais qui produisit aussi
de grands biens, des biens durables, en compen-
sation de maux passagers. La morale publique
en reçut principalement de rudes atteintes, trop
capables de détourner les honnêtes gens de la
voie longue et épineuse du travail. « Les varia-
tionsdela fortune étaient si rapides, dit M. Thiersf\
que des agioteurs, recevant des actions pour al-
ler les vendre, en les gardant un jour seulement,
avaient le temps de faire des profits énormes. On
en cite un qui, chargé d'aller vendre des actions,
resta deux jours sans paraître. On crut les ac-
tions volées; point du tout : il en rendit fidèle-
ment la valeur; mais il s'était donné le temps de
gagner un million pour lui. Cette faculté qu'a-
' Notice sur Lato, dans V Encyclopédie progressive^ page 80.
* Article Law^ déjà cité.
78 HISTOIRE
vaient les capitaux de produire si rapidement,
avait amené un trafic : on prêtait les fonds à l'heure,
et on exigeait un intérêt dont il n'y a pas d'exem-
ple; Les agioteurs trouvaient encore à payer l'in-
térêt exigé et à recueillir un profit pour eux-mê-
mes. On pouvait gagner jusqu'à un million par
jour. Il n'est donc pas étonnant que les valets
devinssent tout à coup aussi riches que des sei-
gneurs : on en cite un qui, rencontrant son maî-
tre par un mauvais temps , fit arrêter son car-
rosse et lui offrit d'y monter. » La folie en vint à
ce point, que les actions montèrent à trente ca-
pitaux pour un, et que l'agiotage absorba, comme
un gouffre, toutes les économies du riche et du
pauvre, en moins de quelques mois. Il n'y eut
bientôt plus assez de galons chez les marchands
pour dorer la nouvelle aristocratie qui sortit de
cette effervescence de bourse, et les six cent mille
actions de la compagnie des Indes en vinrent à
représenter plus de dix milliards imaginaires. Il
faut avoir été témoin de quelques engouemens
financiers du temps présent pour se faire uîfié
idée du délire de l'époque de Law, et de l'aveu-
glement profond où la fureur des spéculations
avait plongé les gens les plus raisonnables.
Cependant, le moment de la crise approchait,
sans que personne osât la prévoir, pas même Law
lui-même, qui semblait croire à la durée indéfi-
DE l'Économie politique. 79
DÎe de son système. Il n'y avait plus de garantie
possible pour un capital porté à plus de dix mil-
liards; et quand même le Mississipi eût été un
véritable Eldorado, quatre cents millions auraient
à peine suffi à assurer un intérêt de 4 ou 5 pour
iOO au chiffre idéal des actions. On fut bientôt
obligé d'imposer, par autorité, une foule de me-
sures qui auraient dû être le résultat de la con-
fiance, et, dès ce moment, la confiance fut ébran-
lée. Law crut devoir soutenir les billets ^ie sa
banque par des édits qui en défendaient la con-
version , à Paris , contre des matières d'or et
d'argent; puis il fit ordonner que les impôts se-
raient payés en billets; puis enfin, que les
créanciers auraient droit d'exiger aussi , en
billets, le paiement de leurs créances. Mais ces
vains expédiens ne firent que hâter l'explosion
de la catastrophe. Les plus prudens s'empres-
sèrent de réaliserj c'est-à-dire de convertir en
terres, en meubles, en maisons, le montant de
leurs actions ou de leurs billets, et l'on vit alors
un phénomène entièrement contraire à celui que
nous avons déjà signalé , les porteurs d'effets
courir après toutes les valeurs solides, tandis
qu'auparavant ils semblaient trop heureux de se
débarrasser de ces valeurs pour avoir des effets.
Les prix s'élevèrent presque subitement à un
taux inconnu jusqu'alors , et l'afiluence devint
80 HISTOIRE
de jour en jour plus considérable à la banque,
pour des remboursemens en espèces. On crut
pourvoir à ce danger en forçant le cours des bil-
lets , et en annonçant, pour maintenir la con*
fiance ébranlée, des dividendes qui ne pouvaient
être payés. Puis vinrent les mesures folles : la
défense de porter des pierreries et des diamans,
de peur qu'on n'en achetât en échange d'actions
ou de billets de banque ; la confiscation des vieil-
les espèces et les visites domiciliaires pour les
découvrir. La chute des actions n'en marchait
pas moins d'un pas rapide , au grand désespoir
des malheureux qui avaient échangé des biens
réels contre des richesses fictives , et au bruit
des saturnales de tous les nouveaux enrichis, qui
avaient consolidé leur fortune par des achats de
terres ou par des placemens à l'étranger. Le fa-
meux édit du 5 mars 1720 mit le comble à cet
échafaudage de mesures violentes qui a déversé
sur le système de Law le blâme un peu partial de
la postérité. Cet édit, assimilant, par des combi-
naisons astucieuses, les billets de la banque aux
actions de la compagnie des Indes, c'est-à-dire
des valeurs obtenues en échange de titres sérieux
à des valeurs éminemment fictives et éventuelles,
fut une véritable banqueroute, qu'aucun, histo-
rien n'a essayé de dissimuler. Nous aurions peine
à comprendre aujourd'hui à quels tristes expé-
DE l'Économie politique. 81
dîens Law se crut oblige de descendre, après ce
dernier coup. Les édits désespérés qu'il fit ren-
dre rappellent quelques-unes des mesures de la
lerreur de 1793*, y compris la délation contre
les détenteurs de l'or et de l'argent, et la pertur-
bation du système monétaire. La science n'a que
faire de ces aberrations d'uii homme de génie aux
abois, si ce n'est de regretter qu'il y ait été
amené, pour ainsi dire, malgré lui, par la néces-
sité où il se trouva de subordonner ses opérations
aux exigences de la cour et à la détresse des
finances.
Dutot, Fôrbonnais, Steuart et M. Thiers ' ont
parfaitement exposé les derniers momens du sys-
tème et les fausses combinaisons qui en détermi-
nèrent la chuté. Ce qui demeure certain aujour-
d'hui, c'est que la banque de Law aurait rendu
d'immenses services à la France, si le régent n'en
avait fait un instrument de perception, une ma-
chine financière docile, au lieu de lui laisser l'in-
dépendance d'une institution commerciale. Quand
* n était défendu de gar^ler plus de cinq cents francs en espè-
ces , sous peine d'une amende de dix mille francs. Aucun ou-
vrage d'or ne devait peser plus d'une once. On fixa le poids de
tous les articles d'orfèvrerie , celui des plats , des sucriers , des
flambeaux. Le ridicule ici le disputait à l'odieux.
* Réflexions politiques sur les finances et le commerce^ Re-
cherches sur les finances de France ; Recherche des principes de
^économie politique ; article Law , déjà cité.
DEUXliME ÉDITION. 6
82 HISTOIRE
011 pense que cette banque établie en vue d'activer
la circulation , en était venue au point d'interdire
celle de l'or et d'altérer la valeur des monnaies,
il est di(Bcile de concilier une telle fin avec le$
débuts prospères qui ne permettaient pas de la
prévoir, A dater du 21 mai 4721, on réduisit pro-
gressivement les actions dé la compagnie des In-
des et les billets de la banque royale : c'était dé-
créter la banqueroute, au lieu de l'attendre el de
la subir; c'était dire aux créanciers du gouverne-
ment qu'on les avait indignement trompés et
qu'on leur ouvrait audacieusement les yeux. Mais
le public ne recueillait , en vérité , que ce qu'il
avait semé. N'était-ce pas lui qui avait fait hausser
le taux des actions jusqu'à un chiffre exagéré, et
qui avait ainsi augmenté artificiellement leur
valeur, de manière à rendre impossible le paie-
ment des intérêts, dans la proportion nécessaire
à un capital aussi énorme I II est arrivé à la ban-
que de Law ce que nous avons vu en Amérique ,
lors de la dernière crise qui vient d'agiter ce pays*
La plupart des banques ont péri pour avoir
trop multiplié leurs émissions , c'est-à-dire pour
avoir trop spéculé sur la hausse des terres et sur
les progrès d'une civilisation qui ne peut jamais
marcher que du pas de l'homme. Sous quelque
point de vue qu'on envisage le système , on se
convaincra que, si Law fût demeuré fidèle aux^ vrais
DE L'ÉCONOMm POLITIQUE. 83
principesi du crédit qu'il avait si bien développés
dans ses ConsidércUwns sur le numéraire ' , il aurait
élevé la France, il y a cent ans, au premier rang
des puissances financières et peut-être prévenu
les catastrophes terribles dont la fin du dix-
huitième siècle a été agitée. Lui seul, depuis
Texistence des banques, a pu impunément mettre
dix fois autant de billets en circulation que sa
banque renfermait de capitaux en espèces, et mal-
gré l'imprudence de sa conduite au sujet de la
compagnie des Indes, il n'en conservera pas moins
l'honneur d'avoir créé en France les premières
valeurs industrielles.
Cette seule création était une pensée haute et
grandiose. Les plus petits capitaux trouvaient
désormais un placement / et les travailleurs jus-
qu'alors condamnés à l'incertitude du salaire,
étaient mifin admis aux privilèges de la propriété.
Les actions de la banque et de la compagnie des
Indes offraient aux hommes économes les avan-
tagés d^utie caisse d'épargne, avec les chances de
ptoût d'une grande association commerciale. La
conception de Law nous semble admirable sous
ce rapport. Le crédit public était substitué au cré-
* C'est dans cet écrit , traduit en français et réimprimé en
1790 , que Law a exposé avec une parfaite lucidité ses idées sut*
le crédit. Beaucoup d'éeonomistes y ont puisé d'utiles rensei-
gnemens , sans rendre à Tautenr la justice qui lui était due.
84 HISTOIRE
dît privé. L'intérêt de Fargent tombait au taux
le plus bas y et par là disparaissait la cause la
plus efficace de l'inégalité des conditions. Mal-
heureusement, le financier écossais partagea Ter-
reur commune à plusieurs de ses plus illustres
contemporains , en supposant qu'il suffisait de
multiplier la monnaie pour faire diminuer l'in-
térêt de l'argent; et il aggrava cette première er-
reur par Terreur plus grande encore et toute per-
sonnelle, de croire qu'on pouvait multiplier la
monnaie de papier ( les billets de banque ) , sans
avoir égard au capital chargé d'en répondre. L'é-
vénement favorisa son illusion plus long- temps
qu'il ne semblait possible, car nous avons vu que
les avantages du papier furent si bien compris en
France, que Law put hasarder, même au début
de ses opérations, ce que nulle banque d'escompte
n'oserait tenter aujourd'hui, une émission de bil-
lets dix fois plus considérable que le capital en
espèces. La confiance était générale ; lé tort de
Law fut d'en abuser. Le régent Y y entraîna peu
à peu , dans l'intention de rembourser la dette
nationale ; et il le' força « d'élever, suivant l'ex-
pression d'un contemporain ' sept étages sur des
fondemens qu'il n'avait posé que pour trois ». Les
véritables effets du système nous sont à peine bien
connus à présent. Les écrivains du temps en par-
* Dutot. .
DE l'économiiî politique. 85
lent tous avec cette affectation d'horreur qui
poursuit trop souvent les plus grandes renom-
mées, quand la main du malheur s'est appe-
santie sur elles. « En quittant cette partie, dit
M. Lenaontey ', les joueurs heureux eurent trop
d'intérêt à dissimuler leurs profits, et les malheu-
reux à exagérer leurs pertes. Les appréciateurs
de cette crise compliquée furent exposés à con-
fondre la violence du remède avec celle du mal,
et ce qui n'était que déplacé avec ce qui était détruit. ...
Cependant les provinces centrales, où la civilisa-
tion était la plus retardée, en éprouvèrent Un
ébranlement salutaire. Ces pays pauvres et indo-
leûs, où l'on avait vu le commerce et l'argent
presque ignorés , les fruits de la terre sans valeur,
et la perception des impôts aussi pénible qu'im-
productive , s'animèrent d'une vie nouvelle. Sous
le rapport de la richesse , du prix des denrées ,
de la somme des contributions, de la vie sociale
et de l'importance politique, la renaissance de ce
vaste territoire date du cataclysme de Law, et sa
civilisation progressive, depuis 1720, en est un
meilleur monument que les billets de la banque
qu'on y conserve dans quelques chaumières. i>
La principale cause de la chute du système, fut
donc la trop grande émission de billets de banque
et d'actions de la compagnie des Indes. Des capi-
• Jf ûtotre de to r^^f nce, tome' I, page 556.
86 HISTOIRE
taux fictifs étaient impuissans à fournir des inté*
rets réels : il n'en résulta que l'élévation exagérée
du prix de toutes choses et un déplacement gé-
néral des fortunes, d'autant plus dangereux qu'il
était plus rapide. Des catastrophes semblables ont
signalé depuis, les mêmes abus du crédit , dans
les deux mondes. Nos pères ont vu les assignâtes
multipliés outre mesure, tomber avec fracas mal-
gré la garantie des biens dits nationaux; l'Angle-
terre a éprouvé à son tour une grande crise mo-
nétaire , pour atoir dépassé dans les prêts de sa
banque à son gouvernement , la limite naturelle
des espèces. Au moment où j'écris, une crise plus
grave vient de bouleverser toute la circulation aux
États-Unis, et l'on se croit transporté à l'époque
de Law, quand on étudie les causes de cette per-
turbation , qui sont presque identiquement les
mêmes que celles de là chute du système. En
vain la Convention punit de mort le refus de la
monnaie de papier; en vain le parlement d'An-
gleterre autorise la faillite de la banque et les
États-Unis précrpitent-ils la banqueroute des leurs:
ces formidables attaques ne font que rafTero^ir les
bases fondamentales de la théorie du crédit. Le
crédit ne doit représenter que les valeurs solides,
et la solidité des valeurs ne peut être appréciée
que par la confiance, jamais décrétée par la force.
Si Law eût été libre dans ses opérations, il aurait
DE l'Économie i>olitique. 87
contenu ses émissions de billets et d'actions dans
les proportions indiquées par les besoins de la
circulation et par les revenus probables de la com-
pagnie des Indes. Ses premiers succès furent
éblouissans. Il s'imagina qu'il pourrait réduire la
France entière en petite monnaie et faire circuler
toutes.les terres sous forme de papier. Toutefois
l'effet qu'il obtint de cette tentative gigantesque
ne fut pas stérile. Les mutations innombrables
qui s'effectuèrent sous l'influence du système,
commencèrent le morcellement de la propriété,
dont la France a tiré de si grands avantages. L'es-
prit d'entreprise s'empara de toutes les classes de
la société, et la puissance de l'association, incon-
nue jusqu'alors, se révéla par des combinaisons
neuves et hardies dont nos opérations actuelles de
crédit ne sont que des imitations. Sans les pro-
digalités de la cour, la dette publique eût été
considérablement réduite par le rembom'sement
d'une partie des créanciers de l'État, et la baisse
de l'intérêt aurait bientôt permis de rembourser
les autres.
La propriété foncière sortit pour la première
fois de l'état de torpeur où l'avait si long-temps
maintenue le système féodal. Ce fut un véritable
réveil pour l'agriculture, et la terre s'éleva dès ce
moment au rang de puissance productive. Elle
venait de passer du régime de la main-morte à
88 HISTOIRE
celui de la circulation. Le$ nouveaux propriétaires
presque tous sortis des rangs des travailleurs, cul-
tivèrent la terre avec toute Tardeur de leurs ha-
bitudes et avec la facilité que leur en donnait l'a-
bondance des capitaux. Aussi, l'orage qui venait
de la bouleverser, semblait-il n'avoir fait que la
rafraîchir , et dès-lors commença pour elle une
ère nouvelle. Tout le monde s'y attacha comme à
la plus sûre des valeurs^ au point que, malgré les
mécomptes essuyés par les autres industries pen-
dant la débâcle du système, un système nouveau
succéda presque immédiatement à celui qui ve-
nait de s'éteindre, non sans jeter un vif éclat avant
de passer comme lui. On devine aisément qu'il
s'agit du système de Quesnay ou des économistes,.
■ ^t»'
DE l'Économie politique. 89
CHAPITRE XXXII.
Du système de Quesnay et de Técple Économiste. — Origine
de ses doctrines. — Services qu^elles ont rendus. — Des di-
verses nuances de Pécole Économiste. — Goumay. — Mer-
cier de La Rivière. — Turgot. — Admirable probité de ces
philosophes. — Détails sur Quesnay.
Le triste dénoûment du système de Law laissait
la France entière plongée dans une véritable stu-
peur. On ne savait plus désormais à quels prin-
cipes se fier, après avoir vu rapidement naître et
mourir tant de fortunes. Les uns déploraient la
ruine des manufactures si laborieusement fondées
par Colbert ; lès autres se reportaient à cent ans
en arrière et rappelaient les maximes patriar^^ales
de Sully : labourage et pâturage sont les mamelles de
l'Etat ; et il faut avouer que les circonstances
étaient devenues bien favorables au retour de ces
idées. De toutes les valeurs industrielles écloses
sous Tatmosphère embrasée du système^ il ne res-
tait plus rien que la ruine, la désolation et la ban-
queroute. La propriété foncière seule n'avait pas
péri dans cette tourmente. Elle s'était môme amé-
liorée en changeant de mains, et en se subdivisant
sur une vaste échelle, pour la première fois, peut-
90 HISTOIRE
être depuis la féodalité. L'importance qu'elle ac-
quérait ainsi tout-à-coup augmenta considérable-
ment sa valeur, et bientôt l'activité des esprits
désillusionnés de spéculations se porta vers la
culture du sol, pour lui demander réparation
des malheurs du système. On eût dit que chaque
homme avait besoin de se reposer à l'ombre de
sa vigne et de son figuier des secousses et deis
agitations de la bourse.
Jamais transition ne fut plus brusque. On y
procédait toutefois au travers d'un monceau de li-
vres. Il pleuvait des écrits sur la circulation^t^sur
le crédit, sur l'industrie, sur la population, sur
le luxe; chacun voulait expliquer la crise dont on
sortait, et croyait avoir trouvé, pour sa consola-
lion, le mot de cette énigme. On avait pensé pen-
dant quelque temps que l'argent était la richesse
par excellence et qu'en multipliant le papier qui
le représentait , on multipliait la richesse elle-
même. Mais le renchérissement de toutes choses
et la chute du papier avaient dessillé les yeux dés
plus aveugles, et comme c'est l'usage dans les
circonstances semblables, on avait passé de l'en-
gouement à l'aversion, du fanatisme à l'incrédu-
lité. Il n'y avait plus désormais de richesse véri-
table que la terre, et de revenus assurés que ceux
qui émanaient de son sein. C'est de cette réaction
qu'est sorti le système agricole, plus connu sous
DE l'Économie politique. 91
le nom des Economistes ou de Quesnay qui en fut
le principal fondateur. C'est aussi le premier sys-
tème qui ait fait école et qui se soit formule avec
une précision dogmatique assez rare dans les an-
nales de la science. Nous le résumerons avec sim-
plicité, dans les personnes et dans les choses. S'il
n'eût été qu'un exposé de doctrines purement
économiques, peut-être n'aurait-il pas obtenu à
un si haut degré l'attention des hommes d'État;
mais il se présenta tout d'abord comme l'instru-
m«it d'une réforme politique, qui devait faciliter
la perception des impôts et réparer les maux dont
la France était accablée. Il venait après les dé-
sastres de Lawetles essais un peu rudes de l'abbé
Terray * en matière de finances : on l'accueillit
avec faveur comme une nouveauté , en attendant
qu'il s'établît par droit de conquête.
Et vraiment , ses premiers manifestes apparu-
rent comme une révélation. Chaque peuple, à
son tour, avait préconisé la puissance de l'indus-
trie et la liberté du commerce; nul ne semblait
avoir songé à l'agriculture, si ce n'est sous le point
de vue exclusivement pastoral. Personne n'avak
eu l'idée que le gouvernement dût s'occuper de
• ' L*abbé Terray n'était pas aussi absurde et aussi impitoyable
que la plupart de ses contemporains Pont prétendu. « Il répondit
un jour à quelques chanteurs de TOpéra qui réclamaient leur
arriéré : Il est juste de payer ceux qui pleurent avant ceux qui
chantent. »
92 HISTOIRE
la culture des champs, et prendre quelques me-
sures d'adaiinistration relatives à ses tra'vaux.
Tout ce qu'on avait fait jusqu'alors en ce genre
consistait en de mauvais réglemens contre l'expor-
tation des grains, ou pour en empêcher l'impor-
tation , comme les lois céréales qui régnent en
Angleterre. Et cependant l'agriculture était tou-
jours considérée, par une espèce de tradition poé-
tique, comme la mère nourricière des peuples.
Vers Tan 1750, deux hommes d'une haute portée
d'esprit, M. de Gournay et Quesnay essayèrent
d'entreprendre l'analyse de cette puissance fé-
conde; au lieu de la chanter , ils l'expliquèrent.
Ils ravirent à la terre ses procédés mystérieux, et
s'ils n'en donnèrent pas la meilleure théoriç , ils
en préparèrent du moins les élémens pour la pos-
térité. >
Leur point de départ était admirablement choisi .
Us voulurent d'abord établir les vrais principes de
la- formation des richesses et de leur distribution
naturelle entre les différentes classes de la société.
Il leur sembla que ces richesses provenaient tou-
tes d'une source unique qui était la terre, puisque
c'était elle qui fournissait aux travailleurs leur
subsistance et les matières premières de toutes
leurs industries. Le travail appliqué à la culture
de la terre produisait non seulement de quoi s'a-
limenter lui-môme pendant toute la durée de Ton-
DE l'Économie politique. ' 93
vrage , mais eniîore un excédant de valeur qui
pouvait s'ajouter à la masse de richesses déjà
existantes : ils appelèrent cet excédant le produU
net. Le produit net devait nécessairement appar-
tenir au propriétaire de la terre et constituait en-
tre ses mains un revenu pleinement disponible.
Quel était donc le produit net des autres indus-^
tries? Ici commencent les erreurs de ces hommes
ingénieux, car à leurs yeux les autres industries
étaient improductives et ne pouvaient rien ajouter,
selon eux, ni à la masse des choses sur lesquelles
elles s'exerçaient, ni au revenu général de la so-
ciété. Manufacturiers, commerçans , ouvriers,
tous étaient les commis, les 5a/arti^;s de l'agricul-
ture, souveraine créatrice et dispensatrice de tous
les biens. Les produits du travail de ceux-là ne
représentaient , dans le système des économistes^
que l'équivalent de leurs consommations pendant
l'ouvrage, en sorte qu'après le travail achevé, la
somme totale des richesses se trouvait absolument
la même qu'auparavant, à moins- que les ouvriers
ou les maîtres n'eussent mis en réserve, ç'est-à-
dire^por^ce qu'ils avaient le droit de consom-
mer. Ainsi donc ^ le travail appliqué à la terre
était le seul productif de la richesse, et celui des
autres industries était considéré comme stMle^
parce qu'il n'en résultait aucune augmentation
du capital général.
94 HISTOIRE
En vertu de ce système, les économistes admi^
rent comme une nécessité tout à la fois sociale
et naturelle la prééminence des propriétaires fon-
ciers sur toutes les autres classes de citoyensv
Ils devaient recueillir la totalité des riches pro^
duits dont ils . distribuaient leur part , sous le
nom de salaire, aux non-propriétaires, et la cir-
culation des richesses n'avait lieu , dans la so-
ciété, que par réchange continuel du travail et
des services des uns contre la portion disponible
du revenu des autres. Que devenait , dans cette
hypothèse, car ce n'est plus qu'une hypothèse
aujourd'hui, la base de l'impôt? U était évident
qu'on ne pouvait pas établir de taxes sur des
gens réduits au salaire, à moins d'attaquer letir
existence dans sa source : au^si les économistes
déclarèrent-ils que l'impôt devait être exclusive-
ment supporté par les propriétaires de terres, et
prélevé sur leixt produit net. L'intérêt général de
tantes les classes était donc de multiplier les
produits agricoles, parce que les propriétaires y.
trouvaient un revenu plus considérable à distri-
buer à toute$ les professions salariées. La popu-
lation éftait encouragée et accrue par l'abondance
des subsistances, et ainsi se vérifiait la maxime
empruntée par la nouvelle école aux livres saints :
Qui operatur terram suam, satiabitur'.
' Prov. C. XIÏ , vers. 2.
DE l'Économie politique. 95
Nous n'avons pas besoin de dire en quoi les
éeanomisles se trompaient. Leur principale erreur
venait de ce qu'ils attribuaient à l'agriculture
seule la faculté de créer des produits suscep-
tibles d'aëcUmulation. Les belles analyses d'A-
dam Smith ont complété, depuis, le catalogue des
sources de la richesse, en démontrant que la va-
Jeur sociale réelle c'était la valeur échangeable,
et qu'il y avait profit pour la société toutes les fois
que, par le travail, on augmentait cette valeur.
Le blé serait d'une bien faible utilité si l'on n'en
faisait du pain, et le bois n'aurait pas une grande
valeur si le menuisier et l'ébéniste ne le trans*
formaient pas en meubles. L'expérience a prouvé
même que l'industrie el le commerce étaient bien
plus favorables que l'agriculture à l'accroisse-
ment de la valeur échangeable, soit par la divi-
sion du travail qui s'y adapte mieux, soit par le
perfectiotinement des machines. Gomment les
villes seraiejit-elle devenues le foyer de la richesse
et de la civilisation, si l'agriculture seule avait le
don de créer des valeurs? Et comment explique-
rait-on la fortune de Venfse et de Gènes, qui
n'avaient point de territoire? N'est-ce pas plutôt
qu'au moyen du commerce el des manufactures,
un pays peut importer annuellement chez Itii une
quantité de subsistances beaucoup plus grande
que ses propres terres ne pourraient lui en four-
96 HISTOIRE
nir ? La théorie des débouchés^ si bien développée
depuis les économistes, par J.-B. Say , a mis cette
vérité dans tout son jour et dignement achevé ce
qu'Adam Smith, notre maître à tous, avait si bien
commencé. Mais quelle lumière ont tersée sur
cette grave question les hypothèses hardies de
Técole économiste! Quelles immenses conséquen-
ces nous avons tirées de cette proposition si sim-
ple, que la richesse des nations ne consiste pas
dans les richesses non consommables, telles que
l'or et l'argent *, mais dans les biens consomma-
bles reproduits par le travail incessant de la so-
ciété. - ■ ■ ■
' Cette proposition est nettement exprimée dans le passage
«uivant de Mercier de La Rivière :
« Qu'on me permette de répéter ici que Pargent ne pleut
point dans nos mains , ne croit point dans nos champs en natu-
re. Pour avoir de l'argent il faut Tacheter, et après cet achat,
on n*est pas plus riche qu'on Pétait auparavant ; on n'a fait que
recevoir en argent, une valeur égale à celle qu^'on a donnée en
marchandises. Une nation agricole est très riche, nous dit-on ,
quand on lui voit beaucoup d'argent; on a raison sans doute de
le dire , mais on a tort de ne pas voir aussi qu'avant d^'àcquérir
cet argent , elle était également riche , puisqu'elle possédait les
valeurs avec lesquelles elle a payé cet argent.; elle ne peut même
jouir de cette richesse en argent sans la faire disparaître pour
toujours, à moins qu'elle ne l'entretienne par la reproduction
des valeurs dont la vente ou plutôt l'échange lui ont procuré une
richesse en argent ; cette richesse en argent n'est ainsi qu'une
richesse seconde et représentative d'une richesse première à la-
quelle elle est substituée. » {Ordre naturel et essentiel des socié-
tés politiques^ t. Il , p, 558.)
DE l'Économie politique. 97
Pour comble de bonheur, les économistes, pré-
occupés de l'état de subordination et d'infériorité
des classes non propriétaires, telles qu'elles leur
apparaissaient dans leur système , ne trouvèrent
rien de plus juste et de plus indispensable que de
réclamer pour elles la liberté absolue de l'indus-
trie et du commerce. Le bon marché des vivres et
l'abondance des produits bruts ne pouvaient leur
être assurés que par la concurrence illimitée des
vendeurs. Cette concurrence était le seul moyen
de stimuler les industries et de favoriser la cul-
ture de la terre par la levée de toutes les entra-
ves ; doctrine que la nouvelle école résumait dans
ces paroles mémorables , si mal interprétées de-
puis : Laissez faire, laissez passer. C'est à partir de
ce moment que sont tombés la plupart des bar-
rières qui arrêtaient le développement de l'agri-
culture, et que la guerre générale a commencé
contre les corporations et les douanes, ces deux
forteresses du privilège , qui les recèlent tous
dans leurs flancs! L'école économiste a rendu en-
core beaucoup d'autres services aussi importans,
en analysant les principaux phénomènes de la
distribution des richesses. C'est principalement
à cette occasion que le docteur Quesnay, méde-
cin de Louis XV et chef de cette^école, publia son
fameux Tableau économique , si lourdement com-
menté dans VÀmi des Hommes du marquis de Mi-
MUKlillB ÉDITION. 7
96 HISTOIRE
rabeau et reproduit dans la Physioeratie de Dupont
de Nemours.
Ce Tableau économique^ dont les premières épreu-
ves furent imprimées à Versailles , de la main
même du roi, avec cette épigraphe : Pawortê
paysans y pauvre royaum/e ; pauvre royaume^ pauvre
roij présente une série de formules hérissées de
chiffres, dans lesquels l'auteur indiquait la dis^
tribution du revenu territorial telle qu'elle lui
semblait résulter de l'opinion qu'il s'était faite
des lois générales de la production. C'est , de
tout le système , la partie qui a fait le plus de
bruit, et qui est aujourd'hui la plus oubliée,
parce qu'elle repose sur des bases reconnues
erronées. Rien ne saurait peindre l'enthousiasme
que sa publication excita parmi les adeptes de la
secte. Dupont de Nemours l'appelait « cette for-
mule étonnante qui peint la naissance, la distri-
bution et la reproduction des richesses et qui
sert à calculer avec tant de sûreté , de prompti-
tude et de précision, l'effet de toutes les opéra-
tions relatives aux richesses. » Mirabeau ajou-
tait : « Il y a trois inventions merveilleuses dans
le monde, l'ecràtire, la monnaie et le Tableau écanth
miique. » Ce tableau était commenté, amplifié^
et développé par tous les adeptes , avec la même
assurance que les théorèmes de la ' géométrie
dans nos collèges. On l'apprenait par cœur comme
DE l'Économie politique. 99
une espèce de catéchisme , où chaque classe de
citoyens devait étudier les devoirs qu'elle avait à
remplir dans la hiérarchie sociale. Mais, à présent
que nous n'admettons plujs ces professions stéri-^
les dont parlait l'auteur, leur classification plus
ou moins ingénieuse n'offre plus aucun intérêt
pour la science.
La pensée dominante de l'école économiste se
révèle davantage dans l'opuscule de Quesnay, re-
produit sous le titre de Maximes générales du gou^
vemement économique d'un royaume agricole. On y
découvre plus nettement les vues politiques de
cette école, qu'on a accusée avec quelque raison
d'une tendance systématique pour le gouverne-
ment absolu. Nous citerons quelques-unes de ces
maximes, isolées, comme elles le sont dans l'ou-
vrage original, sous forme d'aphorismes :
Que l^autorité souveraine soit unique, et supérieure à tous les
individus de la société et à toutes les entreprises injustes des in-
téréts particuliers; car Tobjet de la domination et de Tobéissance
est la sûreté de tous et l'intérêt licite de tous. Le système des
eontreforces dans un gouvernement est une opinion funeste, qui
ne laisse apercevoir que la discorde entre les grands et l'acca-
blement des petits.
Que le souverain et la Nation ne perdent jamais de vue , que
la terre est Tunique source des richesses, et que c'est Tagricol-
tvve qui les multiplie. Car l'augmentation des richesses assure
celle de la population; les hommes et les richesses font prospé-
rer Tagriculture , étendent le commerce , animent Tindustrie^
accroissent et perpétuent les richesses.
100 HISTOIRE
Que l'impôt ne soit pas destructif , ou disproportionné à U
masse du revenu de la Nation, que son augmentation suive
l'augmentation du revenu, qu'il soit établi immédiatement sur
le produit net des biens-fonds et non sur le salaire des hommes^
ni sur les denrées , où il multiplierait les frais de perception»
préjudicierait au commerce, et détruirait annuellement une par-
tie des richesses de la Nation. Qu'il ne se prenne pas non plus
sur les richesses des fermiers des biens-fonds , car les avances
de l'agriculture d'un royaume doivent être envisagées comme un
immeuble, qu'il faut conserver précieusement pour la produc-
tion de l'impôt , du revenu , et de la subsistance de toutes les
classes de citoyens : autrement l'impôt dégénère en spoliation,
et cause un dépérissement qui ruine promptement un État.
Que les terres employées à la culture des grains soient réa^
nies, autant qu'il est possible, en grandes fermes exploitées par
de riches laboureurs; car il y a moins de dépense pour l'entre-
tien et la réparation des bâtimens , et à proportion beaucoup
moins de frais et beaucoup plus de produit net dans les grandes
entreprises d^agriculture , que dans les petites. La multiplicité
des petits fermiers est préjudiciable à la population. La popula-
tion la plus assurée, la plus disponible pour les différens travaux
qui partagent les hommes en différentes classes , est celle qui
est entretenue par le produit net. Toute épargne faite à son
profit dans les travaux qui peuvent s'exécuter par le moyen de»
animaiix, des machines, des rivières , etc., revient à l'avantage
de la population et de l'État , parce que plus de produit net
procure plus de gain aux hommes pour d'autres services ou
d'autres travaux.
Que l'on facilite les débouchés et les transports des produc-
tions et des marchandises de main-d'œuvre , par la réparation
des chemins, et par la navigation des cananx, des rivières et de
la mer; car plus on épargne sur les frais du commerce , plus ob
accroît le revenu du territoire.
Qu'on ne diminue pas l'aisance des dernières classes de ci*
toyens , car elles ne pourraient pas assez contribuer à la co»-
DE l'Économie politique. toi
sommation des dem'ées qui ne peuvent être consommées que
dans le pays, ce qui serait diminuer la reproduction et le revenu
de la Nation.
Que les propriétaires , et ceux qui exercent des professions
lucratives, ne se livrent pas à des épargnes stériles , qui retran-
cheraient de la circulation et de la distribution une portion de
leurs revenus ou de leurs gains. ^
Qu^on ne soit pas trompé par un avantage apparent du com-
merce réciproque avec Fétranger, en jugeant simplement par la
balance des sommes en argent , sans examiner le plus ou le
moins de profit qui résulte des marchandises mêmes qpe Ton a
vendues, et de celles que Ton a achetées. Car souvent la perte
est pour la Nation qui reçoit un surplus en argent , et cette
perte se trouve au préjudice de la distribution et de la repro-
duction dés revenus.
Qu'on maintienne l'entière liberté du commerce, car la police
du commerce intérieur et extérieur la plus sûre , la plus exacte,
la plus profitable à la Nation et à TÉtat , consiste dans la pleine
liberté de la concurrence.
Que le gouvernement soit moins occupé du soin d'épargner,
que des opérations nécessaires pour la prospérité du royaume,
car de très grandes dépenses peuvent cesser d'être excessives
parPaugmentation des richesses. Mais il ne faut pas confondre
les abus avec les simples dépenses , car les abus pourraient en^
gloutir toutes les richesses de la nation et du souverain.
Qu'on n'espère de ressources pour les besoins extraordinaires
d'un État, que de la prospérité de la Nation et non du crédit de^
financiers; car les fortunes pécuniaires sont des richesses clan-
destines qui ne Connaissent ni Roi ni Patrie.
Que rÉtat évite des emprunts qui forment des rentes finan-
cières, qui le chargent de dettes dévorantes , et qui occasion-
nent un commerce ou trafic de finances , par IVntremise des
102 HISTOIRE
papiers commerçables, où Tescompte augipente de plus en plus
les fortunes pécuniaires stériles. Ces fortunes séparent la finance
de Tagriculture , et privent les campagnes des richesses néces-
saires pour Tamélioration des biens-fonds et pour ^exploitation
de la culture des terres.
Les maximes qu'on vient de lire appartiennent
surtout, comme on a pu le voir, à Tordre poli-
tique. L'auteur n'y semble préoccupé que du
paiement des impôts , de la population, des em-
prunts, des dépenses publiques. C'est qu'en ef-
fet les économistes envisageaient la science d'un
autre œil que nous-mêmes, et presque exclusi-
vement dans ses rapports avec l'administration
et le gouvernement. Leur but était de fonder la
théorie sociale et d'assujétir toutes les intelligen-
ces au joug d'une autorité tutélaire, assez voisine
du despotisme. Ils voulaient d'abord asseoir sur
des bases immuables la propriété foncière qui
leur semblait la première de toutes; mais ils ne
respectaient pas moins la propriété personnelU, et
ils n'admettaient pas de devoirs sans droits, ni
de services sans compensation. L'intérêt du sou-
verain était naturellement, selon eux, le même
que celui du peuple; un roi n'était qu'un père
de famille. Ils se plaisaient à peindre Louis XY
animant Tagriculture de sa présence et répan-
dant sur son passage l'abondance et la paix.
Mercier de La Rivière se hasardait jusqu'à écrire :
DE l'Économie politique. 103
« 11 est physiquement impossible qu'il puisse
subsister un autre gouvernement que celui d'un
seul. Qui e9t-ce qui ne voit pas, qui est-ce qui
ne sent pas que l'homme est formé pour être
gouverné par une autorité despotique? Par cela
seul que l'homme est destiné à vivre en société ,
il est destiné à vivre sous le despotisme. — Cette
forme de gouvernement est la seule qui puisse
procurer à la société son meilleur état possible '. »
L'abbé BaudeaUy l'un des interprètes les plus
habiles de la nouvelle école, partageait les opi^
nions 'de Mercier de La Rivière. Il avait pensé,
comme lui, qu'il était plus aisé de persuader un
prince qu'une nation, et que le triomphe des vrm
frinàpes serait plutôt assuré par la puissance sou^
veraine d'un seul homme, que par la conviction,
difficile à obtenir, de tout un peuple. Le hasard
voulut qu'ils rencontrassent parmi leurs conteni*
porains plus d'un de ces princes réformateurs :
l'impératrice Catherine , en Russie, l'empereur
Joseph II, en Autriche, le grand^duc de Toscane,
le grand*duc de Bade. Il se formait insensible-
ment en France une pépinière d'hommes d'état
imbus de leurs maximes, M. de Gournay, M. de
Trudaine, M. de Malesherbes, M. d'Argenson, et
l'illustre Turgot, qui résumait leurs vertus et
' Ordre naturel et essentiel etc., tomel, pages 199, 2S0,
2Si.
104 HISTOIRE
leurs talens. Tous ces hommes de bien n'adop-
taient pas sans réserve les doctrines patriarcales
de Mercier de La Rivière ; mais ils feisaient pé-
nétrer peu à peu dans le gouvernement les maxi-
mes de tolérance de Técole économiste^ et ils pré«
ludaient par de brillans essais dans quelques
provinces, soit comme intendans, soit comme
ministres, aux réformes exécutées par la révolu-
tion française. Les abus des corporations, des
douanes, des corvées, des mesures fiscales, étaient
signalés par eux avec une persévérance infatiga-
ble; et dans leur ardeur de conquêtes scientifi-
ques, ils soulevaient en passant les plus hautes
questions sociales. Leurs erreurs mêmes étaient
utiles, et leurs pressentimens les plus vagues
semblent toujours avoir quelque chose de pro-
phétique. « Modérez votre enthousiasme, s'écriait
Mercier de La Rivière, aveugles admirateurs des
faux produits de l'industrie ! Avant de crier ^ mi-
racle, ouvrez les yeux et voyez combien sont
pauvres, du moins malaisés, ces mêmes ouvriers
qui ont l'art de changer vingt sous en une valeur
de mille écus ; au profit de qui passe donc cette
multiplication énorme de valeurs ! Quoi! ceux par
les mains desquels elle s* opère , ne connaissent pas l'ai-
sance 1 Ah! défiez-vous de ce contraste!* » Mercier
n'attribuait sans doute les misères de l'industrie
' Ordre naturel et essentiel, tome II , page 407.
DE l'Économie politique. 105
qu'à la détresse de Tagriculture et à l'insuffisance
du produit net; mais quoiqu'il se trompât sur les
causes, il signalait très bien les effets ; et le con-
traite dont il recommandait de se défier, renfer-
mait le problème que l'époque actuelle n'est pas
encore parvenue à résoudre.
Adam Smith n'a rien écrit déplus net et de
plus vigoureux que les belles démonstrations des
économistes en faveur de la liberté du commerce.
Ces idées de fraternité générale parmi les na-
tions, si populaires de nos jours , étaient déve-
loppées par Mercier dé La Rivière, avec une verve
entraînante et une force de raison à laquelle \)n
ne saurait désormais rien ajouter. Il y a même
lieu de penser que cet écrivain remarquable au-
rait puissainment aidé les gouvernemens à trou-
ver la meilleure base d'assiette des impôts, s'il
n'avait été dominé par la doctrine du produit net
et des classes réputées stériles. L'impôt, disait-il,
est une portion du revenu net de la nation, ap-
pliqué aux besoins de son gouvernemjent. Or, ce
qui n'est qu'une portion du produit net, ne peut
être pris que sur le produit net; on ne peut
donc demander l'impôt qu'à ceux qui se trou-
vent possesseurs de la totalité des produits nets
dont l'impôt fait partie. En conséquence, les
économistes considéraient comme arbitraire et in-
juste tout impôt personnel, et ils enveloppaient
1€6 HISTOIRE
dans une réprobation commune toutes les taxes
indirectes. Qu'auraient-iis dit s'ils avaient \u, de
nos jours, c^s taxes produire en Angleterre près
d'c^n milliard, et en France plus de cinq cents
millions ?
Cette erreur fondamentale, qui devint pluà tard
|â base des doctrines financières de l'Assemblée
constituante, malgré les efforts de Rœderer et de
quelques-uns de ses collègues , était le résultat
d'une fausse appréciation des principes de la ri-
chesse. La théorie de la valeur créée, depuis, par
Adam Smith, aurait appris aux économistes que le
travail est aussi bien que la terre une source de
richesses, et qu'ils, avaient eu tort de ne pas as-
similer la multiplication matérielle résultant d'un
grain de blé confié à la terre, à la multiplication
des valeurs produites par les procédés de l'indus-
trie et du commerce. Cette malheureuse doctrine
du produit net leur ferma les yeux sur une infi-
nité de vérités qu'ils auraient déduites de l'ob-
servation des faits, s'ils avaient suivi la méthode
sévère des écrivains qui leur ont succédé. Mais
dans leur fausse route, ils n'en firent pas moins
des découvertes admirables, comme ces alchi-
mistes qui ont trouvé tant de substances utiles,
en cherchant la pierre philosophale. Nous leur
devons même les travaux des hommes qui les ont
surpassj^s, et personne ne doute aujourd'hui
DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. 107
qu'Adam Siuith lui-même , qui résiida quelque
temps en France, et qui vécut dans T intimité des
écanomùtes^ ne leur ait emprunté ses premières
connaissances. Il ne parle d'eux qu'avec respect
dans ses écrits, et il se proposait de dédier son
grand ouvrage sur la Richesse des Nations à Ques-
nay, si cet économiste eût vécu au moment où il
en fit la publication.
On a souvent accusé les économistes d'une ten-
dance révolutionnaire en voyant l'intimité qui
régnait entre ces savans et les philosophes ency-
clopédistes. Il ne faut pas oublier, cependant,
que Voltaire avait cruellement raillé leurs doc-
trines sur l'impôt, dans son Homme aux quarante
écuSf et que Montesquieu avait répondu à leurs
manifestes en faveur de la liberté du commerce
par un chapitre intitulé : A quelles nations il est dé-
savantageux de faire le commerce. Ce qui est certain,
c'est que l'école économiste n'a pas moins con-
tribué que l'école philosophique à la réforme de
l'ordre social européen. Tandis que les philoso^
phes attaquaient avec vivacité les abus de tout
genre, sans regarder au choix des armes, les éco-
nomistes se contentaient d'en faire ressortir avec
un calme tout-à-fait magistral les inconvéniens
essentiels. Ils gardaient une réserve digne et aus-
tère au milieu du feu roulant des épigrammes
ou des philippiques dont l'encyclopédie pour-
suivait le passé, et ils vivaient tout à la fois en
108 HISTOIRE
bonne harmonie avec la cour sans être courtisans,
et avec les philosophes sans être frondeurs. Leur
gravité impartiale les faisait respecter de tous les
partis, et Louis XV lui-même appelait Quesnay
son penseur ' . Il demeurait à Versailles dans le
palais du roi, qui était ainsi devenu le rendez*
vous des réformateurs les plus hardis. « Tandis
que les orages se formaient et se dissipaient au-
dessous de l'entresol de Quesnay, dit Marmontel
dans ses mémoires, il griffonnait ses axiomes et
ses calculs d'économie rustique, aussi tranquille,
aussi indifférent à ces mouvemens de la cour, que
s'il en eût été à cent lieues de distance. » Il ne
se mêla jamais à aucune intrigue, et il mourut à
l'âge de quatre-vingts ans, laissant un nom vé-
néré dans toute l'Europe, qui ne comprepait pas
la portée de ses doctrines. Quesnay écrivait peu
et d'une manière presque toujours sententjieuse
et obscure. Il jetait ses idées à ses sectateurs en
manière d'oracle, sans paraître y attacher d'im-
portance et comme pour leur donner à penser.
Mais ses formules étaient avidement recueillies et
développées par la nombreuse pléiade attachée k
ses pas. C'est de leur sein qu'est parti le signal
de toutes les réformes sociales exécutées ou ten-
tées en Europe depuis quatre-vingts ans, et l'on
pourrait dire qu'à quelques maximes près, larévo-
* 11 lui avait donné pour armes , trois fleurs de pem^e^avec
cette devise : Prapter excogilalionem meniii.
DE l'Économie politique. - 109
lution française n'a été queleur théorie en action.
Ils se présentent, en effet, avec les avantages
d'une phalange compacte et serrée sous les mê-
mes drapeaux. Ils ont un cri de ralliement com-
mun, une doctrine commune, et ce langage dog-
matique qui exerce toujours sur le vulgaire son
influence accoutumée. Leurs principes sont par-
tout proclamés dans les mêmes termes, avec la
même précision mathémathique , et Quesnay ne
dédaigne pas de recourir à des combinaisons
spécieuses de chiffres, pour justifier ses apho-
rismes. Trois pages suffisent pour résumer la
science nouvelle, comme ils rappellent, et cepen-
dant Mirabeau le père la délaye en deux énormes
volumes in-quarto. .L'essentiel est qu'elle pénètre
partout. Elle est, selon eux, aussi indispensable
au roi qu'au plus modeste citoyen. On la répand
sous forme de tableaux, d'instructions, de dialo-
gues, de traités, de lettres, d'articles de journaux.
Les Ephémérides du citoyen, lé Journal d'agriculture,
le Journal économique, la propagent sans craindre la
censure, tantles économistes sont connus pour amis
de l'ordre , au point de lui sacrifier la liberté. La
condition du paysan jusque-là si modeste et si
injustement humiliée, s'élève au premier rang
des professions les plus honorables. On réclame
de toutes parts des communications , et dès lors
commence cette fièvre de routes et de canaux qui
se rallume si heureusement de nos jours. Les
110 - HISTOIRE
grands chemins se multiplient comme par en-*
chatitement. Sur plusieurs points la corvée est
abolie; la vaine pâture est repoussée; la liberté
du commerce des grains est réclamée. Les cam-^
pagnes ont enfin obtenu un regard de leurs villes,
et l'agriculture sort de l'état affreux où elle lan-
guissait depuis plusieurs siècles.
Les économistes n'étaient, néanmoins, pas tous
parfaitement d'accord sur le système deQuesnay.
Ils s'entendaient sur les doctrines; ils différaient
d'avis quant aux applications. M. de Gournay,
fils de négociant et négociant lui-même, fut le
véritable auteur du fameux adage : Laissez faire et
laissez passer; c'est lui qui commença la guerre
contre les monopoles et qui démontra avant tout
la nécessité d'abolir les droits sur les matières
premières. Quesnay, fils de cultivateur, avait
tourné plus particulièrement ses regards du côté
de l'agriculture, et c'est ainsi qu'il fut conduit à
ses hypothèses ingénieuses sur l'influence de la
production agricole , avec tout leur cortège de
déductions, soit en ce qui touche 4'impôt, soit
par rapport au travail. M. de Malesherbes, l'abbé
Morellet, Trudaine, le docteur Price, M. Josiah
Tucker, appartenaient à la nuance de Gournay;
Le Trosne,* Saint- Fera vy, Mirabeau le père, Du-
pont de Nemours, suivaient de préférence les
idées absolues de Quesnay. Mercier d^ La Rivière
et l'abbé Bandeau, plus politiques et moins
DE l'Économie politique. 114
abstraits, penchaient vers la domination du pou-
voir et voulaient l'investir presque exclusivement
de la direction du mouvement social. Turgot mar-
chait à part, issu d'eux tous et destiné à réaliser
leurs idées par des explications promptes et dé-
cisives. Il était éclectique et pratique, comme un
philosophe et un homme d'état. Mais ce qui dis-
tinguait par dessus tout cette généreuse famille
d'amis du genre humain, c'était la probité admi-
rable de chacun de ses membres et leur désinté-
ressement sincère en toute chose. Ils ne recher-
chaient point l'éclat et le bruit. Ils n'attaquaient
aucun des pouvoirs établis , et ils n'aspiraient
point à devenir populaires, quoiqu'ils fussent
animés d'une profonde sympathie pour le peu-
ple '. C'étaient de véritables philantrhopes, dans
la plus noble acception de ce mot. Leurs livres
sont oubliés; mais leurs doctrines ont germé
comme une semence féconde, et les préceptes
qu'ils enseignaient ont fait le tour du monde, af-
franchi l'industrie, restauré l'agriculture et pré-
paré la liberté du commerce. Après Quesnay vint
Turgot; après Turgot, Adam Smith: la science
désormais marche à pas de géant.
' lis ont mérité qu'on leur appliquât ces trois vers :
Secla fuil servare modum , finemque lueri
Naturam que sequi , vilam que impendere verOy
Nec nbi $ed toio genitos $e eredere mundo.
112 HISTOIRE
CHAPITRE XXXIIL
Du minisfère de Turgot. -^ Réforme qu'il entreprend dans Tor-
dre économique. — Résistances quUl rencontre. — Influence
qu'il a exercée sur la marche de l'économie politique.
Le ministère de Turgot ne fut que la doctrine
des économistes en action. C'était la première fois
que la science avait le bonheur de rencontrer un
ministre disposé à réaliser toutes ses conceptions
et à tenter sur le vif toutes ses expériences. Tur-
got s'y dévoua avec le zèle d'un néophyte et la
persévérance consciencieuse d'un magistrat. Le
plus illustre de ses prédécesseurs, Colbert, avait
osé beaucoup moins , même avec l'appui d'uiie
volonté comme celle de Louis XIY : ce sera donc
un spectacle intéressant de voir Turgot aux plai-
ses avec tous les préjugés économiques des vieux
âges, qu'il voulut déraciner d'un seul coup. Les
conséquences de cette tentative héroïque méri-
tent d'être méditées avec un soin égal par les
peuples et par les gouvernemens, car il n'a fallu
rien moins qu'une révolution pour en assurer le
succès.
Turgot était l'élève des écanomisteê et le partisan
DE l'Économie politique. ii3
de leurs doctrines, principalement en tout ce qui
concernait la liberté du commerce des grains et
l'impôt territorial. Ses ouvrages renferment une
foule d'articles dans lesquels il se montre le dé^
fenseur des, maximes fondaqsentales du système
de Quesnay. Il ne Tétait pas pourtant sans con-
ditions, et son expérience administrative lui avait
fait sentir plus d'une fois combien il fallait ap-
porter de ménagemens , même dans l'exécution
des améliorations les plus indispensables. Mais
les résistances acharnées qu'il rencontra irritè-
rent sa probité et ne lui permirent pas toujours
de garder la mesure convenable , au milieu du
conflit des opinions. Il avait été frappé de bonne
heure de l'état déplorable du peuple des campa-
gnes, accablé sous le poids des dîmes, des cor-
vées, des exactions de toute espèce. Dans les vil-^
les, la misère des classes ouvrières n'avait pas
moins navré son âme, et le régime des corpora-
tions, ce régime si contraire au respect de la
propriété personnelle, avait excité au plus haut de-
gré son improbation. Aussi, à peine arrivé au
pouvoir, il se mit à l'œuvre avec la précipitation
d'un homme qui craint de ne pas durer et qui
veut, du moins , faire tout le bien possible en
passant. Lesédits de réforme se succèdent coup
sur coup, longuement motivés, trop longuement
peut-être pour ne pas paraître timides, et plus
DEUXIEME lÎDlTION. 8
114 HISTOIRE
semblables à des dissertations scientifiques qu'à
des publications de Tautorité.
Mais aussi, que de résistances à vaincre , que
de préjugés à réfuter et de coalitions^ à dissou-
dre ! Turgot frappait sur tout : nobles, financiers,
bourgeois, prêtres, gens de loi, monopoleurs, il
voulait tout plier au joug de ses réformes, et il
semblait ne désespérer de rien. « f ose répondra j
disait-il au roi, que dam dix ans la nation ne sera
pas reœnmmable '. » Conformément aux habitu-
des des économistes , il tourna tout d'abord ses
regards vers le& campagnes, et il crut devoir atta-
quer l'absurde législation qui défendait l'expor-
tation des grains, persuadé que le meilleur moyen
de prévenir les disettes était la libre circulation
des récoltes. Ce fut pourtant de ce côté que lui
vinrent les résistances les plus vives et les diffi-
cultés les plus inextricables. Le hasard voulut que
l'émancipation du commerce des grains coïnci-
dât avec une année de disette^ et^le peuple, accbu-^
tumé à veiller sur ses approvisionnemens comme
sur un dépôt sacré, s'irrita sur plusieurs points
contré les exportations qui semblaient le mena-
cer de la famine. Ces exportations n'étaient en
quelque sorte qn'intérieuresy puisqu'elles n'avaient
lieu que de province à province, et elles ne pou-
* Mémoire au roi, dans la collection de Di^nt de Nemours,
t.VU.
DK l'Économie politique. 115
vaienl priver la France de la possession de ses
blés; bien plus^ Turgot avait favorisé des impor-
tations de grains envoyés de l'étranger ; mais que
pouvaient ces argumens contre la peur et contre
la calomnie ! Et que restait-il à attendre de la
multitude, quand des écrivains comme Tabbé
Galiani et M. Necker lui-même descendaient dans
Tarène pour soutenir les plus sots préjugés?
Turgol, désespéré, prit le parti de la violence, et
il fit marcher des troupes contre les bandés
ameutées qui couvraient les campagnes, arrêtant
les arrivages et procédant au pillage des grains.
Tel fut le résultat de la première tentative de
réforme de ce ministre honnête homme, dont
Louis XYI disait : « Il n'y a que M. Turgot et moi
qui aimions le peuple. » Il voulait mettre le pain
à la pprtée de toutes les bouches, et il était honni
comme un ennemi public. On le représentait
comme le protecteur des accapareurs et le com-
plice des grands propriétaires. On citait quelques
malenconireux passages' des écrivains économisa
tes, qui avaient soutenu la nécessité d'un prix
élevé pour le blé, afin d'augmenl^er le produit net
. . • ' «
' Quesnay ayait dit : a Qu'oa ne <)roie pas que le bon marché
des denrées est profitaMe au menu peuple ; disette et cherté est
linëre , abondance et cherté est opulence, o (Maximes généra-
U$ du §(mf)ememeiU économique, XIX, XX).
Mais comment concilier la cherté et l'abcmdattce?
116 HISTOIRE
de Tagriculture, et Turgot était accusé d -affamer
le peuple pour faire réussir une absurde utopie.
Il ne pouvait triompher qu'à force de lits de jus-
tice de l'opposition du parlement. A Rouen , le
commerce des blés était entre les mains d'une
communauté de cent douze marchands. Eux seuls
pouvaient acheter et vendre des grains dans cette
ville. Une confrérie de quatre-vingt-dix portefaix
jouissait sous leurs ordres du droit exclusif de
transporter les sacs ; une autre association avait
le privilège de moudre pour la consommation
des habitans. Tout était monopole, abus et ty-*
rannie. C'est là que Turgot voulait porter la
hache; mais chaque coup qu'il essayait de frap-
per retombait sur lui-même. En lisant les longs
préambules de tous les édits, qu'il fit: rendre, on
ne sait de quoi s'étonner le plus ou de la patience
des hommes qui supportèrent les exactions qui
y sont signalées, ou dé la folie de ceux qui vou-
laient empêcher ce grand ministre d'y mettre un
terme. Il rencontra les mêmes résistances, lors-
que, après avoir affranchi le commerce des blés,
il tenta de réprimer les abus qui entravaient ce-
lui des vins. Accoutumés comme nous le som-
mes, depuis l'Assemblée constituante, à l'égalité
des citoyens et des départemem devant la loi, nous
avons peine à comprendre aujourd'hui les cris de
fureur qui accueillirent, surtout dans le Midi, la
DE l'Économie politique. 117
réforme des privilèges de localité, si nombreux
en matière de vins. Que dirons-nous donc de la
lutte qui s'ouvrit, au sujet de la suppression des
corvées, entre le garde-des-sceaux Miromesnil et
Turgot?
11 faut voir dans la collection des œuvres de ce
dernier avec quelle verve de style et de raison il
faisait ressortir la rigueur d'un système qui im-
posait à la classe la plus malheureuse et la plus
pauvre le fardeau de la construction et de l'en-
tretien des routes*. Et combien n'avait-il pas
déjà dû combattre pour obtenir ces routes elles-
mêmes ? Nous ignorons trop en France que c'est
^u système éeanomiste, au système agricole, que
nou» devons l'idée des premières grandes com-
munications dont le pays ait été doté ', et à Tur-
got leur exécution. Quand H fut question d'en
répartir les charges entre les diverses classes de
citoyens, Turgot, fidèle à sa devise , prit la dé-
fense des plus pauvres ; M. de Miromesnil s'at-
tendrit sur le sort des plus riches. Voici un
' Tome VIII de Tédition de Dupont de Nemouis, pages 178-
262.
' a Que l'on facilite les débouchés et les transports des pro-
ductions et des marchandises de main d'œuvre , par la répara-
tion des chemins^ et par la navigation des canaux, des rivières
et de la mer ; car plus on épargne sur les frais du commerce ,
plus on accroU le revenu du territoire. »
(M^iximes générales du gouvernement économique , XVU.)
118 HISTOIRE ^
échantillon de leur dialogue, écrit par le premier
sous forme (ï observations j par le second , sous le
titre de réponses. Nous regrettons de n'en citer
que ce fragment; mais ce fragment appartient à
l'histoire de la science.
I^ garde-des-sceaux. « Les propriétaires qui pa-
raissent au premier coup-d'œil former la portion
des sujets du roi la plus heureuse et la plus opu-^
lente, sont aussi celle qui supporte les plus for-
tes charges, et qui par la nécessité où elle est
d'employer les hommes qui n'ont que leurs bras
pour subsister, leur en fournit les moyens. ]»
Twrgot. « De ce que le propriétaire ressent le
coup de la ruine de son fermier, il ne s'ensuit pas
que ce fermier ne soit encore plus malheureux
que son maître lui-même. Quand un cheval de
poste tombe excédé de fatigue, le cavaliar tombe
aussi, mais le cheval est encore plus à plaindre»
Les propriétaires font vivre par leur dépense les
hommes qui n'ont que leurs bras, mais les pro-
priétaires jouissent pour leur argent de toutes les
commodités de la vie. Le journalier travaille et
achète à force de sueurs la plus étroite subsis-
tance. Mais quand on le force de travailler pour
rien, on lui ôte même la ressource de subsister de
son travail par la dépense du riche. »
Le garde^eS'Sceaux. « Les propriétaires ne pro-
filent pds seuls de ravanlage des grandes routes
DB l'Économie politique. 119
bien entretenues. Les voyageurs , les rouliers et
les paysans même qui vont à pied , en profitent
également; les voyageurs font plus de chemin en
moins de temps et à moins de frais et les rouliers
fatiguent moins leurs chevaux et usent moins
leurs équipages; le simple paysan qui va à pied
marche plus facilement dans une belle route que
dans un mauvais chemin. De là résulte que le
profit des grandes routes s'étepd proportionnel-
lement à tous les sujets du roi. »
Turgot. « Les voyageurs gagnent à la beauté des
chemins d'aller plu^ vite. La beauté des chemins
attire les voyageurs, en multiplie le nombre, ces
voyageurs dépensent de l'argeiit, consomment
les denrées du pay$, ce qui tourne toujours à l'a-
vantage des propriétaires. Quant aux rouliers,
leurs frais de voiture $ont payés moios cher à
proportion de ce qu'ils sont moins long-temps en
chemin et ménagent davantage leurs équipages et
leurs chevaux. De cette diminution des frais de
voiture résulte la facilité de transporter les den-
rées plus loin et de les vendre mieux. Ainsi tout
l'avantage est pour le propriétaire des terres qui
vend mieux sa denrée. A l'égai^d des paysans qui
vont à pied, M. le garde-des-sceaux me permettra
de croire que le plaisir de marcher sur un che-
min bien caillouté ne compense pas pour eux la
peine qu'ils ont eue à le construire sans salaire. »
J20 ' HISTOIRE
Dans cet échange rapide d'argumens, le garde*
des-sceaux elTurgot appréciaient incomplètement
Fun et l'autre les véritables effets de Tamélioratioa
des routes. Ils parlaient tous deux comme des
hommes étrangers à la saine théorie des richesses;
mais quelle différence de langage en ce qui con-
cerne les intérêts des classes laborieuses! Quelle
vive sympathie dans Turgot! quelle froide indif-
férence chez l'autre! Voilà pourtant ce qu'avaient
déjà produit les leçons des éœnomiste^, et sur quel
terrain les questions d'économie politique avaient
été amenées! Turgot les y maintint pendant toute
la durée de son ministère et il poursuivit invaria-
blement une à une et pour ainsi dire d'après un
programme arrêté à l'avance, la solution de tou-
tes celles qu'avaient soulevées l'école de Quesnay.
Après l'édit de suppression des corvées , vint le
fameux édit de février 1776, l'œuvre capitale de
Turgot, la charte d'affranchissement des classes
ouvrières. L'historien n'a plus aujourd'hui qu'à
saluer le souvenir de cette grande hardiesse, pres-
que immédiatement suivie, du retour du monopole
et des privilèges '; mais triomphant quelques an-
nées plus tard à l'aide d'une révolution. L'aboli-
tion des corporations fut une grande et belle me-
sure; mais combien le mérite en fut rehaussé par
V L'édit de 1776 fut révoqué trois mois après sa publica-
tion.
DE l'Économie politique. 121
les termes de ce préambule mémorable, le plus
noble peut-être ^ue l'administration ait jamais em-
prunté à la science! « Dieu en donnant à l'homme
des besoins, disait le préambule, en lui rendant
nécessaire la ressource du travail, a fait du droit
de travailler la propriété de tout hôriime, et celte
propriété est la première , là plus sacrée et la plus im-
prescriptible de toutes. Nous voulons en conséquence
iabroger ces institutions arbitraires , qui ne per-
mettent pas à l'indigent de vivre de son travail ;
qui éteignent l'émulation et l'industrie, et ren-
dent inutiles les talens de ceux que les circon-
stances excluent de l'entrée d'une communauté;
qui surchargent l'industrie d'un impôt énorme-
onéreux aux sujets sans aucun fruit pour l'État;
qui enfin par la facilité qu'elles donnent aux
membres des communautés de se liguer entre
eux, de forcer les meipbres les plus pauvres de
subir la loi des plus riches, deviennent un ins-
trumentdejnonopole etfavorisent des manœuvres
dont l'effet est de hausser au-dessus de leur pro-
portion naturelle les denrées les plus nécessaires
à la subsistance du peuple. » Tout le reste est
écrit de ce style imposant et sévère, qui ne fai-
sait grâce à aucun abus et qui les stigmatisait tous
à la face des hommes étonnés de la longue op-
pression de leurs pères et de l'absurdité de tant
de vexations inutiles. Ce que nous avons déjà dit
122 HISTOIRE
plus haut ' à ce sujet , nous permet de ne pas
approfondir davantage cette question désormais
résolue et dont la solution a obtenu au plus
haut degré la sanction de l'expérience et du
temps.
Après avoir affranchi le laboureur de la corvée
et l'ouvrier de la maîtrise, Turgot voulut arracher
le commerçant à l'usure; et il entama cette ré-
forme avec la hauteur de vue aventureuse qui
distinguait son caractère. Il avait publié, en 1769^
un mémoire extrêmement remarquable mr les prêts
d^argefUj où se trouvaient signalés les vices essen-
tiels de la législation restrictive du taux de l'in-
térêt, et victorieusement réfuté, depuis, par Jé-
remy Bentham : il voulut faire davantage, et pour
achever l'œuvre qu'il avait si bien commencée , il
provoqua l'établissement d'une caisse d'escompte
qui devait neutraliser, par le bas prix de l'intérêt,
les prétentions exagérées des détenteurs de capi-
taux, 11 lui vint même à l'esprit de donner de la
publicité aux hypothèques, de manière qu'il eût
été impossible, disait-il , que les propriétaires de
terres ne payassent pas leurs dettes; et la sûreté
du crédit aurait fait baisser T intérêt de l'argent.
Qu'il eût tort ou raison de l'espérer, on ne saurait
trop louer la sollicitude avec laquelle il songeait à
* Voir le chapitre xi\ de cet ouvrage , consacré aux institu-
tions de saint Louis.
DE L'ÉCONOMlfi POLITIQUE. 123
toutes les réformes qui pouvaient favoriser le tra-
vail et la production, dans notre pays.
Il restait à Turgot une grande épreuve à subir^
celle de la réforme des impôts, et c'est à cette oc-^
casion que les opinions erronées des ic(momiste$
faillirent lui causer.de sinistres mécomptes. La
doctrine absolue duprodwtnet pouvait, en effet,
être fort innocente tant qu'elle ne sortirait pas du
cercle étroit des abstractions; mais il y avait beau*
coup de danger à bouleverser de fond en comble
tout le système fiscal de la France, pour le triom-
phe d'une simple hypothèse. Turgot, préoccupé
de ridée d'un dégrèvement général des classes
pauvres et du besoin d'émanciper toutes les in-f
dustries , se persuada qu'en réduisant toutes les
taxes à un impôt territorial unique, il atteindrait
seulement le produit net y c'est-à-dire les créations
annuelles du travail naturel de la terre. Son plan
était d'en consacrer une partie aux contributions
et de laisser l'autre aux mains des propriétaires^
distributeurs nés du salaire, selon la théorie de
Quesnay. Mais les propriétaires s'effrayèrent jus-
tement d'une expérience qui attaquait leur revenu
dans sa source et qui avilissait leurs propriétés^
devenues le point de mire de toutes les taxes. Le
projette Turgot était d'ailleurs inique en ce sens
que les richesses réelles créées par les travailleurs
autres que les agriculteurs, étaient exemptes
124 HISTOIRE
d'impôt comme si elles n'étaient pas des richesses,
quoiqu'elles en fussent véritablement. On faisait
ainsi supporter aux propriétaires de terres les con-
séquences fiscales d'une erreur de doctrine, et on
les ruinait de la meilleure foi du monde, tout en
les proclamant les producteurs par excellence. Ce
fut un grand malheur pour la science que Turgot
ait mis tant de précipitation à appliquer une
théorie aussi hasardeuse et aussi radicalement
fausse, comme si l'exactitude en eût été démon-
trée avec une rigueur mathématique. Et même
dans ce cas, le passé commandait de grands mé-
nagemens à un homme d'état. Quelle que fût la
ferveur de ses croyances, il ne devait pas procéder
à de pareilles réformes avec la vivacité d'un sec-
taire, mais avec la prudence d'un législateur. Son
erreur, partagée depuis par l'Assemblée consti-
tuante, a précipité la France dans un abîme de
maux, en privant le gouvernement, pendant plu-
sieurs années, des ressources immenses qu'il au-
rait trouvées dans les impôts indirects, dont le
principe repose sur la production de la richesse
immobilière, comme l'impôt foncier sur la pro-
duction de la richesse agricole.
Turgot ne voulait pas non plus d'emprunts, et
sa caisse d'escompte n'était point un achemine-
ment à la reconstitution d'un grand crédit public.
L'école économiste niait l'influence du crédit pu-
DE l'économie politique. 125
blic sur la prospérité publique. Elle n'admettait
pas qu'on pût anticiper, même pour d'utiles mo-
tif^, sur le revenu annuel de l'État, et parce qu'elle
avait rêvé l'âge d'or, elle ne supposait pas qu'on
eût jamais à traverser des jours difficiles. C'est
cette confiance philosophique qui avait animé
Turgot lorsqu'il fit supprimer les corporations. Il
était loin de penser que ce grand acte d'émanci*
pation, qu'on ne saurait d'ailleurs trop louer, se-
rait suivi de complications formidables, dont la
solution exigerait quelque jour un génie plus
hardi , sinon plus loyal que le sien. Il était si
heureux de rendre la liberté du travail à cette
foule de compagnons attachés à la glèbe de l'ate-
lier ! Il présageait de si brillantes destinées à la
nation française, remise en possession de tant de
forces vives ! Qui lui eût dit qu'après un demi-
siècle, la concurrence des travailleurs engendre-
rait la baisse des salaires, le paupérisme, et toutes
les misères qui ternissent l'éclat de notre civilisa-
tion! Il marchait d'un pas aussi ferme à la pourr
suite des utopies qu'à la réforme des abus, et l'es-
prit demeure accablé de tout ce qu'il entreprit
avec ses seules forces de ministre, dans un temps
où les ministres n'en avaient pas beaucoup. Il
avait projeté la suppression des monastères ; l'égale
répartition des impôts; un seul code civil pour
tout le royaume; l'unité des poids et mesures;
126 HISTOIRE
un régime nouveau pour rinstrudion publique;
l'établissement du cadastre, sans parler d'une
foule de mesures de détail qui attestent la solli-
citude de l'administrateur^ autant que les lu*
mières du savant. « Il agissait, dit Sénac de Meii^
han, comme un chirurgien qui opère sur les
cadavres, et il ne songeait pas qu'il opérait sur
des êtres sensibles: il ne voyait que les choses et
ne s'occupait pas assez des personnes. Cette ap-
parente dureté avait pour principe la pureté de
son âme, qui lui peignait les hommes comme ani-
més d'un égal désir de bien public, ou comme des
fripons qui ne méritaient aucun ménagement. »
Aussi, de toutes parts, les projets de Turgot
rencontraient-ils des résistances opiniâtres. Il en
venait beaucoup de la cour; il en venait davan-
tage encore de la ville. La plupart étaient injustes
et honteuses, parce qu'elles étaient dictées par
l'intérêt privé V; quelques-unes semblent au con--
* Parmi les créations utiles de Turgot qqi soulevèrent ponr^
tant une grande rumeur, il faut citer TétBiblisseinent des pr«-'
mières messageries publiques , dont la concurrence blessait les
anciens monopoleurs de transports. C'était un service immense
rendu à toutes les classes de citoyens ; le ministre n'en fut pas
moins chansonné. On en peut juger par Tépigramme snivantd
publiée à cette occasion :
Ministre ivre d'orgueil, tranchant du souverain,
. Toi, qui sans t'émouvoir, fais tant de misérables.
Puisse ta poste absurde aller un si grand train ,
'Iju'elle te mène à tous les diables.
DE l'Économie politique. 127
traire avoir été fondées, parce que le ministre
réformateur n'avait pas assez tenu compte des
exigences du passé. Le premier germe d'opposi-
tion vint des parlemens, que trop de gens se sont
habitués à considérer comme les défenseurs de
toutes les idées de progrès, et qui firent à Turgot
la guerre la plus acharnée qu'il ait eu à soutenir.
On ne saurait trop honorer ce ministre, vraiment
vertueux, du courage avec lequel il persévéra dans
la longue lutte dont toute sa carrière administra-
tive fut agitée. Un de ses amis lui reprochait d'a-
voir mis trop de précipitation dans ses réformes :
« Gomment pouvez-vous me faire ce reproche?
répondit-il. Vous connaissez les besoins dû peu-
ple, et vous savez que dans ma famille on meurt
de la goutte à cinquante ans. » Toute l'explication
de sa conduite est dans ces mots. Turgot n'a eu
d'autre tort que celui de vouloir trop tôt, et à
tout prix, le succès de ce qui lui paraissait utile
à son pays. Son amour des améliorations s'éten-
dait à tout, à la poésie, à l'éducation, à l'astro-
nomie : « Vous voilà bien, lui disait un jour l'abbé
Morellet, faisant en physique comme en adminis-
tration, combattant avec la nature, qui est plus
forte que vous, et qui ne veut pas que l'homme
ait la mesure précise de rien. » Jusqu'à son der-
nier soupir, malgré les mécomptes et les échecs
de son administration , il persévéra dans les doc-
128 HISTOIRE
trines des ^conomwïe*, avec toute f énergie d'une
conviction religieuse. Il poussait la pliilantropie
jusqu'à vouloir que ses domestiques fussent aussi
bien logés que lui, et il lit à ce sujet des dépenses
considérables dans son b6tel.
Turgot a laissé une foule d'écrits qui ont été
recueillis avec soin par Dupont de Nemours", Les
admiDistrateurs de tous les temps et de tous les
pays y puiseront d'utiles renseignemens, car ja-
mais ce ministre n'aborda une seule question
avant de l'avoir approfondie, et presque tous ses
préambules d'édits sont des traités complets de
la matière. Mais, le plus intéressant de ses ou-
vrages, est son Traité de la formation et de la distri-
bution des richesses; et quoiqu'il soit tout empreint
des idées des économistes, on y voit déjà poindre
les premiers symptômes d'une dissidence qui
mène à la théorie d'Adam Smith. La division du
travail, les véritables fonctions de la monnaie, les
procédés du commerce y sont exposés avec une
lucidité et une concision remarquables. Les plus
savans économistes du dix-neuvième siècle n'ont
pas mieux démontré l'influence du taux de l'in-
térêt sur toutes les entreprises. « On peut le re-
garder, dit Turgot, comme une espèce de niveau,
' Celte collection se compose de neuf volumes in-S , qui ont
panide 1808 à 18H. Dupont l'a Failprécéder d'une vie deTurgot
qui pe vaut pas la notice publiée par Condorcet.
del'êco>ûmie politique. 129
au-dessous duquel tout trikvail, toute culture,
toute industrie, tout commerce cessent. C'est
comme une mer répandue sur une vaste contrée :
lus sommets des montagnes s'élèvent au-dessus
des eaux et forment des îles fertiles et cultivées.
Si cette mer vient à s'écouler, à mesure qu'elle
descend, les terrains en pente, puis les plaines et
les vallons paraissent, et se couvrent de produc-
tions de toute espèce. Il sudit que l'eau monte
ou baisse d'un pied, pour inonder ou pour ren-
dre à la culture des plages immenses. C'est l'a-
bondance des capitaux qui anime toutes les en-
treprises, et le bas intérêt de l'argent est, tout
à la fois, l'effet et l'indice de l'abondance des
capitaux. »
Le Traité de la formalùm el de la distribution
des richesses a précédé de neul' ans la publication
de l'ouvrage d'Adam Smith, et n'a pas été sans
influence sur les doctrines du célèbre économiste
écossais. Turgot pensait comme lui sur le prêt à
intérêt, sur la liberté du commerce, sur la liberté
de l'industrie, sur l'intluence des communica-
tions, sur les élémens du prix des choses, et sur
la formation des capitaux.' C'est une véritable
gloire que d'avoir ainsi précédé, dans la carrière,
le plus grand écrivain qui ait honoré la science,
et de pouvoir être considéré, à tant d'égards,
comme son précurseur; mais le plus incontes-
ÉniTION. H
130 HISTOIRE
table honneur qui revienne a Turgot, sera tou-
jours d'avoir ouvert le champ des expériences
aux premières théories qui aient été hardiment
foîmulées en économie politique; ce sera de les
avoir soumises à l'épreuve de la pratique et d'a-
voir appelé aies juger, non seulement les sa vans,
mais les peuples. Toute la littérature de la der-
nière moitié du dix-huitième siècle porte l'em-
preinte de cette influence. Montesquieu, D'Alem-
bert, Marmontel, Gondorcet, Raynal, Condillac,
J.-J. Rousseau, Voltaire lui-même, parlent d'éco-
nomie politique dans leurs écrits; les journaux,
les recueils de tout genre, lui consacrent une
place, à dater de ce temps. On commence dès
lors à comprendre qu'il y a une physiologie du
corps social, comme il y en a une du corps hu-
main, et qu'il existe des lois suivant lesquelles
les nations prospèrent ou dépérissent, comme les
individus. La science économique est entrée dé-
sormais dans les conseils des gouvernemens : elle
n*en sortira plus, aussitôt qu'Adam Smith lui
aura imprimé le cachet de son génie.
■^•■w
DE l'Économie politique. 131
CHAPITRE XXXIV.
Des travaux d'Adam Smith et de leur influence sur les progrès
de Téconomie politique. — Différence de ses doctrines et de
celles des Économisteê. — Exposé des créations qui lui sont
dues. — Ses belles définitions de la valeur^ du travail^ des
capitaux^ de la numnaie, — Immenses coi^quences de ses
découvertes.
Le principal mérite des écanamisLes fut de sou-
lever les plus hautes questions de Téconomie po-
litique, et celui de Turgot d'en essayer la solution
pratique, au moyen du pouvoir de l'administra-
tion. On a vu avec quel talent et avec quelle ver-
tueuse persévérance ces philosophes s'étaient dé-
voués au culte d'une science qui leur semblait
renfermer dans son sein les destinées du genre Au-
main; mais ce n'est pas à eux qu'était réservé
l'honneiir d'en poser les bases d'une manière so-
lide et durable. Ils n'en avaient aperçu que sous
un.&ux jour les faces principales, et leurs erreurs
avaient servie du moins, a provoquer un examen
approfondi des questions qu'ils s'étaient vus dans
l'impossibilitéde résoudre. Au lieu deprocéderpar
la méthode expérimentale et par l'observation des
faits, ils avaient proclamé comme des dogmes in-
132 mSTOIRK
faillibles certaines formules, qui devaient leurser-
virà expliquer tous les phénomènes de la physio-
logie sociale. Lorsqu'il se rencontrait sur leur che-
min un argument capable de modilier leur
croyance en ces dogmes , ils s'eflTorçaient de le
rattacher à leur système par des hypothèses in-
génieuses ou hardies, et ils tombaient^ sans s'en
apercevoir, dans le gouffre des utopies. On a vu
que leur aphorisme du produit net les avait empê-
chés de reconnaître la part immense que îes ma-
nufactures et le commerce prennent à la produc-
tion des richesses, et que leur théorie de la pro-
priété les avait conduits à la suppression de tous
les impôts indirects. Ils avaient touché à toutes
les questions et ils n'en avaient résolu aucune ;
mais il avaient appelé sur les matières les plus
ardues l'attention de toute l'Europe, et l'Europe
répondit à leur appel.
Un philosophe écossais, de cette école d'où sont
sortis tant de penseurs, enseignait à Glasgow, en
même temps que les économistes à Paris, les prin-
cipes de la richesse des nations. C'était vers l'an
1752, à peu près au moment où Quesnay publiait
son Tableau économique^ et jetaient les fondemens
de sa doctrine. Mais le professeur de Glasgow s'é-
tait habitué de bonne heure à étudier les faits , à
les rapprocher, à en tirer les conséquences; aussi
fut-il conduit àdés résultats bien différensdeceux
DE l/ÉCONOMIK POLITIQUE. 133
obtenus par les économistes. Les deux écoles n'eu-
rent de commun que le même amour du bien, la
même droiture^ la même fidélité scrupuleuse aux
intérêts de la vérité. Pour tout ce qui regarde Id
science, le point de départ étant tout à fait diffé-
rent, les résultats ne pouvaient être les mêmes,
et bientôt se manifesta le dissentiment le plus com-
plet. Les économistes n'attribuaient de puissance
productive qu'à la terre: Adam Smith trouva cette
puissance dans le travail, et de cette idée lumi-
neuse il fit jaillir les conséquences les plus impré-
vues et les plus décisives. Ici commence l'histoire
delà révolution produite par la publication de ses
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
wjdionSj qui parurent pour la première fois, en
1776, c'est à dire vingt-quatre ans après l'ouver-
ture^ de son cours. Un jour viendra bientôt où
cette publication célèbre portera tous ses fruits, et
sa date mémorable sera gravée dans tous les es-
prits. Essayons donc d'imiter la méthode logique
et sévère du grand écrivain qui en fut l'auteur,
et de faire apprécier d'un trait rapide l'importance
de ce beau travail pour l'avenir de la civilisation.
En recherchant les causes de la richesse des na-
tions, Adam Smith reconnut que cette richesse
provenait, non seulement de la fécondité de leur
sol, mais encore du travail de leurs habitans. C'é-
tait le travail qui seul pouvait rendre la terre lar-
134 HISTOIRE
gement et réguliéreraont productive, et c'est
encore au travail que la société humaine devait les
produits de ses manufactures, et les profits de son
commerce. ÂdamSmith résumaitsa pensée en di*
sant que le travail annuel d'une nation était la
source primitive d'où elle tirait ses richesses, c'est
à dire les produits nécessaires à sa consommation,
ou ceux au moyen desquels elle se procurait ies
produits créés par les autres nations. La richesse
consistaient dans la valeur échangeable des choses,
et l'on était d'autant plus riche que l'on possé*
dait ou que l'on produisait plus de choses ayant
0
cette valeur. Or, comment donnait-on aux cho-
ses une valeur échangeable? En y développant
par le travail une utilité qu'elles n'auraient pas
eue sans lui. La richesse pouvait donc être créée,^
augmentée, conservée, accumulée, détruite. Cetter
simple définition renversait d'un seul coup la doc-
trine des économistes, et remettait à leur place
toutes les professions laborieuses et honorables,
que Quesnay considérait comme les tributaires
et les subordonnées de la propriété foncière. Nul
n'était repoussé du banquet de la vie; le travail
avait accès partout et cessait d'être stérile; la ser-
vitude féodale maintenue par Quesnay , sous le
nom de reprises du propriétaire, était frappée de
mort.
Le travail une fois reconnu comme source de
DE l/ÉCOr^OMIE POLITIQUE. 135
toute richesse 9 V économie , Vépargne devinrent le
seul moyen de l'accumuler, c'est-à-dire de créer
les eapitaux. Et ici, Adam Smith profitait avec sa
haute intelligence des travaux de ses prédéces-
seurs. Il ne bornait pas les capitaux, comme les
partisans du système mercantile, à Tor et à l'ar^
gent; mais il y comprenait les richesses de tout
genre amassées par le travail de l'homme, sur-
tout quand elles étaient employées à en créer de
nouvelles à l'aide d'un travail nouveau. En même
temps , il donnait du travail la plus belle ana-
lyse qui soit sortie de la plume d'aucun écrivain.
Cette analyse sert en quelque sorte de frontis-
pice à son immortel ouvrage, et l'auteur y a dé-
ployé une netteté de déductions et une noblesse
de langage vraiment dignes d'admiration. C'est là
qu'ont été signalés pour la première fois les mer-
veilleux effets de la division du travail^ souvent
entrevus avant Adam Smith, mais nulle part dé-
montrés avec cette évidence irrésistible et cette
simplicité familière qui ne laissent aucun refuge
au doute et à l'hésitation. D'autres auraient cher-
ché leurs exemples dans les grands travaux de
l'industrie ; Adam Smith s'empare d'une épingle,
en décrit les diverses façons, et fait voir comment
dix ouvriers peuvent faire quarante-huit mille
épingles dans un jour, au lieu de quatre ou cinq
cents , c'est-à-dire cent fois moins qu'ils n'en
136 HISTOIKE
feraient, sans cette division. Après cet exemple
modeste et concluant, il passe en revue les avan-
tages du principe de la division du travail , et il
les signale d'une manière si vive et si ferme que
personne, depuis ce moment, n'a songé à les con-
tester. « Chaque ouvrier, dit-il, se trouve avoir
une grande quantité de son travail dont il peut
disposer, outre ce qu'il applique à ses propres
besoins; et comme les autres ouvriers sont aussi
dans le même cas, il est à même d'échanger une
grande quantité de marchandises fiibriqpiées par
lui contre une grande quantité des leurs, ou, ce
qui est la même chose , contre le prix de ces
marchandises. Il peut fournir abondammeût ces
autres ouvriers des choses dont ils ont besoio^ e%
iUrouve^^également à s'accommoder auprès d'eux,
en sorte qu'on voit régner parmi les diifférentes
classes de la société une abondance universelle'.
Une fois la division du travail analysée, Adam
Smith devait expliquer par quelles combinaisons
les produits du travail s'échangeaient entre eux
au moyen de la monnaie. Qui réglerait ce qu'on
entend par le prix des choses? quels sont les élé-
mens de ce prix ? quelles sont les fonctions de la
monnaie? Graves questions qu'il a résolues avec
une supériorité et une lucidité incomparables.
C'est lui, en effet, qui a établi le premier, victo-
* Richesi» des nations , liv. I, chap. 1.
DR l'Économie politique. 137
rieusement, rinfluence4e Voffre et de la demande
sur la hausse et la baisse des prix j en même
temps qu'il expliquait les fonctions de la monnaie
dans la circulation des produits. Les applications
qu'il a faites de sa théorie aux billets de banque
et au papier-monnaie sont de la plus haute im-
portance dans la pratique, et peuvent être consi-
dérées comme Tune des plus utiles conquêtes de
la science. Il est désormais impossible d'écrire
sur le système monétaire sans adopter les bases
qu'il en a posées d'une manière indestructible.
Chemin faisant, Adam Smith dévoilait les mystè-
res de la constitution des banques et déduisait
des conséquences même de leur établissement,
les principes sur lesquels elles devaient reposer
pour n'être point funestes. Tout homme désireux
d'approfondir la science du crédit devra com-
mencer ses études par celle des analyses que l'il-
lustre économiste écossais a données des banques
de circulation et des banques de dépôt. Ce sont
des traités complets qu'on ne surpassera jamais,
parce qu'ils ne renferment ni une lacune, ni une
superfluité. Mais c'est surtout dans la parfaite
clarté de ses définitions que réside le principal
mérite d'Adam Smith. Elles sont généralement
basées sur l'observation rigoureuse des faits. Une
fois posées , il en déduit les conséquences avec
une- méthode qui lui est propre et qui sui&rait
13» HISTOIRE
seule i>our iui assurer un rang élevé parmi les
plus beaux génies des temps modernes. On en
pourra juger par le rapide exposé de ses doc-
trines.
Ainsi que nous l'avons vu , selon l'auteur, la
qualité essentielle qui constitue les richesses , et
sans laquelle elles ne mériteraient pas ce nom,
c'est la valeur échangeable. La valeur échangeable
diffère de la valeur en^usage ou d'ut%lUe\ en ce sens
qu'avec la première on peut se procurer beau-
coup de choses^ tandis que la seconde, quoique
utile, ne saurait être l'objet d'un échange. 11 nfy
arien de plus utile que l'eau; mais elle ne peut
presque rien acheter. Un diamant, au contraire,
pourvu de peu d'utilité, peut servir à l'achat
d'une foule de marchandises. Le rapport qui
existe entre deux valeurs échangeables, exprimé
en une valeur convenue, qui est la monnaie , se
nomme prix. Le prix nominal des choses diffère
de leur prix réel, qui représente la quantité de
travail qu'elles ont coûté. Le prix des richesses
dépend des circonstances accidentelles qui font
dévier le prix actuel ou courant du prix naturel.
Le prix se compose ordinairement de trois élé-
mens distincts : le salaire du travail, le profit de
l'entrepreneur et la rente de la terre qui a fourni
la matière première du travail. Après avoir étaUi
aveé un ordre parfait ces prol^omènes si sim-
D£ l'Économie politique. 139
pies et si ingénieux, Adam Smith détermine les
lois d'après lesquelles s'établit naturellement le
taux des salaires , et les circonstances acciden-
telles qui le font sortir momentanément des li-
mites de ce taux naturel. Il examine ensuite les
lois en vertu desquelles se fixe le taux des pro-
fits et les exceptions à ces lois; puis il définit
la rente de la terre, que nous nommons fermage^
et que les économistes appelaient |?roc{ut^ net.
La richesse une fois créée, Adam Smith la di*
vise en deux parts : celle qui doit être immédia-
tement ou prochainement consommée, et celle
qui est employée comme capital à fournir un re*
venu. Le capital est fiooe ou engagé^ lorsqu'on le
transforme en une usine avec tous ses instru-
mens de production ; il est circulant ou roulant^
quand on s'en sert pour payer le salaire des ou-
vriers et renouveler les achats de matières pre-
mières. Les améliorations faites à la terre for-
ment partie du capital engagé; la monnaie, les
vivres appartiennent au capital circulant. Le pre-
mier se transforme quelquefois dans le second,
et le second prend parfois à son tour la route
qui le confond avec le premier. L'argent appa-
raît comme l'instrument de cette double méta-
morphose ; mais les billets , les promesses de
payer le remplacent souvent et même avec avan-
tage. Cet avantage dépend des conditions aux-
140 HISTOIRE
quelles on l'emprunte et , par conséquent , du
taux (le rintérêt. Adam Smith adopte à cet égard
les théories libérales de Turgot, et il en démon-
tre, par des argumens irrésistibles, l'incontesta-
ble équité.
Le travail est maintenant armé de toutes piè-
ces ; il est en possession des capitaux : nous al-
lons donc le voir à Tœuvre. Rien n'est plussim^
pie et plus admirable que la manière dont Adam
Smith en explique les merveilles, et nous avons
cité son exemple tiré de la fabrication des épin-
gles. Mais que ses nombreuses revues de l'armée
des travailleurs offrent de nobles sujets de médi-
tations! Gomme il a naturellement rendu coinpte
du progrès des nations, par les progrès de la di-
vision du travail! Gomme il a amené avec bonheur^
à la suite de celte division, la nécessité des échau:
ges! Gomme il explique avec succès l'accroisse*
ment de la richesse, le perfectionnement des
produits et leur prix, devenant plus accessible de
jour en jour ! G'est lui qui a révélé le secret des
machines, ces puissantes modifications du bras c)^
l'homme, ces bienfaitrices du genre humain
qu'un philanthrope* distingué a eu le tort de
méconnaître. Nul n'en a plus habilement signalé
les services variés, infinis, durables, sans en dis-
simuler les inconvéniens passagers. En même
' M. de Simondi.
DE l'Économie politique. 141
temps, Adam Smith posait avec netteté les limi-
tes de leur emploi , et démontrait que l'étendue
du marché devait être le régulateur habituel de la
division du travail/C'est pour avoir oublié ces sa-
ges doctrines que plus d'un peuple manufacturier
a vu éclater des crises redoutables , résultat de
Tencombrement de la circulation et des mesures
restrictives. Ainsi, Adam Smith arrivait à la li-
berté du commerce par un chemin bien différent
de celui qu'avait suivi l'école de Quesnay ; mais il
y était conduit par une appréciation bien plus
juste des phénomènes de la production.
Sa doctrine sûr les impôts différait aussi essen-
tiellement de celle des économistes. Après avoir
prouvé que toute production venait du travail,
aidé des capitaux, il ne lui était pas difficile de
démontrer que chaque citoyen étant apte à créer
des valeurs, et par conséqueht à faire des profits,
devait à l'État sa part contributive de secours et
de taxes. Chacun obtenait la liberté de son in-
dustrie en échange de sa coopération aux charges
publiques, et il n'y avait plus de professions sté-
riles, puisque tout le monde était capable de
donner aux choses une valeur échaogeable , au
moyen du travail. Quel encouragement pour les
hommes disgraciés de la fortune , et pour tous
ceux qui n'attendaient pas la faveur de l'héri-
tage ! Ils apprenaient dès lors à quel prix on ac-
142 HISTOIRE
quîert son indépendance ; VfcoHomie n'était plus
une sorte de vertu ascétique, mais la compagne
du travail et lâ source des capitaux. Au lieu des
bornes imposées aux productions de l'agricul-
ture, par la nature du sol et par la rotation des
saisons, on avait devant âbi l'horizon illimité dea
valeurs échangeables, c'est-à-dire la richesse in-
définie. Adam Smith n'avait pas prévu sans doute
toutes ces conséquences, et beaucoup d'écrivains
avaient avancé avant lui des principes aussi vrais :
mais il a montré le premier pourquoi ils étaient
vrais. Il a fait plus : il a indiqué la vraie méthode
de signaler les erreurs. Son ouvrage se compose
d'une suite de démonstrations qui ont élevé plu-
sieurs propositions au rang de principes incon-
testables, et qui ont anéanti pour jamais une
foule d'erreurs jusqu'alors considérées comme
des principes. C'est lui qui a pulvérisé le système
prohibitif et la doctrine du produà net , avec son
cortège de rêveries sur l'impôt, et de classifica-
tions imaginaires. Enfin, et c'est peut-être l'un,
des plus grands services qu'il ait rendus à l'in-
dustrie, cet immortel économiste a fait voir corn*
ment l'intérêt privé, débarrassé d'entrave$, por-
tait nécessairement les possesseurs de capitaux à
préférer, toutes choses égales, l'emploi le plus fa*
vorabie à l'industrie nationale, parce qu'il est
aussi le plus profitable pour eux-^
DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. 143
Il est vrai qu'Adam Smith s'est quelquefois
égaré dans uoe foule de digressions qui ne per-
mettent pas de suivre aisément le fil de ses idées.
Dés qu'il rencontre un yieil abus, un préjugé
nuisible, un système erroné, il ne s'arrête point
qu'il n'en ait fait justice, et ces escarmouches par-
tielles le détournent souvent du plan de ses opé-
rations. Mais jamais il ne quitte définitivement
un sujet avant de l'avoir épuisé, et il présente ha-
bituellement 1^ même idée sous toutes les formes,
, jusqu'à ce que le lecteur se soit familiarisé avec
elle. Il avait tant de résistances à vaincre et tanit
de fausses doctrines à combattre ! Les écanonmtes
eux-mêmes, qu'il estimait et qui certainement
ont contribué à la direction de ses idées, ne sont
pas ceux qui lui ont rendu sa tâche le moins dif-
ficile. Il avait à lutter contre les innombrables
ouvrages qu'ils venaient de publier et qui s'étaient
répandus dans toute l'Europe, bien ou mal com-
pris, avec l'autorité des noms les plus vénérés,
tels que ceux de Gournay, de Turgot, de Tru-
daine. Il lui fallait détruire la plupart des théo-»
ries qu'ils venaient de fonder au prix de tant
d'efforts , et lutter avec elles sous des auspices
défavorables : ce fut le premier discord mémora-
ble qui éclata parmi les fondateurs de l'économie
politique, et il n'a pas peu contribué à faire nattre
l'indécision générale du public sur les matières
144 HISTOIRE
économiques. Lequel croire, de Quesnay ou de
Smith, soutenant avec une égale assurance des
doctrines contraires, et tous deux invoquant de
concert l'autorité des faits ? Mais on oublie qu'il
n'est pas une science qui n'ait commencé par des
querelles intestines entre ses chefs les plus il-
lustres, et que ces dures épreuves ont contribué
presque autant que leurs découvertes, aux pro-
grés dont nous sommes si fiers aujourd'hui.
Adam Smith n'eut pas, pourtant, l'honneur de
créer l'économie politique d'un seul jet, et le res-
pect que nous portons à sa mémoire ne doit pas
nous empêcher de rendre justice à ses prédéces-
seurs et à ses successeurs. C'est déjà un si grand
fait historique, que la démonstration de toute la
théorie des valeurs , des effets de la division du
travail et des fonctions véritables de la monnaie!
De telles analyses suffiraient à l'immortalité d'un
auteur, et l'on peut hardiment critiquer ce que
ses écrits renferment d'incomplet, après avoir
exposé ce qu'ils ont mérité de gloire et de consi-
dération. Les économistes s'étaient trop préoccupés
de l'importance de la terre; Adam Smith accorda
une prépondérance trop exclusive au travail dans
la création des produits. Il négligea l'action de
la terre et celle des capitaux, et malgré ses ma-
gnifiques expositions du concours des machines,
il n'en présente pas la théorie la plus fondée sur
DE l'économib politique. 145
la réalité des choses. En réservant exclusivement
la qualité de richesses aux valeurs fixées dans des
substances matérielles, il raya du livre de la pro-
duction cette masse illimitée de valeurs immaté-
rielles, filles du capital moral des nations civilisées,
et qui forment une partie de leur apanage et de
leur gloire. Il destitua d'un trait de plume, avo-
cats, médecins, ingénieurs, artistes, fonction-
naires publics, tous producteurs de services réels
et échangeables contre des produits matériels,
puisqu'ils en vivent et qu'ils vivent bien, quand
ils ont assez de mérite pour se faire rétribuer
noblement. Il ne s'était pas aperçu que le talent
de ces hommes était un capital accumulé, très
capable de donner des profits en or et ep argent,
très utile à la société, qui profite à son tour de
leurs services.
L'influence du commerce et sa manière d'agir
sur la production générale ne semblent pas, non
plus, avoir été suffisamment appréciées par Adam
Smith, et quelques-unes de ses plus belles dé-
monstrations sont exposées comme des hors-
d'œuvre, dans une place qu'elles ne devraient
point occuper. Tels sont les principes relatifs au
prix réel et au prix nominal des choses, qui se
trouvent dans une dissertation sur la valeur des
métaux précieux pendant les quatre derniers siè-
cles, et les notions sur les monnaies que l'auteur
DEUXIÈME ÉDITION. 10
146 HISTOIRE
a égarées dans le chapitre des traités de com-
merce. C'est le désordre qui règne autour d'une
mine abondante, où les fragmens du métal le plus
pur gisent quelquefois pêle-mêle auprès du mi-
nerai le plus grossier. Aussi les Recherches sur la
nature et les causes de la richesse des nations ne sont^
elles pas généralement comprises par tout le
monde^ et ce n'est pas par ce livre que nous conseil-
lerions de commencer l'étude de la science. Il
faut le lire à plusieurs reprises pour en deviner
la belle architecture et pour estimer à leur juste
valeur les résultats qu'il a produits. C'est alorà
qu'on se hasarde à contester quelques-unes des
propositions qu'Adam Smith a émises sous là
forme la plus dogmatique; telle est celle en vertu
de laquelle l'intérêt privé, libre d'entraves, lui
semblait devoir toujours déterminer l'emploi des
capitaux le plus favorable à la communauté, puis-
qu'il était profitable aux entrepreneurs. Cette
doctrine , qui a prévalu en Angleterre, et qui a
donné à l'industrie une impulsion extraordinaire,
commence néanmoins à porter des fruits amers ;
elle a créé des richesses immenses, à côté d'une
affreuse pauvreté; elle a enrichi la nation, en
traitant souvent bien cruellement une partie de
ses citoyens. Est-ce là le but social de l'accrois-
sement des richesses, ou plutôt n'est-ce pas une
déviation malheureuse de la voie sociale ? Peut-on
DE l'Économie politique. 147
Téritablement appeler richesse cette exagération
de profits prélevés, selon M. de Sismondî, sur la
part des pauvres, et selon nous, par le capital
sur le travail ?
Ainsi naquit la concurrence universelle , de la
liberté illimitée de l'industrie, et de cette concur-
rence s*est déversé sur le monde un torrent de
richesses qui fertilise bien des* provinces, mais
qui a laissé dans plus d'une contrée des traces
funestes» de son passage; semblable à un char
brillant et mystérieux, dont les voyageurs qu'il
emporte ne peuvent pas même voir et plaindre
lespassans qu'il écrase. La question en est venue
au point qu'on se demande s'il faut s'applaudir ou
s'inquiéter des progrès d'une richesse qui traîne
à sa suite tant de misères, et qui multiplie les
hôpitaux et les prisons autant que les palais. Voilà
le grand problème du dix-neuvième siècle, celui
qu'Adam Smith n'avait pas prévu et ne pouvait
pas prévoir, à une époque où la machine à va-
peur et la machine à filer, ces deux <x)losses de
l'industrie anglaise , ne faisaient que de naître ,
comme son livre ! Nous sommes obligés, aujour-
d'hui, de chercher un régulateur et de mettre un
frein à ces instrumens gigantesques de la pro-
duction, qui nourrissent et affament les hommes,
qui les vêtissent et qui les dépouillent, qui les
soulagent et qui les broient. Il ne s'agit plus ex-
148 HISTOIRE
clusivement, comme du temps de Smith, d'^^atccé-
iérer la production ; il la faut désormais gouver-
ner et contenir dans de sages limites. Il n'est
plus question de richesse absolue, mais de ri<-*
chesse relative; l'humanité commande qu'on
cesse de sacrifier aux progrès de l'opulence pu-
blique des masses d'hommes qui n'en profiteront
point. Ainsi le veulent les lois éternelles de la
justice et de la morale, trop long-temps méeon-*
nues dans la répartition sociale des profits et dea
peines, et nous ne consentirons plus à donner le
nom de richesse qu'à la somme du produit na-
tional équitablement distribué entre tous les pro-
ducteurs. Telle est l'économie politique françaîde
à laquelle nous faisons profession d'appartenir^
et celle-là fera le tour du monde.
Telle qu'elle apparut, néanmoins, la doctrine
d'Adam Smith opéra une révolution complète dans
la marche de l'économie politique. 'Ses opinions
sur les colonies acquirent un grand poids des
événemens qui se passaient en Amérique , et ses
analyses des banques préparèrent le réveil de l'Eu-
rope, en matière de crédit public. L'industrie
lui dut la suppression de presque toutes ses en-
traves, et le commerce un commencement de ré-
duction de tous les tarifs. Restaient les questions
d'agriculture et de population que ce grand éco-
nomiste n'avait fait qu'effleurer et dont la soiu-
DE l'ëconomib politique. 140
tion regarde nos en fans; mais les préjugés les plus
dangereux avaient disparu devant son argumen-
tation puissante, et leur règne est fini pour jamais.
Balance du commerce, système restrictif, système
agricole, tout a été précipité dans le gouffre des
rêveries; Adam Smith a tout démonétisé par sa
logique sévère et par son impartiale observation
des faits. Une seule incer4;itude survit à ses doc-
trines : quel rapport y a-t-il entre la population
et les subsistances ? Pourquoi la misère privée
s'accroit-elle dans nos sociétés, en même temps
que la richesse publique? Pourquoi le soleil de
rindustrie ne luit -il pas pour tout le monde? Deux
écrivains anglais vont nous dcmner , chacun à sa
manière , l'explication de cette anomalie sociale;
on devine que nous voulons parler de Godwin et
deMalthus. Il est temps de les entendre, car, après
Adam Smith , ils sont devenus chefs d'école au
même titre : ils ont eu l'un et l'autre une grande
pensée, une pensée nette et saisissante, qui com-
mande l'attention et qui inspire par momens la
terreur.
lÔO HfêTOIRK
CHAPITRE XXXV.
Du système de Malthus sur la population. — Exposé de ses for-
mules. — Tableau de ses conséquences. — Doctrine de God-
win. — Elle a le défaut d'être aussi absolue que celle de
Malthus. — Elle est plus humaine. — Hardiesse rem^quable
du livre de Godwin. — Des divers écrits siir la même question.
— Nouvelles idées sur la population^ par M. Everett. — Du
livre de la charité , par M. Duchâtel. —De l'économie politi^
que chrétienne^ de M. de Villeneuve-Bargemont. —Protes-
tations de M. de Sismondi et de M. Tabbé de La Mennais.
Peu d'années s'étaient écoulées depuis la pu-
blication de l'ouvrage d'Adam Smith, et déjà ses
doctrines étaient adoptées par les économistes de
tous les pays. Son argumentation lumineuse et
pressante avait dissipé la plupart des rêves que
beaucoup d'esprits prenaient encore pour des réa-
lités. On était enfin d'accord sur les bases fonda-
mentales de la science. Le travail était remis en
honneur; la valeur échangeable était définie; l'em-
ploi des capitaux était désormais sujet à des lois
régulières. On savait comment les richesses se
produisent et comment elles se consomment; mais
il restait , comme nous l'avons dit , un problème
à résoudre : Pourquoi les richesses sont-elles ré-
parties si inégalement dans le corps social? Pour-
DE l'Économie politique. 161
quoi y a-t-il toujours des malheureux? Et ce
problème fut jeté, un jour, par la main redoutable
du peuple français, comme un défi à tous les gou-
vernemens de l'Europe. Turgot, qui avait essayé
de le résoudre, était mort à la peine , et la révo-
luUon française avait versé des torrens de sang
pour en trouver la solution, sans être plus heu-
reuse queXurgot.
Le tnal venatt-il de la nature ou de la société?
Était-il sans remode, ou bien, avec l'aide du temps,
parviendrait-on à le guérir? Frappé de ce que peu-
vent les lois sur les mœurs et sur la condition des
peuples, d'illustres écrivains avaient pensé que
les misères de l'homme étaient son ouvrage, et
qu'il dépendait de lui d'y mettre un terme, bien
moins en modifiant ses passions que les institu-
tions politiques. On était en 1798; un essai mémo-
rable venait d'être tenté en France , et l'on avait
vu, en un petit nombre d'années, les réformes les
plus hardies, tour à tour appuyées par le raison-
nement ou par la force, laisser l'espèce humaine
en proie aux mêmes incertitudes et aux mêmes
inégalités que par le passé. On avait substitué le
morcellement parcellaire des propriétés à l'ancien
système de concentration; on avait remis le pou-
voir aux masses les plus pauvres, qui ne s'étaient
refusé ni le maximum, ni les emprunts forcés , ni
la banqueroute, ni la suppression des impôts in-
162 HISTOIRE
directs; et il y avait toujours des pauvres , des
hommes vêtus de haillons, des vieillards sans pain,
des femmes sans secours, des enfans-trouvés, des
malfaiteurs, des prostituées. Que restait-il à faire
après ce qu'on avait fait? Quelle monarchie ten-
. terait ce que n'avaient pu faire réussir les har-
diesses de 1793? Les philosophes et les écono-
mistes, frappés de stupeur, éprouvaient ce désap-
pointementamerquisuitlesrévolutionspolitiques,
quand tout-à-coup parurent, à peu de distance
r^in de l'autre, deux écrits de deux hommes di-
versement célèbres, le livre de M. Godwin sur la
Justice politique j et celui de Malthus sur la Popu-
lotion.
M. Godwin attribuait dans son ouvrage tout le
mal social à l'imperfection des institutions politi-
ques et aux vices des gouvernemens. Malthus était
plus frappé des résistances que l'homme oppose
au progrès social, par les passions inhérentes à sa
nature et par son peu de disposition à les répri-
mer. La lecture d'un article de M. Godwin sur la
prodigalité et l'avarice ', le détermina à publier ses
idées à ce sujet, et après quelques remaniemens
faciles à concevoir dans un travail de cette im-
portance, l'essai sur le Principe dépopulation parut
en Angleterre dans la dernière année du dix-hui-
* Inséré dans un numéro du journal VExaminateur {the In-
quirer).
DE L'ëCONOMIë politique. 153
tième siècle « comme une espèce de résumé du
désencliantement universel des esprits. Ce livre a
(ait grand bruit, parce qu'il repose sur une idée
simple, facile à comprendre et à retenir; et on en
a cruellement abuséj parce qu'il semble favoriser
plus d'une mauvaise disposition de l'homme, l'é-
goîsme, la dureté, l'indifférence aux maux de ses
semblables. Les principes sur lesquels il reposa
ont obtenu, néanmoins, la sanction de plusieijuçit,
gouvernemens, et ils tendent si rapidement à pé-
nétrer dans les institutions, qu'il n'y aura bientôt
plus qu'à enregister leurs conquêtes, au lieu de
discuter leur valeur* Il faut donc les exposer ioî
dans toute leur nudité , avant d'en examiner 1^
conséquences , double tâche qui réclame toute
l'impartialité de l'historien.
Cette doctrine se présente avec le caractère ia-^
flexible et absolu de la fatalité. L'auteur s'est dis-
pensé de précautions oratoires; il établit, sans
sourciller, comme un fait évident, continuel, né-
cessaire, que l'espèce humaine obéit aveuglément
à la loi démultiplication indéfinie, tandis queW
subsistances qui la font vivre ne se multiplient
pas avec elle dans les mêmes proportions. Ce fait
lui parait tellement démontré, qu'il ne craint pas
de le formuler comme un axiome de mathémati-
ques, et il affirme que les hommes s'accroissent
en progression géométrique, et les vivres en pro-
IM HISTOIRE
gression arithmétique. Il arriverait donc un mo-
ment où les provisions seraient insuffisantes pour
les voyageurs, si ces sinistres correctifs qu'on ap-
pelle les maladies, la misère, la mort, n'interve-
naient régulièrement pour rétablir l'équilibre.
Malthus prononçait cette sentence des malheu-
reux en termes inhumains : « Un homme qui naît
dans un monde déjà occupé, disait-il ', si sa fa-
mille n'a pas les moyens de le nourrir ou si la
Mooiété n*a pas besoin de son travail, cet homme n'a
pas le moindre droit à réclamer une portion quel-
conque de nourriture, et U est réellement de trop sur
la terre. Au grand banquet de la nature, il n'y a
point de couvert mis pour lui. La nature lui com-
mande de s'en aller et elle ne tarde pas à mettre
elle-même cet ordre à exécution. » Voilà quel est
le fond de la doctrine de Malthus sur la popula-
tion. Il faut voir à présent sur quels argumens il
a essayé de l'établir.
Au lieu d'observer rigoureusement ce qui se
passe dans les sociétés civilisées de longue date,
l'auteur se transporte en Amérique, aux États-
Unis, pays vierge, fertile, immense, où la popula-
tion double tous les vingt-cinq ans. C'est ce pays
' Ce passage cruel a été supprimé par Malthus dans les der-
nières éditions de son livre ; mais Tesprit de sa doctrine n'y est
pas moins résumé avec une énergique vérité, et c'était la doctri-
ne plutôt que le langafj^e qu*il fallait modifier.
DE l'Économie politique. 155
qu'il prend pour type du reste du monde, et il
admet sans hésiter queTespèce humaine s'accroî-
trait avec la même rapidité partout ailleurs , si la
force des choses ne contenait ce développement
dans de certaines limites. Une fois , en effet, que
la population s'est élevée jusqu'au niveau des sub-
sistances, celles-ci venant à manquer, les vices,
les maladies, les calamités de tout genre commen-
cent à pleuvoir sur les hommes qui sont de trop, se-
lon Malthus, et la population diminue jusqu'à ce
qu'il y ait des vivres pour tout le monde. L'his-
toire en main , il s'efforce de prouver que les
mêmes conséquences ont toujours découlé des
mêmes situations, et que dans l'état barbare
comme dans l'état civilisé, il n'y a jamais eu de
compromis entre la disette et la mort. Et encore
si la mort venait seule! mais elle ne parait jamais,
dans ces tristes conjonctures, sans être accompa-
gnée d'un cortège de crimes et d'horreurs de tout
genre; sans arborer son lugubre étendard sur les
hôpitaux, dans les bagnes et sur les échafauds.
Ainsi la peint Malthus, telle que nous l'avons vue
bien des fois, sans oser croire avec lui qu'elle
vînt, sous cette forme, par ordre de Dieu même
et comme une nécessité de notre ordre social.
Nous commençons par contester la double pro-
gression établie par Malthus ; mais avant de si-
gnaler cette erreur fondamentale de son système,
156 HISTOIRE
il faut voir quelles conséquences terribles il en
tirait. Il proclamait d'abord le danger des aumô-
nes, des secours publics ou privés, permanensou
temporaires; il défendait le mariage, hormis à cer-
tains hommes, et il condamnait à mort des mil-
liers d'enfans prés de naître. Les charités prodi-
guées aux pauvres dans un esprit religieux, ou
par amour delà bienfaisance, n'étaientà ses yeux
que des faveurs meurtrières dont le principal ré-
sultat élait d'encourager la paresse et de multi-
plier le nombre des infortunés. Car rien ne mul-
tiplie comme la misère, disait-il, et les gens qui
n'ont rien à perdre se soucient fort peu de ce qiû
adviendra de leurs descendans. C'est ce que Mon-
tesquieu avait déjà dit en termes ironiques : « Les
gens qui n'ont absolument rien, comme les men-
dians, ont beaucoup d'enfans : car il n'en coûte
rien au père pour donner son art à ses enfans,
qui même sont en naissant les instrumens de cet
art '. » Mais Montesquieu n'avait rien conclu de
cette disposition générale des prolétaires à Tia-
souciance; il s'était borné à la préciser sans en
rechercher la cause. Malthus crut avoir trouvé
cette cause dans les encouragemens offerts à la
paresse par la bienfaisance, et portant ses regards
dans les hospices, dans les maisons d'enfans-
trouvés , il fit voir toutes les misères qu'avait
' Esprit des Lois^ livre XXllI, chap. xh
DE l'Économie politique. 157
engendrées l'abus de la charité publique. It s'a-
dressa dès lors aux sentimens les plus fiers et les
plus généreux de Thomme., et il chercha à dé-
montrer la supériorité de la prévoyance sur toutes
les autres ressources offertes à la vieillesse ou aux
infirmités.
Jamais peut-être, jusqu'alors, aucun système
ne s'était formulé en termes aussi absolus. Les
économistes eux-mêmes admettaient quelques mo-
difications à leur théorie du produit net; mais Mal-
thus ne connaissait pas de capitulation possible
dans la lutte des hommes contre la nature : ces
débats lamentables devaient toujours finir par des
arrêts de mort. Il se mit donc à prêcher sous le
nom de contrainte morde, une doctrine peu favora-
ble au mariage. Il chercha à démontrer aux clas-
ses laborieuses qu'en multipliant le nombre des
enfans , elles se créaient des concurrences qui
amenaient la baisse des salaires, et que le plus sûr
moyen de réduire les capitalistes à transaction,
c'était de ne pas leur fournir l'occasion perma-
nente de choisir les travailleurs au rabais. La sp-
eiété elle-même était intéressée à opposer des
obstacles salutaires aux unions irréfléchies, puis^
que la conséquence inévitable de ces unions était
la multiplication des crimes et des misères de
toute espèce. Malheureusement Malthus ne tarda
point à s'apercevoir que le célibat n'empêchait
158 HISTOtRE
pas les naissances ; il les rendait seulement illégi-
times, et c'était iin malheur de plus. Que faire
donc pour mettre un terme à l'accroissement de
la population, puisqu'on ne pouvait désormais
empêcher les enfans de naître ? Malthus vit cet
obstacle et n'en fut point effrayé. Il s'arma d'un
courage stoïque et il crut devoir mettre les enfans
hors la loi, même avant qu'ils fussent nés. Il pro-
posa de rendre une loi déclarant « qu'aucun en-
fant issu d'un mariage contracté après Tannée
qui suivrait la promulgation de cette loi, et qu'au-
cun enfant illégitime né deux ans après la même
époque, n'aurait droit à l'assistance de la paroisse.
Ce serait, disait-il, un avis clair, distinct et précis,
sur le sens duquel nul ne saurait se méprendre.
Personne ne serait trompé ni lésé, et par consé-
quent personne n'aurait le droit de se plaindre. »
Ainsi les enfans au berceau devenaient responsa-
bles de l'erreur qui leur avait donné le jour.
« Pourquoi frémissez-vous, disait Malthus, votre
charité est plus cruelle que ma rigueur , et vos
hospices d'enfans-trouvés ne sont que des cata-
combes. » Il déroulait en même temps les tables
lugubres de la mortalité des enfans dans ces hos-
pices, et Ton était forcéde convenir qu'ils y mour
raient presque tous dans la première année de
leur naissance '.
• D'après les calculs de M. Benoiston de Châteauneuf, 1» mor-
DE l'Économie politique. 159
Ces terribles rapprochemens produisirent une
grande sensation en Europe, Malthus les poursui-
vait avec une constance inflexible. Il voulait effrayer
rhumanité de ses propres écarts et forcer tous les
hommes de cœur à faire un retour salutaire sur
eux-mêmes avant de se marier. En comprimant le
penchant naturel à tous les gouvernemensde mul-
tiplier les institutions de bienfaisance, il espérait
mettre un terme aux abus de ces institutions qui
ne servaient, selon lui, qu'à aggraver les maladies
sociales, au lieu de les guérir. Le célibat, naguère
honni comme une profession égoïsfie, était réha-
bilité et presque élevé au rang de vertu. On fer-
mait les hôpitaux, les lieux d'asile; on cessait de
distribuer des aumônes; on ne s'inquiétait plus
de rien en matière de bienfaisance et de secours
publics. La dureté seule était désormais conforme
aux vrais principes de la science, aux lois de la
nature : l'insensibilité était érigée en système. Il
faut avouer qu'une telle innovation devait révol-
ter profondément les âmes généreuses et tendres
pour qui le plaisir de répandre des bienfaits est un
besoin de tous les momens; Aussi, de toutes parts,
il s'éleva contre la doctrine de Malthus un cri'
talité des enfans-trouvés était de 67 pour 100 à Madrid , en 1817;
de 92 pour lOOà Vienne , en 1811 ; de 79 pour 100 à Bruxelles,
année moyenne, de 1802 à 1817 ; ^ Thospice des enfans-trou-
vés de Dublin , de 1791 à 1797 , sur 12,785 enfans , il en mourut
12,561 , en six années. Quelle boucherie !
160 IIIStOlRK
général d'improbation. Peu s en fallut que Fau-
teur ne fût signalé comme un homme sans en-
trailles, qui venait jeter avec impudence au genre
humain l'horrible ironie de son système. C'était
jpour la première fois, disait-on, qu'on osait ainsi
faire l'éloge de la peste, de la guerre, de la famine
et de tous les fléaux qui désolent l'humanité, en
les présentant comme des lois naturelles, desti-
nées h maintenir l'équilibre entre la population
et les subsistances. Les prêtres, les femmes , les
philosophes se révoltèrent contre l'audace d'une
telle supposition, et Malthus se vit long-temps en
butte, malgré ses qualités privées, aux imputa-
tions les plus calomnieuses.
L'orage s'est enfin apaisé sur la tombe de ce
grand écrivain, et la justice de la postérité a com-
mencé pour lui. Lui-même convenait dans ses
derniers jours qu'il avait exagéré les conséquen-
ces de son principe. « Il est très probable, disait-
il; qu'ayant trouvé l'arc courbé d'un côté , j'aie
été porté à le trop courber de l'autre, dans la vue
de le rendre droit ; mais je serai toujours disposé
à faire disparaître de mon ouvrage ce qui sera
considéré, par des jugescompétens, comme ayant
une tendance à empêcher l'arc de se redresser et
à faire obstacle aux progrès de la vérité. » Et, en
effet, nous avoasvu qu'il avait supprimé, dans les
dernières éditions de $on livre , les passages les
DE l'Économie politique. 161'
plus durs et les plus révoltans. Son erreur prin-
cipale est d'avoir attribué presque exclusivement
à la trop grande multiplication de Tespèce les
malheurs de Thumanité, et d'avoir pour ainsi dire
absous à l'avance de tout reproche les gouverne-
mens de tous les pays* Les causes morales sont
ordinairement complexes et c'est les méconnattre
que de ne les envisager sous une seule face. Mal-
thus n'a pas assez tenu compte, non plus de Tac^
croissement des moyens de production, sous l'in^
fluence du travail et par le concours des machi-
nes. Il a feint de ne pas s'apercevoir que les po-^
pulations de notre temps, quoique infiniment plus
nombreuses que celles des temps passés, jouis-
saient néanmoins de beaucoup plus de douceurs,
étaient mieux vêtues, mieux logées, mieux nour-
ries, et qu'elles étaient moins exposées que jamais
au danger de se dévorer entre elles. Peut-être
éprouvent-elles plus de souffrances morales par
l'excès des tentations qu'elles ne peuvent pas tou-
jours satisfaire; mais ces teûtations même sont
un stimulant énergique auquel il faut rapporter
une bonQC partie des progrès qu'ont faits toutes
les industries. En adoptant l'hypothèse de Mal-
thus, à mesure que la population se rapproche
du niveau des subsistances, la demande de pro-
duits nouveaux amène des découvertes utiles dont
l'humanité tout entière profite;; les émigrations
PBUXIÈMB EDITION. 11
162 HISTOIRE
conduisent peu à peu la race humaine vers les lieux
inoccupés qu'elle fertilise en les peuplant, et la
civilisation pénètre ainsi dans des contrées incon-
nues, qui rendront au centuple les avances néces-
sitées pour leur exploitation. C'est ainsi que TA-
mérique du Nord a yu ses prairies et ses bois dé-
frichés par les colons européens, et les vallées de
ses grands fleuves se couvrir de villes opulentes,
où naguère erraient des hordes misérables de
chasseurs et d'anthropophages.
Quand on examine avec quelque attention la
carte du globe et la fertilité d'un grand nombre de
régions à peine explorées, on cesse de craindre
pour l'espèce humaine les malheurs dont elle est
menacée par les prédictions de Malthus. L'émigra-
tion n'apparaît même que comme une ressource
extrême, en présence des améliorations que le gé-
nie de l'homme ne manque jamais de prodiguer à
la terre, parce qu'il y trouve de nouveaux profits
à mesure qu'elle est appelée à suffire à des de-
mandes nouvelles. M. Ricardo ' n'a rien laissé à
désirer à cet égard aux antagonistes de Malthus,
et nous sommes persuadés que l'auteur du livre
de la population a dû être rassuré lui-même contre
les conséquences de son propre système , en ap-
préciant à leur juste valeur les belles analysesilu
progrès agricole présentées par son illustre con-
* Dans son ouvrage sur le principe de l'impôt.
DE l'Économie politique. 163
citoyen. 11 se fait d'ailleurs un échange continuel
des produits manufacturés contre les produits
naturels, entre tous les peuples , de sorte que le
commerce remédie à l'insuffisance de l'agriculture
et ne laisse jamais sans subsistances aucun peuple
intelligent et laborieux. Les relations chaque jour
plus intimes qui s'établissent parmi les nations
civilisées, leur rendent aussitôt communes toutes
les découvertes utiles; témoins la navigation à la
vapeur, l'éclairage par le gaz, les chemins de fer
qu'on voit adopter presque en même temps en
Europe, en Asie, en Amérique et même en Afri-
que. C'est ainsi qu'aujourd'hui les bateaux à va*
peur sillonnent la mer Rouge et l'Adriatique, re-
montent le Nily le Gange et le Mississipi^ comme
la Seine et la Tamise, et rapprochent d'avance,
pour un cas de famine, les blés de la mer Noire
et des États-Unis , de nos villes populeuses.
Malthus n'est pas le premier qui ait poussé un
cri d'alarme au sujet de l'accroissement de la po-
pulation, et nous pourrions citer plus d'un écri-
vain de son pays qui déplorait, il y a cent ans,
enstyle de Jérémie, les dangers immédiats de cet
accroissement. Que diraient ces prophètes de
malheur, à l'aspect de l'Angleterre de nos jours,
riche, puissante et deux fois plus peuplée?
La doctrine de Malthus n'en aura pas moins le
mérite d'avoir appelé l'attention des gouverne-
164 HISTOIRE
mens y aussi bien que celle des citoyens, sur le
danger des unions imprévoyantes et des secours
prodigués sans4iscernement. Déjà cette doctrine
a préservé la France de l'imitation des lois vicieu-
ses qui ont créé en Angleterre la taxe des pauvres
et qui y ont fait delà mendicité une profession ré-
tribuée. Dans le pays même où ces lois ont si
long-temps régné en souveraines, elles viennent
d'être modifiées, et la générosité publique, dé-
sormais éclairée par l'expérience du passé, ap-
prend à distinguer le malheur immérité de la pau-
vreté volontaire. Le christianisme, avons-nous
dit, découvrit la bienfaisance ; l'économie poli-
tique l'a régularisée. Les hommes prudens ont
aussi appris à réfléchir sur les conséquences ^du
mariage , et cet acte solennel de la vie a cessé
d'être considéré aussi légèrement qu'il Tétait,
avant que Malthus eût fait apprécier l'immense
responsabilité qu'il impose. La société, en se mon-
trant plus sévère dans la distribution des secours
publics, a mis chaque citoyen en demeure de
pourvoir lui-même par l'épargne aux besoins de
ses vieux jours et de ses jours de souffrance; et si
elle n'a point encore osé, selon l'avis de Malthus,
fermer les asiles ouverts à l'enfance abandonnée,
elle a, du moins, pris des mesures pour rappeler
un plus grand nombre de mères aux devoirs de
la nature, qu'elles méconnaissent moins souvent
DE l'Économie politique. 165
par vice de cœur qae sous rinfluence de la mi-
sère. II faut donc pardonner à Malthus d'avoir
frappé fort au lieu de frapper juste, et d'avorr
trop cx>urbé Tare d'un côté, comme il le dit lui-
même, pour le redresser de l'autre. Il a cédé à
Tentrainement bien naturel de généraliser une
idée simple et saisissante et de la jeter comme un
spectre au monde épouvanté. Son but était de
profiter de l'effroi qu'une telle idée devait inspi-
rer, pour commander à ses contemporains une
plus grande activité en toutes choses, et leur dé-
montrer le sens économique du' cri menaçant de
Bossuèt : Marche! marche!
On a vu que Malt h us avait été entraîné à la
publication de son ouvrage par la lecture des
écrits politiques de M. Godwin , cet énergique
utopiste qui voulait rendre les gouvernemens ex-
clusivement responsables de toutes les imperfec-
tions de l'humanité. C'était aussi la doctrine de
J.-J. Rousseau, et Jl l'avait exprimée en termes
dogmatiques, le jour où il avait dit : < Tout est
bien en sortant des mains du Créateur^ tout dégé-
nère entre les mains de l'homme. » Gondorcet
avait poussé la hardiesse plus loin, et il n'avait pas
craint d'affirmer que si l'homme voulait suivre la
nature, il reculerait indéfiniment les limites de
son existence sur la terre. Godwin s'imagina qu'il
ne faisait que tirer les conséquences de leurs
166 HISTOIRE
idées en proposant la destruction des gouverne-
mens, des religions, de la propriété, du mariage
et des institutions d'une moindre importance ,
qui dérivent de celles-là. Il faut se reporter à ces
exagérations pour s'expliquer l'exagération du
système de Malthus. « Les institutions humaines,
dit-il, quelques maux qu'elles puissent occasion-
ner à la société, ne sont réellement que. des cau-
ses légères et superficielles , rien que des plumeg
qui flottent à la surface , en comparaison de ces
sources de mal plus profondes qui découlent des
lois de la nature et de la passion d'un sexe pour Vaiur
tre. Loin que les malheurs de l'humanité doivent
être imputés à l'impéritie des gouvernemens et à
leur répugnance pour les réformes , c'est plutôt
à l'exubérance de la population qu'il faut attri-
buer tous les maux dont elle est accablée. «L'am-
bition des princes manquerait d'instrumens de
destruction, si la misère ne poussait pas sous leurs
drapeaux les basses classes du peuple. » Malthus
pensait que la multitude, sans cesse aiguillonnée
par la détresse, ne pouvait être contenue que par
le despotisme le plus dur; à son avis , les cris
des démagogues, en ralliant autour du pouvoir
établi les classes aisées de la société, dont ils me-
naçaient l'existence * étaient la cause de toutes
les mauvaises lois et de la conservation de tous
les abus. Il ne concevait pas qu'une nation éçlai-^
DE l'Économie politique. 167
rée pût supporter long-temps les inslitutions vi-
cieuses et les malversations d'un gouvernement
corrompu, si elle ne se croyait pas menacée de
maux plus graves par une populace aveugle et af-
famée * •
Il est facile de concevoir avec quelle faveur
cette doctrine devait être accueillie dans un pays
comme l'Angleterre, dont l'aristocratie soutenait,
à l'époque où parut le livre de Malthus, une lutte
acharnée contre les principes de la Révolution
française. Babeuf n'avait pas encore écrit; mais
on se souvenait des pamphlets de Marat et des
tentatives sanglantes de nos niveleurs. On avait
vu à l'œuvre les réformateurs de cette école, et
le sentiment général d'horreur qu'ils avaient
inspiré ne contribua pas peu au succès de la doc-
trine de Malthus. Sa théorie de la population fut
célébrée avec un enthousiasme de parti, car elle
plaçait sous la protection de la Providence et
comme son œuvre même, les inégalités sociales
les plus profondes et toutes les misères qu'elles
traînent à leur suite. Les écrivains populaires se
mirent d'un côté, les partisans des privilèges se
retranchèrent de l'autre, les uns pour attaquer,
les autres pour défendre ce nouveau dogme de la
fatalité. Ce ne fut plus une discussion, ce fut une
* Qï. Comte, Notice historique sur la vie et les travaux de
Malthus, lue à Tlnstitut , le 28 décembre 1856.
168 HISTOIRE
mêlée d'où la vérité aurait eu beaucoup de peine
à sortir saine et sauve, si le temps, qui met cha-
que chose à sa place , n'avait forcé les partie à
reconnaître enfin ce qu'il y avait d'outré dans
leurs prétentions respectives. Godwin était déjà
beaucoup plus modéré dans ses Recherches sur la
population que dans son traité De la justice politique ;
et Malthus lui-même , comme nous l'avons dit,
s'était amendé en présence des juges compitens^
c'est-à-dire des événemens qui avaient modifié
ses idées.
Sa doctrine, en effet, ne pouvait soutenir un
examen sérieux dans les termes absolus où il l'a-
vait exposée. Ces arrêts de proscription lancés
contre des enfans, contre des vieillards et des in-
firmes, ne méritaient pas d'être sanctionnés par
la conscience publique. Une voix intérieure criait
à chaque homme que les sentimens les plus im-
périeux et les plus doux, celui de l'amour, celui
de la paternité, ne lui avaient pas été donnés par
le Créateur comme une source d'amertume et de
misères. Les vices et les crimes ne devaient pas
avoir la même origine que les vertus. La plus sim-
ple analyse du travail humain suffisait pour dé-
montrer, d'un autre côté, que si la population,
en s'accroissant, exigeait une plus forte quantité
de subsistances, elle possédait en elle-même les
moyens d'y pourvoir. On voyait tous les jours un
DE l'Économie politique. 169
seul homme créer par son travail assez de pro-
duits pour nourrir dix de ses semblables. On ex-
ploitait des terrains nouveaux quand le besoin de
vivres y assurait aux capitaux de l'agriculteur
des profits réguliers. Les lois en faveur des pau-
vres, que Malthus avait sijgnalées comme si désas-
treuses', ne devaient être considérées que comme
une compensation aux aumônes répandues par
les monastères , dont le protestantisme anglais
avait confisqué les revenus, et non comme un
encouragement au vice et à la paresse. L'auteur
avait eu beau dire « qu'il fallait laisser à la na-
ture le soin de punir le pauvre du crime d'in-
digence, » personne ne regardait l'indigence
comme un crime et la richesse comme une vertu.
M. Godwîn a réfuté avec une grande supério-
rité de raison toute cette partie de la doctrine de
Malthus, si bien accueillie par l'aristocratie an-
glaise, parce qu'elle s'accordait parfaitement avec
ses sympathies naturelles. « Malheur au pays ,
dit-il, où un homme de la classe du peuple ne
peut se marier sans avoir la perspective de per-
dre sa dignité et son indépendance! Malheur au
pays où, lorsque des revers imprévus accablent
cet homme, on lui crie qu'il n'a nul droit à ré-
* Malthus appelait ces lois « un mal en comparaison duquel la
dette nationale , avec toute la terreur qu'elle inspire , n*est que
de peu dimportance. »
170 HISTOIRE
clamer des secours qai l'aident à se tirer de sa
situation difficile! On peut être sûr qu'il existe
quelque vice dangereux dans l'ordre social, là où
un tel homme n'aura pas une espérance raison-
nable de nourrir sa famille au moyen du travail
de ses bras, quoiqu'il ne possédât rien au
moment de se marier ' » Et loin de recomman-
der aux gouvernemens l'insouciance ou la du-
reté pour le malheur, Godwin pensait avec jus-
tesse qu'il leur appartenait de travailler nuit et
jour aux améliorations dont le oorps social a
besoin .
L'expérience n'a cessé de justifier cette opinion.
La richesse publique continue de s'accroître dans
presque tous les pays deJ'Europeen même temps
que la population, et ce phénomène se reproduit
d'une manière tellement générale et compacte,
qu'un économiste américain, M. Alexandre Eve-
rett, a été jusqu'à considérer l'accroissement de
la population comme la cause essentielle de ses
progrès en tout genre. Il a pensé que, puisque
les produits du travail sont toujours en raison du
travail lui-même et, par conséquent, de la popu-
lation, les moyens de subsistance pour les indi-
vidus ne dépendent que de la répartition plus ou
moins équitable des profits entre les employés des
diverses industries. Ces industries elles-mêmes
* Recherches sur la popuiaiion^ liv. VI, chap. vi.
DE l'Économie politique. 171
se développent chaque jour davantage sur un ter-
ritoire limité , soit par le perfectionnement de
l'agriculture, soit par l'extension du commerce.
Les jeunes branches, loin d'épuiser le tronc, lui
donnent une vigueur nouvelle et deviennent des
élémens de prospérité, au lieu d'être, comme le
suppose Malthus, une cause de ruine et de dépé-
rissement. ^
Au reste, les terreurs relatives au développe-
ment de la population datent d'une époque anté-
rieure de beaucoup à la publication du célèbre
ouvrage de Malthus. Les anciens écrits d'écono-
mie politique sont tous empreints de l'inquiétude
qui agitait nos pères, à l'aspect de la grande fa-
mille qu'ils contribuaient, d'ailleurs, si vaillam-
ment à accroître. Leurs cris de détresse se fai-
saient principalement entendre dans les villes
capitales, et plus d'un roi de France, éperdu,
crut nécessaire de restreindre l'étendue de la
ville de Paris, dont les barrières, sans cesse re-
culées, tendent à reculer encore. Le même phé-
nomène a été observé à Londres, ville aussi peu-
plée que certains royaumes , et dans laquelle
plus d'un million de consommateurs vivent à
l'aise sur un espace qui ne suffirait pas à la
nourriture de cinq cents personnes, s'il était des-
tiné à y pourvoir. Mais ces vaines terreurs dis-
raissent devant l'absurdité du prétendu accrois-
172 HISTOIRE
sèment de la population en progression géomé-
trique. Malthus lui-même a reconnu qu'on ne
pouvait citer aucune nation dont la population
n'ait été maintenue par des influences physiques
ou morales , au-dessous du niveau fixé par les
produits du sol; sans quoi nous aurions vU des di-
settes permanentes, ou des épidémies périodiques,
tandis que ces fléaux n'ont généralement éclaté
qu'aux époques où les diflérentes nations étaient
infiniment moins peuplées qu'elles ne le sont à
présent. Le choix que Malthus a fait de l'Améri-
que, où la population double tous les vingt-cinq
ans , n'est pas plus concluant que celui de la
Suède, où, selon M. Godwin, elle ne double que
tous les cent ans. Les sociétés ne procèdent
point ainsi par périodes régulières, comme les
astres et les saisons, nous l'avons dit ; et les in-
stitutions politiques exercent , avec les mœurs ,
une influence qui modifie profondément la ten-
dance naturelle de l'homme , arithmétique ou
géométrique, à se multiplier.
Malthus a donc vraiment déclaré la guerre aux
affections domestiques , à la charité publique et
privée, à l'enfance, à la vieillesse, dans l'intérêt
mal entendu de l'humanité. Le ciel n'a pas voulu
que la richesse eût le monopole de toutes les
jouissances , y compris celles de l'amour et du
mariage , ni qu'une partie de l'espèce humaine
DE l'Économie politique. 173
fût sacrifiée en holocauste à l'autre; en un mot,
la société ne doit pas plus être un -couvent
qu'une garenne. Toutefois, en a\agérant les dan-
gers de la population, Malthus a, du moins, pré-
muni les gouvernemens contre les abus des in-
stitutions de bienfaisance , et il a fait sentir à
chaque homme que la loi sociale lui imposait
des devoirs sacrés de prévoyance et de conserva-
tion pour lui et pour ses enfans. L'Angleterre a
commencé, dés lors, la réforme de ses lois sur
les pauvres , et les autres pays se sont mis en
garde contre le danger de leur imitation. La cha-
rité, désormais, ne sera pas moins vive, mais elle
sera plus éclairée. Elle se croira soumise à des
régies, comme toutes les autres vertus, et déjà,
ces règles lui ont été tracées, en France, dans un
ouvrage' qui participe tout à la (ois de la sévère
prudence de Malthus et de la pkUantropie généreuse
dé Godwm. On dirait même que cette transaction
a paru insuffisante aux esprits religieux, pour qui
la bienfaisance est le plus saint des devoirs. Un
de nos magistrats les plus honorables ' a publié,
sous le titre d' Économie politique chrétienne^ un ma-
nifeste souvent éloquent et toujours sincère con-
tre les doctrines de Malthus. Il les attaque, sans
doute , beaucoup plus en apôtre qu'en écono-
* De la charité , par M. Duchâtel , in-8o.
* M. deVilleneuve-Bargemont, ancien préf«t.
174 HISTOIRE
miste et en homme d'État; mais il a signalé très
bien leur impuissance à moraliser les populations
et à prévenir l'vivasion des misères dont l'hu-
manité est affligée. Déjà plusieurs années avant
l'apparition de son livre, une protestation, qui a
eu du retentissement en Europe , avait signalé à
l'animadversion publique la doctrine du travail
illimité des ouvriers et le droit d'abandon exercé
à leur égard par les maîtres. M. de Sismondi n'a-
vait pas craint de proposer une loi en vertu de
laquelle les entrepreneurs d'industrie seraient
tenus de pourvoir à tous les besoins de leurs ou-
vrierSj en santé, en maladie, à tous les âges de la me,
à condition que ceux-ci ne pourraient se marier
qu'avec l'autorisation des premiers. Il rétrogra-
dait ainsi jusqu'aux jurandes et aux maîtrises, et
il demandait aux classes ouvrièi^es leur liberté en
échange de leur pain. Tant la question est grave
et difficile, tant elle est effrayante, quand on se
souvient des essais de 1793 et des souffrances
de 1830; des Luddistes de Manchester et des in-
surgés de Lyon !
Tous les gou vernemens de l' Europe n'ont cessé,
depuis ce moment, de lutter contre le principe
de désordre et de perturbation que l'incertitude
de cette question traîne partout avec elle. En vain
la production a marché à pas de géant : les débou-
chés ne lui offrent pas toujours un écoulement
DE l'Économie politique. 175
favorable, et la répartition des profits ne se fait
pas avec cette évidente équité qui rallie toutes les
convictions et tous les intérêts. La contrainte morale
de Malthus n'empêche pas un seul mariage im-
prudent, et ne prévient aucune naissance illégi-^
time. Les conseils de M. Duchâtel ne s'adressent
qu'aux hommes éclairés et l'intervention de la
loi, telle que M. de Sismondi la réclame , n'est
pas moins repoussée par nos institutions que par
nos mœurs. La discussion en est encore au point
où l'a laissée Màlthus; et quoique cet auleur ait
trouvé, comme Turgot, un gouvernement disposé
à favoriser ses expériences, ces expériences ne
sont pas encore assez concluantes pour qu'on en
espère une solution vraiment scientifique et déci-
sive. Nous verrons bientôt à l'œuvre des assem-
blées délibérantes, des novateurs hardis qui es-
saieront de délier le nœud gordien et d'établir
sur de meilleures bases la distribution des profits
du travail : la Constituante, la Convention, l'école
Saint-Simonienne, l'école Socialiste et beaucoup
d'autres ; eu quoi leurs grands essais nous ont-ils
avancés? Nous entendons gronder, comme une
voix partie de l'abîme, la parole austère de M. de
La Mennais, le père Bridaine de l'économie poli-
tique ; mais il se plaint des ouvriers autant que
des maîtres et il se borne à recommander la cha-
rité aux uns et la résignation aux autres. Sespa-
176 HISTOIRE
raboles véhémentes rappellent quelquefois VHis^
toire philosophique et politique de l'abbé Raynal;
mais on n'a pas oublié non plus les désastres de
Saint-Domingue. Ce n'est pas l'éloquence fiévreuse
de Raynal qui a émancipé les noirs ; c'est la rai-
son de Wilberforce, et la sagesse du parlement
d'Angleterre*
DE l'Économie politique. 177
CHAPITRE XXXVI.
De rinfluencedes écrivains du dix-huitième siècle sur la marche
de Péconomie politique en Europe. — Esprit des Lois. —
Œuvres économiques de J.-J. Rousseau. — Opinions économi-
ques de Voltaire. — L'abhé Raynal.
II est juste de rapporter aux philosophes du
dix-huitième siècle une partie de l'honneur qui
revient aux économistes pour toutes les réformes
exécutées ou tentées à la fin de ce siècle. Leurs
écrits en contenaient le germe, et quoiqu'il y
règne une incertitude vague sur la plupart des
questions sociales, si hardiment abordées par l'é-
cole de Quesnay, par celle d'Adam Smith et par
Malthus lui-même, on ne peut s'empêcher de
convenir que Montesquieu , Rousseau, Voltaire ,
l'abbé Raynal ont été les précurseurs de ces grands
maîtres dans la science économique. L'immense
éclat dont les œuvres littéraires des encyclopé-
distes ont brillé, semble avoir exclusivement
absorbé l'attention de la postérité ; mais la partie
qui nous échappe aujourd'hui, celle qu'on lit le
moins, est le véritable point de départ de toutes
les théories économiques modernes. Elles y sont
à l'état d'embryon, toutes prêtes à naître sous
BEUXIÈMK JISOITION. 12
178 HISTOIRE
l'atmosphère brûlante de la Révolution française,
et il suffit de Tœil le moins exercé pour les re-
connaître et les signaler.
Montesquieu occupe le premier rang parmi les
publicistesqui ont porté leurs regards sur les plus
hautes questions d'économie politique , et quoi-
qu'il se trompe souvent, quoiqu'il ait partagé à
beaucoup d'égards les préjugés de ses contempo-
rains, nous lui devons les premiers aperçus vrai-
ment neufs et hardis qui aient été publiés sur
l'influence du commerce, et quelques curieuses
analyses de la théorie des monnaies. Quoi de plus
vrai, aujourd'hui même, que cette belle appré-*
ciation du caractère des impôts : « L'impôt par
tète est naturel à la servitude; l'impôt sur les
marchandises est plus naturel à la liberté, parce
qu'il se rapporte d'une manière moins directe à
la personne. » C'est Montesquieu qui a osé dire
le premier que les gouvernemens les plus libres
étaient aussi les plus chers ', et si cette doctrine
est vraie de nos jours, pour d'autres motifs que
ceux dont parlait ce grand homme, il n'en a pas
moins eu le mérite de l'avoir découverte. Il a com-
mencé par marcher : plus tard, on a expliqué le
mouvement.
Nous avons vivement attaqué , depuis trente
ans, le système colonial et la traite des noirs;
' Esprit des leis^ liv. XIII, chap. xii.
DB l'Économie politique. 179
mais à part l'acte d'affranchissement rendu par
le parlement d'Angleterre, qu'y a-t-il de plus
éloquent au monde que le chapitre de Montes-
quieu sur l'esclavage des nègres! « Ceux dont il
s'agit, dit-il ', sont noirs depuis les pieds jusqu'à
la tête, et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque
impossible de les plaindre. On ne peut se mettre
dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage,
ait mis une ame, surtout une ame bonne, dans
un corps tout noir... 11 est impossible que nous
supposions que ces gens-là soient des hommes,
on commencerait à croire que nous ne sommes
pas nous-mêmes chrétiens. De petits esprits exa-
gèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains :
car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il
pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui
font entre eux tant de conventions inutiles, d'en
faire îms générale en faveur de la miséricorde et de la
pùiét » Cette convention a été faite, grâce à Dieu;
mais qui pourrait nier qu'elle soit principalement
due à l'ironie sublime du plaidoyer de Montes-
quieu ! L'économie politique a prouvé la cherté
du travail des nègres, et la supériorité relative de
la culture par des mains libres ; Montesquieu a
mieux fait : il a inspiré l'horreur de l'esclavage;
il l'a flétri, il l'a marqué au front; les législateurs
n'ont eu qu'à enregistrer son arrêt, L'Esprit des
• Esprit des /ow, liv. XV, chap. v.
180 HISTOIRE
lois avait déjà tranché cette grave question, bien
avant les déclamations de Raynal et les décrets
de la Convention.
J'ai hâte de payer à Montesquieu la dette de la
science et de l'époque actuelle. Écoutez sa défini-
tion du commerce, qu'on croirait tirée de quel-
que discours du trône; cette année, en France ou
en Angleterre : « L'effet naturel du commerce
est de porter à la paix. Deux nations qui négo-
cient ensemblent se rendent réciproquement dé-
pendantes : si l'une a intérêt d'acheter, l'autre a
intérêt de vendre, et toutes les unions sont fon-
dées sur des besoins mutuels. » N'est-ce point,
en deux lignes le programme de la politique mo-
derne ? Nous marchons à grands pas vers la réa-
lisation de cette grande pensée harmonique,
qu'il fut donné à Montesquieu d'énoncer, saris
pouvoir en démontrer la justesse. Cette tâche
était dévolue aux économistes, et jamais peut-
être leurs travaux ne se distinguèrent plus nette-
ment de ceux des philosophes du dix-huitième
siècle, que dans tout ce qui a rapport à ce sujet.
En effet, Montesquieu n'a pas plus tôt exposé les
véritables bases du commerce des nations, que la
démonstration lui échappe et qu'il tombe dans les
plus graves contradictions *. « La liberté du com-
' La réfutation la plus complète des erreurs de Montesquieu
en économie politique , est due à M. le comte Destutt d« Tracy,
DE L ECONOMIE POLITIQUE. 181
merce n'est pas, à ses yeux, une faculté accordée
aux négocians de faire ce qu'ils veulent; ce serait
bien plutôt la servitude. Ce qui gêne le commer-
çant ne gêne pas pour cela le commerce. » Plus
loin, il ajoute : « Il faut que TÉtat soit neutre en*
tre sa douane et son commerce, et qu'il fasse en
sorte que ces deux choses ne se croisent point ; et
alors an y jouit de la liberté du commerce. » L'in-
slinct généreux et éclairé de cet illustre écrivain
lui faisait deviner les vrais principes, et les pré-
jugés de son temps les dérobaient par momens à
ses regards, témoin son opinion sur les impor-
tations et sur les exportations, entachée des plus
vieilles erreurs de la balance du commerce. « Un
pays, dit-il, qui envoie toujours moins de mar-
chandises qu'il n'en reçoit, se met lui-même en
équilibre en s'appauvrissant : il recevra toujours
moins, jusqu'à ce que dans une pauvreté extrême,
il ne reçoive plus rien. »
Cette étrange assertion se trouve, il est vrai,
dans un chapitre intitulé : A quelles nations il est
désavantageux de faire le commerce, et Montesquieu
y désigne le Japon comme l'un des pays avec les-
quels il y a le moins d'inconvéniens à trafiquer,
« parce que la quantité excessive de ce qu'il ^eut
recevoir, produit la quantité excessive de ce qu'il
dont rexcellent commentaire sur VEsprit des lois est estimé
presque à Tégal du livre.
182 HISTOIRE
peut envoyer; » mais on n'en d€>it pas moins re-
gretter que de telles erreurs déparent un ouvrage
dont la publication a rendu tant de services à
l'humanité. Ailleurs', l'auteur s'écrie :« Ce n'est
point à moi de prononcer sur la question, si
l'Espagne, ne pouvant faire le commerce des
Indes par elle-nnême, il ne vaudrait pas mieux
qu'elle le rendît libre aux étrangers. Je dirai seu-
lement qu'il lui convient de mettre ace commerce
le moins d'obstacles que sa politique pourra lui
permettre. » C'est ainsi qu'entraîné tour à tour
par des idées contraires, Montesquieu a défendu
la liberté et les prohibitions, et que ses œuvres
ont servi d'arsenal à tous les partis, philosophi-
ques, économiques et politiques, parce qu'on y
trouve des argumens pour toutes les causes,
comme dans le moment de la fermentation, on
voit la lie bouillonner avec une foule de produits
impurs, mêlés aux liquides les plus généreux. Il
était difficile de ne pas confondre beaucoup de
choses différentes, en les remuant d'une manière
aussi vive que l'immortel auteur ^e Y Esprit d$s
lois y et cette considération explique très bien
* pourquoi il n'a pas été donné aux mêmes hommes
de poser les questions et de les résoudre. Les phi-
losophes du dix-huitième siècle n'ont entrevu la
solution du problème social qu'au travers du
* Esprit des lois, liv. XXï, chap. xxiii.
Dfi l'Économie politique. 183
prisme de leur imagination et comme en poètes :
les économistes seuls y ont appliqué la mélhode
expérimentale, et ce n'est réellement qu'entre
leurs mains que l'économie politique est devenue
une science d'observation.
On trouve dans les œuvres économiques de
J.-J. Rousseau les mêmes contradictions et les
mêmes incertitudes que dans Montesquieu. 11 fait,
comme lui, la guerre au luxe, et il s'attache prin-
cipalement à vanter les merveilles de l'agricul-
ture. Le commerce et les iinances ne lui parais-
sent propres qu'à énerver les peuples et à les
corrompre. « Dès qu'on ne veut que gagner, dit-
il', on gagne toujours plus à être fripon qu'hon-
nête homme. Ceux qui manient l'argent appren-
nent bientôt à le détourner, et que sont tous les
surveillans qu'on leur donne, sinon d'autres fri-
pons qu'on envoie partager avec eux? » Pour
éviter ce maniement funeste, J.-J. Rousseau
proposait de payer les fonctionnaires publics avec
des denrées, et de faire exécuter les services pu-
blics au moyen des corvées* Tel est, selon lui,
l'esprit qui devrait régner dans un bon système
économique : « Peu songer aux étrangers, peu se
soucier du commerce, supprimer le papier tim-
bré, taxer les bestiaux, surtout taxer les terres
comme le proposaient les physiocrates, car enfin
• Du gouvernement de Pologne ^ chap. xi.
184 HISTOIRE
c'est ce qui produit qui doit payer. » Et encore ia
taxe des terres ne devait être, à soû gré, qu'une
dime mise en régie, « aûn que l'État eût de
l'argent sans que les citoyens fussent obligés d'en
donner. »
Cette économie politique était la conséquence
naturdle des paradoxes fameux dont Rousseau
n'a jamais cessé d'être l'éloquent propagateur.
Elle condijiisait droit au régime de Sparte et aux
lois de Lycurgue. « Cultivez, disait-il ', les scien-
ces, les arts, le commerce, l'industrie; ayez des
troupes réglées, des places fortes, des académies,
surtout un bon système de finances qui fasse bien
circuler l'argent, qui vous en procure beaucoup:
de cette manière vous formerez un peuple intri-
gant, ardent, avide, ambitieux, servile et fripon
comme les autres; vous entrerez dans tous les
systèmes politiques , on recherchera votre al-
liance, on vous liera par des traités; il n'y aura
pas une guerre en Europe où vous n'ayez l'hon-
neur d'être fourrés. Mais si par hasard vous ai-
mez mieux former une nation libre, paisible et
sage, appliquez vos peuples à l'agriculture et aux
arts nécessaires à la vie ; rendez l'argent mépri-
sable, et s'il se peut inutile. » Rousseau ne pen-
sait pas que pour appliquer les peuples à la cul-
ture des arts nécessaires à la vie, il fallait des
* Du gouvernement de Pologne , chap. xi.
DE l'Économie politique. 185
capitaux, comme il en faut à l'agriculture elle-
même, à moins qu'elle ne soit exploitée par le
régime patriarcal des temps héroïques et des pe-
tits pays, tl ne suflit pas de crier : « Cultivez bien
vos champs sans vous soucier du reste ; bientôt
vous moissonnerez de l'or, et plus qu'il n'en faut
pour vous procurer ce qui vous manque; » i» ré-
sultat même ne peut être obtenu que par le couh
merce et par les spéculations auxquelles il faiil
de grands capitaux. Aussi le philosophe de Ge-
nève était-il conduit par son système à demander
la suppression des villes, c'est-à-dire de la civi-
lisation elle-même, contre laquelle il avait ouvert
les hostilités dans ce mémorable discours qui fut
couronné par l'académie de Dijon.
Rousseau voulait des impôts sur les marchan-
cljses, comme nous en avions naguère sur les
maisons de jeu; puis il songeait à la contrebande
et il proposait, pour l'éviter, d'exempter de tout
droit la dentelle et les bijoux, trop aisés à cacher.
Tristes moyens pour empêcher cette inégalité des
conditions, dont le fantôme lui faisait peur et qui
est inhérente à la civilisation même ! « Si , par
exemple, disait-il*, le gouvernement peut inter-
dire l'usage des carosses , il peut, à plus forte
raison, im^poser une taxe sur les carosses ; moyen
sage et utile d'en blâmer Image sans le faire cesser.
' De l'économie politique ^ à lafinde.rardcle.
186 HISTOIRE
Alors on peut regarder la taxe comme une espèce
d'amende dont le produit dédommage de l'abus
qu'elle punit. » Qui croirait qu'après cette sortie,
digne d'un vieux censeur romain des jours les
plus austères de la république, Rousseau ait pris
la défense des gouvernemens, contre certains
économistes qui veulent les exclure de toute par-
ticipation aux affaires industrielles de l'État ! « Il
faut rejeter de pareilles idées. Si dans chaque
nation , ceux à qui le souverain commet le gou-
vernement des peuples en étaient les ennemis
par état, ce ne serait pas la peine de rechercher
ce qu'ils doivent faire pour les rendre heureux*. »
Et il avait raison. Que conclure donc de cet
amalgame incohérent de doctrines libérales jus-
qu'à l'anarchie, et, comme on dit de nos jours,
gouvernementales jusqiï k l'arbitraire! Que les véri-
tables principes de la physiologie sociale étaient
encore peu connus, parce que les expériences
décisives n'étaient pas encore faites, et que l'éco-
nomie politique était encore pour les plus beaux
génies une science d'imagination.
Les excursions de Voltaire dans le domaine de
l'économie politique, nous offrent une preuve
nouvelle de cette vérité. En attaquant les théories
des autres, il a eu occasion d'exposer la sienne
' C'est la dernière phrase de son article Économie poliUque^
dans \ Encyclopédie.
DE l'Économie politique. 187
sur ces graves matières, et j'ai regret de dire qu'il
s'est borné à jeter le vernis de sa prose élégante
sur les lieux communs les plus surannés de son
époque. Son Homme aux quarante écus ', composé
dans l'intention de ridiculiser les physiocrates, et
principalement leur plus habile interprète, Mer-
cier de La Rivière, n'est qu'une reproduction
spirituelle de tous les préjugés en faveur de la
balance du commerce et des prohibitions. Vol-
taire y soutient que les petits ne vivent que du luxe
des grands, et il pense comme Louis XIV, que les
princes font l'aumône en dépensant beaucoup.
•^ Partout, dit-il *, le riche fait vivre le pauvre. Voilà
l'unique source de l'industrie et du commerce.
Plus la nation est industrieuse, plus elle gagne sur
l'étranger. Si nous attrapions de l'étranger dix
millions par an pour la balance du commerce, il
y aurait dans vingt ans deux cents millions de
plus dans l'État. Mais il n'est pas sûr que la ba-
lance de notre commerce nous soit toujours favo-
rable ; il y a des temps où nous perdons. — J'ai
entendu parler beaucoup de population. Si nous
' Les économistes avaient prétendu que dans un état organisé
selon leurs doctrines , «ne somme moyenne de cent vingt francs
(quarante écus) , devait suffire à Texistence de chaque citoyen.
De là , le titre que Voltaire crut devoir donner à la réfutation
burlesque de leur système.
" Voir l'Homme a waî quarante ccus^ tome XIV, page 12, édition
de Dupont.
188 HISTOIRE
nous avisions de faire lé double d'enfans de ce
que nous en faisons ; si nous avions quarante mil-
lions d'habitans au lieu de vingt, qu'arriverait-ii?
— Il arriverait que chacun n'aurait à dépenser
que vingt écus, ou qu'il faudrait que la terre
rendit le double de ce qu'elle rend, ou qu'il y
aurait le double de pauvres, ou qu'il faudrait
avoir le double d'industrie et gagner le double
sur l'étranger, ou envoyer la moitié de la nation
en Amérique, ou que la moitié de la nation man-
geât l'autre. »
Quoique ces lignes soient très légères, elles
n'en contiennent pas moins le résumé des doc-
trines économiques qui étaient en faveur à l'épo-
que où parurent les premiers écrits des physio-
crates. C'est ainsi qu'on pensait alors dans
presque toute l'Europe , et Voltaire n'était que
l'écho des contemporains, lorsqu'il écrivait dans
sa défense du Mondain :
i( Sachez surtout que le luxe enrichit
» Un grand État, s'il en perd un petit.
» Cette splendeur, cette pompe mondaine,
» D'un règne heureux est la marque certaine.
» Le riche est né pour beaucoup dépenser;
» Le pauvre est fait pour beaucoup amasser. »
Il y a loin de ces doctrines élastiques aux pre-
mières analyses de la production par Â.dam
Smith, mais c'était déjà beaucoup qu'on leur ac-
DE l'Économie politique. 189
cordât autant de place dans tous les ouvrages de
quelque importance , et que les plus beaux ta-
lens de notre littérature s'en fussent rendus I^
organes. Quand les fondateurs de la science mi^
rent la main sur les matériaux épars dans les li-
vres des philosophes, ils trouvèrent l'opinion pu-
blique préparée aux discussions d'intérêt social,
et ils n'eurent plus qu'à prendre la parole pour
se faire écouter. Mercier de La Rivière était, as-
surément, moins éloquent que J.-J. Rousseau ,
et certes Adam Smith n'est pas aussi grand écri-
vain que Montesquieu ; mais ces économistes avaient
sur les pkUosopJm l'avantage d'une dialectique
plus serrée, d'une méthode plus sûre et plus so-
lidement établie sur le terrain des faits. C'est ce
qui donne sur-le-champ un caractère particulier
de gravité à leurs ouvrages, mieux accueillis des
gouvernemens que les œuvres des encyclopédis-
tes, hardis frondeurs, qui semblaient plus occu-
pés de détruire que de réformer. Aussi leur triom-
phe a-t-il précédé de long -temps celui des
économistes, et la révolution politique dont ils
furent les premiers apôtres, a-t-elle eu le temps
de faire le tour du monde , avant que la révolu-
tion économique ait seulement choisi ses pre-
miers champs de bataille. La liberté civile et re-
ligieuse est assurée dans presque toute l'Europe;
la liberté commerciale y est encore à naître. Il y
190 HISTOIRE
a un droit des gens politique; il n'y a pas de
droit des gens industriel. Les nations respec-
tent un arpent de neige sur la frontière qui
les sépare, et elles se volent sans pudeur leurs
propriétés littéraires , comme le feraient des fli-
bustiers. Ici , des taxes énormes pèsent sur le
commerce; ailleurs, le commerce est moins taxé.
On a vu des souverains prétendre à la domina-
tion exclusive de l'embouchure d'un fleuve;
d'autres veulent fermer les mers , interdire les
ports, altérer les monnaies ; tout est encore anar-
chie dans la production, tandis que l'ordre règne
dans la politique.
Raynal est le premier écrivain économiste du
dix-huitième siècle, dont les ouvrages ofl*rent
l'image de cette lutte intérieure des deux révo-
lutions. On sent, en le lisant, qu'il travaillait de
préférence à la révolution politique; il déclame
comme un tribun du peuple; il apostrophe, il
invective à la manière des démagogues; mais ses
philippiques véhémentes contre la traite des;
noirs, ses peintures animées du monopole et de
ses conséquences dans les deux Indes, lui assi-
gnent une place respectable parmi les fondateurs
de l'émancipation industrielle et commerciale.
Bien que ses aperçus soient par momens un
peu vagues et mal arrêtés, Raynal a pressenti la
révolution économique du dix-neuvième siècle,
DE l'écowomik politique. 191
dont Tabondance des États-Unis forme le premier
épisode. On voit qu'il a rêvé des jours plus heu-
reux pour les classes laborieuses, soit qu'il nous
les dépeigne errantes sur un navire , ou renfer-
mées dans un atelier; soit qu'il s'indigne des
abus de la force européenne envers les races fai-
bles du continent américain. On ne le lit plus
guère aujourd'hui; on traite ses écrits à la ma-
nière des échafaudages .que Tarchitecte démonte
et retire à mesure que son édifice s'élève; mais
Y Hisioire politique restera comme un souvenir des
premiers efforts consacrés à la défense du travail
et à la régénération des travailleurs. Ce livre
semble écrit sur la brèche; il y règne une fou-
gue de style qui annonce l'approche des révolu-
tions; c'est un dernier défi lancé avant le com-
bat. Il nous reste donc à voir les combattans à
l'œuvre; œuvre sublime et convulsive où tout de-
vint instrument de destruction et de guerre; où
la philosophie elle-même crut devoir recourir à
la hache pour déblayer le terrain sur lequel nos
enfans seront appelés à bâtir.
192 HISTOIRE
CHAPITRE XXXVn.
Des doctrines économiques de la révolution française. — Elles
ont ioutes un caractère socîal plutôt qu'industriel. — ^EUessont
cosmopolites en théorie et restrictives dans la pratique. — La
Convention et TEmpire en font des armes de guerre. — Vue
générale des conséquences du blocus eontinentaL — Il existait
de fait avant d'être décrété.—Fâcheux préjugés qu'il a répan-
dus en Europe.
Il y a une parole célèbre de l'abbé Sîeyes qui
caractérise très bien la tendance de l'économie
politique , au commencement de la révolution
française : « Qu'est-ce que le Tiers-État? disait-
' il. — Rien. — Que doit-il être? — Tout. » Ce
mot profond résumait la pensée du dix-huitième
siècle; il remettait en honneur le programme
oublié de Turgot, et il annonçait Tavénement de
la force capable de le faire exécuter. Aussi à
peine ce mol fut-il prononcé, qu'on se mit à
l'œuvre; et dans quelques mois de session, l'As-
semblée constituante avait fait justice des privilè-
ges , détruit les douanes intérieures , adouci te
régime des douanes frontières, supprimé les cor-
porations, assujéti tous les citoyens au paiement
de l'impôt et préparé Témancipation du travail.
DE l'Économie politique. IM
Jamais à aucune autre époque on n'avait fait pa-
reille moisson d'abus invétérés et manifesté une
volonté aussi ferme de marcher hardiment dans
la voie des réformes. L'édifice social fut, pour
ainsi dire, repris en sous-œuvre^ et il n'y eut pas
une seule institution importante qui ne fut mo-
difiée plus ou moins profondément.
L'immortelle nuit du i août 1789 vit se réali-
ser la plupart de ces changemens mémorables.
Quelques heures suffirent pour l'abolition des
jurandes, de la main-morte, des droits féodaux,
des privilèges de naissance , des inégalités fisca-
les. En même temps , l'Assemblée constituante
jetait les fondemens d'une division territoriale
qui détruisait les privilèges des provinces , en
créant l'unité nationale. La France pouvait dé-
sormais s'avancer comme un seul homme vers
les nouvelles destinées que la révolution venait
de lui ouvrir. Le travail était libre ; les citoyens
l'étaient aussi; nulle carrière n'était fermée à leur
capacité , nulle espérance interdite à leur ambi-
tion. Lq gouvernement central, vigoureusement
organisé, pouvait faire exécuter ses ordres d'une
extrémité du royaume à l'autre. Les expériences
décrétées à Paris ne rencontraient pas de résis-
tance sérieuse dans les départemens, et c'est
ainsi que commença cette série de tentatives plus
ou moins heureuses qui ont fourni tant de sujets
DEUXIÈME EDITION 15
194 HISTOIRE
d'études et de méditations aux économistes et
aux hommes d'État.
Tout était à faire en matière d'industrie, de
commerce, de finances : l'Assemblée constituante
mit hardiment la main à l'œuvre. La suppression
des corporations fut suivie de la création des pa-
tentes; l'abolition des douanes intérieures fut ac-
compagnée d'un adoucissement dans le régime
des douanes extérieures; l'impôt foncier fut éta-
bli sur le principe de l'égalité de tous les Fran-
çais devant la loi. Il y eut sans doute beaucoup
d'erreurs commises dans cette période d'essais
hasardeux, trop souvent effectués au milieu des
préoccupations politiques les plus vives; mais
ces erreurs mêmes sont devenues pour nous de
graves sujets d'enseignement , et la science en
profite aujourd'hui , comme d'un phare destiné
à nous éviter de nouveaux naufrages. Toutefois,
quelle que fût la hardiesse et l'originalité des ré-
formateurs de 1789, ils étaient encore trop im-
bus des principes qui dominaient, à cette épo-
que, dans le monde philosophique et économique,
pour ne pas céder à leur influence quand l'occa-
sion se présenta d'en faire l'application. Ainsi,
les idées des physiocrates déterminèrent l'Assem-
blée constituante, malgré les sages remontrances
de Rœderer et de quelques esprits avancés , à
concentrer tout le poids des impôts sur la pro-
DE l'Économie politique. 195
prîété foncière. A peine on consentit à y joindre
les taxes mobilières et les droits de douanes. La
France se vit privée d'un trait de plume des res-
sources immenses qu'elle aurait pu retirer des
contributions imposées à tous les producteurs
qui ne vivaient pas de leurs rentes, et il lui fal-
lut bientôt chercher dans \es assignats une com-
pensation à ce déficit volontaire, ajouté au déficit
delà vieille monarchie.
La création des assignats a été une source ora-
geuse, mais féconde, de changemens avantageux
dans notre ordre social. Elle a favorisé la division
du sol et rendu à la culture une foule de terrains
jadis consacrés à des emplois stériles. Elle a mul-
tiplié le nombre des producteurs en leur procu-
rant le premier élément de la production, la terre,
et le plus énergique stimulant du travail , la pro-
priété. C'est dans les rapports des principaux
membres de nos grandes assemblées délibérantes
que les hommes sérieux de nos jours trouveront
lin ample sujet d'études sur ces matières impor-
tantes.-Mirabeau , Necker , ÏElœderer, Dallarde,
Cambon nous ont laissé des travaux auxquels la
postérité commence à rendre justice, et qui mé-
ritent de figurer parmi les monumens intéressans
de l'économie politique. Quoi de plus favorable à
l'industrie que la législation des brevets d'inven-
tion et que les belles discussions qui eurent lieu
196 HISTOIRE *
à ce sujet dans le sein de rAss^emblée constituante?
Ptus tard, la Convention nationale assurait par un
décret la propriété littéraire; elle consolidait Tu-
nité des poids et mesures dans toute la France
par Tadoption du système décimal, et elle répa-
rait noblement les atteintes que les circonstances
la forçaient de porter à la fortune des citoyens,
par des créations gigantesques qui ont puissam-
ment contribué à augmenter la fortune de l'État.
11 y eut un moment où elle osa décréter les con-
quêtes industrielles comme les conquêtes mili-
taires; le télégraphe, la chimie, la physique étaient
aux ordres de ses comités, comme la victoire aux
ordres de ses généraux.
. Nous ne pouvons cependant passer sous silence
les expédions formidables auxquels cette assem-
blée fut obligée de recourir pour lutter contre la
coalition des rois. Le jour de la justice commence
à luire pour elle , et personne n'ignore qu'à ses
yeux le maocimum , les réquisitions , les emprunts
forcés , n'étaient pas des ressources régulières,
mais des mesures de salut public commandées
par la plus inflexible nécessité. Dans le péril ex-
trême où se trouvait la patrie, il lui fallait pour-
voir au plus pressé, et néanmoins ses résolutions
les plus violentes se distinguèrent toujours par
une hauteur de vues qu'on rencontre rarement
chez les gouvernemens les plus éclairés, dans les
DE l'Économie politique. 197
temps les plus calmes. li faut se reporter au point
de départ' de ces grandes mesurés ■ pour en' ap-
précier ayéc ^quîtë'les*conséquencës rigoureuses
et inévitables. Qu'on se figure doiic là Côhvènttoii
rédmtè aux seuls biens- du clergé et d<?s émîgftvés^
poùr-ftirè face à' TEurope entière et à la guèrt^
civile. Afin dé mettre en circulation la valeur da
ces biens, elle avait imaginé les assignats qui en
étaient là représentation et qui, par le mioyen d0&
achats, devaient 'rentrer au trésor et être brûlés;
mais peu dé gens achetaient les biens. En vain on
multipliait les assignats par anticipation; plus on
en créait, plus on en dépréciait la valeur. Il fallut
intérdiire l'emploi du numéraire, et reconimencer
les édUS'dù'rége;Ht contre l'O)" et l'argent, comme
on I-àvàit vu à la fiii du système de Law. Chaque
jour les prix s'élevaient avec les émissions dé pa-
pier-monnaie. C'est alors qu'on voulut établir le
maxinunf: mars les marchandises disparurent.
II est facile de s'indigner aujourd'hui, au nom
de la science , des infractions qu'elle eut à subir
dans ces temps agités. Nous en parlons encore
soiis' riàfluenee de la terreur de pos pères ; mais
quand oii voit', après la banqueroute^^ Gambon
rouvrir d'une main si ferme -et si tranquille le
grand ttére de. la dette publique et faire passer sous
le même niveau les créanciers de toutes les épo-
ques, en attachant leur garantie à la conservation
198 HISTOIRE
du nouveau régime, on ne peut se défendre d'un
sentiment d'admiration et de respect. L'intérêt
était ramené à un taux unique; toutes les créan-
ces étaient converties en une rente perpétuelle
non remboursable, à moins que le gouvernement
ne voulût la racheter quand elle descendrait au-
dessous du pair, ce qui équivalait à un véritable
amortissement. La science du crédit public re-
naissait au sein même de l'assemblée qui semblait
avoir creusé son tombeau. En même temps , la
Convention tentait la grande réforme du paupé-
risme par de nombreux décrets rendus en faveur
des classes indigentes. Elle proclamait l'éducation
une dette nationale; et si, depuis, ce grand prin-^
cipe n'a pas reçu une entière application , il de-
meure comme un monument de la sollicitude
officielle de la France pour l'amélioration du sort
de tous ses enfans. On eût dit que la Convention
travaillait pour le genre humain, tant son horizon
était vaste et ses pensées hautes et généreuses.
Au milieu de tous les essais économiques tentés
par nos grandes assemblées, il en est un seul qui
n'a pas pu recevoir la sanction de l'expérience,
même pendant un temps fort court : c'est la li-
berté du commerce. Elle seule est demeurée in-
connue aux Français, pendant la période où ils
les essayèrent toutes. La Constituante adopta un
régime de douanes Irès-modéré ; mais elle pen-
DE l'Économie politique. 199
cliâil visiblement vers le système restrictif. La
Convention se fit des douanes une arme de guerre,
dirigée principalement contre TAngleterre, et ses
préjugés, soigneusement entretenus sous l'Em-
pire, n'ont pas peu contribué au triomphe des
idées étroites qui régnent encore en France sur
les questions commerciales. C'est un malheur
qu'on ne saurait trop déplorer. Il eût été si im-
portant pour la science que ce grand procès, ou-
vert depuis plusieurs siècles , fût au moins jugé
en première instance ! Loin de là, la liberté n'a
renversé que les barrières intérieures ; elle n'a
affranchi le travail que d'une partie de ses en-
traves et ce qui en reste sufQt pour compliquer
toutes les questions d'économie politique, au
point de les rendre presque insolubles. Ainsi, en
Angleterre, la taxe des pauvres est une des causes
principales du maintien des lois céréales, qui sont
prohibitives ; et les embarras croissans de notre
commerce sont le résultat incontestable de la vie
artificielle que les tarifs ont faite à notre indus-
trie. Napoléon qui la jeta définitivement dans
cette voie, par l'établissement du blocus conti-
nental, n'en dissimulait pas les graves conséquen-
ces : « Il nous en a coûté , disait-il, de revenir,
après tant d'années de civilisation , aux principes
qui caractérisent la barbarie des premiers âges
des nations : mais nous avons été contraints à
200 HISTOIRE
opposer à rennemi commun les mêmes armes
dont il se servait contre nous '. »
Le blocus continental peut être considéré comme
la dernière expression du système économique
adopté par la France depuis le commencement de
la révolution. Quoique Napoléon n'en eût voulu
faire qu'un acte légitime de représailles contre le
gouvernement britannique , le décret de Berlin
devint la base du régime industriel et commercial
de la France et de l'Europe continentale pendant
toute la durée de l'Empire. Ce décret qui mettait
l'Angleterre en interdit, faisait tomber les bar-
rières qui séparaient les autres nations. Il éta-
blissait une sorte de fédération entre elles contre
l'ennemi commun et il ouvrait le continent tout
entier, en fermant une île. Pour la première fois
la liberté semblait renaître de l'excès de la pro-
hibition. Les difTérens états européens, soumis
aux mêmes lois commerciales par la conquête ou
par les traités, ne formèrent plus qu'un seul peu-
ple de producteurs , et jamais le développement
de leurs manufactures ne prit un plus grand essor
que sous l'influence de cette concurrence qui les
animait tous. Ce furent les plus beaux jours de
l'industrie française, et cependant alors la France
possédait la Belgique, l'Italie, la Prusse rhénane,
' Message de Napoléon au sénat en lui envoyant le décret de
Berlin, le 21 novembre 1806.
DE l'Économie politique. 201
dont les fabriques de draps, de soieries, de toiles,
rivales des nôtres, loin de nuire à leur prospérité,
en rehaussaient l'éclat et la valeur. Le blocus
continental aurait ouvert l'ère de la liberté du
commerce en Europe, si elle avait pu naître d'une
pensée de guerre et de représailles , comme celle
qui avait inspiré l'empereur.
Maïs le résultat définitif de ce système fut d'ac-
coutumer riqdustrie européenne à vivre de pro-
tection et de tarifs. Toutes nos manufactures
prirent un essor immense, encouragées par l'ex-
clusion des produits dont la rivalité pouvait leur
être la plus dangereuse, et par les débouchés cer-
tains que nous offrait l'Europe entière, à peu près
soumise à nos armes. Le fer et la houille de Bel-
gique, les toiles de Hollande, les soieries italien-
nes, les laines de l'Allemagne admises sur nos
marchés comme marchandises françaises , n'em-
pêchèrent point alors le développement de nos
fabriques nationales: comment donc a-t-il fallu»
pour les soutenir, après la paix de 1815, des ta-
rifs chaque jour croissans et dirigés contre ces
mêmes peuples dont la concurrence n'avait causé
aucun préjudice à la France, pendant leur réu-
nion à son territoire ? Chacun d'eux s'est en-
fermé, depuis, dans un triple cercle de douanes,
et nous avons vu la guerre industrielle la plus
acharnée succéder aux guerres politiques, comme
202 HISTOIRE
si la paix générale était une chimère, une utopie
incapable de se réaliser jamais. En vain, la ré-
volution avait émancipé le travail par la suppres-
sion des jurandes et des maîtrises : en laissant
subsister le système prohibitif, elle a maintenu
une véritable féodalité commerciale, qui assure à
certaines classes de producteurs des bénéfices
obtenus aux dépens de la communauté; elle a
donné naissance à ces guerres intestines du tra-
vail, dans lesquelles tant de travailleurs succom-
bent victimes des lois qui semblent faites pour
les protéger. La grande erreur de ce système est
d'avoir traité les producteurs étrangers, c'est-à-
direlescréateursde produits échangeables, comme
des adversaires plutôt que comme des cliens. On
a fait servir les vieilles rancunes politiques à la
conservation des préjugés de Tindustrie, en pla-
çant sous les auspices du patriotisme les calculs
intéressés du privilège et des monopoles. La Con-
vention et l'Empire avaient fait de la prohibition
une arme de guerre : notre civilisation continue
de s'en servir après vingt ans de paix.
Il ne faut donc pas chercher dans les grands
travaux de la révolution française, le germe des
réformes économiques dont l'aurore semble luire
parmi nous. Tout ce que la révolution française
a fait dans ce but, elle l'a fait d'une manière in-
directe et oblique; elle l'a résumé dans ses co-
DE l'Économie politique. 203
des, et c'est pour cela qu'ils ont cessé, à beau-
coup d'égards, de se trouver en harmonie avec
nos besoins. La suppression du droit d'aînesse,
l'égalité à peu près absolue des partages en ligne
directe, la législation des sociétés de commerce,
l'unité des poids et mesures, sont des bienfaits
incontestables; mais l'égalité devant la loi cesse
d'être une vérité, quand on voit les travailleurs
de tout ordre déjà tributaires du capital pour le
salaire, le devenir encore pour la consommation.
Dans l'état actuel de la législation, nulle garantie
ne protège le travail dans ses relations avec la
richesse qui le commande et qui le salarie; nulle
garantie n'assure au salarié la libre disposition
de son salaire. Le prix du travail tend sans cesse
à la baisse et celui des consommations à la hausse,
parce que l'un et l'autre sont réellement fixés par
une seule des parties contractantes. La révolution
française s'est trouvée, comme nous, en présence
de ce problème formidable, dont elle a voulu
brusquer la solution par des supplices; mais les
supplices ont été aussi impuissans que les lois
pour en venir à bout. Le maximum a produit la
famine; la fixation arbitraire des salaires a sup-
primé le travail. Les libéralités faites aux pauvres
ont créé la mendicité; l'exclusion des produits
étrangers a ouvert la carrière aux monopoles.
Les essais hardis de cette époque ne manquent
204 HISTOIRE . ~ .
pas de ressemblance avec ceux que Tiirgot avsiit
tentés, sous la monarchie, dans l'intërét des
classes laborieuses. La seule différence qui .lp$
distingue, c'est que les réformateurs de là Convénf
tion, pluspuissans que le ministre de Louis XYI^
ne tinrent aucun compte des faits et des rë$is4
tances , devant lesquels Turgot avait été obligé
de reculer. On eût dit qu'à leurs yeux l'espèce
humaine était une matière inerte capable de sup*«
porter toutes les expériences, tant ils proposèrent
de systèmes absurdes, anarchiques e^ dëskrii<[t
teurs de toute société. Marat, Sàitit-lust, Babei!i(|
nous ont laissé des monumens curieux de cette
monomanie qui troublait les esprits, avides de
nouveautés et disposés à mettre en pratique les
rêveries sociales les plus extravagantes, comihilr
on essaie dans un laboratoire des procédés chf^
miques et des combinaisons de substances. Il n^y
eut bientôt plus qu'un seul mot dans le voçabtii-
laire économique de la langue française;: ce fiil^Fè
mot célèbre de Danton : De l'audace , encore de
l'audace^ et toujours de l'audace. Quand la Com-
mune de Paris venait solliciter, à la Convention
nationale, l'établissement du maximum, son pré-
sident disait : « Il s'agit de la classe indigente,
pour laquelle lelégislateur n'a rien fait, quand il
n'a pas tout fait. Qu'on n'objecte pas le droit de
propriété; le droit de propriété nepeut être le droit
DB l'Économie politi que. 205
â'affamçr ses éoncHoyèns. Les fruits de la terre,
commel-air, appartiennent à tous les hommes'. »
Marat avait été beaucoup plus loin, et nous pour-
rions citer des exagérations semblables de cet éner-
gumène, si la postérité qtii ai commencé pour lui,
ne l'avait déjà mis au rang des insensés.
Saint-Just fut l'expression la plus hardie et la
plus élevée de cette école de tribuns, renouvelée
des Gracques, et près de laquelle ces illustres fac-
tieux étaient des hommes modérés. Les écrits qu'il
a laissés renferment sa pensée économique tout
eutière, si énergiquement résumée par l'orateur
de la Gonimune de Paris, et si nettement formu-
lée dans les décrets rendus par la Convention na-
tionaié pendant la domination des Montagnards.
11 était réservé à Babeuf de renchérir sur ces
doctrines et de prêcher ouvertement la loi agraire,
l'abolition de la propriété et l'insurrection per-
manente des pauvres contre les riches. Mais ces
témérités n'ont eu d'autre résultat que d'éloigner
pour long-t^tnps les meilleurs esprits de toute
spéculation sociale, tant ils ont craint de se voir
confondus avec les démagogues forcenés de l'école
anarchique. Une leçon sérieuse est sortie, en ou-
tre, de tous les essais hasardeux de la révolution
française : c'est que l'on ne réforme pas aussi fa-
* Hiiloire parUmeniaire de la révolution , tome ii? i ,
page 92.
206 HISTOIRE
cilement leâ mœurs que les institutions, et que
les plus belles lois ne suffisent point pour assurer
à chaque citoyen une condition prospère, s'il n'y
concourt par son travail et sa moralité. Ces rêves
séduisans sont désormais évanouis. Tout ce que
la philantropie des législateurs pouvait décréter
de richesse et de félicité publique a été décrété,
et il a été reconnu que la richesse publique sui-
vait d'autres lois que celles de la force et de la
tyrannie. N'eût-on fait que ce pas, c'est un pro-
grès immense, car il a forcé les gouvernemens et
les individus de chercher ailleurs que dans des
programmes législatifs les élémens de leur gran-
deur et de leur avenir..
Que reste-t-il donc de tous ces rêves brillans et
généreux qui ont agité le monde, depuis Tqrgot
jusqu'à nos jours, et quelles conquêtes sociales
l'économie politique a-t-elles faites, qui aient en-
fin jeté quelque gloire sur elle? Nous en pourrons
citer deux mémorables, l'émancipation des colo-
nies anglaises et espagnoles de l'Amérique et
l'abolition de l'esclavage des nègres; à quoi peut-
être il convient d'ajouter la suppression des pri-
vilèges de corporations, c'est-à-dire l'affranchis-
sement du travail. Nous avons encore deux autres
victoires à remporter: l'affranchissement des tra-
vailleurs et celui du commerce, œuvre difficile et
compliquée dans un temps comme le nôtre, où
DE L^ÉCONOMIE POLITIQUE. 207
les gouvernemens eux-mêmes partagent les pré-
jugés vulgaires contre la liberté commerciale et la
considèrent comme hostile au travail national.
De toutes les erreurs économiques de la révolu-
tion, celle-là seule a survécu, plus vivace que ja-
mais, et elle s'est élevée triomphante sur les
ruines des autres. On ne défend plus l'esclavage,
ni les corporations, ni les compagnies privilé-
giées; les haines nationales ont à peu près disparu
pour faire place aux rivalités, aux jalousies in-"
dustrielles. Le champ de bataille n'est plus dans
les plaines, il est dans les ateliers. C'est là que la
guerre continue, savante, acharnée, infatigable,
et qu'elle fait des victimes dans tous les partis
occupés à se nuire, au lieu de s'entr'aider ; guerre
véritable, où les combattans se servent de ma-
chines ingénieuses et puissantes qui laissent sur
le terrain du paupérisme des millions de travail-
leurs haletans, hommes et femmes, sans pitié
pour la vieillesse ni pour Tenfance !
Celte guerre est aujourd'hui la dernière ex-
pression de la vieille économie politique en Eu-
rope, et le dernier retentissement de la grande
querelle sociale soulevée par la révolution fran-
çaise. Ce n'est pas seulement une lutte interna-
tionale; c'est un combat sérieux entre les diver-
ses classes de travailleurs. La France a sans doute
l'air de rivaliser avec l'Angleterre; mais le capi-
208 HISTOtRE
tal lutte bien plus profondément avec l'ouvrier.
Sous prétexte de faire triompher le pays dans le
premier de ces combats, on maintient dans le
travail une organisation qui a cessé d'être en har-
monie avec ses besoins et les progrès de la civili-
sation. Aussi n'y a-t-il rien de nouveau dans la
science, de 1789 à 1814, si ce n'est l'expérience
des faits accomplis et la facilité d'en tirer les con-
séquences pour marcher en avant et pour achever
l'œuvre de nos pères. Toutefois, il sortira bien-
tôt du sein de l'industrie une puissance irrésisti-
ble, destinée à guérir, comme la lance d'Achille,
les maux qu'elle aura faits ; puissance née de nos
discordes commerciales et qui unira par les étein-
dre toutes : c'est V association , importée d'Angle-
terre, où l'excès des impôts nécessités par la
guerre, lui a fourni les moyens d'y suffire à force
de prodiges; mais il est bon de remonter aux
causes principales de ce nouvel élément de pro-
grès social, et d'étudier les faits qui ont préparé
sa venue.
DE L ÉCONOMIE POLITIQUE. 209
CHAPITRE XXXVIII.
De la révolution économique opérée en Angleterre par les décou-
vertes de Watt et d'Arkwright. — Conséquences économiques
de rindépendance des États-Unis.— Réaction de la révolution
française sur le système financier de T Angleterre. — Accrois-
sement des impôts.-^Suspension des paiemens de la banque.
— Développemens et abus du crédit. — Énormité de la dette
publique. -— Conséquences de la paix générale.
Tandis que la révolution française faisait ses
grandes expériences sociales sur un volcan, l'An-
gleterre commençait les siennes sur le terrain de
rindustrie. La fin du dix-huitième siècle y était
signalée par des découvertes admirables, desti-
nées à changer la face du monde et à accroître
d'une manière inespérée la puissance de leurs in-
venteurs. Les conditions du travail subissaient la
plus profonde modification qu'elles aient éprou-
vée depuis l'origine des sociétés. Deux machines,
désormais immortelles, la machine à vapeur et la
machine à filer, bouleversaient le vieux système
commercial et faisaient naître presque au même
moment des produits matériels et des questions
sociales, inconnus à nos pères. Les petits travail-
leurs allaient devenir tributaires des gros capita-
DEUX1EME EDITION. 14
210 HISTOIRE
listes; le chariot remplaçait le rouet, et le cylin-
dre à vapeur succédait aux manèges. En même
temps les beaux essais de canalisation du duc de
Bridgewater commençaient à porter leurs fruits,
et le perfectionnement des transports coïncidait
avec l'accroissement des marchandises, h^ pro-
duction du fer et celle des autres métaux s'amé-
liorait avec celle des houilles, activée par l'emploi
de la vapeur dans les travaux d'épuisement. On
eût dit que l'Angleterre avait découvert des mines
nouvelles et s'était enrichie tout à coup de trésors
inattendus.
La génération contemporaine, plus occupée de
recueillir les profits de ces conquêtes, que d'en
rechercher les causes, ne paraît pas avoir apprécié
à leur juste valeur les embarras qu'elles traînaient
à leur suite. Cette transformation du travail pa^
triarcal en féodalité industrielle , où l'ouvrier ,
nouveau serf de l'atelier, semble attaché à la glèbe
du salaire , n'alarmait point les producteurs au*-
glais, quoiqu'elle eût un caractère da 4Qu4(m9lé
bien capable de troubler leurs hahitade&* Us
étaient loin de prévoir que les macbinda \wv ap^
porteraient tant de puissance et tant de fiiQUCiis.
Le paupérisme ne leur apparaissait p^ encore
BOUS les formes menaçantes qu'il a revêtueis de^
puis, et les métiers mécaniques n'avaient pa^ dé-
veloppé cette puissance de travail qui devait être
DE l'Économie politique. 211
momentanément si fatale à tant de travailleurs.
Cependant, à peine éclose du cerveau de ces deux
hommes de génie, Watt et Arkwright, la révolu-
tion industrielle se mit en possession de T Angle-
terre. A .la fin du dix-huitième siècle, il ne se
consommait pas en Europe une seule pièce de
coton qui ne nous vint de l'Inde, et vin^t-cinq
ans après, T Angleterre en envoyait au pays même
d'où elle aurait tiré jusque là tous les produits
semblables, t Le fleuve^ dit J.-B. Say, était re-
monté yevs sa source ' . »
Ainsi y tl avait suffi de deux petits cylindres
tournant en sens inverse, pour changer de fond
en comble les rapports de l'Europe avec l'Asie,
et les traditions séculaires du travail. En même
temps, l'émancipation des États-Unis portait un
coup décisif au système colonial et donnait le
signal de la retraite à toutes les dominations mé-
tJropolitaiiie&. La ville de Bristol, qui avait adressé
au parlement des pétitions si animées contre la
paix avec les insurgés américains, sollicitait quel-
^ Ayant Tinveiition des machines à filer , on ne comptait dans
la Grande-Bretagne que cinq mille fileases an rouet et trois mille
tisseurs d'étoffes de coton, en tout, environ huit mille ouvriers;
tandis qa^aujourd'hui ce nombre s'élève , en Angleterre seule-
ment, à plus de huit cent mille. La valeur totale des tissu» de
eeton, dans ce pays, a été évaluée, en 1856, à la somme énor-
me de huit cent cinquante millions de francs. On peut consulter
âcet égard les statistiques de M. Mac CuUoch, de M. Porter, et
les documens publiés par ordre du parlement.
212 HISTOIRE
•
ques années après la signature de cette paix, l'au-
torisation de creuser de nouveaux bassins deve-
nus nécessaires à l'extension de son commerce
avec les colonies émancipées. Ainsi se préparait
l'indépendance générale du nouveau continent ,
dont le dernier établissement ' soumis aux lois
européennes, lutte en ce moment pour compléter
l'œuvre de Franklin et de Washington. Il fut
prouvé dès-lors, que les colonies étaient plus
nuisibles qu*utiles à leurs métropoles, et qu'il y
avait plus de profits à faire avec un peuple libre
et laborieux, qu'avec des vassaux asservis et pres-
surés. Les États-Unis ont donné à l'Europe cette
leçon d'économie politique, qui fera le tour du
monde et qui vengera les générations coloniales
de l'état d'oppression où vécurent leurs pères.
Les prophéties de Raynal se sont réalisées. Des
nations riches et puissantes ont succédé aux éta-
blissemens faibles et précaires des Européens dans
l'une des deux Indes, et l'on dirait à vcûr l'état
dé langueur de quelques vieilles métropoles, que
le plus pur de leur sang a passé ^ans retour dans
les veines de leurs colonies.
C'est là, quoi qu'en souffre l'orgueil de l'ancien
continent, une révolution immense dont les con-
séquences commencent à nous atteindre. Nous
sommes tributaires de nos anciens vassaux pour
* Lt Canada.
DE l'Économie politique. 213
une Toule de matières premières et de produits
spéciaux, sans lesquels le travail de nos manufac^
tares cesserait d'exister. C'est l' Amériquequi nous
envoie les monceaux de coton dont s'alimentent
nos innombrables fabriques de tissus, et les bois
de teinture qui servent à leur impression. Le café,
le cacao, le quinquina qui guérit la fièvre, les
drogues qui la donnent, tout nous vient du
dehors. Nos besoins nous mettent chaque jour
davantage dans la dépendance des peuples d'ou-
tre-mer; la ville de Lyon tremble jusqu'en ses
fondemens des secousses qui agitent Philadel-
phie Qu Nev^-York. Une faillite à la Nouvelle-
Orléans peut ruiner dix négocians à Liverpool. Le
développement extraordinaire que la découverte
des madiines a donné à la production, réclame
des débouchés toujours croissans, qu'il faut aller
chercher au loin et disputer par la baisse des
prix aux nations plus avancées. Les marchés sont
devenus des champs de bataille. La diplomatie
ne marchande plus des provinces, mais des ta-
rifs, et les armées, quand elles s'ébranlent, res-
semblent à des nuées de fourriers qui vont faire
les logemens du commerce. Voilà ce qu'à pro-
duit l'émancipation du Nouveau-Monde, dont
DOS grandes manufactures d'Europe ne seront
bientôt plus que les colonies.
Aucun siècle n'a vu s'accomplir en aussi peu
214 IIISTOIKE
dcf temps de telles révolutions économiques, et
Il n'est pas surprenant que des métamorphoses
aussi inusitées aient déconcerté tous les systèmes.
C'était un démenti si solennel à toute la vieille
école de Charles-Quint, que cette soifdaine pros-
périté des États-Unis! Que devenaient en pré-
sence de ce grand événement, les théories de la
balance du commerce et les habitudes administra*
tives du régime colonial? On n'avait donc soutenu
tant d'odieuses guerres et tant de maximes plus
odieuses encore, que pour être réduit un jour, au
plus humiliant désaveu ! Ces lois protectrices du
commerce n'étaient donc qu'un horrible abus de
la force! Jamais, il faut l'avouer, la vanité hu-
maine n'avait reçu de plus sanglant échec, et mal-
gré l'éclat de la leçon, les prétentions des métro-
poles se sont peu adoucies. Il faut qu'elles boi-
vent, toutes, ce calice d'amertume, avant de se
départir de leurs coutumes despotiques; sembla-
bles, en ce point aux monarchies de droit divin,
qui croient que tous les droits reposent sur une
épée, jusqu'au moment où cette épée se brise
entre leurs mains.
La révolution d'Amérique n'est pas le seul fait
économique décisif de la fm du dix-huitième siè-
cle. Nous avons vu que la découverte des deux
machines de Watt et d'Arkwright avait complète-
ment changé les conditions du travail, en substi-
DE l'économie politique. SMS
tuant la mécanique aux bras des hommes, etles
grandes associations aux petites industries. Cîe
âeul coup devait frapper de mort toutes les cor4
porations^ et réduire en poussière leurs code»
routiniers et barbares; mais il ne pouvait mai^-
quer de réagir en môme temps sur le systèiue
financier de l'Europe/ Le but naturel des im puis
étant d'atteindre les revenus partout où ils se
présentent, on devine aisément que la science
des finances s'empressa d'exploiter le nouveau
champ qui lui offrait ses récoltes. L'extrême ac-
croissement des produits industriels appela sur
celte jeune branche de la richesse publique l'at**
tention des législateurs et des hommes d'État, et
c'est ainsi qu'en Angleterre, l'élévation des impôts
indirects a marché de front avec le développa
ment de la production manufacturière. On a
cessé tout-à-coup de chercher à diminuer les
charges des peuples; il a paru plus avantageux
de leur donner la force de les supporter. Puisqu'il
fCeapoêpossMê de diminuer le fardeau^ fortifions la
monture, disait un ministre anglais, et ce mot ca^
ractérise très bien la tactique financière des gou-
vernemens modernes. Les peuples comme les in-
dividus ont cessé de s'enfermer dans le cercle
étroit des privations; ils ont plus de besoins
parce qu'ils ont plus de moyens de les ^tisfaire :
il leur suffit d'augmenter la dose du travail.
21G HISTOIRE
L'Angleterre était parvenue à ce point de ses
expériences économiques, lorsqu'il lui fallut su-
bir sa part de réaction des idées répandues par
la révolution française. Singulier contraste, en
effet, que celui de deux peuples dont l'un se pré-
cipitait vers les impôts indirects , tandis qu'Us
étaient abolis par l'autre ! Et ces antipathies sont
aisées à expliquer. L'aristocratie, toute-puissante
en Angleterre, trouvait simple de rejeter sur le
travail tout le poids des impôts; la démocratie,
victorieuse en France^ commettait la même in-
justice envers la propriété. Ici, l'on vendait les
biens des émigrés et on décimait la richesse fon-
cière; ailleurs, on taxaitlesmpindresarticles.de
consommation et jusqu'à l'air nécessaire aux pou-
mons. Il n'est pas surprenant qu'une guerre im-
placable ait éclaté entre deux principes si oppo-
sés , et cette guerre n'a cessé de régner qu'au
moment où l'économie politique a opéré une
transaction, fondée sur l'analyse véritable des
élémens de la richesse. Lorsqu'Adam Smith eut
démontré que les manufacturiers et les commer-
çans étaient producteurs au même titre que les
cultivateurs, il fallut bien reconnaître la nécessité
d'imposer la production manufacturière et com-
merciale comme la production agricole^ et cha-
cune d'elles proportionnellement à son revenq.
Ce qui reste à décider aujourd'hui, c'est de sa-
DE I/ÉCONOMIK POLITIQUE. 2 17
voir jusqu'à q^uel point l'équité et Tanalyse per-
mettent de taxer les classes qui vivent de salaires
et non de profils; et c'est pour cela que la ques-
tion, d'abord posée entre l'aristocratie et la bour-
geoisie, est descendue dans l'arène des passions
populaires.
Les longues guerres de la révolution entre la
France et TAngleterre, en jetant les deux pays
dans la nécessité des mesures extrêmes et des es-
sais hasardeux, n'ont pas moins contribué que
les écrivains économistes à la solution de plu-
sieurs problèmes importans. Nous sommes loin
d'admettre, avec Ricardo, par exemple, que l'aug-
mentation des impôts ait été la principale caiise
du développement de la production manufactu-
rière de l'Angleterre. Personne ne travaille uni-
quement pour payer des impôts, et il n'y a pas
de production possible à cette condition; mais on
ne saurait disconvenir que le besoin de se pro-
curer une foule d'objets de consommation indis-
pensables, atteints par les taxes, n'ait dû exciter,
chez la plupart des hommes, des dispositions très
énergiques pour le travail. Malheureusement, le
gouvernement anglais, entraîné par lés exigences
de la guerre, abusa de ces dispositions, qui de-
vinrent bientôt insuflisantes, et la manie des ex-
pédiens sembla renaître à la fin du siècle, comme
elle avait régné au commencement. Les théories
âl8 HISTOIRE
de flnances les plus extravagantes furent procla-
mées comme des maximes positives de gouverne-
ment. Les impôts cessèrent de répondre à la dé-
tresse du trésor : il fallut recouriraux emprunts,^
les multiplier, les combiner de mille façons in-
génieuses, pour combler les déficits sans cesse
croîssans; et c'est de la que naquit la théorie de
l'amortissement, cette chimère-dont l'Angleterre
devait être, en quelques années, le berceau et le
tombeau*.
Les Anglais n'en ont pas moins eu l'honneur
de fonder le crédit public mpderne, en Euroi>e,
en prouvant qu'il pouvait très bien survivre aux
circonstances les plus critiques, et même aider
un grand peuple à en sortir avec honneur. En
effet, malgré l'accroissement perpétuel des im-
pôts et dés emprunts , la population de l'Angle-
terre n'avait cessé d'augmenter, son agriculture
de s'enrichir et son industrie de produire chaque
jour davantage. De nouveaux canaux avaient été
ouverts, des docks creusés, des entreprises colos-
* M. Pebrer ( Histoire financière de l'empire Britannique ) ,
évalue à près decinquante milliards de francs la somme des re-
venus perçus et des emprunts consommés par le gouvernement
anglais , depuis le commencement de la révolution française
jusqu'à la paix de 1815. C'est une somme cinq fois plus consi-
dérable que toute la masse de numéraire existant en Europe à
cette époque , pendant laquelle les métaux précieux furent le plus
aboiidans.
DE l'Économie politique. 219
sales exécutées avec une rapidité admirable ; le
capital national s'était accru avec la production
elle-même: de telle sorte qu'aujourd'hui le peu-
ple anglais est peut-être celui qui dispose du re-
venu le plus élevé, quoiqu'il paie d'énormes im-
pôts. Ce qui devait le mener à la banqueroute le
conduisit à la fortune, et sa banqueroute même,
car il a passé par cette épreuve comme la France,
fat encore pour lui une occasion de progrès et
une source d'améliorations. On eût dit qu'il lui
était donné de bouleverser les systèmes reçus,
en toute chose, et d'étonner le monde par ses opé^
rations de flnances autant que par les procédés
de son industrie. Pitt osa soutenir que le capital
fictif créé par les emprunts, était transformé en
capital fixe, et devenait aussi avantageux pour le
public, que si un trésor réel équivalent était
ajouté aux richesses du royaume. Quoi de plus
absurde qu'une telle assertion, et de plus sur-
prenant, aussi, que les résultats merveilleuse-
ment féconds de ces emprunts multipliés , sous
le poids desquels devait succomber l'Angleterre !
C'est ainsi que les Anglais, non contons de
leur dette fondée ^ inventèrent la dette flottante^ au
moyen de ces prodigieuses émissions de bons
du trésor, dont l'emploi, sagement régularisé
dans les temps de calme, est devenu l'une des
ressources les plus commodes et les plus sûres
220 HISTOIRK
des États modernes. Les administrateurs ont fait
comprendre aux économistes qu'il y avait sour
vent beaucoup d'économie à pouvoir employer
par anticipation en janvier le revenu de décem-
bre; et la hardiesse d'un essai justifié par l'état
de crise où se trouvait l'Angleterre, a permis de
substituer une institution financière utile, aux
expédiens onéreux des temps passés. La dette
flottante est devenue l'asile de tous les capitaux
inactifs et la réserve des gouvernemens constitu-
tionnels. Il n'est plus nécessaire d'entasser à l'a-
vance des capitaux enlevés au travail pour subve-
nir à des besoins imprévus. Qui aurait persuadé
de telles choses à l'école des physiocrates , et
même à celle d'Adam Smith, avant que les expé^
riences vraiment gigantesques de la Grande-Bre-
tagne eussent permis d'y croire et d'en recon-
naître le fort et le faible 1
Le même étonnement frappa le monde écono^
mique à la nouvelle de la suspension des paie-
mensdela banque d'Angleterre en 1797, Certes,
si quelque doctrine était judicieuse et solide,
c'était celle d'Adam Smith sur la constitution des
banques, et sur la nécessité pour elles de limiter
leurs émissions de billets, sous peine d'être obli-
gées de racheter à grands frais des espèces après
avoir vu leurs billets dépréciés : un jour, pour-
tant, la banque d'Angleterre, épuisée par les es-
DE l'Économie politique. 221
comptes de bons du trésor, se trouva forcée de
suspendre ses paiemens en numéraire. C'était
une véritable banqueroute, puisque les billets
étaient payables au porteur et en or; et une telle
banqueroute, dans les circonstances où se trou-
vait l'Angleterre , semblait devoir entraîner les
plus affreuses catastrophes. Il n'en fut point ainsi,
parce que le gouvernement eut le bon espritde
s'arrêter sur cette pente et de ne pas multiplier
outre-mesure les billets de la banque, convertis
en papier-monnaie. A peine on s'aperçut d'une
différence légère entre le taux de l'or et celui du
papier, et l'exportation des espèces sembla n'a-
voir eu d'autre conséquence que de donner une
destination plus productive aux richesses moné-
taires. Quand, plus tard, les émissions dépassè-
rent les limites dans lesquelles la fabrication du
papier-monnaie avait été contenue, il n'en résulta
qu'une hausse générale des salaires et des prix.
La nation semblait être devenue plus riche, parce
que le chiffre des salaires était plus élevé, et cette
élévation produisit une surexcitation générale
dans le travail national.
D'un autre côté, et pendant que ces phénomè-
nes curieux se manifestaient en Angleterre , des
expériences contraires s'achevaient péniblement
en France. Les assignats et les mandats, quoique
garantis par des biens nationaux, supportaient une
222 HISTOIRE
dépréciation inouïe dans les fastes financiers de^
puis la chute du système de Law. Ils tombaient au
dernier degré de démonétisation, en présence des
billets de la banque d'Angleterre qui se soute-
naient malgré la banqueroute. Les uns, échangea-
bles contre des terres, ne valaient plus rien; les
autres , dépouillés de leur garantie en espèces ,
conservaient leur valeur nominale. La France était
plongée dans l'anarchie avec tous les élémens de
prospérité ; l'Angleterre prospérait avec tous les
élémens de l'anarchie. La production semblait
redoubler dans ce pays à mesure qu'on lui reti-
rait les espèces ; elle était paralysée en France,
malgré la vente des biens qui créait des millions
de propriétaires, et par conséquent le plus éner-
gique stimulant de la production , comme nouisi
l'avons dit, la propriété. Aucune époque ne fut
plus fertile en graves enseignemeps économiques^
si ce n'est celle qui suivit le retour aux paiemens
en espèces, quand la paix de 1815 permit i l'An-
gleterre de les reprendre , en vertu du fameu&
acte de M.* Peel. Les conséquences de cette re-
prise faillirent être plus désastreuses pour la
Grande-Bretagne, que ne l'avait été la suspension,
ou plutôt, qu'elle n'avait paru devoir l'être. La
peuple anglais s'était accoutumé aux petits Ullets
de banque, et il les avait adoptés pour monnaie.
Les propriétaires, les employés du gouvernement.
DE l'Économie politique. 223
les rentiers , les salariés de tout rang , s'étaient
bercés de Tillusion d'un accroissement dans leur
fortune, parce qu'ils touchaient des fermages^ des
émolumens ou des rentes plus élevés. Tout-à-coup
l'arrivée des espèces inondant comme un flux le
marché national , trouva des transactions nom*
breuses accomplies sous l'empire du papier-mon*
naie et en hausse ; tel qui avait traité à ces con-
ditions, fut forcé de s'acquitter en espèces. On
devine aisément de quelle perturbation dut être
accompagnée cette péripétie financière qui affec-
tait particulièrement les baux de l'agriculture et
qui ressemblait , en sens inverse, à la crise défi-
nitive de notre papier-monnaie. Il fallut prévenir
la ruine des fermiers par des remèdes héroïques,
et les travailleurs vivant du salaire furent con-
damnés, par les lois céréales, à acquitter la dette
des agriculteurs envers les propriétaires fonciers.
Cette crise ne fut pas la seule qui atteignit le
peuple britannique, et l'Europe allait être témoin
de plus d'ujne révolution, le jour où fut signée la
paix qui semblait devoir les clore toutes. On a vu
que le blocus continental avait donné une impul-
sion extraordinaire à la fabrication française, dé*
sormais presque seule investie des débouchés du
continent. L'Angleterre, sous l'influence de ce
même blocus, s'était emparée des mers et de tous
les marchés coloniaux que lui assurait sa prépon**
224 HISTOIRE
dérance maritime. Il en était résulte , pour elle
aussi, une grande activité manufacturière, à la-
quelle la contrebande prêtait en outre son appui.
Tout-à-coup la paix éclatej comme aurait fait une
guerre complète et subite ; et les traités qui ren-
dent le repos au monde, préparent au commerce
des luttes nouvelles , mille fois plus sérieuses et
plus inextricables que la lutte des armes. La
France, réduite à ses anciennes limites, est en-
tourée d'un triple cordon de douanes, presque
aux portes de sa capitale, et TAngleterre, qui ap^
provisionnait les colonies , se voit forcée d'en
céder le marché à leurs métropoles pacifiéees.
L'Espagne essaie de reprendre l'Amérique du
Sud; les Hollandais reprennent Java; chacun veut
ressaisir sa proie, et la guerre des baïonnettes se *
change en une guerre ignoble de sondes et de
douaniers. Les conditions du travail étaient donc
modifiées encore une fois dans toute l'Europe,
par le renversement de la domination française
et par l'ouverture des mers , si long-temps an-
glaises, au commerce de toutes les nations.
L'administration européenne donna alors un
spectacle bien fait pour exciter les peuples à l'é-
tude de l'économie politique. On vit des États qui
prospéraient naguères malgré la rivalité de voi-
sins qui étaient leurs sujets, solliciter contre ces
mêmes voisins, devenus libres, des restrictions
DK l'Économie politique. Sfâ5
chaque jour plus sévères et se fermer leurs fron-
tières en leur interdisant les leurs. On vit l'An-
gleterre plus repoussée du continent par les tarifs
de ses alliés, qu'elle ne l'avait été par les armes
de sesennemisy et la misère envahir ses ateliers
déserts, lorsque sa politique victorieuse semblait
lui assurer le monopole du monde. Il ne lui res-
tait de tant d'efforts que le chiffre alarmant de sa
dette publique et des populations exténuées par
les taxes que leur avait imposées une aristocratie
inexorable. Quel magnifique sujet d'études pour
les économistes! Que de faits présentait à leur
observation cette longue série d'événemens nou-
veaux dans l'histoire de la science, la division de
la propriété, l'abolition des jurandes, les impôts
indirects, les emprunts publics, l'amortissement,
le papier-monnaie, la suspension et la reprise des
paiemensdela banque d'Angleterre, et par dessus
tout, ce contraste étonnant de résultats opposés
pour des causes semblables et de conséquences
semblables pour des causes opposées! De ce jour
on comprit qu'il n'y avait rien d'absolu dans la
physiologie sociale ; elle passait naturellement au
rang des sciences d'observation, et ses jugemens
devaient être fondés sur l'expérience et la com-
paraison des faits accomplis , plutôt que sur des
théories primitives. Je ne crains pas d'affirmer que
c'est de cette vaste encyclopédie, qui date de 1789
DEUXIÈME ÉDITION. 15
226 . HISTOIRE
et qui finit à i830 , que Téconomie politique a
tiré ses matériaux les plus précieux et les bases
les plus solides de ses doctrines. Les économistes
abordent, à partir de ce temps, les questions po-
sitives et ils se mêlent sérieusement aux choses
humaines; ils sortent du terrain aride des abs-
tractions pour s'élever à la pratique , c'est-à-dire
pour devenir utiles et vraiment populaires, hon-
neur insigne et qui appartient principalement à
Tun de nos compatriotes, à J.-B. Say.
DE I/ECONOMIF. POLITIOUK. 227
CHAPITRE XXXIX.
De J.-B. Say et de ses doctrines. ~ Conséquences importantes de
sa théorie des débouchés. — Exposé des services que cet
écrivain a rendus à la science. — Caractère de son école. —
C'est elle qui a popularisé Véconomie politique en Europe.
Il était impossible que les grandes expériences
exécutées en France et en Angleterre, pendant la
longue lutte que ces deux nations ont soutenue
Fune contre l'autre, ne fournît pas à l'économie
politique de nouveaux élémens d'observations, et
ne contribuât point à son avancement. Adam Smith
avait posé sans doute les bases essentielles de cette
science d'une main ferme et assurée ; mais nous
avons vu qu'il avait laissé à ses successeurs de
hautes questions à résoudre. Ce qui restait surtout
à faire, c'était de poser les bornes de la science
et de bien déterminer le champ où doivent s'é-
tendre ses recherches. Adam Smith avait jeté la
plus vive lumière sur la théorie des banques, sur
la division du travail, sur les fondemens de la va*
leur des choses ; il avait fait de véritables décou-
vertes : mais il n'avait pas assez vécu pour en
observer les applications. C'est seulement après
8à mort que l'on a pu juger les effets de la con-^
MR HISTOIRE
currence illimitée dont il fut un des premiers
apôtres; et le paupérisme compliqué de nos jours
ne troublait pas encore la sérénité de ceux où il
vécut. L'économie politique n'était que la science
de la production des richesses. Il était réservé à
un Français de compléter l'œuvre et de nous ini-
tier aux mystères de la distribution des prolits du
travail, en môme temps qu'il nous faisait connaî-
tre les phénomènes si variés de la consommation
des produits.
La situation de la France était très favorable à
cette étude, après les orages de notre révolution.
N'avait-on pas essayé de tous les systèmes et poussé
jusqu'à leurs dernières conséquences les principes
les plus hasardés? N'avait-on pas vu de près la
banqueroute, le gaspillage des capitaux par la
guerre, la destruction momentanée du commerce
par le maocmum, le blocus des mers et cette foule
de catastrophes industrielles et financières dont
l'histoire du temps est toute remplie? Le moment
était venu de conclure, et de résumer en un corps
de doctrine les théories qui ressortaient naturel-
lement de cette masse de faits nouveaux et inouïs.
Il fallait expliquer ce cataclysme économique sans
pareil dans le monde et qui apparaissait pourtant
comme le précurseur d'une rénovation générale.
C'est ce que fit J.-B. Say, en publiant la première
édition de son Traité d^éconamie politique , sous k
DE L'ÉCOjyOMlE POLITIQUE. 229
consulat de Bonaparte. De ce livre date réellement
en Europe la création d'une méthode simple, sé-
vère et savante pour étudier l'économie politique,
et le moment est venu pour nous de la juger.
Le principal mérite de cet ouvrage fut d'avoir
défini nettement les bases de la science. J.-B. Say
en sépara la politique avec laquelle les économistes
du dix-huitième siècle l'avaient sans cesse con-
fondue, et l'administration, dont les Allemands la
croyaient inséparable. Ainsi réduite à des limites
plus précises , l'économie politique ne risquait
plus de se perdre dans les abstractions de la mé-
taphysique et dans les détails de la bureaucratie.
i.-B. Say la rendait indépendante en l'isolant, et
il prouvait que son étude convenait aux monar-
chies aussi bien qu'aux républiques. Partout on
avait besoin de connaître ses lois, parce que sous
toutes les formes du gouvernement, la production
des richesses était la source la plus féconde de la
prospérité des États. En même temps, il exposait
ses principes de la manière la plus claire et la
plus méthodique, et il créait la nomenclature dé-
sormais adoptée par tous les économistes de l'Eu-
rope. Sa théorie de la valeur fondée sur l'utilité,
complétait celle d'Adam Smith , et quoiqu'elle
laissât, comme toutes les théories, quelques la-
cunes à remplir, il ne s'en servait pas moins pour
résoudre les questions les plus difliciles , avec
.*
Î30 HISTOIRE
tout le degré de certitude dont elles sont suscep-
tibles.
Quelques controverses qui se soient élevées
depuis sur plusieurs points de ses doctrines, tout
le monde reconnaît aujourd'hui la supériorité de
sa méthode sur toutes celles de ses contempo-
rains. L'économie politique n'est à ses yeus
qu'une science qui traite de la production, de la
distribution et de la consommation des richesSies.
Les richesses se produisent au moyen des trois
grandes branches qui résument tout le travail
humain : l'agriculture , l'industrie et le com-
merce. Les capitaux et les fonds de terre so«il
les instrumens principaux de la production ; par
l'épargne et l'accumulation on obtient les pre-
miers; la propriété garantit la libre action des
autres. Le travail de l'homme, combiné avec ce-
lui de la nature et des machines, donne la vie à
tout cet ensemble de ressources duquel seul éma-
nent les richesses, qui sont le fonds commun des
sociétés. Smith avait admirablement démontré
les avantages de la division du travail; J.-B. Say
a perfectionné son œuvre et fait ressortir quel-^
ques-uns des abus de cette division, exagérés plus
tard par M. de Sismondi '.
Mais ce qui assure une renommée immortelle
à l'écrivain français, c'est sa Théorie des débouchés,
' Nouveaux principes d'économie politique.
DE l'Économie politique. 231
qui a porté le dernier coup au système exclusif
et précipité la chute du régime colonial. Cette
belle théorie, toute fondée sur l'observation scru-'
puleuse des faits, a prouvé que les nations ne
payaient les produits qu'avec des produits, et
que toutes les lois qui leur défendent d'acheter
les empêchent de vendre. Aucun malheur, dès
lors , n'est sans contrecoup dans le monde;
quand la récolte manque sur un point, les ma^
nufactures souffrent sur un autre ; et quand la
prospérité règne dans un pays , tous ses voisins
y prennent part, soit à cause des demandes qui
en viennent, soit à cause du bon marché qui ré-
sulte de l'abondance des produits. Les nations
sont donc solidaires dans la bonne cx>mme dans
la mauvaise fortune ; les guerres sont des folies
qui ruinent même le vainqueiir, et l'intérêt gé*
néral des hommes et de s'entr'aider, au lieu de
se nuire comme une politique aveugle les y a
poussés trop long-temps. Nous commençons à
comprendre les conséquences de cette doctrine
vraiment savante et élevée, et déjà l'on peut ju-
ger par la sollicitude des gouvernemens à éviter
la guerre, que les principes de J.-B. Say ont pé-
nétré dans les conseils des rois. Son titre le plus
glorieux est d'avoir démontré comme une vérité
positive et d'intérêt matériel ce qui ne paraissait
qu'une utopie philosophique, et ce mérite est
232 HISTOIRE
d'autant plus grand que Montesquieu, Voltaire/,
La Fontaine, nos plus beaux génies, ont professé
Terreur contraire.
Le système restrictif ne saurait subsister plus
long-temps en présence des argumens accablans
par lesquels J.-B. Say en a provoqué la destruc-
tion. « On achète davantage, dit-il, toutes les fois
qu'on recueille davantage. Une branche de com-
merce qui prospère fournit de quoi acheter et
procure conséquemment des ventes à tous les au-
tres commerces; et par contre, quand une partie
de manufactures ou certains genres de com-
merce languissent, la plupart des autres en souf-
frent. . . Une nation , par rapport à la nation voi-
sine, est dans le même cas qu'une province par
rapport à une autre province ^ qu'une ville par
rapport aux campagnes ; elle est intéressée à les
voir prospérer et assurée de profiter de leur opu-
lence. C'est donc avec raison que les États-Unis
ont cherché à donner de l'industrie aux tribus
sauvages dont ils sont entourés ; ils ont voulu
qu'elles eussent quelque chose à donner en
échange, car on ne gagne rien avec des peuples
' On lit dans le Dictionnaire philosophique^ à Farticle Patrib :
» Telle est la condition humaine , que souhaiter la grandeur de
» son pays, c*est souhaiter du mal à ses voisins.... // est clair
)i qu'un pays ne peut gagner sans qu'un autre ne perde, »
Heureusement, tout cela n'est plus si clair aujourd'hui.
DE l'Économie politique. 233
qui n'ont rien à vous donner. » Que d'expérien-
ces n'avons-nous pas dû faire, avant d'arriver à
ces conclusions généreuses ! Aussi J.-B. Say s'é-
criait-il vers la fln de sa carrière : « Quarante
années se sont écoulées depuis que j'étudie l'éco*
nomie politique, et quelles années! Elles valent
quatre siècles pour les réflexions qu'elles ont fait
naître. » .
Cet auteur a eu sur tous ses prédécesseurs et
sur la plupart de ses contemporains l'avantage
inappréciable d'avoir suivi la marche des événe-
mens en observateur judicieux, et d'avoir profité
des nombreuses expériences dont ces événemens
lui offraient l'occasion. Aussi ne s'est-il pas boTué
à l'étude des phénomènes de la richesse d'une
manière purement théorique ejt abstraite : on re-
connaît à chaque pas l'homme pratique, accou-
tumé à suivre les conséquences de ses doctrines
et à subordonner celles-ci à l'utilité plus ou
moins grande de leurs applications. Le caractère
tlistinctif de ses écrits, la lucidité brille surtout
dans les questions qui avaient été embrouillées
par les économistes de tous les temps et de tous
les pays, et principalement dans celle des mon-
naies. Il en expose les élémens avec une netteté
admirable, et il réduit au néant cette masse in-
nombrable d'écrits qui ont pullulé en Italie, en
Espagne, en France et en Angleterre, à l'époque
234 HISTOIKK
OÙ les gouvernemens faisaient à tour de rôle de
la fausse monnaie. S'il parle des diverses classes
de travailleurs qui concourent à la production,
on sent qu'il a vécu avec elles, qu'il connaît leurs
besoins et qu'il a une idée exacte de leurs maux.
C'est à lui que les savans doivent leur réhabili-
tation dans la hiérarchie industrielle, et quoique
les produits immatériels ne soient pas susceptibles
d'accumulation, J.-B. Say a démontré leur salu-
taire influence sur la prospérité des États. Les
fonctionnaires publics seuls et les services qu'ils
rendent à la société, ont trouvé moins de faveur
auprès de cet illustre économiste ; l'indignation
qu'il éprouvait à la vue de l'Angleterre surchar-
gée d'impôts , et sa haine contre le despotisme
de l'Empire , ne lui ont pas permis d'être équi-
table envers l'empereur, ni de mesurer d'un œil
juste la distance qui sépare l'usage de l'abus.
J.-B. Say, malgré la supériorité de son esprit,
n'était point inaccessible aux passions politiques,
et quoique ses écrits présentent peu de traces des
préventions auxquelles il fut exposé pendant nos
longues réactions politiques, on ne peut s'empê-
cher de reconnaître qu'il a cédé plus d'une fois à
des ressentimens bien excusables dans ces temps
agités.
Mais ces généreux ressentimens se manifestent
bien plus, dans ses écrits , par quelques bouta-
DE l'économik politique. 236
des épigrammatiques, que par des théories pas-
sionnées. Les sujets qui nous touchent le plus vive-
ment aujourd'hui ceux même qui, de tout temps,
ont eu le privilège de remuer le plus vivement
les esprits, les questions de salaires, de popula-
tion, semblent l'émouvoir à peine ; il procède à
leur examen avec sa rigidité naturelle, et il adopte
entièrement à leur égard les idées de Malthus.
C'est par là désormais que ses écrits seront vul-
nérables , et qu'ils ne peuvent manquer d'être
dépassés par l'École de M. deSismondi, malgré les
erreurs qu'elle a commises et l'impossibilité où elle
s'est vue jusqu'ici de trouver un remède aux maux
qu'elle a si vivement dépeints. J.-B. Say a trop
considéré la production indépendamment des
producteurs. Il a été séduit par les prodiges de
l'industrie anglaise, de la grande industrie manu^
facturière, et il n'a pas eu le temps d'apprécier
tous les fléaux qu'elle traîne à sa suite. Il a obéi
au préjugé contemporain qui considérait le sa-
laire comme suffisant, non point parce qu'il fai-
sait vivre, ipais parce qu'il empêchait de mourir.
Ses études sur la distribution des profits du tra-
vail sont dominées par l'influence du capital, et
ses considérations sur les effets des consommations
publiques portent trop visiblement l'empreinte
de sa rancune contre les abus de la tyrannie.
Il y a eu deux puissances que ce grand écrivain
236 IIISTOIKE
a inégalement traitées , quoique avec une égale
injustice : les capitaux, en leur faisant la part trop
belle, et les goû vernemens en leur refusant aucune
action efficace sur le bonheur des citoyens *.
Mais nul n'a popularisé la science économique
au même degré que J.-B. Say. En vain on lui a
reproché de l'avoir réduite aux proportions étroi-
tes de la chrématistique , ou de la science des ri-
chesses, il a très bien prouvé que l'économie
politique n'avait commencé à être une science
qu'à dater du jour où ses limites avaient pu être
exactement tracées , et il a protesté , dans ses
derniers écrits contre le projet qu'on lui uvait
supposé de la vouloir restreindre à l'analyse abs-
traite des lois de la production'. 11 détestait sur-
' « ...L'administration insignifiante du cardinal de Fleury, dit-
il , prouva du moins, qu'à la tête d'un gouvernement, c'est déjà
faire beaucoup de bien que de ne pas faire de mal. » ( Discours
préliminaire, page 25, édition de 1841.)
* « L'objet de l'économie politique , dit-il , semble avoir été
restreint jusqu'ici à la connaissance des lois qui président à la
formation, à la distribution et à la consommation des richesses.
C'est ainsi que moi-même je l'ai considéré dans mon Traité d'é-
conomt^po/t'a'çue, publié pour la première fois en 1805. Cepen-
dant on peut voir dans cet ouvrage même , que cette science
tient à tout dans la société. Depuis qu'il a été prouvé que les
propriétés immatérielles, telles que les talens et les facultés per-
sonnelles acquises , forment une partie intégrante des ridiesses
sociales, et que les services rendus dans les plus hautes fonctions
ont leur analogie avec les travaux les plus humbles ; depuis que
les rapports de l'individu avec le corps social et du corps social avec
les iudividus, et leurs intérêts réciproques ont été clairement éta-
DR l'Économie politique. 237
tout les hypothèses et les systèmes , comme la
source de presque tous les maux qui ont pesé sur
les populations , et Téconomie politique ne lui
semblait vraiment utile que parce qu'elle était
appelée à réfuter sans réplique les préjugés dé-
sastreux dont l'espèce humaine est affligée. Aussi
ne laisse-t-il pas une seule objection sans ré-
ponse, et l'utilité de ses ouvrages consiste- t-el le
bien plus dans les erreurs qu'il a dissipées, que
dans les vérités qu'il a découvertes. J.-B. Say-a
tracé le premier programme complet de l'écono-
mie politique, et les écrivains iifième qui ne par-
tagent pas ses principes se sont accordés à re-
connaître l'excellence de sa méthode et la justesse
rigoureuse de ses déductions. Grâce à cette mé-
thode, on s'explique aisément les crises commer-
ciales qui ont désolé la France et l'Angleterre à
diverses époques , et l'on peut en prévenir le
retour ou en atténuer les effets par des mesures
efficaces.
L'influence de J.-B. Say a contribué, plus que
celle d'aucun écrivain contemporain, à répandre
le goût de l'économie politique en France et en
Europe. Ses théories, si naturellement applica-
blis , réconomie politique , qui semblait n'avoir pour objet que
les liens matériels, s'est trouvée embrasser le système social tout
entier. » (Cours complet d'économie politique pratique, tome I,
page 4, édition de 1840.)
238 HISTOIRE
bles aux questions politiques , furent étudiées
avec ardeur sous la Restauration comme un in-
strument d'opposition et de guerre, et peut-être
doivent-elles une partie de leur -succès aux servi-
ces qu'elles rendirent dans les discussions parle-
mentaires de répoque. Les publicistes y cher-
chaient des argumens décisifs contre l'énormité
des charges imposées à la nation, et ils s'accou-
tumaient à ces analyses minutieuses du budget,
qui ont dégénéré plus tard en disputes de chiffres
ou en querelles de portefeuilles. J.-B. Say ne
voulait pas que les gouvernemens se fissent en-
trepreneurs de travaux publics, et il blâmait sé-
vèrement leur intervention dans les affaires in-
dustrielles du pays. La plupart des impôts lui
semblaient des fléaux, comme la grêle, les incen-
dies et les invasions, et quoique sa philantropie
fôt sincère et profonde, il se montrait plus hos-
tile au pouvoir que favorable aux masses labo-
rieuses. Il travaillait pour elles avec persévérance,
sans rechercher leur faveur ni craindre leur dis-
grâce. Il disait des vérités austères aux peuples
et aux rois, avec l'impartialité dédaigneuse et
stoïque d'un philosophe uniquement occupé
des intérêts de la science et de l'humanité. Toutô
là presse française se pénétrait de ses doctrines,
sans en connaître l'auteur, qui vivait à l'écart,
entouré de sa famille et d'un petit cercle d'amis,
DE l'Économie politique. 239
tandis que ses ouvrages, traduits dans toutes les
langues, obtenaient, en moins de vingt ans, cinq
éditions successives, tirées à un nombre considé-
rable d'exemplaires.
C'est, en eflfet, à la voix de J.-B. Say que les
premières attaques furent dirigées en France
contre le système économique de la Restaura^
tion. La réaction de 1815 voulait reconstituer le
droit d'atnesse, les substitutions, les corporations,
les privilèges, plus tard, battue sur ce terrain,
elle essayait de refaire une aristocratie foncière,
moitié féodale, moitié industrielle, en élevant le
tarif des fers qui augmentait le prix des bois et
le revenu des propriétaires des forêts. Puis vin-
rent les lois céréales, la taxe sur les bestiaux
étrangers, l'emprunt des émigrés, les droits dif^
férentiels sur les sucres coloniaux; et chacune
de ces mesures était flétrie à l'avance dans des
chapitres du Traité d'écimomie politique^ empreints
de la plus haute raison, et qui n'avaient pas été
faits dans ce but ni pour la circonstance. L'Eu-
rope entière profitait de ces rudes leçons qui
semblaient destinées à la France puisqu'elles
étaient publiées dans un livre français } et plus
d'une fois, l'auteur se trouva engagé dans une
lutte vive avec les plus savans économistes de
son temps. Malthus, Ricardo, M. de Sismondi,
M. Storch, soutinrent contre J.-B. Say des thèses
240 HISTOIRE
mémorables sur quelques points de doctrine^
mais tous s'accordèrent à reconnaître en lui le
plus infatigable athlète de la science, et son plus
illustre propagateur, après Adam Smith.
J.-B. Say était partisan des idées de Malthus
sur la population, il les adoptait pleinement,
franchement, sans restriction, et il les a fait pré-
\aloir en France jusqu'au moment où les doc-
trines saint-simoniennes leur ont porté le pre-
mier coup. Il était peu préoccupé des excès du
système manufacturier anglais, et il attribuait la
plaie du paupérisme, dans ce pays, à des causes
purement politiques. L'encombrement des mar-
chés lui semblait la conséquence uniqtte des res-
trictions commerciales. On ne vendait pas assez
sur un point, selon lui , parce qu'on ne produi-
sait pas suffisamment sur un autre. La produc-
tion et la consommation étaient à ses yeux des
opérations corrélatives, et il ne cherchait pas d'au-
tre motif à la détresse de certains pays , que le
défaut de production des pays avec lesquels ils
entretenaient des rapports. L'expérience nous a
déjà appris que ce n'est point sur cette base uni-
que qu'il est permis d'établir des relations com-
merciales, et qu'un peuple ne doit pas livrer ex-
clusivement aux hasards du commerce extérieur
le sort de ses manufactures. Aussi, J.-B. Say in-
sistait-il pour démontrer que les meilleurs con-
DB l'Économie politique. 241
sommateurs des produits d'une nation étaient les
producteurs nationaux eux^mèiiies, auxquels Té-*
change assurait des débouchés réguliers et sta«*
blés, quand l'impéritie des gouvernemens n'y
mettait pas obstacle. Les analyses qu'il a données
du mécanisme des échanges , ont jeté la plus
^ve lumière sur toutes les questions qui s'y rat-
tachent, questions bien importantes, puisque
c'est sur elles que repose la prospérité des na^
tions. < Presque toutes les guerres livrées depuis
cent ans, dans les quatre parties dû monde, l'ont
été pour une balance du commerce qui n'existe pas«
Et d'où vient l'importance attribuée à cette pré-
tendue balance du commerce ? De l'application
exclusive qu'on a faite du mot capital à des ma-
tières d'or et d'argent *. »
C'est par des rapprochemens aussi simples et
aussi frappans que J.-B. Say est parvenu à dépo-
pulariser la guerre, et à adoucir les préjugés na-
tionaux qui tendaient à la perpétuer. Cette œuvre
immense dont la seule idée avait fait reléguer
l'abbé de Saint-Pierre au rang des visionnaires ,
s'accomplit sous nos yeux. Loin d'élever des bar-
rières nouvelles entre les peuples, on travaille à
aplanir celles qui existent; on jette des ponts
sur les fleuves-frontières, on trace des chemins
de fer mitoyens, on supprime la plupart des pro-
* Traiié d^Èemomie politique , 6« édit. en i vol., page IK6i.
DBinaàllB EDITION. 16
942 HISTOIRE
hibitions. Cette belle partie du programme de
J.-B. Say s'est exécutée avant sa mort, et nous
voyons tous les jours les progrès de l'opinion pu-
blique favoriser l'exécution du reste. Il n'a man-*
que à cet écrivain que d'envisager d'un point de
vue plus social et plus élevé les questions de pau^
périsme et de salaires. On sent, en le lisant, qudi-^
que chose de dur et de repoussant qui rappelle
les formules abstraites de Malthus et de Ricardo.
Sa logique est sans pitié quand il s'agit de secou-
rir des infortunes qui lui paraissent méritées, et
l'on dirait, à entendre ses avertissemens sévères
à la bienfaisance', qu'elle a plus d'encouragé-^
mens pour l'inconduite que de consolations pour
lemalheur. Mais pour tout cequi regardeles grands
principes de la science, dans les questions de dousi-
nes, demonnaies, de crédit public, de colonies, cet
auteur est devenu le guide le plus sûr qu'on puisse
suivre, et l'écrivain le plus classique de l'Europe.
Le dernier de ses ouvrages, qui est aussi le
plus volumineux ', présente des modifications wh
* a L'homme qui, par son incurie et sa paresse, est tombé
dans la misère, après avoir avoir épuisé ses capitaux, est-il fon-
dé à réclamer des secours , lorsque ses fautes mêmes privent de
leurs ressources les hommes dont ses capitaux alimentaient f in-
dustrie? » {Traité d'Économie politique , liv. IIÎ, chap. vu.)
* II est intitulé : Cours complet d'économie politique prati-
que^ 6 vol. in-8, réimprimés en 1840 en 2 volumes grand-in-8.
(Voyez la Bibliographie , à la fin de ce volume.)
DB L*ÉCON0ltIB POLITIQUE. 243
tables aUx premières opinions professées par
l'auteur. Il y règne moins d'aigreur contre les
gouvernemens, soit que M. Say eût reconnu dans
certains cas l'utilité de leur influence, soit qu'il
ait cru devoir faire quelques sacrifices à la posi-
tion qu'il occupait. Tous ceux qui connaissaient
$on caractère adopteront de préférence la première
hypothèse, qui se trouve d'ailleurs confirmée par
des passages remarquables, où il est évident que
cet écrivain obéissait à une conviction nouvelle.
C'est ainsi que dans une circonstance importante
il avait soutenu que le travail des esclaves était
plus économique que celui des hommes libres, et
il eut la bonne foi de reconnaître publiquement
qu'il s'était trompé. Il ne pardonnait pas la per^
sévérance dans l'erreur, et il ne laissait 'passer
aucune occasion de stigmatiser les mauvais livres
d'économie politique. Les erreurs en cette science
lui paraissaient plus funestes qu'en aucune au«*
tre, et il les poursuivait partout où il en croyait
voir, même chez ses émules les plus célèbres,
dans 1* espoir d'établir l'économie politique sur
des fondemens inébranlables. Mais il est ternes
de signaler les travaux de ces économistes re«
nommés.
244 HISTOIRE
CHAPITRE XL.
De réconomie politique en Angleterre depuis le commencemeHC
du dix-neuvième siècle. — Système dePitt, soutenu par Thom-
ton, attaqué par Cobbett. — Doctrines de Ricardo.— Écrits de
James Mill. — De M. Torrens. — De M. Mac CuUoch. •— De
M. Tooke.— Travaux de M. Huskisson. — ^De sir Henry Pamell.
— Traités De M. Wade.— De M. Poulett Scrope.— économie
des manufaeture$,yar Babbage. — Phihiophie de» manufac-
tures , par le docteur Ure-^-Grande popularité de Téconomie
politique en Angleterre.
La longue nomenclature des économistes an^
glais postérieurs à l'époque d'Adam Smith et la
concordance de leurs ouvrages , prouvent com-
bien l'impulsion donnée à l'économie politique
par son illustre fondateur, avait été vive et fé-
conde. Les idées qu'il venait de populariser por-
taient déjà leurs fruits. Les questions économi-
ques'avaient cessé d'être abandonnées au hasard,
et le gouvernement lui-même éprouvait le besoin
de soumettre au contrôle de ta science ses réso-
lutions les plus importantes. On en eut un té-
moignage frappant à l'époque de la su^ension
des paiemens de la banque d'Angleterre en 1797.
Ce fut la première circonstance où l'on invoqua
des théories à l'appui d'une grande mesure finan-
DE L'ECONOMIE POLITIQUE. 245
ciére, et dés lors la discussion passa de la soli-
tude des livres au sein du Parlement. Une fois im-
primé, le mouvement ne s'arrêta plus; chacun
crat devoir recourir à l'autorité des principes
pour appuyer son opinioh', et la tribune devint
l'un des plus puissans auxiliaires de l'économie
politique. Ainsi , les Redierches sur la nature et les
causes de la richesse des nations doivent être consi-
dérées comme la source de tous les bons écrits
publiés sur cette matière cfepuis environ cin-
quante ans.
Avant la longue lutte de la France et de l'An-
gleterre, sous l'influence de notre révolution de
4789, les doctrines d'Adam Smith n'avaient en-
ù9€e reçu qu'une grande et solennelle applica-
tion : l'émancipation des États-Unis. On com-^
mençait sans doute à apprécier les avantages de
la division du travail et de l'emploi des machines^
mais nulle grave question n'avait encore mis à
l'épreuve les théories du célèbre Écossais sur la
constitution des banques et sur les maladies du
système monétaire : il fallut que le génie aventu-
reux de Pitt osât risquer la banqueroute , pour
qu'on reconnût toute la justesse des analyses
qu'Adam Smith avait données du phénomène de
la circulation. Alors parurent à divers intervalles
une foule d'ouvrages pour attaquer ou pour dé-
fendre les doctrines de Smith , et l'opinion pu-
246 HISTOIRE
blique commença à se former au bruit de ces
querelles mémorables. L'un des ouvrages les
plus intéressans publiés à cette époque ' par
M. Henry Thornton , avait pour but de justifier
la suspension des paiemens en numéraire; et
quoiqu'il fourmille d'erreurs , nul autre n'a ja-
mais fait comprendre avec plus de clarté les avan-^
tages de la circulation monétaire, soit en papier,
soit en espèces. L'auteur y soutenait que les ban-^
ques pouvaient favoriser indéfiniment le travail
et multiplier la production sans avoir besoin de
numéraire, à la -seule condition de régler leurs
émissions avec prudence. Il proclamait les bien*'
faits du crédit en présence d'une mesure qui sem-*
blait devoir l'anéantir, et l'avenir a pris soin de
justifier ses prédictions les plus raisonnables.
Cependant, vers la fin de l'année 1810, l'An-
gleterre épuisée par les efforts qu'elle avait faits
pour renverser la puissance de Napoléon, voyait
tout son or exporté sur le continent pour sou-
doyer les coalitions, et le prix des denrées élevé
à un taux qui rendait très difficile la continuation
du régime financier imaginé par Pitt. C'est alors
que parurent les fameuses lettres de Cobbett ',
^ ' An Enquiry iiUo the nature and effeets of Ihe pdper crédit
0/ Great Brilain , Londres , 1802.
' Paper againsl Gold, or the History and Mysteryof the Bank
of England, Ce pamphlet prodigieux a eu plus de sept éditions.
DE l'économib politique. 247
qui attaquaient avec une énergie indomptable les
abus du papier-monnaie et les déceptions Qnan-
cières du gouvernement. Nous ne connaissons pas
d'étude plus intéressante que celle de ce livre
pour quiconque veut apprécier à leur juste valeur
les avantages et les inconvéniens du système de
crédit. Jamais la verve d'un écrivain n'avait eu à
lutter contre un sujet aussi diflScile, et jamais,
depuis les Provinciales de Pascal et les Mémoires de
B^umarchais , on n'avait mis plus d'esprit au
service de la raison. Les partis politiques ont pu
attaquer Gobbett comme un pamphlétaire sans
tenue et sans dignité; mais la postérité, plus juste
pour lui qu'il ne l'était envers ses contemporains,
lui assignera un rang très distingué parmi les
économistes populaires. Si toutes les questions
d'économie politique avaient été traitées avec
cette clarté vigoureuse et naïve, il n'y aurait peut-
être pas. aujourd'hui un seul point de doctrine en
litige et cette science serait devenue accessible à
toutes les classes de la population. Gobbett ne
dierchait pas ses argumens dans des hypothèses
contestables ou dans les traités dogmatiques des
écrivains qui l'avaient précédé; il attaquait avec
les seules ressources du bon sens, et sa logique
inflexible portait la lumière la plus vive au fond
des discussions les plus ardues. Ses pamphlets
économiques, presque tous datés de la prison
24« HISTOIRE
d'état de Newgate, sont des chefs-d'œuvre de rai-
son et de style et ne sauraient être étudiés avec
trop de soin par les hommes jaloux d'approfondir
les mystères du crédit public.
Presque en même temps, l'Angleterre s'enri-
chissait des premiers écrits de M. Ricardo , qui
devaient jeter un si brillant éclat sur l'économie
politique. On était en 1809; la hausse dans le
prix de l'or et la baisse dans le cours du change
qui eurent lieu cette année, avaient vivement
préoccupé l'attention publique. Ricardo publia
une brochure intitulée : Le hatU prix du lingot
prouve la dspréciaJtion des billets de banque ' . Il y dé-
montrait scientifiquement la thèse soutenue par
Gobbett, c'est-à-dire les inconvéniens d'une trop
grande émission de papier-monnaie. Il faisait voir
que la hausse et la baisse du cours ne sont que
des termes relatifs et que tant que la circulation
d'un pays se compose uniquement de monnaies
d'or et d'argent ou de papier conversible en ces
monnaies, il est impossible que le cours s'élève
au dessus ou tombe au dessous du cours des au-
tres pays, d'une somme plus forte que cellei qui
est nécessaire pour les frais d'importation d'es-
* The high priée of buUian , a proof of the deprieiation of
Bank-note$^
Cet écrit, aujourd'hui assez rare, est un des documens les
plus remarquables de réconomie politique par sa simplicité et
sa précision nette et pratique.
DE l'économib politique. 249
pèces ou de lingots eo cas de rareté, ou pour les
frais d'exportation d'une partie du superflu , en
cas de surabondance. Mais lorsqu'un pays émet
un papier-monnaie non conversible, comme c'é-
tait alors le cas en Angleterre, ce papier ne peut
être exporté quand il est trop abondant sur la
place, et par conséquent toutes les fois que le
change avec l'étranger baisse , ou que le prix du
lingot s'élève au dessus de son prix en espèces
monnayées de la somme nécessaire pour l'expor-
tation des monnaies, il est évident qu'on a émis
trop de papier et que sa valeur est tombée en rai-
son de l'excès des émissions. Ricardo contribua
beaucoup à la nomination d'un comité chargé
d'eouuniner cette question , et les mesures qu'il
proposait pour remédier au mal , ajournées d'a-
bord par l'ignorance ou le mauvais vouloir furent
adoptées depuis, aux applaudissemens de son
pays et de tous les amis éclairés de la vérité.
C'est à cette occasion que l'auteur imagina un
système de banque dans lequel les billets seraient
échangeables, non contre des espèces monnayées,
mais contre des lingots. La sécurité des porteurs
de billets se trouvait ainsi conciliée avec celle
des banques. Celles-ci étaient obligées de res-
trdndre leurs émissions, pour n'avoir pas à aug-
menter leur garantie en lingots; et comme les
n'avaient pas cours de monnaie, les ban-
250 HiSTOIRB
ques étaient moins exposées à des demandes de
remboursement. Rien n'était plus ingénieux que
ce système, puisqu'il présentait tous les avanta^
ges du crédit sans en avoir les dangers, et loutee
les garanties d'une monnaie d'or sans en en-
traîner les frais : aussi est-il probable qu'on en
fera l'essai quelque jour avec succès dans plus
d'un pays *.
Le principal ouvrage de Ricardo sur les /Vm-
c^es de F économie politique et de l'impôt , publié en
1817 , a excité dans le monde économique des
s sensations profondes, mais diverses. Quelques
écrivains l'ont considéré comme le plus remar^
quable qui ait paru depuis Adam Smith; d'autres
lui ont reproché d'avoir jeté l'économie politique
dans les abstractions et de l'avoir hérissée de for-
mulesalgébriques. Simple historien et peu disposé
à rentrer dans des controverses aujourd'hui épui-«
sées, je me bornerai à signaler les caractères dis^
tinctifs de cet ouvrage. Ricardo y soutient que le
revenu est tout à fait étranger aux frais de pro«*
duction; que la hausse des salaires amène la baisse
dans les profits et non dans le prix des denrées,
et que la baisse des salaires amène la hausse dans
les profits et non la baisse dans les prix. Après
avoir établi que la variation des profits est en rai-*
* Ce projet est exposé dans un écrit de Ricardo, intitulé : Pro-
posais for an Economical and êeeure Currmcy^ Londres, 1816.
DB l'Économie politique. 251
son lAiferse de celle des salaires, il chercha à
découvrir les circonstances qui déterminent- le
tabx des salaires et conséquemment celui des pro-
0tft* Il crut les avoir trouvées dans les frais de
(HToduction des articles nécessaires à la consom-
mation du travailleur. Quelque élevé que soit le
prix de ces articles, il est clair que le travailleur
doit toujours en recevoir une quantité suffisante
pour son existence et pour celle de sa famille.
Toutefois, comme les produits bruts doivent tou-
jours former la partie principale de la subsistance
du travailleur et que leur prix a une tendance
constante à monter, en raison de la stérilité con-
stamment croissante des terrains auxquels il faut
avoir recours dans les sociétés avancées , il suit
que les salaires doivent avoir aussi une tendance
constiante à s'élever et les profits à baisser avec
Taccroissement de la richesse et de la population '•
En somme, la doctrine fondamentale de Ricardo
sur le fermage se réduisait à soutenir que le profit
que fait un propriétaire foncier sur sa terre, c'est
à dire ce que lui paie son fermier, ne représente
jamais que l'excédant, à égalité de frais, du pro-
duit de sa terre, sur le produit des plus mauvaises
terres cultivées dans le même pays.
Cette opinion, appuyée de développemens re-
' Notice sur la vie et les ouvrages de JRt car<fo , par M. Con-
stancio, son traducteur, page 52.
252 HISTOIRE
marquables, fut vivement attaquée par Malthuset
par J.-B. Say; et cependant ces auteurs arrivaient
par des chemins diflërensaux mêmes conclusions :
seulement, les adversaires de Ricardo soutenaient
que si les mauvais terrains étaient cultivés , c'é-
taient rétendue des besoins de la société et le prix
qu'elle est en état de payer pour avoir du blé,
qui permettaient de trouver un profit foncier sur
les terres meilleures ou mieux situées. Dire que
ce sont les mauvaises terres qui sont la cause du
profit que Ton fait sur les bonnes, c'était admet-
tre en d'autres termes un principe déjà cpnuu ,
que les frais de production ne sont pas la cause
du prix des choses, mais que cette cause est dans
les besoins que les produits peuvent satisfaire '• La
controverse élevée sur ce point, n'était donc plus
qu'une querelle de mots] néanmoins, Ricardo a
jeté dans son livre de si hautes considérations sur
l'influence réelle des impôts en matière de reve-
nus, de profits, de salaires et de produits bruts ,
que même en contestant la théorie de l'auteur, on
ne peut s'empêcher de reconnaître les lumières
qu'il a répandues sur cette partie difficile de la
science. Il est fâcheux que cet écrivain se soit
placé trop souvent dans des hypothèses hasardées,
pour en tirer des conséquences abstraites et inap-
' J.-B. Say, Traité d'économie politique ^ page 410, édition
de 1841, en un volume.
DB l'Économie politique. 253
plicables : semblable à un mécanicien qui appré-
cierait l'action des machines, sans tenir compte
du frottement et des matériaux dont elles sont
construites. Ricardo aimait trop à généraliser ; il
se jetait souvent dans une sorte de métaphysique
économique, toute hérissée d'argumens et de for-
mules ardues , dont on accuse la science, quoi-
qu'elle en ait eu beaucoup à souffrir. C'est ainsi
que « sous prétexte de l'étendre, disait J.-B. Say,
on l'a poussée dans le vide * . »
Pour nous , le plus grand reproche que nous
croyons qu'on puisse adresser à Ricardo , c'est
d'avoir considéré la richesse d'une manière abs-
traite et absolue, sans égard pour le sort des tra-
vailleurs qui contribuent à la produire. M. Ricardo
s'est montré beaucoup plus préoccupé de la puis-
sance collective des nations, que du bien-être
individuel des citoyens qui les composent ; et sa
logique sévère a trop considéré les hommes comme
des instrumens au lieu de les ménager comme des
êtres sensibles. Son livre est séduisant au premier
abord par ses formes dogmatiques et nettement
dessinées. Il y traite les questions humaines à la
manière des sayans qui ont fondé la théorie des
* « Le chef de la nouvelle école , M. Ricardo , a , dit-on , dé-
claré lui même quHl n^y avait pas plus de vingt-cinq personnes
en Angleterre qui eussent entendu son livre. » Sismondi , Jfou-
VMiMP |Nrjnclpe# » tome II , page 574.
S54 HtstOlRË
proportions chimiques et qui se croient sûrs de
retrouver dans l'analyse de certains sels les mêmes
quantités d'acide et de base, qu'ils y ont copibi-
nées par la synthèse. Il était d'avis de lever les
subsides pour une guerre de l'année , par une
augmentation d'impôts équivalente, et il pensait
qu'il était commode et praticable d'acquitter la
dette publique par une cotisation sur le capital.
C'est certainement l'homme qui a eu le plus d'i^
dées neuves en économie politique depuis Adam
Smith; mais les seules qui lui survivront sont
' celles qu'il dut à l'observation des faits plutôt
.qu'aux hardiesses de ses raisonnemens. Le der^
nier écrit qu'il a publié sur l'agriculture ' ren-
ferme des aperçus de la plus grande profondeur
relativement à l'influence du prix du blé sur les
profits et les salaires et aux effets des taxes sur
l'agriculture et les manufactures. Ce seul travail
suffirait pour faire placer son auteur au premier
rang des économistes.
Avec ses qualités et même avec ses défauts,
M. Ricardo devait naturellement fonder une école :
cette école compte déjà plusieurs disciples eélé^
bres, parmi lesquels il convient de citer M. Mill,
M. Torrens et M. Mac CuUoch. James Mill, que
la science vient de perdre , est principalement
* Il est intitulé Protection io agrieuUure, C'est une Inrodiufe
d'environ 100 pag . , vrai chef-d'œuvre de logique etde é&aeamWÊ.
DE L^ÉCONOMIE POLITIQUE. i&5
connu par son excellente histoire de Tlnde-Bri*
tannique; il a laissé un traité élémentaire d'éco-
nomie politique qui se ressent un peu de l'obscu-
rité du maître, et qui résume ses doctrines comme
les écrits de Justin résument les fragmens perdus
de Tite-Live. M. Torrens s'écarte davantage des
doctrines fondamentales de cette école, dans son
Essai sur la production de la richesse^ et il n'accepte
qu'avec des restrictions notables les doctrines de
son illustre concitoyen^ Cet écrivain se montre en
général éclectique; il n'attache pas aux disputes
de mots, qui ont trop longtemps divisé les éco-
nomistes, une importance exagérée, et il explique
très bien comment la plupart d'entre eux sont
parvenus à se mettre d'accord sur les bases es-
sentielles de la science. Le livre qu'il a publié en
1834 sur les salaires et les coalitions ^ tout plein
d'une sympathie généreuse pour les classes ou-
vrières, sera consulté avec fruit sur la question
des machines et sur les circonstances qui font
hausser ou baisser les salaires dans les pays ma-
nufacturiers. L'auteur y attaque vivement les lois
céréales, ainsi que l'avait fait Ricardo, avec une
indépendance très honorable dans un grand pro-
priétaire de terres.
C'est à M. Mac Gulloch qu'était réservé l'hon-
neur de vulgariser les idées de Ricardo , en les
modifiant de toute la supériorité de son esprit
256 HISTOIRE
éminetnitient positif et pratique. Déjà l^auleur
avait publié une excellente édition d'Adam Smith
avec des notes; il lui appartenait donc plus qu'à
aucun autre de nous faire connaître les principes
de Ricardo, et de compléter par des analyses
moins abstraites les travaux de cet économiste
célèbre. Malheureusement , M. Mac Gulloch nous
semble avoir adopté l'inflexible absolutisme du
système manufacturier qui consiste à faire avan-
cer la production sans ménagement pour le pro-
ducteur, sinon par indifférence pour l'humanité
du moins par abus des principes. M. Th. Tooke
est demeuré plus fidèle à la méthode expérimen-
tale d'Adam Smith ', et il ne s'est pas attaché
d'une manière aussi étroite que plusieurs de ses
prédécesseurs à ces définitions pointilleuses des
^ mots valeur j utUité^ rickessej dont le sens précis et
applicable est dès long-temps fixé. Homme pra-
tique , négociant versé dans la science des affai-
res, il s'empare des doctrines les plus légitime-
ment reconnues et il les applique immédiatement
aux questions industrielles, comme M. Mac-Gul-
loch a su faire les plus heureuses applications de
la statistique à l'économie politique *. C'est en ne
* On lira surtout avec intérêt ses deux écrits intitulés, le pre-
mier: Thoughliand détails, etc., Pensées et développemens
sur le prix des choses dans les trente dernières années; et le
second. Considérations on the state ofthe Currency^
* Voyez son Dictionnaire du commerce et sa Statistique de
DE l'Économie politique. 257
li^ligeant, ainsi, aucune occasion d'utiliser la
science, que les économistes anglais Font rendue
populaire et l'ont élevé du rang des utopies au
premier ordre des connaissances utiles.
Deux ministres anglais, M. HuskissonetM. Henri
Parnell, ont aussi contribué avec succès à cet
heureux résultat. Le premier de ces hommes
d'État, dont la science pleure encore la perte ré^-
cente et prématurée, ne manque pas de ressem-
blance avec Turgot. Frappé des tristes consé-
quences du régime prohibitif et des abus du
système protecteur, il avait résolu de porter une
main hardie sur ce vieil édifice, indigne de notre
temps et funeste aux progrès de la civilisation.
Mais il savait allier l'esprit de réforme avec la
prudence du législateur, et il n'entreprit jamais
aucune amélioration avant de s'être entouré des
documens les plus consciencieux et d'avoir pro^
cédé à de minutieuses enquêtes. L'économie pO"
litique aurait vu des jours glorieux et prospères,
si ce ministre courageux et éloquent avait assez
vécu pour mener à bonne fin les réformes qu'il
avait entreprises'. « Quand je parle d'améiiora-
V Angleterre , où de graves questions d'économie politique sont
souvent traitées avec une grande habileté, malgré les difficultés
naturelles de Tordre alphabétique.
' On. sait que M. Huskisson eut les deux jambes écrasées par
un wagon, le jour même de Tinaugurationdu chemin de fer de
SIUXliMB SDITION. 17
258 HISTOIRE
lions, disait-il à la chambre des communes, j'en-
tends ces changemens graduels, réfléchis, qui,
dans une société de formation ancienne et com-
pliquée, sont les préservatifs les plus assurés
contre des innovations imprudentes et périlleu-
ses; à des changemens de ce genre il est de notre
devoir à tous de concourir de tout notre pouvoir.
C'est en restant fidèles à ces principes, en y per-
sévérant, que nous conserverons la haute position
que nous occupons parmi les nations civilisées.
Cette position, avec toute la gloire, toute l'influence
dont elle est si justement environnée, comment
l'avons-nous acquise, si ce n'est en marchant les
premiers dans cette noble carrière d'honneur et
d'utilité ? jSous sommes tenus d'y marcher en
avant, entraînés par le souvenir du passé, par un
juste sentiment de notre grandeur présente et par
celui des obligations que le présent et le pas^sé
nous imposent envers les générations qui doivent
nous remplacer. Notre pays ne saurait demeurer
stationnaire, tant qu'il y aura hors de l'enceinte
des murs du Parlement une presse libre pour
recueillir en faisceau toutes les influences de l'o*
pinion, et tant qu'il y aura au sein du Parlement
une discussion libre pour guider, et diriger ces
mêmes influences. »
I4verpool à Manchester. U mourut quelques heures après des
suites de cet accident/
DE l'économib politique. 259
Les deux circonstances à propos desquelles
M. Huskisson fut amené à ces solennelles décla-
rations de principes, sont trop connues pour
qu'il soit nécessaire de les exposer longuement.
Il suffira de dire que dans l'une, il s'agissait de
l'admission des soieries étrangères, et dans l'au-
tre d'amender les lois relatives à la navigation,
demeurées si^xclusivement restrictives depuis le
fameux acte de Gromwell. Des réclamations ar-
dentes s'élevèrent aussitôt de la part des fabri-
cans de soieries et des armateurs de navires, les
uns et le$ autres prétendant que le ministre vou^
lait livrer l'industrie nationale sans défense à la
concurrence extérieure. M. Huskisson ne s'émut
pas un instant de cette double tempête, et réfu-^
tant ses adversaires les uns par les autres, oppo-
sant les récriminations de ceux-ci aux lamenta-
tions étudiées de ceux-là, il obtint le plus beau
triomphe qu'un homme d'État puisse désirer, l'a*
doptipn de ses projets sans aucun amendement
restrictif. Quelques années après, les doctrines
de $es adversaires recevaient un éclatant démenti :
non seulement les fabriques de soieries anglaises
n'avaient pas succombé devant la concurrjence
étrangère, mais elles s'étaient accrues et perfec-*
tiônnées au point de lutter \ictorieusement avec
die ; et le chiffre de la navigation avait dépassé les
espérances les plus exagérées. Quelques pétition^^
260. HISTOIRE
naireSi, feignant de redouter la marine prussienne
à propos de l'association de douanes dont ce
pays venait de se faire le centre, proposaient d'em-
ployer le canon pour le réduire à reconnaître l'an-
cien monopole de la Grande-Bretagne. «J'espère
bien, répliqua M. Huskisson, que je ne ferai plus
partie des conseils de l'Angleterre , quand il y
sera établi en principe qu'il y a une règle d'in-
dépendance et de souveraineté pour le fort et une
autre pour le faible, et lorsque l'Angleterre, abu-
sant de sa supériorité navale, exigera pour elle,
soit dans la paix, soit dans la guerre, des droits
maritimes qu'elle méconnaîtra pour les autres
dans les mêmes circonstances. De pareilles pré-
tentions amèneraient la coalition de tous les peu-
ples du monde pour les renverser. »
Telles furent les doctrines économiques et po-
litiques de M. Huskisson pendant sa trop courte
existence ministérielle. Elles n'ont pas cessé,
depuis sa mort, de prévaloir dans les conseils du
gouvernement britannique, et la lenteur avec la-
quelle nous les avons vu adopter par les États
civilisés doit être attribuée aux résistances de
l'intérêt privé, beaucoup plus qu'à la mauvaise
volonté de l'administration. Tous les bons esprits
sont d'accord aujourd'hui sur les résultats infail-
libles de l'abaissement des taxes, et les gouver-
nemen s éclairés s'empressent de prévenir, à cet
DE L*£CONOMlB POLITIQUE. 261
égard , le voeu des populations. M. Huskisson à
trouvé un digne successeur dans M. Henri Par-
nell '. Cet écrivain distingué a passé en revue tout
le système économique de l'Angleterre , dans ua
ouvrage intitulé : De la Réforme financière , qui
contient le germe de tous les perfectionnemens
dont la législation anglaise est susceptible , en
matière de finances , de douanes et d'intérèta
commerciaux. Ce travail est un modèle à offrir à
tous les gouvernemens jaloux de réformer le&
abus d'une manière prudente et progressive.
L'auteur y expose l'ensemble des faits relatifs à
chaque question, et les inconvéniens attachés à la
conservation de l'état actuel, toutes les fois que
cet état lui semble contraire aux intérêts géné-
raux. Il se montre plus hardi que M. Huskissoa
pour tout ce qui touche à la liberté du com-
merce, et jamais les principes sur lesquels repose
la nécessité de celte liberté n'ont été appuyés de
développemens plus concluans et d'argumens
plus irrésistibles. Sir Henri Parnell a fait ressor-
tir avec le dernier degré d'évidence les avantages
de la réduction des taxes , soit sur les matières
premières^ soit sur les produits fabriqués; il a
ouvert une ère nouvelle à la science en suivant un
système d'application particulier à chaque ques-
' Son Traité de la réforme financière en .Angleterre a été
traduit en français par M. Benjamin Laroche
Md HISTOIRE
tk>n économique, de manière à en provoquer là
solution dans un avenir peu éloigné.
Deux publicistes anglais, appartenant à la mê-
me école, M. Wade et M. Poulett Scrope , ont
publié récemment* de petits traités populaires
dans lesquels l'économie politique était mise à la
portée des classes laborieuses. Celui de M. Wade
est précédé d'un résumé historique de la condi-
tion des travailleurs, et l'auteur y a traité avec
une grande supériorité les questions de salaires,
de paupérisme, les lois céréales et l'influence de
l'éducation sur les masses. M. Poulett Scrope
s'est déclaré l'antagoniste absolu des doctrines
de Malthus sur la population, et il s'est élevé à
de hautes considérations sur les phénomènes de
la distribution des richesses. Son livre est un de
ceux ou les causes de la pauvreté publique et pri-
vée ont été le mieux exposées , ainsi que l'effet
dés restrictions sur les échanges. « Le bonheur
de l'espèce humaine, s'écrie l'auteur en finissant,
peut facilement , au moyen de la prévoyance ,
égaler et même dépasser l'accroissement de la
population. » La doctrine de MM. Wade et Scrope
diffère essentiellement de celle qui a été dévelop-
pée à peu près à la même époque dans les ouvra-
ges de M. Babbage et du docteur Ure, sur l'éco-
nomie des manufactures. Le livre de M. Babbage
* Kîi 1855.
1>B l'écohomie politique. 26S
n*esl autre chose qu'une série d^aperçus ingé**
nieux sur la division du travail et l'emploi des
machines; celui du docteur Ure est un hymne en
honneur du système manufacturier, que cet au-
teur proclame le plus favorable au soulagement
des classes ouvrières. Babbage croyait du moins
qu'il restait beaucoup à faire aux fabricans pour
profiter des découvertes industrielles et pour
améliorer l'état moral des travailleurs; le docteur
Ure, apologiste plus prononcé de la grande indus*
trie, en dissimule habilement les imperfections et
la considère comme le dernier terme de la civili-
sation. Tel est caractère dominant de l'école éco-
nomique anglaise, et c'est avec raison qu'on lui
reproche de ne pas assez tenir compte des com-
plications inhérentes au travail manufacturier,
malgré les avertissemens sévères de la taxe des
pauvres et les crises périodiques dont l'Angle-
t^re est affligée depuis quarante ans. A l'aspect
de ce^ milliers d'enfans étiolés et de filles cor-
rompues qui pullulent dans les manufacturer
anglaises, on est surpris de lire dans un ouvrage
qui s'intitule : Philosophie des manufactures, un pa^^
sage tel que celui : « Lorsque les enfans travail-
lent à domicile, ils sont renfermés toute la jour-
née avec leurs parens ; ils ne connaissent ni les
hommes, ni les choses qui les entourent. Ainsi ,
le seul sentiment qu'ils puissent percevoir est
26i HISTOIRE
celui de Tégoïsme'. » Mais Técole anglaise n'a vu
dans la production des richesses qu'un élément
de puissance nationale , et les économistes de
cette école se sont trop accoutumés à considérer
les ouvriers comme de simples instrumens de la
production. A peine il leur échappe un cri de
commisération à l'aspect des hôpitaux encombrés
et des prisons remplies de toutes les victimes de
nos inégalités sociales. Ils ferment leurs oreilles
^ la plainte, et ils se laissent éblouir par le pres-
tige de la civilisation, sans se demander si ce bril-
lant édifice n'est pas cimenté de pleurs et de lar-
mes , et si la base en est tellement solide qu'on
n'y ait point à redouter des secousses. Heureuse-
ment , la France a revendiqué son privilège ac-
coutumé de défendre les droits de l'humanité, et
tandis que la Grande-Bretagne avance à pas de
géant dans la carrière de l'industrie , nos écri-
vains la rappellent aux principes sacrés d'une
répartition équitable des profits du travail:. Noua
entrons dans l'ère sociale de l'économie politique.
■ Philosophie des manufactures^ par le docteur Ure, troisiè-
fne partie, chap. m.
DE L ECONOMIE POLITIQUE. 265
CHAPITRE XLI.
Des économistes sociaux de Técole française. — Nouveaum
principes d'économie politique de M. de Sismondi. — JVioii-
veau traité d'économie sociale de M. Dunoyer. — Ècono-
mie politique chrétienne de M. de Villeneuve - liargemont.
— Traité de législation par M.' Ch. Comte. — Économie po»
Ktique de M. Droz.
Il y avait déjà plusieurs années que les doctri-
nes d'A.dam Smith, de Malthus et de l'école in-
dustrielle étaient adoptées sans discussion dans
toute l'Europe, lorsque M. de Sismondi fit paraî-
tre la première attaque sérieuse contre les abus
de ces doctrines , tout en acceptant ce qu'elles
avaient d'inconstable et de positif*. Frappé du
contraste de la grande opulence et de la misère
extrême dont il avait été témoin en Angleterre,
surpris de voir les perfectionnemens de l'indus-
trie profiter presque exclusivement à quelques
hommes , sans avantages sufiisans pour la com-
munauté, il rechercha les causes de cette anoma^
lie, et il crut les avoir trouvées dans la constitu-
tion même de l'industrie, mal appropriée, selon
* Témoin son premier ouvrage intitulé : De la richesse com-
merciale^ publié en 1805 , la même année que la première édi**
tion du Traité de J.-B. Say.
266 HISTOIRE
lui, aux besoins généraux des travailleurs. < J'ai
voulu prouver , dit-il , que l'augmentation de la
production n'est un bidli qu'autant qu'elle est
suivie d'une consommation correspondante ;
qu'en même temps l'économie sur tous les
moyens de produire n'est un avantage social
qu'autant que chacun de ceux qui contribuent à
produire continue à retirer de la production un
revenu égal à celui qu'il en retirait avant que
cette économie eût été introduite; ce qu'il ne
peut faire qu'en vendant plus de ses produits. »
En examinant sous ce point de vue neuf et
hardi la constitution industrielle de la société eu-
ropéenne, M. de Sismondi rencontrait les ques-
tions immenses de la concurrence, des prohibi-
tions, des banques et de la population. La con-
currence entre les travailleurs lui semblait davoir
amener de jour en jour davantage la baisse des
salaires, tandis que les machines fournies par les
banques, diminuaient graduellement la demande
du travail. Il y avait sans doute une plus grande
majsse de richesses produites ; mais le revenu des
populations laborieuses n'en était point augmenté
et par conséquent leurs moyens d'existence de-
venaient insullisans; de là résultaient tous les
fléaux dont l'humanité était affligée dans les pays
civilisés, et M. de Sismondi se voyait conduit à
adopter les théories de Malthus , sinon comme
DE l'Économie politique. 267
une fatalité inévitable , du moins comme une
conséquence de la constitution imparfaite de Tin-
dustrie. Le bonheur public étant attaché , selon
lui, à un juste équilibre entre la population et le
revenu, et le revenu des travailleurs se trouvant
chaque jour réduit par la concurrence et Temploi
des machines, la société ne pouvait manquer d'ar-
river à une série de catastrophes dont les signes
précurseurs éclataient de toutes parts. Ne voyait-
on pas partout; au dedans, la concurrence avec
son cortège ignominieux , la baisse des salaires,
les fraudes commerciales, la mauvaise qualité
des produits; et au dehors, les guerres de doua-
nes, la contrebande et tous les crimes, qu'elle
traîne à sa suite ?
Cette tendance nouvelle de l'industrie, la vic-
toire par les gros bataillons, et la lutte infruc-
tueuse des travailleurs contre les capitaux, ont
inspiré à M. de Sismondi des pages éloquentes.
Il pousse un cri d'effroi à Taspect des banques qui
ajoutent des armes nouvelles aux armes déjà si
bien trempées des entrepreneurs d'industrie. Si
du moins ces créations éphémères d'instrumens
productifs profitaient à la grande famille des
travailleurs! Mais non; les banques ne font qu'a-
jouter aux moyens existans d'empirer la condition
de l'ouvrier; elles multiplient les machines, ré-
duisent le prix des journées, et en jetant la pro-
268 HISTOIRE
ductioh dans une arène sans limites, elles facili-
tent ces encombremens déplorables suivis de
crises dans le commerce et de ruine dans les ma-
nufactures. Toute Thabileté consiste désormais à
vendre au plus bas prix possible; on se croit du
patriotisme, parce qu'on a ruiné des fabriques
étrangères; mais on n'a pas ménagé davantage
les usines nationales. On a substitué des machines
plus productives, mais plus dispendieuses, à cel-
les qui existaient précédemment; on a obtenu un
rabais sur le loyer des bâtimens , sur celui des
capitaux, sur le revenu des propriétaires. Une
fabrication annuelle de cent mille francs, portée
à un million, fait périr neuf usines rivales; les
machines nouvelles anéantissent le capital re-
présenté par les anciennes. Il y a perte de revenu
pour la société par la diminution de l'intérêt de
l'argent, par la diminution des profits de l'in-
dustrie, par la perte du loyer de toutes les usines,
par la réduction du nombre total des ouvriers et
des salaires de chacun. Il y a donc diminution
dans la consommation de toutes ces classes; et
tandis que le manufacturier travaille de toute sa
puissance à augmenter la quantité et à améliorer
la qualité des tissus qu'il expose en vente, il tra-
vaille tout aussi activement, tout aussi efficace-
ment à diminuer le nombre des acheteurs des
uns ou des autres, et à décider tous ceux qui s'ap*
DE l'Économie politique. 269^
pauvrissent à faire servir leurs habits plus long-
temps et à se contenter de qualités toujours plus
grossières ' .
II n'est donc pas vrai, suivant M. de Sismondi,
que la lutte des intérêts individuels, tant préco-
nisée par l'école anglaise, suffise pour produire le
plus grand bien de tous, puisque sous l'influence
de cette lutte, nous Voyons naître chaque jour les
complications les plus graves et se consommer les
injustices les plus criantes. Ainsi , Malthus avait
raison de conseiller la prudence aux victimes pré-
destinées à ces holocaustes industriels, qui se cé-
lèbrent sur l'autel de la concurrence, et nos pères
n'étaient pas si mal avisés lorsqu'ils retenaient
dans les liens des jurandes et des maîtrises cette
fatale exubérance de production qui a transformé
le monde en un champ de bataille, où les grands
entrepreneurs dévorent les petits. Au moins, sous
ce régime, il y avait un frein naturel au mariage;
on frappait des mêmes entraves la multiplication
des hommes et celle des produits; on maintenait
dans de sages limites la concurrence des travail-
leurs et celle des marchandises. Le plus grand
vice de l'organisation sociale actuelle, c'est que le
pauvre ne peut jamais savoir sur quelle demande
de travail il peut compter, et que la puissance de
' Sismondi, du REVEifu social , dans la Revue d'économie poli-
tique , tome IV , page âao.
270 HIS1X>!RÈ
travailler ne soit jamais pour lui un revenu précis
et assuré. Telle est, en résumé, la doctrine sou-
tenue par M. de $>ismondi dans ses Nouveaux pvvh'
c^es d'économie politique, et développée par lui avec
une supériorité de talent qui n'a pas réussi, néanr
moins, à dissimuler le côté paradoxal de son sys-
tème.
Nous convenons volontiers qu'une famille qui
n'a que mille francs de revenu, ne dépensera que
mille francs, quel que soit le prix de la plupart des
denrées qu'elle doit acheter. Mais si elle se pro^
cure avec ces mille francs plus d'objets qu'elle
n'en obtenait avant la diminution de leurs frai§
de production, elle jouira en réalité d'une aisance
plus grande; elle achètera plus de produits et
donnera carrière à de plus grandes demandes de
travail. Que le sucre diminue, par exemple, soit
par un progrès de l'art, soit par une découverte
dans la nature , la portion du revenu précédem-
ment employée à acheter du sucre, pourra être
employée à d'autres achatset favoriser de nouvelles
industries ou le développement de celles qui exis-
tent. Si le progrès des manufactures, leperfecr
tionnement des machines ou la multiplication des
moyens de travail par les banques étaient de vé-
ritables fléaux, comment s'expliqueraient donc
le développement progressif de la prospérité pu-
blique et cet accroissement de bien-être qui a
DE l'Économie politique. 271
pénétré jusque dans les rangs des plus humbles
travailleurs? N-'est-ce pas, plutôt, que toutes les
économies obtenues sur les frais de production
sont des conquêtes dont profite la société tout
entière, trop inégalement, sans doute, mais néan*
moins d'une manière incontestable? M. de Sis«
mondi s'est laissé entraîner parla séduction d'une
idée simple et saisissante, comme celle de Mal-
thus, lorsqu'il proclama son fameux principe de
population; et il a cru avoir trouvé le vrai prin-
cipe de la félicité publique , dans sa théorie du
revenu social. Mais , à vrai dire , l'illustre çcono-
miste n'a fait que découvrir une de^ plaies de
l'industrialisme poussé à ses dernières limites
actuelles. Navré à l'aspect des abus, il s'est attaqué
à l'usage même, qu'il a voulu rendre responsable
de tous les maux de la société moderne; et après
avoir décrit en termes pathétiques les souffrances
des classes laborieuses , il s'est vu réduit à con-
fesser son impuissance d'y remédier.
Son admirable livre finit par un cri de déses*
poir : t Je l'avoue, dit-il, après avoir indiqué où
est à nos yeux le principe, où est la justice, je ne
me sens pas la force de tracer les moyens d'exé-
cution; la distribution des profits du travail entre
ceux qui concourent à les produire mp paraît vi-
cieuse; mais U me senMe presque au-dessus des forces
hemamis de concevoir un état de propriété abso-
272 HISTOIRE
lument différent de celui que nous fait connaître
l'expérience. » Et en effet, M. de Sisniondi a bien
démontré que la culture des denrées tropicales
était odieuse et ruineuse avec des esclaves ; mais
il n'a rien proposé pour résoudre la grande ques-
tion de r émancipation des noirs, sans nuire à leur
subsistance même et à leur propre sécurité. 11 a
signalé avec une rare perfection et une connais-
sance parfaite de la matière, les abus du papier-
monnaie et les dangers de la monnaie de papier ;
mais son ouvrage n'offreaucun tempérament qu'on
puisse appliquer à leur emploi. Nous savons seu-
lement qu'il s'agit d'une puissante machine à
vapeur qui peut faire explosion et des victimes ;
mais l'auteur ne parle point d*une soupape de
sûreté, et la conclusion serait donc de renoncer
à l'emploi de la machine pour échapper à ses
dangers. Les perfeclionnemens de la mécanique
ont excité au plus haut degré ses inquiétudes, et
par momens son courroux ; mais il ne nous a of-
fert aucune vue pratique et sérieuse pour adou-
cir les rigueurs de ces époques de transition et de
ces longs chômages qui mettent des populations
entières aux abois. C'est qu'il est des plaies so-
ciales, filles du temps et des moeurs, lentes à se
former, plus lentes à guérir, et sur lesquelles il
ne suffit pas de pleurer éloquemment comme Jé^
rémie, pour qu'elles disparaissent d'elles-mêmes.
DE LECONOMIE POLITIQUE. 273
Assurémenf 9 tous les capitalistes ne sont pas sans
entrailles, et tous les ouvriers sans prévoyance ;
mais que de mariages prématurés \ que d'enfans
qui n'auraient pas dû naître! quede récoltes dé-
truites par les orages! que de guerres imprévues!
que de crises commerciales difficiles à prévoir î
Voilà ce qui déconcerte chaque jour les théories
de l'économiste et les calculs de Thomme d'État.
Ce sont des maladies qui accompagnent la crois-
sance, mais qui ne l'arrêtent pas.
M. de Sismondi a été l'historien de cette partie
fugitive et douloureuse des dévëloppemens de
l'industrie moderne. Nul écrivain n'avait montré
jusqu'à ce jour une sympathie plus noble et plus
touchante pour les classes laborieuses; nul n'a
flétri avec plus d'énergie l'égoïsme des riches et
l'insouciance des hommes chargés de veiller aux
intérêts du plus grand nombre. Son livr^ est le
meilleur ouvrage critique qui existe en économie
politique; mais un livre meilleur sera celui qui
doit le réfuter. La plus légère observation des
feits suffit pour démontrer que la condition des
classes laborieuses est bien supérieure aujour-
d'hui à ce qu'elle était avant la découverte des
grandes machines de l'industrie moderne. Les ou-
vriers, même les plus mal payés, participent in-
directement aux bienfaits de la civilisation; ils
circulent dans des rues plus propres, mieux
DEUXIEME ÉDITION 18
274 HISTOIRE
éclairées : ils reçoivent le bienfait gratuit de l'é-
ducation élémentaire ; ils voyagent plus commo^
dément et plus économiquement que leurs pè*<-
res, et chaque jour voit la richesse ou du moins
Taisance arriver à des classes nombreuses dont
elle n'eût jamais été le partage sans le perfectîoa-
nement des machines. Le principal défaut de la
méthode de M. de Sismondi, c'est de trop géné-
raliser, comme Ricardo lui-même, son- plus il-
lustre antagoniste. Il ne ménage rien; il va droit
à son but, et il tire quelquefois des conséquences
exagérées d'un principe raisonnable. L'abus
qu'on a fait des banques en Angleterre et aux
États-Unis, où elles ne servent qu'à enrichir que
ceux qui sont riches, et à multiplier les machines
sans savoir comment on écoulera leurs produits^
lui a paru suffire pour motiver les malédictions
dont il poursuit ce précieux instrument de for-
tune publique. « Les capitaux si facilement obt^
nus, dit-il, excitent à des entreprises hasardeu-
ses, pour lesquelles les auteurs auraient hésité^
s'ils avaient dû exposer leurs propres fonds. »
Cela est vrai^ sans doute; mais faut-il en con-
clure la nécessité de supprimer les banques?
M. de Sismondi n'a pas reculé, pour les machi-
nes, devant les conséquences rigoureuses de son
système. 11 n'hésite pas à déclarer qu'un noU'*
veau perfectionnement industriel serait un mal-
DE l'Économie politique. 276
heur national, car le nombre des consommateurs
ne peu! guère s'accroître, d'après ses idées, et le
nombre des producteurs diminuerait par rem-
ploi des nouvelles machines. Il demande ce que
deviendrait T Angleterre gouvernée par un roi qui
ferait à lui seul, au moven d'une immense mani-
velle, toute la besogne de ses sujets mourans de
faim, parce que sa mécanique puissante leur au-
rait ôté leur travail. Et nous répondons volontiers
que l'Angleterre serait un pays bien heureux de
pouvoir se reposer de sa subsistance sur la solli-
citude d'un prince capable d'exécuter à lui seul
tant d'immenses travaux.
Cependant , et malgré le caractère paradoxal
qui les distingue, les opinions de M. de Sismondi
ont exercé une grande influence en Europe.
C'est lui qui a révélé , le premier , le secret de
ces douleurs sociales, principalement concentrées
dans les pays de manufactures, et qui a donné
l'éveil sur le danger des banques, bien avant les
catastrophes récentes qui ont si tristement jus-
tifié ses prédictions. Grâce à lui, la condition de
l'ouvrier est devenue chose précieuse et sacrée;
il a eu son couvert au banquet de la vie , dont
les théories de Malthus avaient voulu l'exclure;
et désormais, les progrès de la richesse ne seront
considérés comme vraiment utiles qu'autant que
les bienfaits s'en répandront sur tous ceux qui
276 HISTOIRE
y auront concouru. Le principe est posé; c'est
aux législations qu'il appartient d'en tirer les
conséquences. Déjà de hautes questions indus-
trielles et commerciales sont tombées dans le do-
maine de la discussion parlementaire; elkis ne
tarderont pas à y être résolues, sous les auspices
de la nouvelle école économique *, avec la géné-
rosité de sentimens et la hauteur de vues qui
doivent caractériser un jury spécial de savans.
M. de Sismondi a fait preuve d'un véritable
courage en signalant , le premier , d'une main
ferme les dangers du système artificiellement et
aveuglément producteur préconisé par l'Angleterre
el adopté par la plupart des économistes de
l'Europe. Assurément s'il n'eût fallu qu'un
homme de cœur pour appeler les sympathies
publiques sur le sort des travailleurs , victimes
d'une organisation industrielle, égoïste et par-
tiale, cethomme n'eût pasmanquéenFrance: mais
il fallait faire expliquer les vices cachés de ce
régime; il fallait voir comment la misère privée
augmentait en même temps que la richesse pu-
blique et par quel affligeant contraste les profits
du travail se concentraient plus souvent aux mains
de l'oisiveté , qu'au foyer du travailleur. M. de
* Témoin la question des prisons, celle de l'esclavage, celle
da travail des enfans dans les manufactures, les grandes entre-
prises d'utilité publique , etc.
DE l'Économie politique. ' 277
Sismondi n'a pas résolu ce problème, mais il y a
répandu la plus yi\e lumière et il l'a posé hardi-
ment aux économistes et aux hommes d'État.
Les prohibitions ont commencé , dès lors , à se
montrer sous un aspect bien différent de celui
d'autrefois; l'impulsion factice qu'elles donnent
à la production-, s'est troavée compensée par les
entraves qu'elles apportent à la consommation.
On a vu que l'ouvrier perdait en qualité de con^
soàimateur, tout ce que les chefs des industries
protégées gagnaient en qualité d'entrepreneurs.
Le concours des machines, si énergique et si
utile, quand il a pour but d'économiser le temps
et la fatigue des hommes, a paru meurtrier aus-
sitôt qu'on a prouvé qu'il avait trop souvent
pour résultat de broyer l'humanité dans des
engrenages. Peut-être M. de Sismondi, vivement
ému du tableau des souffrances si communes
dans les pays de manufactures, a-t-il exagéré des
maux qui ne dépendaient pas tous de la même
cause; mais ce sera l'honneur éternel de son
nom d'avoir donné l'éveil à l'Europe * et de s'être
mis à la tête d'une croisade en faveur des classes
les plus injustement disgraciées de notre ordre
social. Nous entendrons bientôt son cri d'alarme»
répété d'une voix solennelle par les Saint-Simo-
• Voir surtout les chapitres xii, viii et ix du VU® livre de ses
Nouveaux principes d'économie politique.
278 HISTOIRE
niens, retentir au sein de nos villes et dans le
tumulte des insurrections; lugubre avertissement
que la politique ne saurait méconnaître, ni la
science laisser plus long-temps stérile!
Aussi, de nombreux écrivains se sont-ils em-
pressés de répondre à l'appel généreux de M. de
Sismondi. Parmi les sectateurs les plus éclairés
de ses doctrines, la France compte l'auteur de
V Economie politique chrétienne, M. le vicomte Alban
de Villeneuve-Bargemont, dont les recherches
sur le paupérisme ont obtenu moins de succès
que n'en méritait un ouvrage aussi recommanda-
ble, à cause de rinsufHsance évidente de la partie
thérapeutique. M. de Villeneuve renchérit encore
sur les doléances de M. de Sismondi à l'égard du
système manufacturier; il décrit sous les cou-
leurs les plus vives les fléaux de tout genre dont
les classes laborieuses sont accablées; mais les
remèdes qu'il propose sont d'un- apôtre plus que
d'un économiste, ou d'un administrateur expéri-
menté *. Quelque grandes, en effet, que soient
* Je citerai un fragment de sa préface qui me semble résumer
tout l'ouvrage :
« Ce qui paraît certain , dit-il, c'est que les temps de mono-
pole et d'oppression sont accomplis sans retour et qa^une gran-
de transition approche. Or , elle ne peut s'opérer que de deux
manières : ou par l'irruption violente des classes prolétaires et
souffrantes sur les détenteurs de la propriété et de l'industrie ,
c'est-à-dire par un retour à l'état de barbarie ; ou par Tapplica-
DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. 279
les ressources de l'esprit religieux, elles ne sau-^
raient remédier à toutes les plaies sociales. Lft
charité chrétienne ne peut subvenir toute seule
aux besoins matériels de l'humanité. Il est dési-«
rable, sans doute, qu'elle pénètre dans la politi-
que et ^ans les mœurs; mais même en supposant
qu'elle y pénétrât profondément , il resterait &
savoir si son intervention serait âsse2 efficace
pour guérir un mal aussi invétéré et aussi inhé-
rent aux sociétés civilisées que la misère généra-'
Usée sous le nom de paupérisme. A une époque
déjà fort éloignée de nous, l'esprit religieux a ré-
gné en souverain, sans pouvoir remédier aux mi-
sères humaines; et si l'on comptait en Europe
moins de pauvres que de nos jours, c'est qu'il y
avait moins d'habitans.
Cependant, on ne saurait douter que la misère
publique ne soit un grand fait social, particulier
tion pratique et générale des principes de justice , de morale ,
d^humanité et de charité ! Tout le génie de la politique, tous les
eflbrts des hommes de bieii, doivent donc tendre à préparercette
transition par des voies de persuasion et de sagesse. Évidem-
ment c'est une nouvelle phase du christianisme * qu'appelle Tuni-
vers. La charité chrétienne , mise enfin en action dans la poli-
tique, dans les lois , dans les institutions et dans les mœurs ,
peut seul préserver Tordre social des effroyables dangers qui hs
menacent: hors de là osons le dire, rien n'est qu'illusion ou men-
songe. V
* Les Saiot-Simoniens appelèrent nn moment leur doclrine du nom de
Novmeau christianisme. C'est le titre d'un des écrits de Saint-Simon.
280 HISTOIRE
aux États modernes et qui se manifeste de plus en
plus, à mesure que la civilisation se répand.
Faut-il admettre qu'un tel fait soit inévitable et
fatal, ou qu'il dépende des institutions humaines
de le modifier dans un sens favorable ? Si la po-
litique n'y peut rien, la religion y pourra-t-elle
davantage? L'auteur de VEcimonUe politique chrétienne
a sincèrement adopté ce dernier espoir, et j'ai
regret de dire que la lecture de son livre ne per-
met pas de le partager. Ses conclusions sont à
peu près les mêmes que celles de M. de Sismondi :
tout est remis aux mains de Dieu et l'auteur se
réfugierait volontiers dans la prière , tant sa fer-
veur est grande et sa piété sincère ; mais que peu-
vent des vœux en présence de la terrible et poi-
gnante réalité? En vain M. de Villeneuve rap^
pelle-t-il avec regret l'ancien système des corpora-
tions et la vie monastique qui limitaient sagement
l'accroissement des populations : à quoi bon re-
gretter ce qui a cessé d'être en harmonie avec les
mœurs actuelles , en un mot ce qui n'est plus
possible? Oui, sans doute, il est facile de mettre
en évidence les embarras qu'éprouvent les savans
et les hommes d'État à résoudre ce problème
formidable; mais la main des prêtres de nos
jours ' est bien plus impuissante encore^ à nous
' M. Guizot a très bien exprimé cette impuissance dans un
fragment récemment publié par la Revue fraiiçaise : « De nos
DE d'Économie politique. â8i
en donner une solution équitable. M. de Ville-
neuve n'a rien pu faire sortir de cette donnée-là,
quoiqu'il prêche avec Malthus et l'apôtre saint
Paul la contrainte morale \ la frugalité, la tem-
pérance et d'autres vertus semblables, à des gens
affamés. Il en est réduit à regretter le célibat reli-
gieux, tout en attaquant les doctrines de Malthus
qui conseillent l'abstinence par d'autres raisons,,
et à déplorer les services des machines, malgré le
soulagement qu'elles ont apporté aux travaux les
plus rudes des classes ouvrières. L'économie po-
litique n'a donc reçu aucune lumière nouvelle de
cette éloquente lamentation, dans laquelle M. de
Villeneuve a déploré, sans proposer de remède
efficace pour les guérir, toutes les souffrances so-
ciales de l'humanité. Sa conclusion est cellcrci :
ff V L'instruction morale, religieuse et indusirielh
donnée gratuitement et avec obligation d'en pro-
fiter, au moyen d'écoles charitables aux frais des
jours , dit-il , par le cours des événemens , par des fautes réci-
proques, la religion et la société ont cessé de se comprendre et
de marcher parallèlement. Les idées , les sentimens, les intérêts
qui prévalent maintenant dans la vie temporelle , ont été, sont
chaque jour condamnés, réprouvés au nom des idées , des sen-
timens, des intérêts de la vie éternelle. La religion prononce ana-
thème sur le monde nouveau et s'en tient séparée; le monde est
près d'accepter Tanathème et la séparation. »
* « L'abstinence du mariage ne saurait jamais être plus effi-
cacement inspirée aux pauvres que parle sentiment religieux. •
( Èeon. pol. ehrét, , tome I , page 255. )
28Î HISTOIRE
communes; 2® des caisses d'épargne et de pré-
voyance étaliilies aux frais des villes et communes
manufacturières, ou des associations de charité
avec obligation de la part des ouvriers d'y placer
une portion de leur salaire, lorsque le taux de ce
«alaire le permettra sans inconvénient ; 3^ l'insti-
tution de corporations d'ouvriers qui, sans gêner
l'industrie et avoir les fâcheuses conséquents
des anciennes maîtrises et jurandes, favoriseraient
l'esprit d'association et de secours mutuels, don-
neraient des garanties d'instruction et de bonne
conduite et remplaceraient la déplorables insti-
tution du compagnonnage '. » Mais il est évident
que ces palliatifs, d'ailleurs salutaires, n'auraient
aucline action importante sur la concurrence uni-
verselle, sur l'abus des privilèges politiques, sur
la lutte des gros capitaux contre les petites fortu-
nes et sur l'inégale répartition des impôts.
M. Droz nous semble avoir plus justement ap-
précié le véritable caractère de l'économie poli-
tique. « Ne prenons pas, dit-il, les richesses pour
but; elles ne sont que le moyen. Leur importance
résulte du pouvoir d'apaiser les souffrances, et les
plus précieuses sont celles qui serveiit au bien-
être d'un plus grand nombre d'hommes. Le bon-
heur des États dépend moins de la quantité de
produits que de la manière dont ils sont répartis.
* économie politique chrétienne , tome III , page 156.
DE l'Économie politique. 283
Aucun pays n'est aussi remarquable que TAn-
gleterre sous le rapport de la formation des ri*
chesses ; en France , leur distribution est meil-
leure : j'en conclus qu'il y a plus de bonheur en
France qu'en Angleterre. En lisant certains éco-
nomistes, on croirait que les produits ne sont
pas faits pour les hommes, mais que les hommes
sont faits pour les produits. » Telle est la direc*
tion donnée à la science par les économistes de la
nouvelle école française, que j'appelle l'école so-
ciale, parce qu'elle rapporte tous les progrès au
perfectionnement général de la société, sans ac-
ception de race, ni de caste, poursuivant dès
mêmes anathèmes la traite des noirs et l'exploi-
tation des blancs. M. Droz est celui de tous les
écrivains de cette école qui en a le plus nette*
ment formulé le programme, sans hostilité pour
le présent et sans illusions sur l'avenir. M. de
Sismondi, esprit éminemment critique, avait à
déraciner des préjugés répandus à la faveur des
noms les plus respectés dans la science, et il n'a
pu s'empêcher, dans son ardeur généreuse, d'être
plu» d'une fois entraîné vers le paradoxe. Lui
aussi, selon l'expression de Malthus, ayant trouvé
l'arc trop tendu d'un côté s'est cru dans la né-
cessité de le forcer de l'autre; voilà pourquoi ses
doctrines n'ont pas produit tout le fruit que l'hu-
manité devait en attendre. Il a trop espéré des
ÛM HISTOIRE
gouvernemens , comme M. de Villeneuve a trop
espéré de la Providence ; mais la Providence et
les gouvernemens ont fait à Thomme de sévères
conditions !
Deux ouvrages remarquables à des titres divers,
le Traité de législation de M. Gh. Comte et le nou-
veau Traité d'économie sociale de M. Du noyer, ont
rappelé les économistes à des idées plus justes,
sinon aussi séduisantes, de la véritable difficulté
des questions économiques. M. Ch. Comte, fidèle
à la méthode expérimentale suivie par J.-B. Say,
a démontré par les faits historiques les plus ha-
bilement choisis et les plus ingénieusement com-
parés, que la plupart des obstacles aux amélio-
rations sociales venaient de ceux même qui en
devaient profiter davantage et qui conspiraient
perpétuellement pour en empêcher Taccomplis-
sement. Il a fait voir comment les funestes habi-
tudes de la servitude avaient corrompu les maî-
tres en abrutissant les esclaves , et combien de
résistances attendaient, à chaque conquête de la
civilisation» les hommes de dévouement placés à
l'avant-garde. « Car, dit-il ', la nature des choses
ou des hommes ne se modifie point selon nos dé-
sirs. Les fondateurs de l'esclavage ne sont jamais
parvenus à exempter les maîtres de tous maux,
ni à leur assurer le monopole des jouissances; les
* Trjiilé de législation , tome IV , page i!W)5.
DE l'Économie politique. 285
hommes qui oat tenté de répartir les plaisirs et
les peines d'une manière égale, entre tous les
membres d'une société, n'ont pas mieux réussi.
Les premiers ont échoué, parce qu'ils ont eu à
lutter contre la nature humaine; les seconds ont
écheué parce qu'ils ont eu à lutter contre les
mêmes obstacles. » Il m'a semblé qu'un tel aveu
dans la bouche d'un écrivain dont la vie entière
a été consacrée h des travaux de civilisation, mé-
ritait d'être médité par les esprits généreux, qui
seraient disposés à adopter d'enthousiasme les
doctrines de M. de Sismondi ou de V Économie po-
lûiqt^e chrétienne.
M. Dunoyer a gourmande avec plus d'énergie
encore les rêveurs de perfectibilité indéfinie en
économie politique. Selon lui , l'initiative des
améliorations en toutes choses appartient aux
nations. « Ce sont les agriculteurs qui perfection-
nent l'agriculture ; les arts sont avancés par les
artistes, les sciences par les sa vans, la politique
et la morale par les moralistes et les politiques. Il
y a seulement entre les choses qui sont l'affaire
particulière de chacun et celles qui sont l'affaire
de tout le monde, cette différence que, dans les
premières, les perfectionnemens sont immédiate-
ment applicables pour celui qui les invente, tan-
dis que daps les secondes, à savoir dans les poli-
tiques, les applications ne peuvent avoir lieu que
286 HISTOIRE
lorsque la pensée du publiciste esl devenue la
pensée commune du public ou du moins d'une
portion très considérable du public. Jusque-là,
on ne peut faire, pour les réaliser, que des ten-
tatives impuissantes. Il est possible qu'un pou-
voir de bonne volonté entreprenne de les établir;
mais il ne fera point œuvre qui dure, il est pos-
sible que la chose soit essayée , malgré le pou-
voir, par un parti qui le renverse et le remplace;
mais les insurrections les plus heureuses n'au-
ront pas plus d'effet que les concessions les plus
bienveillantes. La chose ne s'établira que fort à
la longue, à mesure qu'elle passera dans les idées
et les habitudes du grand nombre'.... Ainsi,
dans l'état social le plus exempt de violences, il
serait très difficile qu'il ne s'établît pas des iné-
galités dans les conditions ; et lorsque ces inéga^
Utés sont une fois établies, il est encore plus dif-
ficile qu'elles s'effacent. On ne parvient jamais,
qu'avec une peine extrême, d'une condition infé-
rieure à un état un peu élevé, et les familles tom-.
bées dans un certain abaissement sont exposées
à y rester par cela seul qu'elles s'y trouvent. »
Tel est le caractère sévère des doctrines de
M. Dunoyer, qu'on ne saurait mieux faire que de
les opposer à la philanlropie aventureuse de M. de
Sismondi et aux prédications religieusesde MM. de
* Nouveau traité d'économie sociale , tome I , page 9.
DE l'Économie politique. Î87
Villeneuve et de La Mennais. M. Dunoyer n'est
pas moins pénétré que ces généreux écri\ains
d'une vive sympathie pour les classes souffrantes^
dont se compose la majeure partie de l'espèce
humaine ; lui aussi souhaiterait pour elles des
jours plus prospères et des destins plus doux :
mais sa froide raison l'oblige de réprimer les élans
d'une sensibilité irréfléchie et de ne pas admettre
aveuglément la possibilité d'un état de bonheur
égal pour tous, comme si tous les hommes avaient ^
la même valeur intellectuelle et morale et les mê-*
mes droits à une quiétude assurée, qui détruirait
tout principe d'activité, d'honnêteté et de vertu-
M. Dunoyer a eu le courage de dire aux peuples
les^ vérités austères que d'autres adressent aux
rois. Il a très bien démontré qu'il y avait impru*-
dence et témérité à promettre à tous les hommes
un océan de félicité dont il n'est donné qu'à un
petit nombre d'entrevoir les rivages. La civilisa-
tion qui n'est autre chose que le progrès dans la
marche vers le bien général, est sujette elle-même
à des conditions rigoureuses, lentes , graduées ,
qui supposent surtout le concours de ceux qu'il
s'agit de rendre plus heureux. C'est donc à eux»
que s'est adressé cet économiste, pour leur signa-'
1er les lois inévitables du progrès industriel et
social. Ce progrès lui semble impossible sans les
inégalités dont on suppose à tort qu'il doit ame-
ÎBB HISTOIRE
Ber l'entière abolition. C'est par ces inégalités
qu'existe la division du travail , sans laquelle il
n'y aurait pas de production suffisante pour sa-
tisfaire aux besoins de la société. Où seraient les
ouvriers, si tous voulaient être entrepreneurs?
Que deviendrait une armée dont tous les soldats
prétendraient faire le métier de généraux ?
M. Dunoyer a développé cette thèse hardie dans
le temps où nous sommes , avec une vigueur de
logique et une netteté de langage peu communes»
Il ne s'est point ému des clameurs qu'elle pouvait
soulever, sûr de ses intentions et de Tassentiment
des amis éclairés du progrès économique. Sa mo-
rale un peu rude n'est point hostile aux amélio-
rations compatibles avec notre état social com-
pliqué, et il convient franchement que s'il n'est
pas possible d'assurer à tous les hommes une
somme égale d'avantages matériels , c'est chose
praticable et par momens facile d'améliorer d'une
manière relative la condition particulière de cha-
cun. Mais il faut que chacun s'y aide par la pra-
tique des vertus sociales , telles que le travail ,
l'économie, la prévoyance, qui sont des conditions
de réussite, comme la tempérance est une condi-
tion de ^nté. La société ne saurait pas plus as-
surer des avantages à tous ses membres que les
médecins guérison à tous leurs malades. Soutenir
le contraire , ce serait flatter toutes les passions
DE l'economif. politique. 289
humaines el en préparer le débordement sous les
auspices de l'impunité! M. Dunoyer n'en recon-
naît pas moins que les principales causes de la
misère viennent du partage inégal qui s'est fait
d'abord de la richesse, de l'expropriation origi-
I saire des classes les plus nombreuses de la so-
|.dété, de l'état de servitude où elles ont été rete-
lues pendant des siècles, des impôts dont od les
tcrase, des lois qui les empêchent de tirer de leur
lavail le meilleur parti possible et de l'ensemble
s institutions vicieuses qui les attaquent dans
feur subsistance ou dans leur moralité '. « Tou-
r lefois, ajoute l'auteur, l'état des classes inférieures
Lbe tient pas seulement aux torts que peut avoir
ibs envers elle la partie sdpérieure delà société;
la aussi sa racine dans les vices qui leur sont
•opres, dans leur apathie, leur insouciance, leur
ignorance des causes qui font hausser ou baisser
le pris du travail. Leur dét resse est pour le moins
autant leur propre ouvrage que celui des classes
qu'on peut accuser de les avoir opprimées ; et
quand la société se serait originairement établie
«ur des bases plus équitables, quand les forts se
[ feraient abstenus envers les faibles de toute es-
pèce de domination, je ne doute point qu'il ne se
fût développé au fond de la société une classe pi us
on moins nombreuse de misérables. »
' iïwveaw (rtti(e d'économif sociale , tome I , pa^e ^87.
DEUXIÈME ËniTio», 19
1
aW) HISTOIRE
Certes, ce sont là des avertissemens sévères et
bien propres à calmer l'exaltation des philosophes
qui croient pouvoir assigner le vice des institu-
tions comme la cause exclusive des souffrances
morales et physiques de plusieurs millions d'hom-
mes. M. Droz j dont personne ne contestera les
nobles sentimens comme économiste et moralistây
avait déjà fait pressentir que la science et Tad-
minîstration ne pouvaient pas pourvoir seules à
tous les besoins de l'humanité. En proclamant
nettement que l'économie politique avait pour but
de rendre V aisance aussi générale quU est possible y il
ne s'était fait aucune illusion sur les limiter de
son influence , assez' semblable à celle de la loi
dans les pays constitutionnels, c'est-à-dire sou-
mise à la condition essentielle d'un parfait accord
entre tous les pouvoirs. A la différence des prin-
cipaux fondateurs de l'école économique sociale,
qui rejetaient toute la responsabilité des misères
publiques sur les gouvernemens ou sur les insti-
tutions^ MM. Dunoyer et Droz ont cru que cette
responsabilité devait être partagée par les popu-
lations gouvernées , qui opposent trop souvent la
force d'inertie aux réformes les plus utiles. Ils
ont voulu la coopération des travailleurs dans la
distribution des profits du travail , et le concours
de toutes les forces dans l'œuvre destinée à l'amé-
lioration de toutes les existences. C'est là, si nous
DE l'Économie politique. 291
ne nous trompons point, une phase nouvelle de
rhistoire de la science , et nous ne savons aux-
quels des économistes qui Tout amenée il est dû
le plus de reconnaissance , ou de ceux qui ont
révélé , avec MiM[. de Sismondî et de Villeneuve,
les griefs des classes pauvres, ou de ceux qui ont
rappelé ces classes au sentiment véritable de leur
dignité et de leurs devoirs, comme MM. Droz'et
Dunoyer. Les deux premiers auteurs ont pris à
partie la richesse et lui ont reproché son égoïsme;
les deux autres ont grondé la pauvreté et ils ont
blftmé son insouciance : double tâche difficile à
remplir et qui portera ses fruits quelque jour ,
qoand viendra le moment d'une transaction entre
le présent et le passé , entre le capitaliste et le
travailleur! Cette transaction a été tentée satift
sucoès par les économistes de l'école que j'appel*-
lerai ieleeiique : nous allons jeter un coup-d'œii
sw des organes les plus distingués.
392 HISTOIRE
CHAPITRE XLll.
De réconomie politique éclectique et de ses principaux organes.
— M. Storch. — M. Ganilh. — M. Delaborde. — M. Flotez
£strada.
Les grands économistes de la fin du dix-hui-
tième siècle, auteurs des traités célèbres d'où la
science est sortie pour la première fois sous une
forme méthodique , avaient presque tous adopté
des théories absolues que Texpérience et les faits
devaient nécessairement modifier. Ainsi les pkif^
Mocro^e^avaient considéré la terre comme la source
unique des valeurs; Adam Smith n'avait accordé
ce privilège qu'au travail ; Ricardo subordonnait
tous les phénomènes de la circulation à sa théorie
de la rente] M. de Sismondi à celle du revenu;
J.-B* Say à l'étendue des débouchés, c'est-à-dire à
la liberté du commerce ; Malthus attribuait la
plupart des maladies sociales à l'excès de la po-
pulation; Godwin en accusait l'indifTérence des
gouvernemens. Il était évident , néanmoins , que
si toutes ces causes réunies avaient encore une
part d'influence sur le développement social, au-
cune d'elles ne pouvait être regardée comme
cause exclusive, c'est-à-dire que les doctrines des
DE l'économie politique. 293
économistes n'étaient applicables qu'en certains
cas et à certaines conditions. Tandis qu'ils se
faisaient la guerre pour soutenir leurs systèmes
les uns contre les autres , il s'établissait parmi
leurs élèves même des nuances intermédiaires,
véritable émanation de ces couleurs vives et tran^
chées qui distinguent particulièrement les fon-
dateurs. Les écrivains dont les ouvrages repré-
sentent le mieux ces nuances de transition, sont
très nombreux en Europe. Ils n'ont point un
cachet qui leur soit propre; ils n'ont rien inven-
té, rien découvert ; mais ils ont admirablement
perfectionné l'œuvre de leurs devanciers et adouci
les aspérités des théories absolues devant les-
quelles reculaient la raison ou les préjugés des
^contemporains.
M. Henri Storch se place au premier rang de
ces économistes éclectiques, cherchant la vérité
de bonne foi, dans le système agricole aussi bien
que dans le régime industriel, et disposés à faire
des concessions à tous deux. Observateur judi-
cieux et convenablement placé ' pour juger sai-
nement une foule de faits spéciaux, M. Storch a
su emprunter à ses prédécesseurs en homme
' M. Storch a été instituteur du grand-duc Nicolas, aujour-
d'hui empereur de Russie. Il a parlé avec une indépendance qui
honore également son pays et son caractère , des funestes effets
de Tesclavage dans tous les États.
SM HISTOIRE
déjà riche de son propre fonds, et il a jeté la plus
vive lumière sur la question de l'esclavage dans
le pays où îl semblait le plus difficile d'en parier
librement. Il n'appartient précisément à aucune
école , et il aurait mérité d'en fonder une par
l'importance des documens qu'il a fournis à la
science, si la hardiesse de son esprit avait répon-
due à l'étendue de ses connaissances* Â ses yeux
l'économie politique n'avait d'autre but que de
procurer aux hommes les moyens de satisfaire
leurs besoins moraux et physiques, et de leur ap*
prendre à bim produire pour les mettre en état
de consommer avec profit. C'est par le travail
qu'on y parvient comme chacun sait; mais jus*
qu'alors on n'avait étudié que l'action dii travail
libre : M. Storch a exposé les phénomènes du tra*
vail forcé, c'est à dire de celui des esclaves, si
commun encore en Russie, qu'il contribue puis-*
samment à la richesse nationale de cet empii?e^
C'est ainsi que l'auteur fait figurer au rang 4lei&
moyens de transport le trainagej inconnu chez la
plupart des peuples de l'Europe. Rien de plus
ingénieux que sa théorie de la richesse relative
des nations qu'il appelle prêteuses, emprunteuses et
indépendantes j comme aussi ses belles analyses de
la reme des talens et des qualités; analyses d'autant
plus dignes d'attention qu'elles démontrent la su-
périorité de cet clément de richesse, trop long^
/
DE l'Économie politique. n5
temps mécoDDU, que j*ai proposé le premier d'ap-
pekat h eapkal moral ' . Le capital moral n'est au-
tre chose que la somme des capacités de tout
gemre dont les nations s'enrichissent en se civili-
sant et qui leur permet de s'enrichir et de se ci- .
vilîser chaque jour davantage.
A r^M>que où M. Storch publiait ses leçons
aux grands -ducs de Russie, la doctrine de Ri-
cardo sur le fermage, qu'il nomme rente des ter-
res, n'avait pas encore paru; et j'avoue que la
théorie de l'économiste russe me semble beau-
coup plus simple et plus naturelle que celle du
célèbre écrivain britannique. M. Storch appelle
rmUe fimcStre le prix payé pour l'usage d'un fonds
de t^re; rente primitive ^ la rente d'une terre in-
culte, fondée sur le droit exclusif qu'a le pro-
priétaire de disposer de sa propriété ; et renie de
ta terre oméliorée^ le loyer des améliorations au
taux courant, combiné avec la rente primitive*
c La rente des terres fertiles, dit-il, détermine le
taux de la rente de toutes les autres terres qui se
trouvent en concurrence avec elles. Ainsi, tant
que le produit des terres plus fertiles suffît pour
la demande, les terres moins fertiles qui sont
dans la concurrence, ne peuvent point être ex-
' Voif le compte-rendu de mes leçons au Conservatoire des
Arts et Métiers, rédigé et puhlié par MM. Biaise et Garnier en
1857 ; un vol. in-8.
296 HISTOIRE
ploitées, ou du moins ne donnent point de rente.
Mais aussitôt que la demande surpasse la quantité
de produits que les terres fertiles peuvent four-
nir, le prix du produit hausse, et il devient pos-
sible de cultiver les terres moins fertiles et d'en
tirer une renie '. » Il est remarquable que cette
doctrine soit exactement la même que celle que
Ricardo développait presque en même temps en
Angleterre, tout en concluant que ce sont les ter-
res les mains fertiles qui déterminent le taux de la
rente de toutes les autres. Il serait trop long de
déduire ici les motifs qui me déterminent à adop-
ter de préférence la théorie de M. Storch; mais
je considère les développemens dont il l'a accom-
pagnée, comme l'un des travaux les plus remar-
quables qui aient honoré l'économie politique.
Storch a été moins original, mais plus profond
dans son exposé de la théorie des monnaies, où
il a essayé de tenir la balance entre les partisans
exagérés des banques et les défenseurs exclusifs
du numéraire. Il avait vu de près les abus des
émissions de papier et de monnaies de billon ; et
sa vieille expérience ne lui permettait pas de se
faire illusion sur les inconvéniens des assignatSy
de quelque nom qu'il plût aux gouvernemens de
les baptiser. Toutefois, sa physiologie des banques
ne saurait être comparée au travail immortel
' Cours d'économie politique^ liv. lit, chap. xu.
DE l'Économie politique. 297
d'Adam Smith sur le même sujet. M. Storch a
complété les démonstrations du grand écono-
miste écossais; il les a enrichies d'une foule
d'exemples tirés de l'histoire financière de tous
les peuples, et il a fait connaître, le premier,
Torganisation de presque toutes les banques de
l'Europe. C'est dans son ouvrage que l'on peut
sérieusement apprendre à les connaître et à distin-
guer nettement les écueils dont elles ont à se dé-
fier. La dernière partie de ce livre important est
consacrée à la consommation. L'auteur y a très
bia[i exposé les motifs pour lesquels le commerce
et l'industrie s'enrichissent plus rapidement que
l'agriculture. Ce qu'il dit des effets de l'esclavage,
principalement en Russie, le seul pays peut-être
où l'esclavage existe encore à l'état d'institution
sociale, mérite d'être médité par les économistes
et fait le plus grand honneur à l'indépendance de
cet écrivain. Ce n'est pas sans motif que nous
l'avons rangé parmi les éclectiques : sa haute rai-
son, la modération de son caractère , sa grande
érudition qui ne semble étrangère à aucun tra-^
vail antérieur, lui donnent des titres à cette qua-
lification, noblement justifiée par une impartialité
d'autant plus digne d'éloges que l'auteur était ,
comme on sait, précepteur impérial à la cour de
Saint-PétersbouTg.
Il convient aussi de compter parmi les éclecti-
I
«
296 HISTOIRE
ques l'infaltigableGanilh, Vs^uieuv des SyUèmeâ m
économie politique ^ mort récemment dans un âge
fort avancé, sans avoir laissé aucune création
vraiment originale. Ganilh était plus financier
qu'économiste et ses travaux ont beaucoup plus
contribué aux progrès de la science des finances
qu'à l'avancement de l'économie politique. Aussi
la plupart de ses ouvrages n'ont pu survivre aux
circonstances qui les avaient vus naître. Il écri--
vait sous le régime de la censure, et il cherchait
à concilier les ménagemens commandés par la
susceptibilité impériale , avec les intérêts de la
vérité qui le préoccupaient sincèrement. Rien ne
semblait indiquer alors la gravité des questions
que notre époque aurait à résoudre; M. Ganilh
suivait paisiblement l'ornière accoutumée des
débats entre le produit net et le produit brut,
entre le système restrictif et la liberté du com-
merce; mais la France, distraite par le tu-
multe des batailles , prêtait peu d'attention à
ses nombreux écrits*. Son mérite consiste à
n'avoir pas désespéré de l'avenir de la science et
à avoir renoué pour elle la chaîne des temps, in^
' M. Ganilh a laissé, outre son Exposé des systèmes en écono-
mie politique, publié en 4 809, un Essai politique sur le revenu
public^ une brochure sur le Revenu national^ en réponse^ quel-
ques mesures financières de M. de Villèle;june Théorie d'écono-
mie politique et un Dictionnaire d'économie politique^ œuvre
incomplète et sans valeur.
DE ^«'ÉCONOMIE POLITIQUE. 209
terrompue par le fracas des armes* Ganilh faisait
de réconomie politique à la manière des solitai-
res retirés du monde, qui écrivent pour eux-mê-
mes, sans souci de l'effet que produiront leurs
livres et sans les approprier non plus aux besoins
de leur temps. Ses ouvrages sont à la science ce
que les résumés sont à T histoire. C'est le seul
économiste de l'Empire.
L'essai sur l'fjprà d'associaiian de M. le comte
Delabordë, publié en 1818, a obtenu beaucoup
plus de succès. Ce livre est surtout remarquable
par là justesse de ses prévisions et par mm ex-
cellente appréciation des institutions les plus fa-
vorables au développement de la prospérité pu-
blique. Toutes les forces étaient divisées en
France comme toutes les opinions, lorsque M. De*
laborde publia cet exposé des avantages de l'esprit
d'association, riche de faits et plein d'aperçus
lumineux sur les véritables sources de la puis-
sance industrielle et politique des États. C'est
dans ce livre qu'on trouve si bien exprimées les
souffrances que l'industrie et le commerce eurent
à essuyer sous le régime militaire', les formalités
"i
* « Le plus grand défaut du gouvernement impérial , dit M.
Delaborde', fiit cette jalousie constante de Tindustrie et du com-
merce ; il étendait son esprit de domination sur les moindres
existences , et il aurait voulu exploiter toutes les branches de
rindustrie, comme il dirigeait toutes les affaires. On le vit mar-
chand de sucre , de café , de toiles peintes , propriétaire de toua
300 HISTOIRE
nouvelles qu'il leur fallut subir et les lenteurs
de la bureaucratie malencontreusement impor-
tées de l'administration dans la législation du.
travail. M. Delaborde n'en reconnaissait pas moins
l'utilité de Tintervention du gouvernement dans
les questions de richesse publique et de produc-
tion matérielle; mais il la voulait selon les prin-
cipes de la division du travail, sans despotisme,
sans empiétement sur le terrain exclusivement
dévolu à l'industrie. C'est ainsi qu'il comprenait
des associations pour le crédit public ; des asso-
ciation« pour le travail; des associations pour la
protection du travail. L'armée avait son rôle, ici,
comme le commerce avait le sien , comme les
employés du gou^^ernement avaient le leur. L'au-
teur voulait qu'un pays laborieux fût modérément
gouverné, et sans adopter la doctrine absolue du
laissez-faire et du laissez-passer, il croyait qu'il
y avait profit à compter sur l'intelligence indivi-
duelle et sur la concurrence des intérêts.
Ces doctrines judicieuses ont pénétré peu à
peu dans les esprits, et nous avons vu se multi-
plier depuis lors en France, les caisses d'épar-
gne, les compagnies d'assurances, les sociétés en
les bois, vendeur de moutons, administrateur des canaux, en-
trepreneur des travaux publics, gérant du bien des communes ,
des hôpitaux, fermier des jeux, etc.
( De rEsprit d'associaUon, page 44.)
DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. 301
commandite, tout à la fois effet et cause delà
prospérité croissante de la nation. M. Delabordè
a très heureusement démontré de quelle influence
pouvait être sur cette prospérité le concours des
étrangers attirés dans nos associations par Tes-^
poîrd'y faire fructifier leurs capitaux. Cette opi-
nion, hardie à l'époque où elle fut émise, com-
mence à se populariser en France, au point qu'on
a proposé, un moment, d'établiîr entre la ban*
que de France et la banque d'Angleterre des re-
lations toul-à-fait semblables à celles qui existent
entre plusieurs négocîans par l'entremise des
eompt^HXMrans. C'était préluder aux réformes
d'où sortiront quelque jour les destinées nou-
velles de l'industrie et du commerce, quand la
concurrence universelle, refoulant sur chaque
nation les produits de ses manufactures, les for^
cera toutes de signer un pacte enfin dépouillé de
l'esprit de monopole et de prohibition. Et que
sont aujourd'hui ces entreprises de bateaux à va-
peur, de chemins de fer, de canalisation, qui
tendent à réunir tous les États par des lignes de
communications tributaires les unes des autres,
si ce n'est le commencement de la grande fusion
des intérêts européens ?
Jamais, peut-être, une doctrine économique
n'obtint à un si haut degré que celle de l'asso-
ciation, la sanction de l'expérience et des événe-
^
i
302 HtStoIRË •
mens. Son éclectisme même, c'est-à-dire la
transaction qu'elle opérait entre les faits et les
principes, devait contribuer à favoriser son buc-
cé8« Aussi n'a-t-elle cessé de marcher de victoire
en victoire, et nous avons vu en peu d'années
l'Europe entière demander à l'esprit d^association
la réalisation d'une foule d'entreprises qui sem-
blaient non-^seulement au-dessus des forces des
I^rticuliers I mais encore au-dessus de la puis-
sance des gouvernemens. Il n'y a plus rien d'im*
possible désormais à ces armées de travailleurs
qui marchent à la conquête des richesses avec les
fprces accumulées de tout un peuple, et qui sa-
vent sur leur chemin dompter les fleuves, aplanir
les montagnes ou les percer de part en part, au
gré de l'industrie. On n'avait essayé jusqu'à ce
jour que d'associer des choses; depuis qu'on a
entrepris d'associer des hommes, tout a changé
de face autour de nous. Il y a des pays que ce
levier puissant a presque soudainement rendus
méconnaissables; témoin TAmérique du Nord ,
dont les forêts vierges sont traversées par des
chemins de fer et les fleuves, naguère solitaires ,
parcourus par des flotilles de bateaux à vapeur. Il
se fait à présent deux parts de la richesse publi-
que, l'une qui va au fisc, l'autre qui retourne au
travail; révolution profonde qui met sans cesse
en présence, sur le pied de l'égalité, l'industrie et
BB l'Économie bolitique. 303
le gouternemént, la production et la consomma-
tion! La bienfaisance même a emprunté des^res-
sources nouvelles à l'esprit d'association, et notre
civilisation moderne n'a pas de plus beau fleuron
à sa couronne, que ces nombreuses sociétés phi*
lantropiques dont te christianisme est le prin-
cipe, et l'association le moyen «
L'éclectisme économique a pénétré jusqu'en
Espagne, cette vieille terre des doctrines abso-
lues, et l'un de ses plus honorables proscrits,
M. Florez Estrada, ndus a donné, sous le titre de
Cow% éclectiqtie d'économie polùiquej l'un des traités
les plus remarquables qui aient été publiés depuis
celui- de J,-B. Say. La méthode de M, Florez
Estrada ne manque pas de ressemblance avec
celte du célèbre économiste russe, Henri Storch.
Il commence par examiner consciencieusemcint
les opinions de ses prédécesseurs, qu'il adopte
ou qu'il réfute selon le degré de valeur que cet
examen lui a fait reconnaître. C'est ainsi qu'il a
ajouté des considérations vraiment neuves aux
théories de Malthus sur la population. Sa belle
exposition des doctrines de Ricardo sur la rente
est accompagnée d'une série d'analyses fines et
ingénieuses, qui élèvent ce morceau de critique
au rang des créations originales. Nul écrivain
n'avait abordé, ayant M. Florez Estrada, les ques-
tions d'impôt avec cette sagacité profonde qui le
304 HISTOIKE
caractérise^ et quoique l'auteur y ait donné une
attention particulière aux impôts établis dans^
son pays, les hommes d'État de tous les autres
pays trouveront dans ce travail des indications
utiles et de précieux enseignemens. M, Flores
Estrada a démontré jusqu'à la dernière évidence
l'inégalité et l'injustice du système fiscal qui pèse
aujourd'hui sur toutes les nations de l'Europe, et
la nécessité d'y apporter des modifications déci-
sives dans un avenir peu éloigné. Il a. complété
par des aperçus nouveaux toutes les discussions
relatives aux banques, aux papiers-monnaie, à la
circulation, en reprenant ces questions au point
où les avaient laissées Adam Smith, Ricardo,
J.-B. Say et M. de Sismondi. V Economie politique
éclectique serait un excellent livre d'étude, si quel-
ques obscurités n'en déparaient pas l'ordonnance
simple et sévère. Tel qu'il est néanmoins, ce livre
peut être considéré comme le complément né-
' cessaire de tous ceux qui l'ont précédé : métho-
dique avec Say, social avec Sismondi, algébrique
avec Ricardo, expérimental avec Adam Smith, il
diffère à beaucoup d'égards de tous ces grands
maîtres, et il participe de leurs qualités sans tom*
ber dans tous leurs défauts '/
* Le Cours éclectique d'économe politique de M. Florez Es-
trada, a ëté traduit en français avec une rare habileté, par M. L.
Galibert, directeur delà Aefue ^t^annigtitf.
ra: r/ÊcôNOMKE politique. '305
Citoyen espagnol , M. Floi^ez Ëstrada devait
natureUement avoir en vue les intérêts de sa par-
trie, et il a signalé atec une rare netteté les plaies^
du ^stème éeonoini<]|ue c^îf régît l'Espagne de-
puis GharleS'Quint. Les questions relatives aux
dîmes , aux substitutions ji aux droits d'ainesse,
aux majorais n'ont été traitées nulle part avec
plus de supériorité que ëans son livre. C'est là
qu'on peut étudier mieux en^core que dans l'ou-
vrage de Jovellanos ' , leb causes véritables de la
décadenee de l'Espagne et du dommage qu'ont
causé à ce beau pays les mauvaises lois économie
ques dont il est affligé depuis près de trois cents^
ans. M. Florez Estrada en a iait la crkîq.ue avec
une hauteur de vues qui s'étend j^usqu'à l'orga-
nisation fiscale des principales puissances de
l'Europe; et ses belles analyses de l'influence des
taxes sur les diverses industries resteront comme
le point de départ obligé de toutes les réformes
dont ces taxes sont susceptibles. Tels sont les ti-
tres essentiels de l'auteur à k reconnaissance des
économistes, et nous regrettons qiu'il n'ait pas
abordé les questions sociales, sur lesquelles nul
n'était plus capable ,que kii de jeter une vive lu-
mière. M. Florez Estrada appartient par ses doc-
trines à l'école anglaise ; il est partisan du système
de MalthuSy et sa théorie du revenu de la terre
' Informe en el eœpedienle de ley agraria.-
DBUXIBMB lÎDlTIOlf. 9^'
906 H19*rOIRE
n'est autre que celle de Ricardo, perfectionnée et
illustrée par des comparaisons et des exemples
également ingénieux. M. Florez Estrada s'est
montré d'ailleurs plus éclectique à l'égard dès
personnes qu'à l'égard des choses. La produon
tion semble avoir beaucoup plus attiré ses regards
que la consommation, et bien qu'il ait proposé
d'ajouter au programme habituel de l' économie
politique une division relative aux échanges ; 9à
critique s'est arrêtée devant les complicatîoils
que fait naître chaque jour le système industriel
exagéré par l'Angleterre, et déjà naturalisé en
France. La plupart dés économistes éclectiques,
excepté M. Delaborde, ont partagé cette réserve,
que nous appellerions de la timidité, s'il ne nous
était pas démontré que , dans l'opinion de ces
écrivains , la liberté du travail et celle du cobi-
merce devaient suffire pour mener à bonne fin
toutes les difficultés sociales de notre temps.
Mais chaque siècle a son problème à résoudre, et
quand le moment suprême est arrivé , ce n'est
point en hésitant entre des doctrines également
impuissantes qu'on peut espérer une solution
sérieuse et durable. Dans l'état actuel des cho-
ses , l'économie politique éclectique n'est plus
qu'une science d'observation, tandis que la mar-
che des événemens exige une économie politique
d'action. Quand leis gouvernemens, débordés par
DE l'Économie politique. 307
le flot des intérêts contraires , demandent à la
science des r^fionses catégoriques , celle-ci ne
saurait demeurer dans le vague ou se réfugier
dans des dissertations : il faut agir ; il faut exé-
cuter les réformes devenues nécessaires avec cette
vigoeor impartiale et prudente qui distinguait
M* Hoskisson. Telle fut la tentative hardie d'une
école désormais célèbre, malgré ses erreurs, et
dont les essais ont échoué pour avoir manqué de
mesure, mais en laissant une trace lumineuse
après eux. Cette école est celle de Saint-Simon,
qui Youlut être à la vieille économie politique ce
que FAssemblée constituante fut à l'ancien ré-
gime, et qui a disparu, comme cette Assemblée,
dans une tempête.
308 Hisroirtiîî
CHAPITRE XUIL
De Péçonomie politique saint-simonienne. — Premiers écrits dp
Saint-Simon. — Hardiesse de ses attaques. — Théories de ses
disciples. — Le Producteur, — - Ce qu'ils entendaient par /n^
duslrialisme, — Ils fondent une église. — Leurs attaques
contre Théritage. — ^Vue générale et appréciation de leurs tra-
vaux.
Quand les prènniers écrits des saint-simonienè
virent le jour, toutes les grandes questions po^
sées par les économistes attendaient une solution:
L'Europe n'avait jamais pris une part plus activé
à cette polémique, malgré les incertitudes qu'elle
traînait à sa suite , et qu'augmentaient chaque
jour les débats soutenus par les chefs des diver-
ses écoles. En même temps, l'immense dévelop-
pement de l'industrie, provoqué par la paix géné-
rale, avait fait naître des complications nouvelles,
auxquelles il fallait remédier par des mesures
efficaces et appropriées aux circonstances. Le
moment était venu d'agir, comme nous l'avons
dit : des plaies nombreuses affligeaient le corps
social ; le paupérisme envahissait de plus en plus
les pays manufacturiers; on avait assisté, sans
espoir qu'elles disparussent pour long-temps, à
des discussions relatives aux salaires, aux enfans^
DE l'Économie politique. 309
trouvés, aux débouchés, sans que les gouverne-
mens osassent prendre l'initiative de ces mesures
décisives, qui détruisent le mal ou qui l'aggravent,
selon l'habileté avec laquelle elles sont appli-
quées. C'est dans cet état que le saint-simonisme
trouva la France et l'Europe, lorsque ses premiè-
res publications commencèrent à éveiller l'atten-
tion publique. Les doctrines de cette école ont
exercé trop d'influence sur la marche de l'éconor
mie politique pour qu'il nous soit permis de les
passer sous silence, même en présence des lixttes
orageuses qu'elles ont soulevées.
Un homme original et méconnu pendant toute
sa vie , devint , probablement à son insu , quoi
qu'en aient dit ses disciples , le fondateur de la
secte des saint - simoniens ; c'était le comte de
Saint-Simon, descendant de la famille célèbre de
ce nom, entraîné pendant sa jeunesse dans l'ex-
pédition d'Amérique, et réduit pendant le reste
de sa carrière, soit par le malheur des temps ,
soit par des excès personnels , à une existence
précaire et misçrable. Il paraît qu'au milieu de
ses vicissitudes, Saint-Simon, déjà préoccupé de
projets de réforme , avait formé le plan d'une
réorganisation de la société sur des bases qui lui
semblaient préférables à toutes celles qui parta-
geaient les économistes de son temps. Il y pro-
céda successivement par une série de publica-
310 HISTOIRE
tioiis courtes et substantielles, qui résumaieni;
ses idées sous des formes incisives et pittores*-
ques. Dans l'-ùn de ces pamphlets régénérateurs',
il proposait de remettre le pouvoir spirituel
aux mains des savans , le pouvoir temporel aux
mains des propriétaires, et de payer les gOuver-
nemens eii considération. Mais ses conseils eurent
peu de succès à cette époque ; c'était vers la fin
du règiie de Napoléon, et les circonstances ù'é-
taientguères favorables aux utopies de ce genre.
Saint-Simon trouva le champ plus libre au com*
mencement de la Restauration, et ce fut en 4819
qu'il fit paraître la première expression nette et
hardie de ses théories industrielles. Le petit écrit
qu'il publia, sous le titre de Parabole, était ex-
trêmement remarquable de la part d'un homme
de si haute extraction, quelque modeste que fût
sa fortune présente. Saint-Simon y développait,
sous la forme d'une hypothèse railleuse, sa doc-
trine favorite de la suprématie des professions
industrielles sur toutes les autres professions dé
la société. H feignait de ne pas^ concevoir com-
ment les hommes les plus habiles dans les arts
et dans les manufactures n'occupaient pas dânis
l'État les postes les plus avantageux, en leur qua-
lité de créateurs de tous les produits et, par con-
séquent, de toutes les richesses ; et la situation
' Lettre d'un habitant de Genève à ses contemporains.
DE l'Économie politique. 311
inférieure où il les voyait lui semblait le mande
renoersi. Voici comment il s'exprime à cet égard
dans sa Parabole^ dont nous citons textuellement
un extrait pour donner tout à la fois une idé^ de
son style et de ses vues pratiques :
« Je suppose, dit-il, que la France perde subitement sescin-
qaante premiers physiciens , ses cinquante premiers chimistes ,
ses calquantes premiers peintres, architectes , médecins , en un
mot ses trois mille premiers artistes, savans et artisans.
» Ckmime ces hommes sont les Français les plus essentielle-
ment producteurs, ceux qui donnent les produits les plus impo-
sans , ceux cpii dirigent les travaux les plus utiles à la nation ,
«tqui la rendent productive dans les beaux-arts et dans les arts
et métiers, ils sont réellement la fleur de la société française. :
ib sont de tous les Français les plus utiles à leur pays , ceux
qui leur procurent le plus de gloire, qui hâtent le plus sa
civilisation et sa prospérité. Il faudrait à la France au moins
une génération entière pour réparer ce malheur , car les hom-
mes qui se distinguent dans les travaux d'une utilité positive,
sont de véritables anomalies , et la nature n'est pas prodigue
d'momalies , surtout de cette espèce.
» Passons à une autre supposition : admettons que la France
conserve tous les hommes de génie qu'elle possède dans les
sciences , dans les beaux-arts et dans les arts et métiers; mais
qu'elle ait le malheur de perdre le même jour Monsieur , frère
da roi, Mgr. le duc d'Ângouléme, Mgr. le duc de Berri, Mgr. le
duc d'Orléans, Mgr. le duc de Bourbon , madame la duchesse
d'Ângouléme, madame la duchesse de Berri, madame la duchesse
d'Orléans, màîdame la duchesse de Bourbon et mademoiselle de
Condé;
« Qu'elle perde en même temps tous les grands officiers de la
couronne, tous les ministres d'État, tous les maîtres des requê-
tes, tous les maréchaux, tous les cardinaux, archevêques, évé-
ques , grands-vicaires et chanoines , tous les préfets et sous-pré-
312 HiSTOinE
fet» , Ums les employés dans les ministères , -tous les juges et en
sus de cela, les dix mille propriétaires les plus riches parmi ceux
qui vivent noblement.
» Cet accident affligerait certainement les Français, parce qu'ils
sont bons, parce qu'ils ne sauraient voir avec indififéeence la dis-
parition subite d*un aussi grand nombre de leurs compatriotes;
mais cette perte de trente mille individus , réputés les plus im-
portans de rÉtat, ne leur causerait de chagrin que sousunrapport
purement sentimental, car il n'en résulterait aucun mal pour l'État.
» D'abord par la raison qu'il serait très facile de remplir les
places qui seraient devenues vacantes. Il existe un grand nombre
de Français en état d'exercer les fonctions de frère du roi , aussi
bien que Monsieur^ beaucoup sont capables d'occuper les places
des princes, tout aussi bien que Mgr. le duc d'Ângouléme, Mgr.
le duc d'Orléans , etc.
» Les antichambres du château sontpleines de courtisans prêts
à occuper les places de grands-officiers de la couronne ; l'armée
possède une grande quantité de militaires aussi bons capitaines
que nos maréchaux actuels. Que de commis valent nos ministres
d*Etat! que d'administrateurs plus en état de gérer les affaires
des départemens que les préfets et sous-préfets , présentement
en activité; que d'avocats aussi bons jurisconsultes que nos juges!
que de curés aussi capables que nos cardinaux, que nos archevê-
ques, que nos évéques, que nos grands-vicaires et que nos cha^
noines ! Quant au dix mille propriétaires , leurs héritiers n'au-
raient besoin d'aucun apprentissage pour faire les honneurs de
leurs salons aussi bien qu'eux. »
Ce pamphlet audacieux produisit assez de sen-
sation pour exciter )a sollicitude des magistrats et
pour obtenir un acquittement malgré leurs pour-
suites. C'était le programme du pouvoir industriel
que Saint-Simon se proposait de fonder, et il fut
bientôt suivi par une foule d'autres publications
qui ont été religieusement recueillies, depuis, par
DE l'Économie politique. 3lS
M. Olincle- Rodrigoes , l'un do ses disciples. Lies
plus curieux de ces écrits portaient le titré de
rOrgamateur , le Catéchisme des industriels , le Sysf*
(èmeiniustriet. « Nous invitons, disait-^il, tous les
industriels qui sont zélés pour le bien public , et
qui <x>nnaissent les rapports existans entre les in-
térêts généraux de la société et ceux de Tindus^
trié, k ne pas souffrir plus long-temps qu'on les
désigne sous le nom de libéraux'^ nous les invitons
k arborer un nouveau drapeau et à inscrire sur
leurs bannières la devise : industrialisme. La dési-^
gnation du libéralisme ayant été choisie , adoptée
et proclamée par les débris du parti patriote et
du parti bonapartiste, cette désignation a de très
grands inconvéniens pour les hommes dont la
tendance essentielle est celle de constituer un or*
dre de choses solide par des moyens pacifiques.
Nous ne prétendons pas dire que les patriotes et
les bonapartistes n'aient pas rendu des services à
la société; leur énergie a été utile, car il a fallu
démolir avant de pouvoir construire. Mais aujour-
d'hui Tesprit révolutionnaire qui les a animés est
directement contraire au bien public; aujourd'hui
une désignation qui n'indique point un esprit
absolument contraire à l'esprit révolutionnaire ,
îfie peut convenir aux hommes éclairés et bien in-
tentionnés. » Nous avons cité ces divers passages
afin de faire remorquer l'étrange amalgame de
314 HISTOIRE
seatimens contraires qui distinguait la dQCtrin9
saint-€iiaianienne à cette première période de sou
développement. Depuis lors» cette école n'a ceisé
de professer une sorte de respect aveugla pour. t^s
prescriptions de l'autorité, jusqu'au point de l'in^
vestir d'une haute surveillance sur tous les prpr
cédés du travail et de créer ainsi une intervention
universelle de l'administration dans les intérêts
de tous les particuliers. On conçoit sans peine
que Saint-Simon eût d'autant plus de propension
à ce despotisme de l'autorité que , d'après ses
idées, c'est aux mains des industriels qu'il devait
naturellement échoir.
Nous n'avons point à examiner ici la portion
purement religieuse des doctrines de Saint-Simon,
telle qu'elle ressort de son nouveau çhristianimef
oeuvre fort remarquable et dans laquelle l'auteur
a proclamé la nécessité pressante d'améliorer le
sort des classes les plus nombreuses et les plus
pauvres^ Encore moins critiquerons^-nous la mé-
tamorphose de toute cette école industrielle en
une église métropolitaine ayant ses doctrines et
ses casuistes. Cette partie de l'histoire des saii^t-
simoniens appartient à l'histoire des erreurs re-
ligieuses, ainsi que les tentatives d'émancipation
de la femme et le cortège de hardiesses dont elles
furent accompagnées. Notre but n'est que de si-
gnaler les travaux économiques de la secte et les
DE l'Économie politique. 315
résultats acquis de ces travaux. En effets aussitôt
après la mort de Saint-Simon , ses disciples pu^
blièrent , sous le nom du Producteury un recueil
périodique destiné à la propagation des doctrines
du maître, mais en les appropriant aux nécessités
du temps et avec des ménagemens dont ils jugè-
rent à propos de s'affranchir, après la révolution
de 1830. Quoi qu'il en soit , les auteurs de ce
recueil étaient parvenus à répandre , parmi les
hommes les plus avancés de la presse , des idées
favorables au développement de la puissance in-
dustrielle et à affaiblir le prestige qui s'attachait
exclusivement alors aux moyens politiques. Ils
attaquaient par des argumens simples et vigou-
reux le vieux système prohibitif exagéré par la
Restauration; ils signalaient avec une fierté calme
et digne l'importance du rôle des savans, des in-
dustriels et des artistes , trinité nouvelle de la
religion d'amour et de travail qu'ils se proposaient
de fonder. A partir de cette époque il s'opère un
véritable changement dans les idées absolues
de la presse militante, directrice de l'opinion
populaire en France : les tendances militaires
perdent beaucoup de leur empire; la guerre est
obligée de rendre des comptes , et pour la pre-
mière fois depuis long-temps, on commence à
s'apercevoir qu'il existe en dehors des classes pri-
vilégiées de la fortune et de la politique une niasse
316 HISTOIRE
immense de troDailleurs^ dont le tour est venu de
«
figurer sur la seène du monde et d'y avoir ses
représentants légitimes.
Les saint^simoniens en étaient à ce point lors«
que la révolution de Juillet éclata. Je ne crois pas
exagérer l'influence de leurs premiers écrits, en
affirmant que ce fut sous leur inspiration que les
troubles de Tépoque prirent ce caractère social
dont l'Europe se montra si vivement préoccupée.
Le Producteur avait cessé de paraître, mais pour
être dépassé. Une exposùûm nouvelle de la doc-
trine sain t-srmonienne, mûrement discutée en
conseil des pontifes du grand collège , proclama
hardiment l'abolition de l'héritage et le classement
des positions suivant les capacités. On sent com-
bien ce dogme devait sourire à la vanité humaine,
toujours disposée à se juger avec bienveillance, et
quelles conséquences flatteuses pouvaient tirer
de l'abolition des héritages les hommes qui n'a-
vaient rien à y perdre. Les saint-simoniens pro-
fitaient habilement des circonstances qui avaient
donné aux masses insurgées une victoire illustrée
par le plus admirable désintéressement dont l'his-
toire fasse mention. Ils commentaient en hommes
pratiques le fameux mot de Sieyes : le tiers-étai est
tout et ils voulaient que le tiers-état de i830 ne
fut pas réduit aux minces proporlionsd'une bour-
geoisie. Mais tandis qu'ils affectaient dans leur
De L'ÉCONOMtE l*OLiTIQUE. 3l7
latigage les formes les plus pacifiques, les masses
peu éclairées marchaient droit à leur but êl pour-
suivaient, au moyen des insurrections ^ la réalisa-
tion, de cette promesse décevante : « Â chacun sa
capacité, à chaque capacité suivant ses œuvres. »
Il ne manquait pas de hardis commentateurs pour
&ire ressortir le contraste affligeant de la misère
des uns et de l'opulence des autres. Plus d'un tri-
bun de carrefour démontrait facilement les hauts
profits que Yhumamté devait retirer de l'abolition
de ces inégalités odieuses, représentées comme
de véritables spoliations. Telle n'était pas, pour-
tant y la pensée des saint-simoniens en publiant
leur c^ëbre symbole. Ils n'avaient pas entendu
prêcher la communauté des biens, ni , ce qu'on
leur reprocha plus tard, la communauté des
femmes ; et le manifeste qu'ils adressèrent à ce
sujet à la chambre des députés ne laisse aucun
doute sur leurs véritables intentions. Voici le pas-
sage le plus rërdarquable de ce document :
« Le aystème de communauté des biens s^entend uhiverselle-
meiït du partage égal entre tous, les membres de la société , soit
du fonds lui-même de la production^ soit du finiit du travail de
tous.
n Les Saint-Simoniens repoussent ce partage égal de la pro-
priété^ qui constituerait à leurs yeux une violence plus grande,
une injustice plus révoltante que le partage inégal c(ui s'est ef-
fectué primitivement par la force des armes , par la conquête.
» Car ils croient à Tinégalité naturelle des hommes, et régar-
318 HISTOIRE
deiU cette inégalité comme la condition indispensable de Tor-
dre social.
>y Ils repoussent le système de la communauté des biens , car
cette communauté serait une violation manifeste de la première
des lois morales qu'ils ont reçu mission d'enseigner, et qui veut
qu'à l'avenir chacun soit placé selon sa capacité et rétribué selon
ses œuvres.
• » Mais en vertu de cette loi, ils demandent Tabolition de tous
les privilèges de naissance, sans exception, et par conséquent la
destruction de Vhéritage , le plus grand de ces privilèges, celui
qui les comprend tous aujourd'hui, et dont l'effet est de laisser
iib hasard la répartition des privilèges sociaux'^ parmi le petit
BOiQbire de ceux qui veulent y prétendre , et de condamner la
classe la plus nombreuse à la dépravation , à l'ignorance , à la
misère.
' » Ils demandent que tons les instrumens du travail, les terres
et les capitaux qui forment aujourd'hui le fonds morcelé des
^propriétés particulières, soient exploités par association et hié-
rarchiquement, de manière à ce que la tâche de chacun soit
^expression de sa Capacité et sa richesse la mesure de ses cen-
vres.
» Les Saint-Simoniens ne viennent porter atteinte à la consti-
tution de la propriété qu'en tant qu'elle consacre pour quelques-
tins le privilège impie dé Toisiveté, c'est-â-dire de vivre du tra-
vail d'autrui; qu'en tant qu'elle abandonne au hasard de la
naissance le classement social des individus. »
Malgré cette protiestation des saint-simoniens,
il était facile de voir que leurs attaques contré la
transmission des propriétés par l'héritage abou-
tissaient à une véritable spoliation des familles.
Ils menaç^ent ainsi les citoyens dans la jouis-
sance de celui de leurs droits considéré comme
le plus sacré; ils atteignaient les pères d^ns leur
DE l'Économie polijique. 319
espoir le plus doux, et ils frappaient ia^ société
eiie-mème dans sa fortune, en étouffant chez
rhomme le stimulant le plus énergique du Ira*
vail et de Téconomie. Qui donc exercerait dans
chaque pays les fonctions de répartiteur des jouis*
sances et des fonctions ? Quelle intelligence se
trouverait assez haute, et quel esprit assez im^
partial pour être à l'abri des erreurs et des in-
justices? Ce ne devait pas être moins qu'un grand-
prêtre, aussi infaillible que le pape, et, de plus,
souverain dispensateur des produits du travail.
Les adeptes de la doctrine ne reculèrent pas même
devant cette difficulté, et ils se donnèrent, sous
le nom de père-suprême, ce souverain dispensateur
des plaisirs et des peines. C'est à partir de ce
moment que le saint-simonisme dégénère en une
sorte de théocratie mondaine, et cesse de s'arrè*
ter à la limite des utopies économiques. On ne le
considère plus comme une école, mais comme
une église, et déjà il est poursuivi par le ridicule
qui s'attache impitoyablement en France à tous
les fondateurs d'églises. En même temps, les fol-
les tentatives d'émancipaition des femmes achè-
vent de déconsidérer ce qu'il pouvait y avoir
de bon et d'utile dans les autres propositions
saint-simoniennes. On les enveloppe toutes dans
une commune réprobation. On rit et Ton s'indi-
gne de cette lutte entre deux personnages éminens
(le la seotc, dont l'uit, homme marié, prétend
([uedans la famille tout tiiifant doit pouvoir con-
naître son ])ère, tandis que l'autre, célibataire,
soutient que la femme seule doit être appelée à
s'expliquer sur cette grave question. Les hommes
sérieux ne voient plus qu'une débauche d'esprit
dans ce délwrdement de propositions licencieuses
qui conduisent au bouleversement de la famille
et de la propriété. Les magistrats s'en alarment,
ia société s'en émeut. En vain , les saint-simo-
niens organisent des temples, durinenl le mot de
leur énigme dans des prédications éloquentes, où
leur parole attire les riches et les pauvres par
une espèce de fascination irrésistible ; eu vain
même ont-ils l'art de recueillir des adhésions et
de multiplier tes prosélytes : leur décadence ap-
proche et leurs théories les plus rationnelles sont
confondues avec les écarts de leur imagination.
Les insurrections qui éclatent de toutes parts
passent pour être le fruit de leurs excitations, et
en présence du sang qui coule, le rire fait place
à la colère. L'autorité fait fermer leurs salles de
conférences, et les tribunaux les poursuivent
comme perturbateurs du repos public.
Quelle triste lin pour des débuts qui parais-
saient si favorables ! Qui aurait pu croire que
les savantes analyses des procédés de l'industrie,
pub}iées par le Producteur,, devaient .ayQir..pQiir
Dr, l'économir politique. 321
conclusion la femme libre et la création d'un père-
tuprême ! Mais en dépit de ces extravagances, une
pensée profonde avait survécu à la dispersion des
saint-simoniens, dégagée de l'alliage impur des
sensualités de la rue Monsigny'. Cette pensée
avait été formulée par l'un des principaux orga-
nes de ta secte: n La société, selon eux, ne se
compose que d'oisifs et de travailleurs. La poli-
tique doit avoir pour but l'amélioration morale,
physique et intellectuelle du sort des travail-
leurs, et la déchéance progressive des oisifs. Les
moyens sont, quant aux oisifs, la destruction
de tous les privilèges de la naissance, et quant
aux travailleurs, le classement selon tes capacités
et la rétribution selon les œuvres. » Les saînt-
Simoniens comprenaient très bien qu'il leur se-
rait impossible, dans l'état présent de la société,
d'arriver promptement à leur but ; aussi procla-
maient-ils eux-mêmes la nécessité d'une transition
mesurée, et ils repoussaient l'idée d'une sup-
pression immédiate du privilège de succession.
Leur projet étaitdeprovoquer d'abord l'abolition
de l'héritage en ligne collatérale à d
' C'est dans cette rue que les saînl-simoniens avaient établi
la métropole de leur culte, quand ils se firent prêtres. Ils y don-
DaientdesBoirËes très suivies etdesconrërences qui nerétaien! pas
moins. On peut croire que l'ivresse de ces succès de salon n'a
pas peucontribuéà la tendance vers l'épicurisme quia égaré ces
hommes remarquables.
DEDXIÈMB ÉDITION. 31
aSS HISTOIRE
éloignés, afin d'accoutumer insensiblement les
esprits à des réformes plus décisives. Ils vou-
laient faire seryjr à la réduction des impôts la
valeur acquise à l'État des propriétés qui vien-
draient accroître son domaine , et le produit
des droits de successioQ en ligne directe, qui eus-
sent été considérablement augmentés. Au moyen
de ce budget de création nouvelle, ils donnaient
une impulsion active à toutes les industries,
creusaient des canaux, traçaient des routes, ils
élevaient des monumens publics, et fondaient les
établissemens d'instruction réclamés par les be-*
soins du pays.
On ne peut lire aujourd'hui sans un vif intérêt
les vues qu'ils présentaient chaque jour dans le
journal le Globe, devenu leur propriété. Par une
singularité assez remarquable, ce jourpal avait
appartenu avant eux à une association d'hommes
distingués, que le flot de 1830 venait de porter
au pouvoir. Ce que l'ancien Globe avait essayé de
conquérir pour la pensée, pour les classes moyen-
nes, les Saint-Simoniens le revendiquaient pour
le travail, pour les classes inférieures. Us pre-
naient une part active à tous les projets de ré-
forme favorisés par le mouvement rénovateur de
Juillet. Leur feuille, distribuée gratuitement à
plusieurs milliers d'exemplaires, traitait avec une
supériorité incontestée les questions de finances.
DE l'économib politique. 323
de travaux publics, de bauques, d'association,
de paupérisme, et il faut convenir que jamais au-
cune réunion de savans n'avait mis en circulation
unepareilte masse d'idées. Ces idées, assurément,
n'étaient ni toujours justes, ni toujours pratica-
bles; il s'en trouvait souvent de bizarres et dont
l'expression ét^it empreinte d'un néologisme af-
fecté : maifii, à mesure que les esprits se sont
calmés, la postérité, qui commence pour U^,
Saint-Simonîens, a fait le départ de l'alliage, et-
il est resté beaucoup de métal pur au fond de leur
creuset. C'est à eux que nous devons la ten-
diAiice industrielle de l'époque^actuelle et la dî^
rection peut-être trop exclusive aujourd'hui, de
tomles les activités vers ce but. En réhabilitant»
soit par leurs prédications, soit par leurs analy-*.
sds, 1^ cujte du travail, ils ont appelé sur leç,
ehsses laborieuses la sollicitude trop long-^temps
indifférente du pouvoir et des classes élevées.
lsf)sB savantes expositions de la théorie d^s ban-
que^^ leurs vues originales sur le régime hypo-»
thécaire, sur l'insuffisance de l'instruction publi*
qoe^ siir les enfans-trouvés, ont familiarisé les
homiaes les plus étrangers à la science énonomi-*
que avec les principes fondamentaux de cette
actence* Tandis que les économistes dissertaient,
sur les théories , les saint-simoniens abordaient
atec courage les hasards de la pratique , et fdh'
324 - HiSTOittÉ
saieût, à leurs risques et périls, les expériences
préparatoires de Favenir. Leur désintéressemeiit
pfersoiinèl égalait leur enthousiasme religieux podr
la cause qu'ils avaient embrassée, et tnalgré les^
accusations contraires qui ont plané sur eux^
c'est un fait avéré qu'ilà sont tous sortis pauvres'
ou ruinés de leurs temples et de leurs ateliers.
le ne dirai rien de Tessai malheureux qu'ils
firent sur eux-mêmes, en se retirant sur les hau-
teurs du village de Ménilmontant, dansTintentiOU
d'y glorifier le travail. Ce fut Un déplorable spec^
tacle de voir des chimistes habiles, des ingénieurs
distingués, des penseurs originaux et profonds
ravalés au dernier rang des manœuvres , et ré-
duits par une aberration de leur propre volonté
aux travaux les plus vulgaires de la vie domesti*
que. En agissant ainsi , ils dégradaient rihtelli-
gence et méconnaissaient les premières règles dé
la division du travail. Qu'auraient-ils dit, eux si
sérieusement hiérarchiques, si les classes labo-
rieuses, quittant le soc de la charrue ou le mar^
teau de l'industrie, s'étaient emparées des do*-
lUaines de l'intelligence pendant que les chefs de
la' religion industrielle se livraient humblement
à des travaux manuels? Quelle contradiction
(kns les actions et dans les paroles! Et ce n'était
pas la seule : on est surpris, en étudiant leurs
doctrines, de l'indépendance dés principes et de
DB l'Économie , POLITIQUE. u9Sô
l'absolutisme des. prescriptions; on a; de la ^ine
à associer ces projets d'émancipation ^iei travisûl^
leura avec les règles sévères qui leur étaient imr
posées. Les saint-simoniens oi|t un point de rei&-
semblance avec les physiocrates , auxquels ils
semblent aussi avçir emprunté le dogme de IV
béissance passive et d'un respect idolâtre pour
r^utorité- Cette erreur pourtant a été moins nui-
sible qi^^'ulile. On s'était trop habitué en France
9qil9..1a Restauration, et malheureusement avec
quelques, motifs, à fronder le pouvoir : on l'ob*-
.servait avec défiance; on lui obéissait avec hit-
meur« fine hpstilité systématique accueillait la
plupart de ses^ mesurer oju en paralysait les
effets i de sorte que la puissance publique allait
s'affaiblissant chaque jour, au grand détriment
A^.M pi'ospérité et de la dignité du pays. Les
j^n^rsimpniens, envers lesquels le pouvoir s'est
fl^ontr^ fçrt ingrat, apprirent au peuple français
.q}i!un gouvernement est bon à quelque chose :
jçf^tait vraiment une nouveauté par le temps qui
qouf ait alorsy et surtout au moment où chacun se
faisait un mérite d'avoir contribué au renverse-
ment de la dynastie qui venait de tomber. Le
saint-simonisme essaya d'arrêter toutes les mains
armées d'instrumens destructeurs, qu'un pre-
mier élan, brusquement arrêté, n'avait pas en-
core déshabituées de la démolition; il voulut
9tê HISTOlitE
att8sî exciter au coeur des iiautes claèises ces
sympathies pmir les plus humbles, qu'elles
avaient rarement éprouvées. On peut échouer
dans cette noble tâche, en y commiettànt des er-
reurs; fit qui n'enlrommet pas, même en faisant
le bien? Mais il reste toujours une trace lumi-
neuse de ces essais hardis, que les générations
suivantes ne manquent jamais de reprendre m
sous-œuvre; Aujourd'hui les saint-^imoniens
répandus dans le monde, y ont repria l'exercice
des professions auxquelles ils étaient individuel-
lement destinés par leurs premières études;, ils
construisent des chemins de fer'^ ils font ées
voyages utiles à leur patrie; ils sont'entrépre»-
neurs d'usines et partout on les voit à la tète (tes
projets d'amélioration. Us Honorent leur passé
par la dignité même de leur silence, satisfaits
d'avoir posé les plus grandes questions du teônpis
présent et d'avoir préparé les prindpaux élë-
mens d6 leur solution. L'Europe qui le^ ba-
fouait, suit leurs conseils, et le gouvernement
qui les pourchassait, les emploie. Est-ce donc
ainsi qu'on traite des vaincus ? '
DE l/ÉCONOMIE POLITIQUE.
387
J ;■« I
•«mU
CHAPITRE XLIV.
Des'éoonoilistM uhpistet.^-^-ïkL sys\épié êoetétaire de Fouri^r^
^— Revue de ses princ^aiix ouvrages.-— Idée fondamentale de
sa doctrine. — Développemens qu'eOe parait susceptible dé
recevoir. — Do système sociai de M. Oweli. — Essais ii^^id^
tÉMm tentés par lui à New-Lanark et à New-Hatmony. -rr;
£sqttuiMi des vues particulière^ de cet économiste.
Dansl'ordrechronologique, les saint-simoniens
110 soot f)ûs les premiers économistes réformateur^
du dix-neuvième siècle. Déjà, quelques aonée^
àtaat la publication de leurjs écrits, deux hommes
remarquables à des titres divers, MM. Fourier et
Oweo, avaient jeté les fondemens d'une réforme,
appelée par le premier sodéiaire, et sociale par Je
second; cdle-ci fondée sur la communauté, l'autre
gttf ^association. Tous deux partaient du même
point, sans tendre au même but; L'un et l'autre ils
étaient frappés du malaise de la société contempo-
raine, des vices de nos mœurs, des souffrances du
plus grand nombre de nos semblables , et de^ la
nécessité d'y mettre un terme; mais ils différaient
easeniîellement sur les moyens. Les saints-simor
niens ont fait plus de bruit et plus de chemini
parce que le chef de leur école, enlevé le premier
^i . ■
3S& HISTOIRE
à ses disciples , a laissé des sectateurs ardens et
résolus auxquels rien n'eût manqué pour assurer
le triomphe de ses doctrines, si quelque grande
rénovation en avait pu sortir.
Les idées deFourier et d'Owen n'ont obtenu que
fort tard le privilège de cette publicité bruyante
qui commande l'attention et quelquefois le succès.
Fourier est mort il y a un peu plus d'une année \
et M. Owen vit encore. Cette double circonstance
explique l'intérêt différent qui s'est attaché aux
prédications des saint - simoniens et aux écrits
d^Owen et de Fourier. Cependant, les essais de ces
deux philosophesont précédé de plusieurs années
Tes premiers travaux de Saint-Simon, et ils se pr^
sentent avec une organisation plus complète et
plus vaste que celle de l'école saint-simonienne.
Fourier, dont ses disciples veulent faire aujour-
d'hui un grand homme , l'emporte évidemment
sur ses deux rivaux par la hardiessede ses vues et
par là constance admirable de son caractère; mieux
qu'eux , il croyait avoir résolu le problème socfol,
et il accusait de stérilité toutes les doctrines éco-
nomiques contemporaines, sans s'apercevoir qu'il
n'apportait, comme elles, que sa part d'incerti-
tudes et de rêveries au foyer universel de>t6tts les
doutes et de toutes les utopies de la civilisation.
Un examen rapide permettra d'en juger.
^ Fourier avait été frai)pé de bonne heure des
' M. Blanqiii écrivait ceci en 1858. {Noie de l'édiieur.)
DB l'Économie politique. 3d9
mensoiiges de convention dont l'ordre social est
infesté. Il avait vu l'eiifance aux prises avec des
passions impérieuses et des maîtres exigeans; plus
tardy dans le monde, sa probité s'était révoltée à
l'aspect des fourberies du commerce, des discor-»
des de la famille et des corruptions de la politi-
que. Il avait été choqué du contraste de la piau-
vreté honnête et du vice opulent. Avant que sa
raison lui eût démontré que la Providence devait
avoir eu des vues plus hautes, son cœur avait gémi
des contradictions et des désappointemens amers
de notre société. Quoi donc ! en présence de ce
magnifique spectacle de la nature, de ce soleil qui
luit pour tous, de ces fruits si abondans et si sa-
voureux , de ces fontaines si limpides , il y a des
hommes qui vivent dans les ténèbres, qui lan-
guissent dans les hôpitaux, dans les prisons , qui
meurent de faim et de soif! Il y a des hommes
mille fois plus malheureux que les bêtes, puis-
qu'ils ont à subir la torture morale» outre la soiif-.
franco physique! Tout marcherait d'un pas ré-
gulier dans ce monde créé pour l'homme, excepté
l'humanité elle-même! La maison ne serait si belle
^ I9 lumière des astres aussi brillante, que pour
contenir et éclairer les douleurs ineffables du
matlre! Quel blasphème et quelle absurdité!
. Frappé de ce contraste cojoime d'une révélation,
Fourier en rechercha les causes avec la sagacité
8dO lllSTOiRl'. '
persévérante el profonde qui le dîstin^ait. H hii
samUa que les ^ssions, chargées de tout le poids
dé nos iniquités, pouvaient servir à nous conduire
au bien e^ qu'il était facile de les utiliser comme
toute force vive, en leur assignant un emploi in-
telligent et raisonnable ; c'est ainsi qu'il jeta les
foodemens de son système dans le premier de ses
ouvrages^ la théori&des quatre mmnioemeM. €es quatre
mouvemens prenaient les noms de mouvement
Moùi/, de mouvement aiMimal^ dé mouvement orga^
in2!tie, de mouvement matériel. \j^ théorie du pre^
ilui^ devait expliquer les lois selon lesquelles Dieu
régla J'ordonnance et la succession des divers mé-
canismes sociaux dans tous les globes habités. La
théorie du second expliquerait les lois selon les-
quelles la Providence distribue les passions^ et les
instincts à tous les être» créés dans lesdivers gld-
bes. La théorie du troisième aurait rendu compte
des lois selon lesquelles l'auteur des choses dis^
tribue les propriétés^ les formes , les couleurs et
les saveurs aux substances. Enfin la tliéorie du
mouveiloient matériel , véritable cosmogonie nou^
velle, devait faire connaître les lois de ta gravita-
tion, selon les idées de l'auteur. Il n'est pas facile
de deviner au premier abord à quelles applica-
tions cet étalage prétentieux de théories pouvait
aboutir ; ce fut le pi^e<nier tort de Fourier:, et il
eut le^ tort plus graml d'y persister. Il tranfôrma
DE l'ÉCONOMIR POLITIQUE. '3Sl
iesélaiis de son imagination en théorèmes géd-
métriques, dont lui seul était -en état de donner
la démonstration , et sur lesquels il n'^dmeUast
aucune oontroverse. Il fallait croire ou être exooiDh
munié. Fourier ne reculait devant aucune o^^
brité, devant aucun nom. Les philosophes étaient
la honte xld monde ; le monde allait de travers
dq[>ai8 cinq mille ans. La science, la morale v ta
politique de tous les siècles n'étaient qu'un tisM
d'extravagances et d'inepties.
' Poirier vécut ainsi plusieurs années, en proie
à cette fièvre dévorante de haine et de dénigratioa
envers le passé, qui ne l'a point abandonné jus^
qu'à ses damiers momens. Son style plus étrange
que celui des saint*-simoniens, semblait un défi
portée la langue française; il était hérissé de (p-
eiitions bizarres et de termes vraiment cabalisti^
ques. Cependant^ sa pensée dominante parvenait
à se faire jour au milieu de ces obscurités. Fou^
rier iFoulaît faire prévaloir l'association sur, le
morcellement, et organiser les forces isolées par
le 'moyen de ce qu'il appelait l'Mr(wtionpa9iiùimi$.
Son but était d'associer les hommes , comme il
disait, lui-même, en capital, traoail et talttu. Pour
y parvenir, il combinait les efforts des agricul*
teurs, abrégeait les heures de travail, distribuait
les âges et les fonctions par $Aie$^ et transformait
le labeur accablant des diverses professions en 'une
332 • : JilSTQlEK
dî^lradioD parpétueUe, assafisonnée d^ plati$irs et
de aensâtions agréables. Il n'est pas facilei mêipe
depuis que ses disciples ont débarrassé ses thépr
ries des digressions critiques sous lesquelles elles
étaient étouffées^ de distinguer nettement ce que
ifoulait l'auteur : on comprend beaucoup mieux
ee qu'il ne \oulait pas. Il espérait pourtant ren*
opntrer l!occasion de mettr&àexéculioi^quelques-
unes de ses idées ^ lorsqu'il fit paraître soii Droite
de fousodaiion domestiqua ogriccie^ où se déyeleppept
«ur une ligne immense les ^^s iiiiAair«i:|MMMtm-
ndte qu'il avait substituées à l'ieolement aetuei des
travailleul^. Au lieu de nos tristes villages si épar-
fHllés, si malpropres > si mal bâtis , Fourier ima-
gina dans chaque localité une vaste construction
appelée pAa/an«^èr#9 habitée par (es phalanges as-
sociées de travailleurs de toute espèce. VéMra^
tum fomownieyX^ désir du bien-être ne po^vl^ent
manquer de faire comprendi^e à ces associations
(qu'il voulait de, dix-huit cents personnes), les
avantages de la vie nouvelle dans laquelle elles
entraient. Plus de chaumières, plus de hangars ^
mais un édifice simple et commode, surmonté
d*une tour d'ordre, armée de sou télégraphe et
ornée d'une horloge. Toutes les communications
devaient se faire à couvert dans des rues-galeries,
ventilées en été et chauffées en hiver. Chaque fa-
mille pourrait, se. loger selon sa fortune et vivre
DE l'Économie politique. dSS
en^'^conBéquence. Ce n'était pas le régime d'un
courent, ni la discipline d'une caserne; mais une
assbeiation dans laquelle chaque sociétaire aurait
sa part de profit d'une cave substituée à trois cents
caves, d'un grenier à trois cents greniers, d'une
cuisine i trois cents cuisines.
Jusqu'ici la conception de Fourier ressemble
beaucoup à ce que nous voyons dans les col-
l^eS', dans les manufactures, dans les lieux de
grande réunion , où la vie commune produit des
économies incontestables et des avantages de
différens genres. Mais de quoi vivront, riches ou
l^uvres, les habitans d'un phalanstère? Fourier
n'était point arrêté par cette difficulté. Chaque
propriétaire devait recevoir , en échange de des
terres , des actions transmissibles qui en repré-
sentaianit la valeur; et, dès lors, tombaient les
murs, les haies vives, les clôtures qui séparent
les héritages. Le morcellement de la propriété
disparaissait devant cette synthèse. Cinq cents
parcelles se transformaient en un seul domaine;
il n'y avait plus de travail morcelé; plus d'agri-
culture irlandaise. A l'intérieur, de vastes ate-
liers succédaient aux granges froides et poudreu-
ises de nos hameaux. La tâche de chacun était
^ shnpiiiiée par une division du travail, non plus
absolue et permanente, comme celle^des écono-
mistes, mais douce, agréable et variée , comme
334 ' HI8T01RE
les déisksaetnens de$ grands seigneurs, comme
UD exercice utile à la santé. En agriculture, en
industrie, chacun suivait son penchant, et comme
lea travailleurs vivaient sans cesse en présence
les uns des autres, en rivalité de perfection, de
vitesse et de dévDûment, les produits de leurs
œuvres devaient naturelleihent et nécessairement
surpasser tpus les produits du travail contiçu^ et
forcé. L'association phalan^rienne donnait ain^
des bénéfices bien plus considérables que tous
les niodes surannés d'exploitation ^ïste; il. ne
s'agissait que de les distribuer équitablement.
Ici^ l'auteur nous semble avoir poussé trop loto,
l'esprit d'association. Il suppose que les capital-
listes du phalanstère , intéressés à ménager leurs
ouvriers, sans lesquels les capitaux- demeujre-
raient stériles, leur feront une part raisonnable,
et que les travailleurs, convaincus de l'irapossibi-
lité de travailler sans c^pitaux^ ménageront k
leur tour les capitalistes dans la répartition des
profits* Il y aura donc un lot pour le capital, un
pour le travail, un pour le talent. Mais comment
apprécier justement le travail, le talent? Selon
leur utilité; car Fourier donne la préférence aux
arts utile» sur les arts agréables. Il reconnaît des
travaux de nécessité, de simple utilité et d'agréé
ment. Les premiers seront les. plus récompensés;,
comme étant généralement les plus pénibles; les
DE L^ÉCONOMIE POLITIQUE. 385
travaux agréables trouveront une partie de ieur
récompense dans leur agrément même. Les ma-
nœuvres seront mieux rétribués que les artistes.
Fourier pensait, ainsi, relever les classes pauvres
de Tétat de misère où elles sont tombées, et il
s'imaginait faire disparaître les causes de haine
ou d'envie qui^ les séparent, depuis Torigine du
monde, des classes riches. Il n'y aurait plus de
pauvres. La moindre dose de travail r^potiMom
oonduirait à un salaire élevé , et Ybarmanie uni-
verselle ne tarderait pas à s'établir entre des cas-
tes trop long-temps ennemies. Le«grand homme,
dans les beaux-arts, dans les sciences, dans Tin-
dastrie, serait l'élu de toutes les phalanges, le
pensionné de tous les travailleurs. ,Plus de pro-
eès, plus d'hôpitaux, plus de prisons, plus dln-
gratitudesou de rigueurs sociales 1
J'oublie de dire aussi : plus d'armées t plus de
guerres I ou plutôt quelles armées I quelles guer-
res! des armées d'industriels d'élite, marchant à
l'exécution des travaux les plus gigantesques, sur
toute la surface du globe, les unes coupant
l'isthme de Suez, d'autres l'isthme de Panama;
celles-ci, creusant le lit des fleuves, celles-là, fai-
sant communiquer les lacs, desséchant les marais
ou épuisant les mines. On a vu ce que seraient
les. villages : jugez ce que devront être les villes I
Les sympathies qui unissent les phalanges pré^
986 HISTOIRE
sideroDt aux relations d'un ordre plus élevé qui
s'établiront entre les cités, et quand leurs forces
individuelles n'y suffiront pas, les armées se
mettront en marche, non plus , dè3 lors , pour
détruire et piller comme aujourd'hui, mais pour
édifier et embellir. Dans l'ordre politique, élec-
tion Juniverselle , liberté absolue-^ égalité corn-*
plète, absence de gouvernement, en un mot. ^A
quoi bon songer aux tempêtes y quand on sup^
prime tous les vents, excepté les zéphyrs? L'au-
teur pouvait, du même point de vue, proclamer
le printemps perpétuel.
On ne saurait, pourtant, parler avec ironie de&
rêves de Fourier. Un homme qui voue sa vie eor
tière au culte d'une telle idée, qui veut faire con-
courir les passions au bien de l'humanité , qui
entreprend d'associer les familles et les intérêt^^
et qui travaille avec une telle énergie à l'abolition
des misères sociales, n'est point une utopiste vul-
gaire, quoique tous ses projets tiennent de Fu^
topie. Une utopie n'est souvent qu'une opinion
avancée, proclamée à la face d'une génération
qui ne la comprend pas encore, et destinée à d^
venir un lieu commun pour la génération qui
suit. Fourier a jeté les fondemens d'une théorie
qui commence à porter ses fruits, car les;hom-'
mes même qui ne l'ont pas étudiée y obéissent
par une sorte d'instinct, en s'associant , sous
DE l'Économie politique. 337
toutes sortes de formes, dans des intérêts maté-
riels ou moraux. L^ école sociétaire eût fait beau-
coup plus de prosélytes encore j si Fourier n'a-
irait pas affecté un si profond dédain pour tous
les écrÎYains du monde, en manquant au premier
devoir de tout homme de sens, au respect des
ûeux, Qn a des aïeux dans la science comme
dans la nature , et c'est une preuve de mauvais
goût ou de mauvais principes que de manifester
du mépris pour eux. Le travail de ces aïeux, qui
est celui des siècles, quelque défectueux qu'il ait
pu être, ne se défait pas, d'ailleurs, dans un
jour , et ce fut l'erreur de Fourier d'imaginer
qu'il y parviendrait tout d'une pièce, en dépit
des institutions; des habitudes et des préjugés.
Aussi se réfugiait-il , surtout vers la fin de sa
carrière , vers l'enfance , plus apte à recevoir
rimpression de ses doctrines. Ce qu'il dit au
sujet des enfans est d'une exactitude, d'une frai-
cheur et d'une délicatesse admirables. Il attache
avec raison un prix infini à leur éducation , et
quoique le système qu'il propose ne nous sem-
ble pas conforme à la nature , puisque sa pre-
mière conséquence serait de soustraire les fils à
leurs pères pour les élever tous en commun,
nous n'en convenons pas moins qu'il ren*
ferme les vues les plus ingénieuses qu'on ait ja-
mais publiées sur cette matière difficile.
DBUXiillIB lÎDITION. SS
3S8 HISTOIRE
Il serait téméraire de prédire quelles seront
t€ft conséquences prochaines de la théorie socié*
taire dé Fourier. Nous n'avons pas encore ?u ce
système à ToBuvre; nul établissement de phalùm^
tèré n'a permis de réaliser une expérience déci«*
sive à ce sujet. Rien ne mériterait plus d'intérêt
que l'analyse exacte du revenu social d'un de ces
établissemens-^modèles dont nous regrettons que
le gouvernement lui-même n'ait pas encouragé
la fondation. Quel échec pour les novateurs, si
sous un tel patronage une expérience fût venue
à échouer ; mais aussi quel trait de lumière , si
elle venait à réussir! Fourier est mort, le cœur
navré de n'avoir pu obtenir cette faveur de ses
contemporains, et, dans son désespoir, il accU'^
sait les économistes d'avoir étouflPé, autant qu'il
avait dépendu d'eux, l'exécution de sa pensée.
Que pouvaientHls gagner à empêcher un essai
d'une telle importance? L'accusation tombe donc
d^elle^même, et la cause du mal remonte jusqu'à
l'auteur du système, auquel il ne fut pas donné
d'en faire un essai capital, parce que les cir«-
constances ou ses forces ne lui permirent |amais
de s'y décider. Son livre restera comme le travail
critique le plus hardi qui ait été publié contre
l'économie politique moderne ; mais il n'a pas
été plus heureux qu'elle dans la découverte des
solutions sociales. C'est que de telles solutions
DE l'Économie politique. 339
sont filles du temps et n'apparaissent qu'à de
longs intervalles, appropriées, pour un moment
peut-être^ aux besoins essentiellement mobiles de
l'humanité et changeantes comme eux.
M. Owen s'est mis, en Angleterre, à la recher-
che du même problème que Fourier , sans être
plus heureux. Leurs doctrines, qu'on a souvent
confondues, ne se ressemblent que par un petit
nombre de points. Les sociétés coop^atives du soda^
Kite anglais n'avaient presque rien de commua
a^ec les phalanges du sociétaire français. Ce n'est
pas par des réformes économiques que M. Owen
tenta d'améliorer la condition des travailleurs/
mais plutôt par de bonnes mesures d'àdministra-*
don et de moralisation exécutées avec intelligence
et fermeté. L'établissement de Mew-Lanark^ con-"
sidéré mal à propos comme un essai social, n'é-^
tait qu'une grande manufacture envahie par l'i-
vrogùerie, par la débauche et par l'indiscipline,
quand M. Owen y appliqua ses principes de régé^
nératiou et de rigidité un peu puritaines. Il ût des
réglemens sévères, infligea des amendes, arran-
gea de petits procès à l'amiable et parvint à des
résultats satisfaisans sous le rapport des produits
et de l'ordre, comme aurait pu les obtenir un
manufacturieractif et judicieux. En même temps,
les habitations des ouvriers devinrent plus pro^
pres} des magasins furent ouverts pour la vente
d6S objets de consommation au plus bas prix
340 HISTOIRE
possible et de la meilleure qualité. Le système
de M. Owen appliqué pendant seize années
à la population de New-Lanark, composée de plus
de 2,000 âmes, valut à ce philantrope une ré-
putation brillante et de nombreux visiteurs à sa
manufacture; mais U ne hasardait aucune idée
absolue, de peur de, blesser les susceptibilités
ombrageuses de ses concitoyens, et c'est en France
seulement que je lui ai entend^ dire d'austères
vérités à Taristocratie anglaise.
M. Owen n'en admettait pas moins téméraire-
ment l'abolition de la propriété. Il voulait sup-
primer toutes les inégalités sociales, et il récla-
mait en même temps la clôture des cabarets, la
réforme de l'enseignement, celle de l'iglise, celle
de tous les abus. Sa doctrine avait ainsi quelque
chose de déclamatoire et de vague , et ses pres-
criptions ressemblaient trop aux commandemens
d'un prédicateur. Tant qu'il fut présent à New-
Lanark, dans la manufacture où se faisaient ses
expériences, l'ordre y régna, le travail y fut pro-
ductif, la discipline s'y maintint; mais après son
départ, chacun reprit son allure accoutumée, et
le système disparut. M. Owen ayant espéré que
des essais réussiraient mieux sur une terre vierge,
était allé fonder en Amérique son fameux établis-
sement deNew-Harmony. Il amena avec lui beau-
coup de prosélytes des deux sexes, et l'emplace-
ment de son domaine semblait heureusement
DE L'ÉœifOMIE POLITIQUE. Ht
choisi. Cependant, au bout de peu de temps, les
passions humaines avaient repris leur empire ; il
se trouva , dans cette société régénérée , des lâ-
ches, des jaloux, des fainéans, des intempérans
comme dans la nôtre, et la sérénité du fondateur
en fui plus d'une fois troublée. Un voyage, qu'il
se vit obligé de faire en Ecosse, acheva la ruine
de rétablissement dans lequel régnait l'anarchie^
et qui fijt définitivement vendu à un illuminé al-
lemand, nommé Rapp. Miss Martineau, qui visita
cette congrégation en 1835, rapporte que les dé-
bris de la colonie Owéniste ressemblaient à une
communauté de frères Moraves, et que le nou veau>
dief n'était parvenu à les contenir qu'en les iso-
lant de tout contact étranger, à la manière du
dictateur Francia au Paraguay.
Malgré ces graves échecs, la popularité de
M. Oviren n'avait fait que s'accroître. Plusieurs^
éditions de ses théories, plus heureuses que sa
pratique, s'étaient promptement épuisées, et l'on
ne parlait partout que des magnificences promi-
ses par le nouveau réformateur anglais. C'était à
r^que de la réaction philosophique soulevée en
France par les tentatives des jésuites, et en An-
^eterre par la discussion du bill d'émancipation
des catholiques. M. Owen lança un manifeste vio-
lent contre toutes les religions^ qu'il accusa de tous
les maux du genre humain, et chose étrange I
Ht HISTOIRE
eette publication hardie , tirée à trente mille
exemplaires et répandue dans tous les journaux,
ne lui fit 'rien perdre de la bienveillance de plu*
sieurs souverains qui s'étaient intéressés à ses ex-
périences. Le duc de Kent, frère du roi d'Angle-
terre, Tun de ses plus chauds admirateurs, consens
tit même à présider une assemblée publique eè
elles devaient être exposées. C'estqueM. Qwen était
un partisan inébranlable de Tordre; il avait beau
signaler les imperfections sociales et le contraste
inquiétant de la grande richesse et de la pauvreté :
chacun savait qu'il voulait arriver à ses fias p^
une discipline sévère , à laquelle il aurait soumis
la richesse elle-même, çt ce genre de réforme
ne pouvait être vu de mauvais œil par des gWer
vernemens absolus. ^ ,
Les vues économiqueè de M. Owen ont été ré-
sumées de la manière la plus complète dana un
mémoire qu'il adressa aux représentans des pvisn
sancei? alliées , réunies au congrès d'Aix.-liip«
Chapelle. Il y exposait succinctement l'immense
augmentation qui s'était effectuée depuis peu
d'années dans les forces mécaniques de la pror
duction, et il déclarait que ces forces étaient phis
que suffisantes pour satisfaire très libéralement à
tous les besoins de la population du globe. Il sir
gnalait avec énergie les conséquences fâcheuâes
de Tabsence de tout ordre fbans la production et
D£ l'Économie politique. 84d<
la dÎBtributioD des richesses, la nécessité de rem^
placer la concurrence par l'unité d'intérêt; il dé-
montrait enfin comment une surabondance de
produits privant de travail les classes ouvrières,
les plongeait dans une affreuse misère au sein: de
rabondance, et comment il était devenu urgent
de remédier à ces maux, en organisant les choses,
de manière à aider le travail manuel par le tra-
vail mécanique, au lieu de substituer le dernier
au premier, en laissant sans garantie l'existence
des classes laborieuses'. M. Owèn avait proposé,
à diverses époques, des souscriptions destinées à
fonder des établissemens agricoles et manufao**
turiers, basés sur l'unité de production et de
consommation; mais le parlement consulté, ne
donna aucune suite à ces projets. On suppose
que telle a pu être l'origine des colonies agrico-
les établies à Frédéricsoord, en Hollande, et qui
n'ont pas', d'ailleurs, produit des résultats aussi
satisfaisans qu'o» l'avait espéré. Toutefois l'infa-
tigable réformateur ne se rebuta point et après
une série de vicissitudes qui prouvent, au moins,
l'extrême difficulté de ces improvisations socia-
les, après avoir parcouru toute l'Eure^ pour ;
exposer ses programmes, M. Ov^en est revenu
dernièrement en France, un peu découragé det
* Voir une série d'articles remarquables sur Owen , dans le
Journal de la tdenee sociale t par M. 6. Duhury.
344 flISTOIRB
hommes ^résolu, comme Fourier mourant, à
s'adresser aux eafans.
C'est surtout par Tenfance qu'il est possible
d'arriver à une réforme sérieuse de l'ordre éco-
nomique actuel. Tant que les enfans d'une so-
ciété industrielle seront élevés au hasard, pres-
que tous pour des professions libérales dont le
nombre est restreint , il y aura insuffisance de ca-
pacités sur beaucoup de points et encombrement
sur plusieurs autres. Après avoir essayé de tous les
systèmes, après avoir critiqué les gouvernemens,
les institutions, les méthodes, les peuples et les
rois, on est inévitablement amené à reconnaître
que c'est rintelligence qui manque aux ressour-
ces et non les ressources à Tintelligence. Les
trois quarts des forces vives de la société languis-
sent dans une déplorable atonie, et il y a encore
plus d'hommes improductifs que de terres stériles.
Les gouvernemens né peuvent pas , sans doute,
assurer à tous les citoyens une existence agréable
et douce; mais il serait moins difficile qu'on ne
pense de leur faciliter les moyens de se la procu-
rer. La valeur personnelle des hommes, dans
iotUes les professions, nous semble susceptible d'un
accroissement indéfini par une éducation qui ne
laisserait rien perdre à l'enfance du développe-
ment de ses facultés. Fourier et Owen sont d'ac-
cord sur ce point et l'on peut considérer comme
DE L'ECONOMIE POLITIQUE. 345
une découverte les exagérations même de leur
ccmfiance à cet égard. La grande association doit
commencer dans les collèges et se poursuivre au
dehors : n'est-ce pas au collège, en effet, que do-
minent les supériorités réelles de l'intelligence et
du travail, malgré l'égalitéabsolue qui présideà tou«
tes les relations? Il suflSrait qu'on acœrdât à l'édu-
cation des enfans la sollicitude qu'on dépense à la
police des hommes, pour changer en peu d'années
la face des questions économiques. En augmentant
le ccgpàal moral des nations, on augmenterait leurs
ressources, et Ton préviendrait les catastrophes
dont elles sont affligées. Il y a bien des réglemens
sanitaires pour prévenir la contagion physique :
pourquoi n'en ferait-t-on pas pour prévenir la
contagion morale de l'ignorance, de la paresse et
de l'incapacité? Vous vous plaignez de l'envahis-
sement de la pauvreté qui frappe à vos portes et
qui encombre vos hôpitaux et vos prisons : mais
que faites- vous de vos enfans? Quelle richesse es-
pérez-vous donc voir naître de ces myriades de
créatures abandonnées , qui pullulent dans la
boue de vos villes et de vos villages, ou qui s'é-
tiolent dans l'atmosphère impure de vos manu-
Ssicture^ ? Respectez les utopistes qui vous accu-
sent d'insouciance et rougissez de leurs erreurs,
car ils consument leur vie à penser pour des mil-
lions d'ingrats.
34ê HISTOIRE
CHAPITRE XLV.
/
T^e iéttériië â%a systèmes en économie politique. — Caractère
«ational des diverses Écoles, r- École italienne. "—École esr
pagnole. — École françaises. — École anglaise. — École alle<
mande»'
Nous approphons du terme de notre earriere*
Nous avoa$ parcouru d'un pas rapide l'histoire
d^ expériences qui ont été faites chez les peu-
ples civilisés pour améliorer la condition physi-
que et morale de l'homme. La Grèce, Rome, \e
moyen-âge, les temps modernes ont successive-
ment passé sous nos yeux, et partout le même
problème s'est présenté ; partout la lutte de l'es-
claye et du maître, du riche et du pauvre, de l'en-
trepreneur et de l'ouvrier. Cette lutte qui duré
encore sous des formes nouvelles, a donné nais-
atno^.à tous les systèmes d'économie politique
qui se sont succédé, depuis les économiques de
Xénophon, qui proposait de marquer au front
les esclaves, pour les empêcher de s'échapper,
ji^u'àla théorie sociétaire de Fourier et aux so-
ciétés coopératives d'Owen. L'esprit demeure
confondu de la monotonie de ces expériences
DB l'économib politique. 347
sociales, toujours entra véas et sans cesse renaissao-
tes, pour mourir et renaître encore de génération
en génération. Aux deux extrémités de Vèvfi
chrétienne, et aux extrémités du monde, dans la
vieille ftomeetaux États-Unis, on retrouve toujours
l'esclavage tel qu'il fut continué par les Barba*-
resetmaintenupar la féodalité; et l'on croirait que
l'humanité est resté stationnaire, à voir Tei^trôiiic^
lenteur de ses conquêtes, et son insouciance à
les conserver. Cependant le progrès social ne s'est
jamais arrêté depuis l'antiquité, quoiqu'il noufi
apparaisse confus et désordonné à certaines épo-
ques. L'avènement du christianisme, l'invasion
des Barbares, les croisades, les persécutions
même contre les juifs, l'établissement. des villes
Anséatiques, l'affranchissement des commune^
l'organisation des corporations par saint Louis,
le mouvement industriel et commercial des répu-
bliques italien nés , le protestantisme , la décou-
verte de l'Amérique ont apporté des changemens
graduelsdans la marche de l'économie politique*
Les expériences n'ont pas discontinué, précédant
toujours, les théories. Nous avons assisté à ces
développemens laborieux de la scieace, dans les
faits : il est temps de les résumer dans les sys*
tèmes.
Ces divers systèmes ont toujours emprunté
quelque chose du caractère des nations chez les*^
348 HISTOIRE
quelles ils ont pris naissance. L^Italie qui a eu
rhonneur de rallumer le flambeau de toutes les
sciences, est la première qui se soit livrée à l'é-
tude de l'économie politique. Tandis que la plu-
part des grands États de l'Europe étaient en proie
aux expédiens financiers et à la misère, des ban-
ques s'établissaient à Venise, à Milan et à Gènes;
on dressait à Florence les premiers budgets des
dépenses et des recettes publiques; on substi-
tuait la noblesse de soie et de laine à la noblesse
d'épée. D'excellens écrits sur les monnaies révé-
laient les secrets du crédit et créaient la science
des finances. Il n'est pas jusqu'aux malheurs de
la Péninsule qui n'aient favorisé les progrès de
l'économie politique, en faisant éprouver, aux
Italiens, sous Charles-Quint, la funeste influence
des monopoles, des hautes taxes et des prohibi-
tions. Dès l'année 1582, Gaspard Scaruffî publiait
son travail sur tes momam et sur la vraie proportion
enire l'or et l'argent. 11 proposait la création d'un
médium universel de la circulation et la marque
de tous les ouvrages d'orfèvrerie. Le Napolitain
Serra qui écrivait en 1613 son Traité des eausesqui
peuvent faire abonder l'or et l'argent dans les royaumes^
comprenait déjà le pouvoir productif de l'indus-
trie. Bandini, précurseur de Quesnay et des phy-
siocrates, signalait les avantages d'un impôt uni-
que, comme plus facile et plus économique;
DB L'ÉGOIfOMIB POLITIQUE. 349
Bro^^a publiait le premier écrit méthodique
sur la théorie des impôts. Mais le plus célèbre
des économistes italiens est sans contredit le pro-
fesseur Genovesi, que l'on peut considérer à juste
titre comme le rival d'Adam Smith , sinon pour
la justesse de ses doctrines, au moins pour l'im-
pulsion qu'il sut donner à l'enseignement de la
science dans toute l'Italie.
Aucun écrivain ne représente , en effet , plus
exactement le caractère de l'école économique
italienne. Cette école a été de tout temps philo-
sophique et réformatrice; elle se plaît aux ha^
sards de la politique et ses conseils s'adressent
moins souvent aux peuples qu^aux rois. Genovesi
a eu le courage de la maintenir dans cette ligne
périlleuse et honorable. Il a combattu pour la
liberté du commerce des grains, pour l'abolition
des lois sur l'intérêt de l'argent et pour la réduc-
tion du nombre des communautés religieuses.
Il a proclamé la supériorité du travail sur la fé-
condité des mines pour enrichir les nations. Il
prévoyait nettement, en. 1764, l'émancipation
des États-Unis d'Amérique et la ruine du sys-
tème colonial. Sa haute moralité, son éloquence,
sa vaste érudition n'ont cessé d'attirer près de
lui une foule de disciples, et quoique ses doctri-
nes fussent favorables au système mercantile, on
peut le considérer comme le fondateur de l'écô-
âSd HtSTOlKE
nomie politiquô en Italie. Algarotti, l'un de ses
ptoâ célèbres successeurs , nous a donné la
première analyse des phénomènes de la division
dû travail, dont le marquis de Beccaria devait
compléter la théorie presque au même moment
où elle recevait , en Angleterre, les belles dé-
momstrations d'Adam Snnth* Beccaria, dans son
langage pittoresque, appelait le fer métal-^ère; il
était, d'ailleurs, sectateur des éeonomist^es français,
de l'école de Quesnay.
Les MédUcaions sur V économie politique , du comte
Verri, n*ont pas moini^ contribué au succès de
récole italienne. Verri est le précurseur d'Adam
Smith. Sofi style concis et énergique, ses compa-*
raisons ingénieuses et frappantes ont donné beau-
coup de popularité à ses ouvrages, malgré les lacu-<
nés importantes qu'on y retnarque. Yascoet Ricci
qui écrivaient sur la mendicité et sur les établisse-
mens de bienfaisance, représentent les théories
de Godwin et de MaUhus en Italie. Lé premier
soutenait que les^ gouvernemens devaient secours
aux pauvres; le second établissait l'inxitilité et
te danger de toute assistance systématique et obli-*
gée. On trouve dans Yasco l'idée saint-^imonienne
de l'abolition de l'héritage. Ortès, son contempor'
rain, a été trop vanté ; mais cet auteur a le mérite
d]avoir signalé le premier, en Italie, l'envahisse^
ment du paupérisme et les moyens d'y remédier*
DB l'Économie politique* 951
Il a très bien fait ressortir le contraste de la mi^
sère et de l'opulence dans les grandes villes. Se-
lon lui, « la population se maintient , augmente
ou diminue toujours proportionnellement aux
richesses; mais jamais elle ne précède les riches-
866. Les générations des brutes sont limitées par
Taction de l'homme ; les générations des hommes
sont limitées par la raison. Les populations di-
minuent par les impôts excessifs et par Tescla-
irage. Le célibat est aussi nécessaire que le ma-
riage pour conserver la population. Reprocher
le célibat à un célibataire serait la même chose
que de reprocher le mariage aux hommes mariés.
Les maisons de travail pourvoient quelques-uns
et dépourvoient un plus grand nombre. »
Filangieri a été en Italie l'un des plus habiles
défenseurs de la liberté du commerce, Tennemi
-constant des nombreuses armées permanentes.
« Tant que les maux de l'humanité ne seront pas
guéris, s'écriait-il, tant que les erreurs et les pré-
jugés qui perpétuent ces maux trouveronit des
partisans; tant que la vérité, connue seulement
de quelques hommes privilégiés, restera cachée àla
plus grande partie du genre humain; tant qu'ellese
montrera loin des trônes, le devoir du philosophe
économiste est de la prêcher, de la soutenir, de
kl provoquer et de l'illustrer. Si les lumières qu'il
répand ne sont pas utiles à son siècle, à sa patrie,
362 HISTOIRE
elles le seront certainement à un autre siècle^ à
un autre État* Citoyen de tou^ les pays, contem-
porain de tous les âges, T univers est sa patrie, la
terse est sa chaire, ses contemporains et ses desr
cendans sont ses disciples. » Jamais peut-être
l'expression cosmopolite de l'école italienne ne
s'était manifesté d'une manière plus vive que dans
cet auteur, si ce n'est dans les nombreux écrita
de Mekhior Gioja, l'atlas de la science, en Italie.
Son fameux Pro^ectus des sciences économiques, avait
pour but de réduire en système raisonné tout ce
que les écrivains ont pensé , les gouvernemens
sanctionné et les peuples pratiqué en économie
politique et privée. Il y a examiné les opinions
de tous les écrivains italiens et étrangers. C'est
une' véritable encyclopédie de la science; mais
elle n'est pas toujours impartiale, surtout envers
les Français.
Le caractère distinctif de l'école économique
des Italiens consiste principalement dans leur
manière large et complexe d'envisager le& ques-
tions. Us ne s'occupent pas de la richesse sous le
point de vue abstrait et absolu, mais sous le rap-
port du bien-être général. Pour qu'une mesure
économique leur paraisse importante, il ne faut
pas seulement qu'il s'y rattache une question
d'argent, mais un intérêt moral ou politique. Le$
sociétés ne sont pas à leurs yeu^t des maisons de
DE l'Économie politique. 353
banque et les ouvriers des machines. Ils considè-
rent rhomme comlne l'objet perpétuel de leur
sollicitude et de 'leur étude. Ils sont publicistes
autant qu'économistes. Montesquieu représente
le mieux dans notre langue le véritable type <le
Téconomiste dans la leur. Les questions dans les-
quelles ils ont excellé sont celles des monnaies,
des ports francs, de l'agriculture , des monts-de-
piété, des établissemens de bienfaisance. Si leurs
nombreux ouvrages n'ont pas^ obtenu un grand
retcintissement, il faut l'attribuer aux précautions
ombrageuses de presque tous les gouvernemens
et à la position personnelle des auteurs , les uns
ministres, les autres conseillers, quelques-uns
ecclésiastiques; mais l'économie politique leur
doit sa propagation en Europe et d'excellens trai-
tés sûr une foule de spécialités importantes. La
plupart de ces économistes ont eu à braver l'in-
quisition de Rome, celle de Venise , les préjugés
contemporains et le despotisme de leurs gouver-
nemens. Us ont écrit contre les abus existans et
en quelque sorte sur la brèche. Leur vie fut un
combat et l'économie politique est restée pour
eux la science sociale, la science universelle:
partout ailleurs elle n'est que la science des ri-
diesses.
. En Espagne, elle fut toujours considérée com me
ralliée du fisc. Toute la législation économique de
DEUXIÈME ÉDITION. 25
354 HISTOIRE
ce pays esl empreinte d'un caractère exclusif qui
remonte jusqu'à l'expulsion des Maures, et à la
découverte du Nouveau-Monde. La liberté de l'in*
dustrie y succomba de bonne heure devant Fêta-
blissenoent des manufactures de monopole sei--
gneurial ou royal , et le besoin d'assurer à l'Es-
pagne le marché de l'Amérique y donna naissance
au système prohibitif qui a infecté, depuis, toute
l'Europe. Tous les fléaux économiques découlent
de cette source. En poursuivant à outrance les
Maures et les juifs, les Espagnols ont détruit dans
la Péninsule l'esprit d'entreprise et de spécula-
tion; en multipliant les couvens et les moines,
ils ont donné une prime à l'indolence et élevé la
mendicité au rang d'une profession. Les majo^
rats, la main-morte, la haine pour les étrangers
ont causé un égal préjudice à l'agriculture, à l'in-
dustrie et au commerce. Il n'y a peut-être pas de
pays au monde où l'administration économique
ait causé plus de maux ; et l'on pourrait dire que
l'Espagne a essayé sur elle-même tous les mauvais
systèmes, comme certains expérimentateurs es-
saient des poisons. Que pouvaient-on tenter d'u-
tile sous la menace des rigueurs de l'inqiusitioii
et en présence des mines d'Amérique , dont les
produits inépuisables semblaient improvisés tout
exprès pour réparer toutes les erreurs, pour faire
illusion sur tous les dangers 1 Cette prospérité a
DE L^BOOlfOMIE POLITIQUE. SU
été ansâ blale ji TEspaigiie que les plus gnnds
malhears. Elle l'a endormie dans ane sécurité
fîmeste; elle lai a fait croire que la poissaoce des
ÉMs résidait dans les métaux précieui et non
dans le travail; elle a engendré les préjugés ab-
swdes de la balance du commerce et les lois dra-
coniennes contre l'exportation du numéraire;
die a couvert de fleurs les bords du précipice où
cette monarchie de^it un jour s'engloutir.
C'est dans les écrits même, publiés sous Tin-
floence de ces préjugés déplorables, qu'il faut
di^rcher l'explication de la décadence de l'Es-
pagne et du progrès des mauvaises doctrines éco-
nomiques dans ce pays. Presque tous rédigés par
des prêtres ou par des employés du fisc, ces trai-
tés sont de véritables manifestes contre les prin*>
eipes fondamentaux de la richesse des nations.
Oppression au dedans, exclusion au dehors, telle
est leur devise. On dirait, en les lisant, que Tes^
pèoe humaine a été créée pour le bon plaisir de
quelques familles ou de quelques corporations.
Toutefois, vers la fin du dix-huitième siècle, le
mouvement philosophique parti de France péné**-
tra en Espagne et y produisit une réaction favo-
rable à l'économie politique, sous le règne de
Gharlesi III. Des commissaires furent nommés
pour explorer les possessions américaines; des
canaux furent tracés, des routes ouvertes dans la
356 HISTOIRE
métropole et la banque de Saint-Charles semUa
vouloir initier les Espagnols aux avantages da
crédit. En même temps, Gabarrus, Jovellanos,
Danvila^ Martinez de la Mata, Semperé y Guari»
nos, et de nos jours, Yalle Santoro, Florez Ex-
trada, et plusieurs membres distingués des cor-
tés essayaient de rappeler la nation aux prindpes
trop long-temps méconnus de l'économie politi-
que.
Mais tous ces efforts ont été impuissans contre
l'opiniâtreté des préjugés nationaux et contre les
malheurs dont l'Espagne a été accablée depuis le
commencement du dix-neuvième siècle. Le sys-
tème prohibitif lui a fait perdre ses plus belles
colonies; les monopoles industriels ont détruit
toutes ses manufactures ; la dime , les majorats
ont frappé son agriculture de stérilité ; la guerro
a dissipé ce qui lui restait de capitaux et l'anar*
chie paralyse encore les efforts qu'elle fait pour
reprendre son rang parmi les nations. Jamais
peuple n'offrit un exemple plus frappant des châ-
timens qui suivent les erreurs en économie po*
litique, et jamais les citoyens d'aucun pays n'ex-
pièrent d' une manière plus cruelle les fautes de leur
gouvernement. Il n'y a pas une seule plaie sociale
de cette monarchie qui ne soit le résultat d'une
mauvaise doctrine et l'on pourrait dire qu'elle a
servi d'exemple à toutes les autres en leur appre-
DE l'Économie politique. 367
nant à profiter de ses mécomptes. L'école écono-
mique espagnole est en effet celle qui a répandu
le plus de préjugés commerciaux dans le monde^
et l'Espagne est le pays qui en a le plus souffert.
Son économie politique est encore la même que
celle de Charles-Quint et les protestations élo-
quentes de Jovanellos et de Florez Estrada n'ont
pu parvenir à l'entamer.
L'économie politique a eu, en France, des des-
tinées plus heureuses. Il ne s'est pas passé un
siècle sans que des voies généreuses se soient
élevées pour le triomphe des principes éternels
de justice dans la répartition des profits du tra-
vail. Dés le règne de saint Louis, les corporations
assuraient à chaque corps de métier; si ce n'est à
chaque travailleur , une certaine indépendance ;
rx>uvrier était assu}éti à une discipline sévère,
mais du moins la corporation était libre. Sous
Henri lY , l'agriculture eut son tour , et les
paysans affranchis d'une foule de vexations, sor-
tirent pour la première fois de l'état de torpeur
où le régime féodal les avait plongés. On voit, en
lisant les écrits de Sully, que ce grand ministre
travaillait d'une manière systématique à émanci-
per l'agriculture, et que cette branche mère de la
production occupait déjà dans son esprit le rang
qui lui est du. Colbert organisa l'industrie sur
358 HISTOIRE
des hases nouvelles '; il lui donna des enooura-
gemens et des lois et nous avons prouvé qu'il fut
moins hostile qu'on ne pense aux intérêts agrico-
les. Puis, vinrent la période de Law, la fondation
et les orages du crédit, douloureuses expériences
qui eurent du moins l'avantage de faire connaî-
tre à la France un des principaux élémens de sa
richesse future. Les économistes du dix*huitième
siècle achevèrent de compléter l'œuvre des siècles
précédons, en exposant la première théorie éco*
nomique qui ait servi d'introduction à la science.
Ce fut comme un signal donné à l'Europe, et dés
ce mioment, la pensée humaine sembla n'avoir
plus de relâche. Chacun comprit que la science
sociale intéressait les citoyens les plus modestes
autant que les têtes les plus augustes. La société
voulut se connaître elle-même : elle étudia les
phénomènes de sa propre physiologie, et c'est
ainsi que d'expériences en expériences, même au
prix de ses malheurs, la France est parvenue à
poser le problème de l'avenir avec sa netteté ao*
coutumée, à tous les peuples et à tous les gouver*
nemens. L'économie politique a été philosophi-
que en Italie et fiscale en Espagne; c'est seulement
en France qu'elle a pris le caractère organisateur
et social.
L'Angleterre lui a donné une physionomie et
• Voir le chapitre xxvii de cette Histoire.
DE l'ëcoisomib politique. 350
une tendance exclusivement industrielles. L'éco-
nomie politique n'est considérée dans ce pays que
comme la science des richesses. Los écrivains an-
glais ont étudié les richesses d'une manière abs-
traite et indépendante des maux qui en accom-
pagnent trop souvent la production. On leur a
reproché avec raison d'avoir trop séparé le bien-
être des travailleurs des questions de manufac^
tures et de machines, et de se montrer insensi-
bles aux souffrances des classes ouvrières. La
l^upart des écrivains modernes de cette école ,
renonçant aux séductions du slyle, si puissantes
pour le triomphe même de leurs doctrines, ont
traité l'économie politique comme l'algèbre, et
ils se sont hasardés à soutenir que toutes les pro-
positions de la science pouvaient être démontrées
avec une exactitude mathématique. Cette ten-
dance ne les a pas conduits aux solutions les plus
philan tropiques , mais elle leur a permis de
poursuivre avec une logique inflexible les consé-
quences de leurs principes. Ils sont ainsi parve-
nus à donner à la langue économique une préci-
sion qui a beaucoup contribué aux progrès des
idées. Ce sont les Anglais qui ont le mieux dé*
fini les mots, production, capital, concurrence, crédu
et une foule d'autres non moins importans. Ik;
ont créé une nomenclature qui a fini par être
adoptée par tous les économistes de l'Europe et
360 HISTOIRE
• *
qui servira de point de départ à leurs travaux
futuirs.
Nous avons signalé le vice radical de cette éoole
sévère et positive et le danger des complications,
que ses doctrines ont fait naître. £n sacrifiant
toutes les considérations sociales au besoin de
créer de la richesse, les Anglais ont développé
outre mesure la puissance productive de la nation,
mais ils n'ont pas ajouté en proportion au bien-
être des travailleurs; heureux, ceux-ci, quand le$
crises commerciales n'en ont pas fait des victimes
de la concurrence ou de la baisse des salaires! L0
moment n'est pas encore venu d'affirmer jusqu'à
quel point ce système d'excitation à consommer
a pu contribuer au développement de la produc^
tion, en multipliant, avec les besoins, l'ardeur
pour le travail, qui seul permet de les satisfaire.
L'accroissement continuel des impôts, principa-
lement sur les matières de consommation, a con-
damné les habitans de ce pays à une fièvre con-
tinuelle de perfectionnement. L'Angleterre est
devenue une immense usine, un comptoir uni-
versel. Assise sur une double couche de houille
et de fer, ouverte au commerce extérieur par plus
de cent ports excellens, elle a trouvé dans son
sein des hommes de génie qui l'ont sillonnée de
canaux et de routes, qui ont tm^^ans^ les premiers,
sinon inventé, la machine à vapeur; qui ont doté
DE l'Économie politique. 361
leur pays du métier à filer et des chemins de (év.
Elle a fondé son crédit sur des bases si laides,
que la fortune nationale s'en est accrue comme
d'une conquête métallique; elle a semé l'instruc-
tion d'une main si libérale, que nulle aptitude
n'y saurait courir le risque de demeurer stérile.
Pour comble de bonheur» cet empire a rencontré
dans la plupart de ses ministres des intelligences
supérieures qui se sont mises au service de la
science, et qui ont exécuté avec une rare habileté
ses prescriptions les plus ditficiles. Aussi , T An-
gleterre est-elle devenue la terre classique des
expériences économiques et c'est de ce grand la-
boratoire qu'elles débordent aujourd'hui sur le
inonde.
Les économistes allemands ont considéré la
science d'un point de vue philosophique et poli^
tique qui les distingue entièrement des autres
écrivains européens. Peu s'en faut qu'à leurs
yeux l'économie politique ne soit que la science
de l'administration, la science de l'État, la réu-
nion des sciences caméraJeSj comme ils l'appellent.
Ils y comprennent presque toujours la diploma-
tie, le droit constitutionnel , la statistique et
même la police de l'État, amalgames étranges où
les meilleurs esprits n'auraient pas manqué de se
perdre, si la difficulté même du sujet ne leur
avait pas imposé une réserve salutaire. On compte
368 HISTOIRE
parmi eux un grand nombre de partisans du sys-
tème de Quesnay, nommément M. Schmalz qui a
publié dans ces dernières années un traité qu'on
croirait destiné à restaurer les doctrines des pAy-
shcraies. MM. les professeurs Rau, de Heideiberg,
et Pœlitz, de Leipsig, ont exposé de la manière
la plus complète les principes de l'économie po-
litique tels qu'ils sont entendus en Allemagne;
non que l'Allemagne aient prétendu avoir sa
science particulière et des procédés plus parfaits
de production et de distribution de la richesse,
mais parce que dans ce pays Téconomie politique
a toujours été considérée dans ses rapports avec
le droit public et l'administration. Plusieurs
écrivains ont même eu la pensée de lui donner
une base théologique, et elle ne se présente nulle
part avec un cortège plus nombreux de dévelop-
pemens et d'applications. M. le comte de Soden,
qui l'appelle la science de l'économie de l'État
{Staatê haushaltungs kunde)^ la divise en théorie ,
législcuion et adminùtrcuian. Les finances, la police,
l'éducation y occupent une place étendue.
Cette tendance de l'économie politique alle-
mande à envahir le domaine du publiciste est de-
venue presque générale en Europe. Déjà dans
mn Cours complet, J.-B. Say s'était livré à une
foule de digressions sur les consommations pu-
bliques, sur les travaux exécutés par l'État, sur
DE l'ëgonomib politique. 36S
rîDstruciion de la jeunesse, sur les dépenses de
la flotte et de Tannée. Le progrès de la richesse
générale lui avait démontré Futilité et même la
néœssité de l'intervention du gouvernement dans
les grandes entreprises d'utilité publique. Il se
relâchait peu à peu de la rigueur des principes
exclusifs qui lui avaient fait repousser si long-
temps cette puissante intervention. L'Angleterre,
de son côté, eii entrant pour la première fois dans
la carrière des enquêtes parlementaires apportait
des lumières nouvelles à l'économie politique et
prouvait de la manière la plus incontestable tous
les services qu'on pouvait attendre de l'influence
des gouvernemens sur la production. Toutefois,
l'Allemagne est demeuré fidèle à ses habitode&
métaphysiques, et nous ne connaissons rien de
plus opposé que les écrits de ses plus grands écor^
nomistes à la netteté des écrivains français et aux
formes sévères et didactiques des économistes de
l'Angleterre.
Le développement de l'industrie et du com-*
merce en Allemagne a commencé, néanmoins
depuis plusieurs années, à modiûer la tendance
trop spéculative de la science économique dans
cette contrée. M. Krause, auquel ses compatrio^
tes doivent un travail remarquable sur les doua-*
nés prussiennes, est descendu des régions meta*
physiques sur le terrain des applications et il a
3Si HISTOIRE
présenté des vues d'un grand intérêt pour l'agrî-^
culture^ notamment un plan développé de banque
territoriale, qui nous semble digne de médita-^
tîon. M. Zacharide, M. le professeur Hermann,
M. Malchus, M. de Nébénius, M. Buchhoiz sont
entrés de plus en plus dans la voie des réformes
pratiques et nous ne pouvons nous empêcher de
reconnaître que TAllemagne continue d'y mar-
cher de la manière la plus ferme et la plus éclai-
rée. L'association des douanes organisée par la
Prusse est la réforme économique la plus vaste et
la plus hardie qui ait été exécutée depuis un siè«
cle. L'esprit éminemment éclectique des Alle-
mands les a garantis de bonne heure de l'engoû-
ment des systèmes, et ils ont eu le bonheur de
profiter des expériences de leurs voisins, sans en
adopter les préjugés. Comme ils s' étaient tour
jours tenus à égale distance du régime exclusif des
Espagnols, du système manufacturier des Anglais
et des violencesanti-commercialesde la Révolution
française, la réforme a pu s'opérer parmi eux sans
bouleverser les existence factices qui opposent au-
jourd'hui tant d'entraves aux améliorations, dans
les autres pays. Moins absolus, les Allemands sont
moins gênés dans leurs mouvemens ; ils n'ont pas
de victimes à faire, point d'intérêts à sacrifier : la
réforme y coule à pleins bords comme sur une
terre vierge, et peut-être, tandis que la discussion
DE l'Économie politique. 3ft5
continue dans lés États renommés par leurs habi-
tudes pratiques, c'est dans le pays de lamétaphy-
si<|uc que se feront les essais les plus décisifs.
Quelles que soient les différeuces caractéristi^
ques qui distinguent aujourd'hui les systèmes d'é'*-
conomie politique en Europe, ils viennent tous
se fondre peu à peu dans une opinion commune,
la nécessité d'une répartition plus équitable des
profits du travail. Dans les pays même où la presse
et la tribune sont muettes, un instinct prophéti*-
que avertit les gouvememens des vrais besoin^
des peuples et leur impose l'obligation d'y satis^
faire. L'énergie employée jadis aux travaux de la
gu^re se porte vers de^ entreprises industrielles;
la condition de l'ouvrier est honorée , et nous
marchons rapidement vers l'accomplissement
d'un nouveau pacte, soit entre les travailleurs^
soit entre les nations. L'individu aspire à sa part
de la puissance collective des masses et nous ne
concevons plus d'autre état social que celui qui
assure à chacun un sort proportionné à ses talens
personnels et à son labeur quotidien. Les gouver-
nemens même sont obligés de gagner leur vie à
ta sueur de leur front et de résoudre des difficul-
tés qu'ils pouvaient impunément éluder , il y a
quelques années. Il s'est établi entre eux une
salutaire émulation de mesures favorables à l'ac-
croissement du bien-être général ; et l'on citerait
966 HISTOIRE
diiBeiiement un seul acte important d'adminis-
tration qui n'ait pour bût le progrès de la ri<^
cheâse publique et l'amélioration du sort des
citoyens les plus humbles^ Que de créations de
ce genre l'économie politique n'a-t'-elle pas pro-
voquées depuis le commencement du dix-neu-
vième siècle? L'ordre s'est rétabli dans les tinaïF
ces et la foi aux engàgemens publics est devenue
chose sacrée; les caisses d'épargne ont offert uo
asile aux économies du pauvre; des sociétés de
bienfaisance et de secours mutuels se sont miil-^
tipliées dans tous les pays éclairés; le commerce
a rapproché les peuples que la guerre avait trop
long-temps séparés. Aucune école économique
n'ose soutenir au grand jour le système exclusif,
et personne ne croît plus qu'un pays s'enrichisse
de la ruine de ses voisins. Les croyances respect
tives des vieilles sectes se confondront bientôt
dans une religion universelte , dans un catholi^
cisme industriel et pacifique qui résumera les
grands travaux du passé au profit et à la satis*<
faction des besoins de l'avenir* Quand une lign€|
de chemin de fer unira Marseille à Moscou, il n'y
aura plus d'économie politique allemande ni
française, et les douanes prussiennes auront cessé
d'exister. On ne dissertera plus sur ce qui nous
occupe tant aujourd'hui, si ce n'est pour regret-
ter qu'on ait délibéré si long-temps au lieu d'agir*
DE l'Économie politique. 367
CHAPITRE XLVI.
Des complications économiques résultant de raflPranchissement
industriel depuis 1789. — Des ineonvéniens de la concurrence.
— Conticadiction entre les faits et les lois. -^ Nécessité de les
mettre en harmonie. — Des révolutions qui se sont opérées
dans les relations commerciales depuis le dix-neuvième siècle.
— Modiications qui en résultent pourPéconomie politique.
Le moment est venu d'agir, en eflTet, car tout
marche d'un pas rapide et le mouvement qui nous
emporte nous laisse à peine le tenips de regarder
autour de nous. Il ne reste plus rien de l'ancien
état social sur lequel s'appuyaient les institutions
de nos pères ; un demi-siècle a suffi pour renou*
vêler la face de la terre et le théâtre des expè-
riences« Le malaise de la société actuelle dépend
surtout de l'incompatibilité qui existe entre le»
vieux systèmes et les intérêts nouveaux. Les
principes économique» qui nous régissent datent
de plus de deux cents ans, et notre constitution
industrielle n'a plus rien de commun avec celle
de l'époque où ils virent le jour. De quelque côté
que nous portions les yeux, ce contraste nous
frappe et présage une rénovation. L'examen que
nous allons en faire sera la conclusion de celte
histoire et en résumera la moralité.
I
Le premier coup fut frappé par la révolulion
française. C'est elle qui abolit dans une seule nuit
le droit d'aînesse , les substitutions , les majo-
rats, les dîmes et les privilèges de tout genre. A
l'ancien système de concentration des propriétés,
elle lit succéder leur division extrême, dont fes-
cès remet aujourd'hui en question les premiers
bienfaits. Elle affranchit le travail en abolissant
les corporations, et lit renaître le commerce en
supprimant les douanes intérieures. Mais, depuis,
nous avons vu croître sur ce terrain la concur-
rence illimitée, lamultiplication des exploitations
rurales au capital insutlisant, et l'agriculture à la
manière irlandaise. Une seule caste était, avant
1789, soumise ù l'impôt; l'égalité devant la loij
a soumis toutes les autres. La répartition a été
plus équitable sans doute; mais le fardeau s'est
singulièrement accru. La destruction des juran-
des accorda la liberté à l'ouvrier, mais elle sup-
prima la responsabilité des maîtres. La révolu-
tion donnaitbeaucoup: elledemandaitdavantage.
Ainsi, dès les premiers pas, toute l'ancienne or-
ganisation sociale était profondément modiflée, et
les institutions nouvelles demeuraient souDfiises
aux vieilles coutumes ou abandonnées au ha-
sard. En émancipant les hommes, on leur lais<
sait les fers aux pieds; la liberté allait leur de-
venir plus funeste que la servitude. Au lieu de
À
DE L'ECONOMIE POLITIQUE.
faire ta guerre à leurs maîtres, ils se la firent
entre eux.
Chacun sait les complications imprévues qui
sont nés de cet état de choses. Ce fut un beau
spectacle sans doute, que de voir la lice ouverte
à toutes les capacités; mais que de mécomptes!
Que d'espérances trompées î Que d'entreprises
malheureuses! Les uns, en se précipitant vers le
mariage comme vers la terre promise, n'engen-
drèrent que le paupérisme et ne recueillirent que
la misère ; les autres s'aventurant sans expérience
dans les hasards de l'industrie, n'y rencontrèrent
que la banqueroute, et crurent se sauver par les
prohibitions. Étrange aveuglement qui leur fai-
sait invoquer, comme un remède à leurs maux, le
âéau même qui avait causé les mauxde leurs pères
et qui n'était, apiès tout, que ta résurrection d'un
privilège! Te! fut le point de départ de la pre-
mière et de la plus funeste contradiction de notre
législation industrielle : eu rendant la liberté à
l'industrie, on ne la rendit point au commerce,
et la consommation fut attaqué par les fausses
mesures que l'on prenait pour augmenter les élé-
mens de la production. Loin de sortir de cette
fausse route, la France s'y est chaque jour en-
gagée davantage, de sortequ on a substituée l'an-
cienne aristocratie féodale une aristocratie de
douanes, qui profite des ni'inopoles au délrimeol
"1
de At
lent ■
À
970 HI8T01IIS
de la masse des iravailleurs. Le résultat de ce
système a été de constituer les^ chefs de l'indus^
trie en hostilité permanente entre eux-mêmes et
de placer les ouvriers dans la nécessité de se faire
une perpétuelle concurrence au rabais, c'est-i^
dire, d'accroître leurs chances de misère et de
privations. La (Urne de nos jours se lève dans les
ateliers ; nos forges et nos filatures sont devenues
des donjons où siègent, revêtus de leurs armu-
res d'or, les hauts et puissans seigneurs de l'in-'
dqstrie moderne. -
Le régime colonial actuel n'est pas moins in-
compatible avec la situation véritable des colo-
nies. Il n'y a plus de colonies, dans l'acception
du mot, le trafic des nègres est interdit par des
traités solennels : l'esclavage a été aboli par le
parlement d'Angleterre, et dans le Nouveau-
Monde, une république noire vient de traiter d'év
gale à égale avec sa métropole. Les Anglais et les
Espagnols ont perdu leurs plus belles possessions
dans les deux Amériques. Et cependant le régime
colonial subsiste toujours : faute du corps on
s'attache à l'ombre ; on prétend conserver avec
des nations libres les habitudes despotiques et
exclusives qu'on avait prises avec des établissemens
asservis. L'expérience et Téconomie politique ont
beau démontrer qu'on gagnerait davantage à
traiter sur un pied plus libéral; la routine l'em-
DE l'Économie politique. 371
porie ei la contradiction survit. Le commerce
d'un grand peuple continue d'être subordonné
aux intérêts mal entendus de quelques petites
lies, comn^e un vaisseau amarré à ces cotps-mûrts
qui flottent à l'entrée de nos rades. En attendant^
les intérêts se compliquent et souffrent; l'escla-^
vâge fermente et l'on semble ne pas s'apercevoir
que les colonies s'en vont. >
Il n'est pas jusqu'au.t grands chemins du eom<
merce qui n'aient éprouvé leur révolution depuis
le commencement de ce siècle. La Méditerranée
a reconquis son sceptre, et la ville d'Alexandre
redevient ^entrepôt du commerce des Indes. Uû
éclair du génie de Napoléon a rallumé en Egypte
le flambeau <le l'industrie, éteint depuis plus de
nulle ans. Alger a cédé à nos armes^ et la Grèce
est sortie de ses ruines. La piraterie acesséses ra-*
vageS| et dans Constantiùople même Tesprit de
réforme pénètre chaque jour, à la faveur dé notre
influence et de nos idées. Nos bateaux à vapeur
parooilirent librement l'immense littoral de la
Méditerranée, et des relations inespérées s'éta^
Uifisent entt'e des peuples long-temps inconnus
le^; uns aux autres. Tous ces événemens ne sont-^
iU pas destinés à produire de profonds change^
mens dans l'économie politique européenne? Et
n'esttil pas à craindre qu'en persistant dans une lé^
gislation faite pour d'autres tetiips^ nous ne soyon»
574 HISTOIRE
tune privée des habitans en môme temps que h
richesse publique. Nul ne saurait nier désormais
l'importance de Tintervention officielle du gou-
vernement dans les grandes entreprises d'utilité
générale. Si le pouvoir faisait un pas de plus et
s'il prenait l'initiative d'une grande réforoie danf
celles de nos lois qui ont cessé d'être an harmck
nie avec la tendance actuelle de la civilisation. Té-
conomie politique aurait remporté qne de ses
plus grandes victoires. Nos lois civiles se ressen-
tent encore de l'époque où elles furent rendues
et du principe qui les a inspirées. Napoléon qui
donna son nom à ce Gode, succédait à un régime
de lutte et de spoliation; il voulait reoon^titucfr
une aristocratie et il rentrait dans la féodalité,
sans réfléchir qu'une puissance nouvelle s'était
élevée sur ses ruines et régnait désormais sur le
monde : c'était l'industrie. Ses ailes étaient re^
pliées sous la protection de l'Angleterre; mais
elle commençait k prendre son essor du haut de
ces grandes usines que le génie du travail a mul*
tipliées, depuis dans toute l'Europe. En vain les
privilèges de la propriété foncière, soigneusement
maintenus, semblaient-ils destinés à perpétuer
les vieilles distinctions de castes et la supériorité
du seigneur sur l'esclave : le commerce échappait
par la lettre de change aux entraves du régime
hypothécaire et pros{>érait des rigueurs de la loi
DE l'ecojvomië politique. 371^
60 même temps qnie la propriété sembltit modirur
de $e$ faveurs. Cette immense questioo sera
traitée un jour.. En présence de l'hypothèque de
j^us de onze milliards qui pèse sur la terre de
France et qui la paralyse, Tallure plus indépen*
dante de l'industrie et du commerce, encore bien
entravée pourtant doit être ua sujet sérieux de
méditations pour les économistes et pour les
hommes d'État. Il y a. tout un âge d'or à espérer
pour l'agriculture , du perfectionnement de la
législation à son égard.
Mais c'est surtout vers les grands travaux de
communications que se dirige la sollicitude ac-
tuelle des peuples. L'isolement qui les avait tenus
si long-temps plongés dans la barbarie, fait pla<^
à des relations tous lejs^ jours plus intimes, et la
baisse du prix des transports ajoute une valeur
immense à de$ produits jusque là dédaigné$. Il
De faut pas espérer^ toutefois , que les grandes
difficultés de Téconomie politique seront résolues
dans un avenir peu éloigné. Celles qui lui restent
à vaincre appartiennent désormais à la pratique
et c'est là que les moindres fautes peuvent enr
traîner des conséquences déplorables. Après
avoir dissei^té pendant plus d'ua. siècle sur le
plus ou moins d'importance de l'intervietation des
gouvernemens; il faut les mettre à l'çBuvre par-
tout où les ressources isolées des particuliers
372 HISTOIRE
surpris par quelque fatale catastrophe ? Venise n-a-
t-elle pas commencé à déchoir le jour où les Por-»-
tugai^ doublèrent le cap de Bonne-Espérance ?'*>
Les c|iangemens que nous venons d'indiquer
ne sont pas les seuls qui se soient passés depuis
cinquante ans et qui méritent l'intérêt des éco^'
nomistes. Sans sortir du domaine des laits maté^
riels, nous n'avons qu'à jeter nos regards sur lè
mouvement des sciences physiques, chimiques et
mécaniques. Un nouveau monde tout entiery a été
découvert, et nous consommons aujourd'hui pour
plusieurs centaines de millions de francs de pro-^
duits qui étaient à peine connus de nos pères. La
production générale des tissus de coton s'élève à
près de deux milliards; celle du sucre à plus de
cinq cents millions. A calculer l'accroissement <le
l'industrie des laines, des toiles, du fer, delà
houille, des places et le développemait prodi-
gieux de ces milliers de manufactures domesti-
ques établies au sein de nos grandes villes, vous
ne tarderez pas à reconnaître que tous les élément
de la production sont changés et qu'il faut de
nouvelles lois à ce monde nouveau. Chaque jour-
nous apporte sa découverte, et tandis que les na-
vires du commerce multiplient les arrivages de*
matières premières, le génie de la mécanique ewt*\
seigne. des procédés plus économiques pour 1^:
mettre en œuvre. Les échanges devenus phi».
DE l'Économie politique. 873
nombreux ont amené à leur tour des modifica*
lions dans le système du crédit public et privé-.
La nécessité familiarise peu à peu les esprits avec
Toi^nisation des banques, avec les emprunts
publics; et la confiance, jadis si lente à venir, dér-
pasfie quelquefois les limites du possible dans les
grandes spéculations de notre temps. La puis*
sance de Tassociation ne connaît plus de bornes.
Aussitôt qu'un obstacle se présente, une armée
d'assi^ans accourt pour le lever et semble se
jouer des résistances même de la nature. Ici un
pont suspendu réunit deux montagnes ; plus loin
un merveilleux tunnel essaie de passer sous le lit
d*un grand fleuve ; ailleurs quelque canal * vole
décrète en crête, comme une ligne imaginaire,
au travers de l'espace.
. Les gouvernemens se sont associés avec em-
pressement à ces œuvres hardies, et pour ne par-
ler que d'un seul pays, nous avons vu depuis peu
d'années la France à peine remise des troubles
de sa dernière révolution, reprendre et achever
ses monumens, multiplier ses canaux, ouvrir ses
chemins de fer, curer ses rivières et voter des
sommes immenses pour l'agrandissement de ses
ports. Il se fait ainsi dans chaque cx)ntrée de vé-
ritables découvertes, qui équivalent à des agran-
dissemens de territoire et qui augmentent la for-
' Celui du lac l^.rié, aux Ktats-rnis.
374 HISTOIRE
tune privée des habitaris en môme temps que la
richesse publique. Nul ne saurait nier désormaU
l'importance de Tintervention officielle du gou*-
vernement dans les grandes entreprises d'utilité
générale. Si le pouvoir faisait un pas de plus é{,
s'il prenait l'initiative d'une grande réforipe danf
celles de nos lois qui ont cessé d'être an harmiûk
nie avec la tendance actuelle de la civilisation, Vé'
conomie politique aurait remporté qne de ées
plus grandes victoires. Nos lois civiles se ressens
tent encore de l'époque où elles furent renduec
et du principe qui les a inspirées. Napoléon quf
donna son nom à ce Gode, succédait à un régiifie
de lutte et de spoliation; il voulait reconstitue^
une aristocratie et il rentrait dans la féodalité^
sans réfléchir qu'une puissance nouvelle s'étiiH
élevée sur ses ruines et régnait désormais sur le
monde : c'était l'industrie. Ses ailes étaient reit
pliées sous la protection de l'Angleterre; maifi
elle commençait à prendre son essor du haut de
ces grandes usines que le génie du travail a mul*
tipliées, depuis dans toute l'Europe. En vain les
privilèges de la propriété foncière, soigneusemedt
maintenus, semblaient-ils destinés à perpétuer
les vieilles distinctions de castes et la supériorité
du seigneur sur l'esclave : le commerce échappait
par la lettre de change aux entraves du régime
hypothécaire et pros|>érait des rigueurs de la loi
DE L ÉCONaMUl POLITIQUE. 375
em même teBipE que la propriélé sembbU mourir
de te» fofeurs. Celte immeoM question sera
tiaitée un joar. En présence de l'hypothèque de
pins de onze milliards qui pèse sur h terre de
France et qui la paralyse, l'allure plus indépen*
dante de l'industrie et du commerce, encore bien
entrawe poortant doit être un sujet sérieux de
méditations pour les économistes et pour les
hommes d'État. U y a tout un âge d'or à espérer
pour l'agriculture , du perfectionnement de la
législation à son égard.
Mais c'est surtout vers les grands travaux de
communications que se dirige la sollicitude ac-
tuelle des peuples. L'isolement qui les avait tenus
« long-temps plongés dans ta barbarie, fait place
à des relations tous les jours plus intimes , et la
iMJsse du prix des transports ajoute une valeur
immense à des produits jusque là dédaignés. Il
ne fout pas espérer^ toutefois, que les grandes
difficultés de réconomie politique seront résolues
dans un avenir peu éloigné. Celles qui lui restent
à vaincre appartiennent désormais à la pratique
et c'est là que les moindres fautes peuvent en?*
traîner des conséquences déplorables. Après
avoir disserté pendant plus d'un siècle sur le
plus ou moins d'importance de rintervantion des
gouvernemens; il faut les mettre à Tœuvre par-
tout où les ressources isolées des particuliers
376 HISTOIRE
sont devenues insuffisantes. En matière de finan-
ces, la pratique à donné plus d'un démenti so-
lennel aux théories. Qui eût dit, par exemple^
quand le docteur Price développa son ingénieuse
théorie de l'amortissement, que cet expédient
réputé si efficace, serait rangé un jour parmi les
combinaisons financières les plus stériles ! Quand
la France, entraînée dans le système fiscal de la
r^tauration, croyait protéger le m^opole colo^
nrial-en surchargeant de droits les sucres étran-*
gers, qui eût pu croire que cette faveur si vive-
ment réclamée serait la cause principale de la
décadence des colonies ? L'Angleterre a cru pen*
dant près de deux cents ans que le plus sûr moyen
de diminuer le nombre des pauvres était d'avoir
une taxe des pauvres, et la taxe des pauvres a donné
naissance au paupérisme. Il s'est trouvé qu'après
avoir dépensé plus de quatre milliards de francs
pour secourir ses indigens ',1^ C^i^^nde-Bretagne
est obligée de revenir sur ses pas, de réviser sé^
vèrément ses lois à cet égard et de combattre, non
sans péril, le fléau qu'une erreur de son écono-
mie politique a fait naître.
C'est l'étude approfondie des faits qui a permis^
d'apprécier a leur juste valeur les conséquences
des théories économiques. La plupart de ces
* Voir la Slalislique de l* Angleterre^ publiée par M. Porter
et traduite par M. Chemin Dupontès, page 79.
DE l'économie politique. 377
théories n'étant que de»/ >nductiona tirées des
faits antérieurs^ il était difficile que ces.fait&aaai
observés, n'eussent pas inftué sur TeRaetitude
des conséquences qu'on en avait déduites. De*
puis que l'attention des gouveNiemens s'est cHri-'
gée de ce côté, la science a pu marcher d'un pal
plus sûr et l'administration procéder ^veo^ pkiy
de certitude. Gomment aurait-on pu établir des
impôts sur des bases équitables, à l'époque ^«à
l'on n'avait aucune donnée, même approximalH 0^
sur les profits des diverses industries, sur la ré^
partition des bénéfices entre elles et sur le nom-
bre des travailleurs dont leur personnel se oon*
pose! Y a-t-il long-temps que nous connaissons
le nombre des enfans-trouvés, la population de
nos hôpitaux et celle de nos prisons? Et cepen*
dant,. ces bases de toutes réformes et. même de
toute bonne administration sont les plus faciles à
recueillir et l'importance des autres est apprécié
depuis si long-temps, que le grand Golbert avait
ordonné l'exécution d'un travail de ce genre '.
On n'aborde plus désormais aucune question
â'économie politique avant de s'être livré à des
enquêtes sérieuses sur tous les faits qui s'y rat-
^ Cette grande pensée de Colbert a reçu son exécution. Il
existe au département des manuscrits de la Bibliothèque royale
une série de près de cent volumes de statistique , rédigés par
les intendans des provinces, sous les ordres du ministre, et qui
pourraient encore servir de modèles à nos préfets.
380 HISTOIRE
progrès qui ont été réaiisés, depuis que la paix
a permis aux gouvernemens et aux populations
de concentrer leur attention sur les réformes fa^
Torables à la prospérité générale. On a compris
de toutes paris que la puissance matérielle n'é*
tait qu'un auxiliaire du perfectionnement moral
et que la production des richesses ne devait être
considérée comme vraiment utile, qu'autant qu'il
en résultait une plus grande somme de bien-être
et de moralité pour les travailleurs. A.insi, en
Angleterre même, déjà l'on a réduit les heures de
travail pour l'enfance, et l'on a demandé aux
sciences physiques de nouveaux moyens d'assai-
nissement pour les ateliers. Les prisons n'ont
plus été abandonnées au bon plaisir des geôliers;
elles sont devenues de vastes usines où se font
chaque jour, avec une sollicitude qu'on ne sau-
rait trop louer, des essais d'amélioration qui
porteront bientôt leurs fruits. Des voyageurs of-
ficiels, volontaires de cette belle cause de l'hu-
manité, ont parcouru les Deux-Mondes pour y
étudier les méthodes essayées dans le but de i^-
mener au bien les criminels , naguère abandon-
nés. La bienfaisance elle-même a demandé con-
seil à la science; elle est devenue moins prodigue
de secours. Les hospices d'enfans-trouvés n'ou-
vrent plus à deux batlans les portes de leurs ci-
metières; il a sut&t de quelques formalités ingé-
DE L^ÉCONOMIE POLITIQUE. 381
BÎeuses pour rappeler les mères au seotiment de
leurs devoirs et pour épargner aux contribuables
des sommes considérables. La loterie a été sup-
primée ; la réprobation publique a fait fermer les
maisons de jeu.
Dans Tordre purement matériel, l'économie
politique n'a pas provoqué moins de changemens
surprenans et de progrès inespérés. Une popula-
tion tout-à-fait nouvelle de propriétaires mobi-
liers s'est élevée en face de la propriété foncière
et s'accroît tous les jours avec une rapidité sans
exemple. Les richesses créées par leur industrie
oflErent des débouchés nombreux aux produits de
l'agriculture et des ressources immenses au trésor
publie. Ainsi s'explique l'accroissement progres-
sif des impôts indirects, destinés à atteindre la
fortune industrielle des nations, et à augmenter
avec elle. Chaque année voit monter le chiffre
qui représente le produit de ces taxes : la poste
aux lettres, le timbre, le tabac, les douanes, les
octrois, les boissons , donnent des revenus de
plus en plus élevés, parce qu'ils sont proportion-
nés au mouvement ascendant de la richesse pu-
blique. Le même phénomène se reproduit dans
tous les pays civilisés et les créations de l'indus-
trie manufacturière et commerciale ont pris un
tel développement dans certaines contrées, comme
l'Angleterre, les États-Unis, que l'impôt indirect
574 HISTOIRE
tune privée des habitans en môme temps que la
richesse publique. Nul ne saurait nier désormais
l'importance de l'intervention officielle du gou*
vernement dans les grandes entreprises d'utilité
générale. Si le pouvoir faisait un pas de plus é\
s'il prenait l'initiative d'une grande réforipe danf
celles de nos lois qui ont cessé d'être an harmiDk
nie avec la tendance actuelle de la civilisation, l'é^
conomie politique aurait remporté qne de ses
plus grandes victoires. Nos lois civiles se ressen-
tent encore de l'époque où elles furent rendues
et du principe qui les a inspirées. Napoléon qui
donna son nom à ce Gode, succédait à un r^ime
de lutte et de spoliation; il voulait reconstituer
une aristocratie et il rentrait dans la féodalité,
sans réfléchir qu'une puissance nouvelle s'était
élevée sur ses ruines et régnait désormais sur le
monde : c'était l'industrie. Ses ailes étaient re^
pliées sous la protection de l'Angleterre; mats
elle commençait a prendre son essor du haut de
ces grandes usines que le génie du travail a mul-
tipliées, depuis dans toute l'Europe. En vain les
privilèges de la propriété foncière, soigneusement
maintenus, semblaient-ils destinés à perpétuer
les vieilles distinctions de castes et la supériorité
du seigneur sur l'esclave : le commerce échappait
par la lettre de change aux entraves du régime
hypothécaire et pros|>érait des rigueurs de la loi
DE L'ECOJVOJkllË POLITIQUE. 371^
em même temps que la propriété sembbit modirir
de $^ faveurs. Cette immense question sera
traitée un jour. En présence de l'hjpothéque de
j^us de onze milliards qui pèse sur la terre de
France et qui la paralyse, l'allure plus indépen*
dante de l' industrie et du commerce, encore bien
entravée pourtant doit être un sujet sérieux de
méditations pour les économistes et pour les
hommes d'État. Il y a tout un âge d'or à espérer
pour l'agriculture , du perfectionnement de la
législation à son égard.
Mais c'est surtout vers les grands travaux de
communications que se dirige la sollicitude ac-
tuelle des peuples. L'isolement qui les avait tenus
si long-temps plongés dans la barbarie, fait place
à des relations tous les jours plus intimes , et la
baisse du prix des transports ajoute une valeur
immense à des produits jusque là dédaignés. Il
ne faut pas espérer^ toutefois , que les grandes
difficultés de l'économie politique seront résolues
dans un avenir peu éloigné. Celles qui lui restent
à vaincre appartiennent désormais à la pratique
et c'est là que les moindres fautes peuvent enr
traîner des conséquences déplorables. Après
avoir disserté pendant plus d'un siècle sur le
plus ou moins d'importance de l'intervention des
gouvernemens; il faut les mettre à l'œuvre par-
tout où les ressources isolées des particuliers
574 HISTOIRE
tune privée dea habitans en môipe temps que b
richesse publique. Nul ne saurait nier désormaîi
l'importaDce de l'intervention officielle du gou-
vOTnement dans les grandes entreprises d'utilité
générale, âî le pouvoir faisait un pas de plus et
s'il prenait l'initiative d'une grande réforme daiif
celles de nos lois qui ont cessé d'être en harmo-
nie avec la tendanceactuellede la civilisation, )'é-
conomie politique aurait remporté Mne de ses
plus grandes victoires. Nos lois civiles se ressen-
tent encore de l'époque on elles furent rendues
et du principe qui les a inspirées. NapQJéon qnf
donna son nom à ce Cod«, succédait à un ré{;iine
de lutte et de spoliation; il voulait recon^tituffr
une ari^ocratie et il rentrait dans la féodalité,
sans réfléchir qu'une puissance nouvelle- s'était
élevée sur ses ruines et régnait désormais sur le
monde : c'était l'industrie. Ses ailes étaient itK
pliées sous la protection de l'Angleterre; maik
elle commençait à prendre son essor du haut'ck
ues grandes usines que le génie du Iravail a mul-
tipliées, depuis dans toute l'Europe. En vain Ië6
privilégesde la propriété foncière, soigneusement
maintenus, semblaient-ils destinés à perpétuer
les vieilles distinctions de castes et la supériorité
du seigneur sur l'esclave : le commerce échappait
par la lettre de change aux entraves du régiflM
hypothécaire et prospérait des rigueur», de kr toi i
DE L'ÉCONOMIB politique. 3^
peine écoulés qu'elle a retrouvé ses forces, relevé
son industrie et porté son commerce aux extré-
mités du monde. Au moment où je termine cet
ouvrage, les capitaux engagés dans les entrepris
ses industrielles s'élèventà plus de deux milliards
de francs dans notre pays ; ils ont atteint un total
double en Angleterre , et la masse de capitaux
versés dans les emprunts publics de tous les peu-
ples ne peut pas être évaluée à moins de cinc]^
fois cette somme. La création des canaux ' et Fa-
mélioration des routes ont triplé la valeur d'une
foule immense de propriétés et l'on a vu dans
quelques grandes villes les terrains s'élever au
prix exorbitant de mille francs le mètre carré»
Le capital national s'est partout accru avec une
telle rapidité et dans des proportions si extraor^
dinaires, qu'on peut hardiment affirmer qu'avant
vingt-cinq ans la propriété française aura triplé
de valeur. Le même mouvement ascendant se
manifeste dans toute l'Europe; et sans l'assis-
tance violente d'aucune révolution intérieure, la
paix suffit pour relever les conditions les plus
^ Il est établi sur des données certaines que le canal du Midi
a augmenté de vingt millions le revenu annuel des contrées
qH'il traverse et de plus de quatre millions les recettes do
trésor. 11 est pareillement établi que le canal du Centre a
augmenté de cinq à six millions le revenu territorial de la
France. « (M. Fillet Will : De la dépense et du produit des ea^
iMiftf, pageSl.)
384 HISTOIRE
humbles, en favorisant T émancipation des tÀK
yailleurs, par les profits croissans de leor travail «
On ne saurait évaluer d'une manière certaine le»
ehangemens qui s'opèrent. tous les jours de cette
manière; mais leur nombre s'augmente d'une
manière tellement régulière, que la constitution
de la société finira par être entièrement renouve-
lée. Ainsi disparaîtront les inégalités sociales les
plus choquantes et peut-être un jour les derniè^
res traces du prolétariat.
La science de l'économie politique a le droit
de revendiquer une belle part de ce progrès et
des dispositions pacifiques où se trouve l'Europe.
L'esprit dé conquête et d'envahissement a fait
son temps. Les nations les plus guerrières ont
tourné leur activité vers des travaux plus dura-'
blés et le véritable patriotisme consiste désormais
à enrichir son pays plutôt qu'à ravager les pays
voisins. La puissance a passé du côté de la ri-
chesse; la barbarie est devenue inhabile à trou-
bler le repos des contrées civilisées. C'est sur la
nature, à présent, qu'il est beau de faire des con-'
quêtes; c'est en domptant des lleuves, en exploi-
tant les mines^ en ouvrant des canaux et des rou-
tes qu'un peuple prouve sa supériorité et triom-
phe de ses rivaux. Les hommes ne vaudront
bientôt plus qu'en proportion des services qu'ils
peuvent rendre et non de rand)ition qu'il leur
DE l'Économie politique. 385
plairait de manifesler. Tout ce qui peut faciliter
l'accroissement des bénéfices dans les diverses
classes de la société, mérite plus de droits à la
sollicitude publique que les promesses, trop ra-
rement réalisées, des novateurs les plus ardens.
Les peuples ne vivent point d'ambroisie, et quoi-
qu'on ait reproché k l'économie politique de
courber leur front vers la terre , en s'occupant
trop exclusivement de produits matériels, chacun
sait aujourd'hui que le plus sûr moyen de relever
la dignité de l'homme, c'est de le mettre à l'abri
du besoin. La richesse seule ou tout au moins
l'aisance procure ces loisirs à la faveur desquels
le citoyen respire libre et jouit dignement du
fruit de sou travail. Ce' qui s'est fait jusqu'à ce
jour de grand et d'utile en économie politique a
eu pour but de procurer aux hommes un peu plus
de loisir avec moins de fatigue et par conséquent
de favoriser le développement de rintelligence
chez les classes les plus disgraciées. La plus
grande somme d'indépendance personnelle chez
les citoyens, n'est-elle pas d'ailleurs ta plus sûre
garantie de la liberté? Le despotisme règne-t-il
chez les peuples riches ou chez les peuples pau-
vres?
U n'y a plus aujourd'hui un seul village qui
ne participe directement ou indirectement aux
bienfaits de la civilisation industrielle. Aussitôt
DEUXIÈME ÉDITIOn. 'ZS
1
3§6 HISTOIRE
qu'une découverte utile est exploitée sur un point
elle fait naître la consommation sur un autre, el-
le commerce transporte dans les cantons les plus
reculés de nos provinces, les produits les plus in-
génieux et les plus récens de nos villes. L^écono-
mie politique a démontré jusqu'à la dernière évi-
dence les heureux eifets de cette réaction qui
' nous a valu les travaux de communication si
nombreux et si variés dont le territoire européen
est sillonné. La géographie joue un rôle important
dans les combinaisons' économiques des temps
modernes. On sait ce que valent l'embouchure
de l'Escaut, celle du Rhin, celle du Danube. On
ne traverse plus le Rhin avec des armées ; on ne
jette plus des ponts de chevalets sur le Danube,
pour les grandes batailles : on y établit de$ ba*
teaux à Vapeur. Tous ces fleuves militaires sont
devenus des lignes commerciales. La lutte s'éta*
blit maintenant entre ces fleuves et le chemin de
fer , dernière expression du progrès industriel.
Qui eût dit en 1804, lorsque dans un recoin ob-
scur du pays de Galles, une machine à vapeur se
mit en mouvement pour la première fois sur des
barres de fer, en traînant à la remorque un convoi
de wagons, que c'était là le commencement d'une
révolution destinée à changer la face du monde!
Des centaines de millions se sont mis depuis lors,
au service de cette merveilleuse machine, q«i
DE l'égonomib politique. 3B7
n'est peul-^re encore aux locomotives pcriec-
tionnées de Tavenir, que ce que les fusils à mèche
fiirent aux armes à feu de nos jours. Mais que de
questions font déjà nattre les changeroens qui
s'opèrent à la suite de ces admirables machines!
Sur un pointi la valeur des propriétés décuplée,
et réduite peut-être au dixième sur un autre
poini; ici des débouchés nouveaux; ailleurs, la
perte 4e tous les débouchés. Cinq cent mille voya-
geurs circulent où l'on en comptait à peine quel-
ques milliers et le rapprochement des distances
donne lieu i des révolutions pareilles à celles
qu'entraîneraient des déplacemens de territoire.
TeUes sont les phases nouvelles sous lesquelles
déflCM^mais l'économie politique doit étudier le
mouvement industriel et social, dont l'humanité
lui demandera compte. U faut qu'elle ait les yeux
toujours fixés sur cette grande loi de la réparti-
tion la plus équitable des profits de travail; tant
qu'il y aura des milliers d'hommes qui seront pri-
vés=des premières nécessités de la vie, au sein
d'une société riche de tant de capitaux et de tant
de machines, il restera quelque chose à faire et
la tâche de l'économiste ne sera pas finie. La ci-
vilisation est appelé à couvrir d'une protection
commune, comme fait le soleil , le riche et le
pauvre, le fort et le faible, l'habitant des villes et
378 HISTOIRE
tachent. Quand le gouvernement anglais a voulu
réduire les droits énormes qui pesaient sur les
soieries de France, une enquête solennelle a per^
mis à tous les intérêts de se faire entendre et
cette enquête est devenue un traité complet sur
la matière. La discussion du renouvellement du
privil^e de la banque, a donné lieu à un travail
semblable, le plus curieux peut-^tre qui ait été
fait sur une question de finances. Le projet d'é-^
taUir un système de communication avec l'Inde
par la mer Rouge a été également précédé des
recherches les plus approfondies. Enfin la grande
enquête exécuté à Toccasion de la révision des
lois sur les pauvres a été le signal d'un travail
analogue dans tous les pays de l'Europe : chaque
peuple a voulu connaître la gravité de ses blés*
sures et chercher les moyens d'y remédier.
L'économie politique étant appelée à résoudre
tous ces problèmes d'un intérêt social , s'éclaire
chaque jour de nouvelles lumières, même dans les
pays soumis aux gou ver nemens absolus. Le bud*
jet des dépenses, celui des voies et moyens, la loi
des comptes permettent d'apprécier le véritable
état de la fortune publique; par le compte rendu
annuellement de la justice civile et criminelle,
on peut se faire une idée exacte du mouvement
des affaires et de l'état des mœurs; les résultats
de l'enseignement primaire, les budjets des coin-
DE l'Économie politique. 379
mùDâs, les statistiques locales exécutées avec un
soin extrême dans quelques départemens * ne
laissent aucun refuge aux argumens de la routine
et du préjugé. Les documens industriels sont
plus rares. Le gouvernement ^ pénétré de l'idée
que toutes les questions reiattves à la production
devaient être abandonnées à la vigilance de Tin-
térôt privé, n'a publié que fort tard et très in-<<
complètement d'abord, les faits dont il était dé-
positaire, tels que les tableaux d'entrée et de
sortie des marchandises, le produit des mines, te
nombre des établissemens industriels de tout
genre. On ne savait rien, il y a peu de temps, de
la situation des entrepôts , de l'importance du
transit, de l'étendue de notre cabotage. Peu à
peu, néanmoins, à mesure que les faits sont re*
cueillis avec plus d'exactitude, les questions s'é*
claircissent et marchent vers une solution qu'on
n'aurait jamais pu espérer de la seule influence
des principes. Des discussions approfondies au
sein des Chambres sont venues compléter dans
ces derniers temps, l'enseignement qui résultait
déjà des progrès de la statistique, et l'économie
politique est entrée dans une ère nouvelle, toute
d'expériences et d'applieations. •
De quelque côté qu'on tourne ses regards, il
est impossible de n'être pas frappé de tous les
^ Celle du Haat-Rtiiii, par exemple, qui laisse peu à désirer^
380 HISTOIRE
progrès qui ont été réalisés, depuis que la paix
a permis aux gouvernemens et aux populations
de concentrer leur attention sur les réformes fa^
Yorabtes à la prospérité générale. On a compris
de toutes paris que la puissance matérielle n'é-
tait qu'un auxiliaire du perfectionnement moral
et que la production des richesses ne devait être
considérée comme vraiment utile, qu'autant qu'il
en résultait une plus grande somme de bien-être
et de moralité pour les travailleurs. 4insi, eo
Angleterre même, déjà l'on a réduit les heures de
travail pour l'enfance, et l'on a demandé aux
sciences physiques de nouveaux moyens d'assai-
nissement pour les ateliers. Les prisons n'ont
plus été abandonnées au bon plaisir des geôliers^
elles sont devenues de vastes usines où se fonl
chaque jour, avec une sollicitude qu'on ne sau-
rait trop louer, des essais d'amélioration qui
porteront bientôt leurs fruits. Des voyageurs of-
ficiels, volontaires de cette belle cause de l'hu-
manité, ont parcouru les Deux-Mondes pour y
étudier les méthodes essayées dans le but de ra-
mener au bien les criminels , naguère abandon-
nés. La bienfaisance elle-même a demandé con*
seil à la science; elle est devenue moins prodigue
de secours. Les hospices d'enfans-trouvés n'ou-
vrent plus à deux batlans les portes de leurs ci-
metières; il a sut&t de quelques formalités ingé-
DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. 389
de Rouen, de Lille, de Mulhouse, de Saint-Quen-
tin, de Lyon, de Marseille, se couvre de faubourgs
opulens et de maisons de campagne délicieuses.
Les villages seuls demeurent immobiles et con-
serjir^nt de génération en génération leur aspect
de misère et de monotonie. On n'y voit que fu-
mier et que malpropreté ; partout des murs en
ruines, des demeures couvertes de chaume , des
enfans mal vêtus et plus mal élevés. A présent ,
si vous considérez que les habitans de ces tristes
réduits composent les deux tiers de la population
française et consomment à peine le quart du pro-
duit de nos manufactures, vous reconnaîtrez aisé-
ment qu'il reste beaucoup à faire pour améliorer
leur condition et pour assurer des débouchés à
nos produits manufacturiers. N'y a-t-il pas sujet
de réfléchir sur un système de production qui
nous force de chercher des consommateurs aux
ej^trémités du monde , quand à nos propres
portes, au sein de notre patrie, nous avons
des travailleurs qui manquent de tout! Nous
ne pouvons vendre nos toiles et plus de dix
millions de nos concitoyens n'ont pas de linge !
Nous demandons des primes à l'exportation des
sucres, et il y a des vieillards et des enfans qui
n'ont jamais connu, qui ne connaîtront jamais,
peut-être , cette denrée ! Cent arpens de terre se
382 HISTOIRE
y est presque devenu la seule base du budjet des
recettes de ces États. Ëii niême temps, l'épargne
y favorise la multiplicalion des capitaux et per-^
met d'entreprendre^ sous les auspices de l'asso^
ciation, des travaux productifs de nouvelles épar*
gnes et de richesses indéfinies. Toutes les fron*
tières paraissent s'agrandir devant ces armées de
travailleurs; on découvre des mines inconnues;
on exploite des forêts vierges ; on crée des pro^
duits qui semblaient fabuleux. En France, la
betterave et le mûrier ont fait doubler la con^
sommation du sucre et de la soie; en Angleterre,
le lin menace de supplanter nos toiles; en Bel^
gique, la fabrication des machines s'étend déjà
sur une échelle immense et semble, néanmoins à
peine commencer. Qui oserait soutenir^ en pré*
sence de ces résultats^ la possibilité de maintenir
un régime économique né pour d'autres besoins
et dans des circonstances si différentes ?
Il y a vingt-Kîinq ans à peine , l'Europe était
bouleversée de fond en comble par une guerre
générale, inouïe dans les fastes de l'histoire. Le.
commercé maritime était anéanti, les manufac*'
tures souffrantes, lescapitaux dissipés fie crédit
semblait perdu pour jamais. Tout-à-çoup^ b
France proclame le principe de la fidélité aux
ettgagemens; elle emprunte des sommes énor-^
ihes pour payer ses dettes et dix ans se sont à
DE L'ÉCONOMIB POLITIQUE. 383
peine écoulés qu'elle a retrouYé ses forces, reievé
son industrie et porté son commerce aux extré-
mités du monde. Au moment où je termine cet
ouvrage, les capitaux engagés dans les entrepris
ses industrielles s'élèvent.à plus de deux milliards
de francs dans notre pays ; ih ont atteint un total
double en Angleterre, et la masse de capitaux
versés dans les emprunts publics de tous les peu-
ples ne peut pas être évaluée à moins de cinq
fois cette somme. La création des canaux ' et l'a-
mélioration des routes ont triplé la valeur d'une
foule immense de propriétés et l'on a vu dans
quelques grandes villes les terrains s'élever au
prix exorbitant de mille francs le mètre carré.
Le capital national s'est partout accru avec une
telle rapidité et dans des proportions si extraor-
dinaires, qu'on peut hardiment affirmer qu'avant
vingt-cinq ans la propriété française aura triplé
de valeur. Le même mouvement ascendant se
manifeste dans toute l'Europe; et sans l'assis-
tance violente d'aucune révolution intérieure, la
paix suffit pour relever les conditions les plus
^ U est établi sur des données certaines que le canal du Midi
a augmenté de vingt millions le revenu annuel des contrées
qu'il traverse et de plus de quatre millions les receUes du
trésor. Il est pareillement établi que le canal du Centre a
augmenté de cinq à six millions le revenu territorial de la
France. * (M. Pillet Will : De la dépense et du produii des ea-^
iMiMr, pageSl.)
384 UtSTOIRE
humbles, en favorisant rémancipation des tra^
vaiileurs, par les profits croissans de leur travail «
On ne saurait évaluer d'une manière certaine lès
chftDgemens qui s'opèrent tous les jours de cette
manière; mais leur nombre s'augmente d'une
manière tellement régulière, que la constitution
de la société finira par être entièrement renouve-
lée. Ainsi disparaîtront les inégalités sociales les
plus choquantes et peut-être un jour les derniè^
res traces du prolétariat.
La science de l'économie politique a le droit
de revendiquer une belle part de ce progrès et
des dispositions pacifiques où se trouve l'Europe^
L'esprit dé conquête et d'envahissement a fait
son temps. Les nations les plus guerrières ont
tourné leur activité vers des travaux plus dura-*
blés et le véritable patriotisme consiste désormais
à enrichir son pays plutôt qu'à ravager les pays
voisins. La puissance a passé du côté de la ri-
chesse; la barbarie est devenue inhabile à trou-
bler le repos des contrées civilisées. C'est sur la
nature, à présent, qu'il est beau de faire des con*'
quêtes; c'est en domptant des ileuves, en exploi-
tant les mines^ en ouvrant des canaux et des rou-
tes qu'un peuple prouve sa supériorité et triom-
phe de ses rivaux. Les hommes ne vaudront
bientôt, plus qu'en proportion des services qu'ils
peuvent rendre et non de l'ambition qu'il leur
DP. l'Économie politique. 385
lairaitde manifester. Tout ce qui peut faciliter
l'accroissement des bénéOces dans les diverses
classes de la société, mérite plus de droits à la
sollicitude publique que les promesses, trop ra-
rement réalisées, des novateurs les plus ardens.
Les peuples ne vivent point d'ambroisie, et quoi-
qu'on ait reproché à l'économie politique de
courber leur front vers la terre , en s' occupant
trop exclusivement de produits matériels, chacun
sait aujourd'hui que le plus sûr moyen de relever
la dignité de l'homme, c'est fie le mettre à l'abri
du besoin. La richesse seule ou tout au moins
l'aisance procure ces loisirs à la faveur desquels
le citoyen respire libre et jouit dignement du
fruit de sou travail. Ce qui s'est fait jusqu'à ce
jour de grand et d'utile en économie politique a
eu pour but de procurer aux hommes un peu plus
de loisir avec moins de fatigue et par conséquent
de favoriser le développement de l'intelligence
chez les classes les plus disgraciées. La plus
grande somme d'indépendance personnelle chez
les citoyens, n'est-elle pas d'ailleurs la plus sûre
gsffantie de la liberté? Le despotisme règne-t-il
chez les peuples riches ou chez les peuples pau-
vres?
. U n'y a plus aujourd'hui un seul village qui
ne participe directement ou indirectement aux
bienfaits. de la civilisation industrielle. Aussitôt
DmXIBNE ËDITIOM. 29
I
366 HISTOIRE
qu'une découverte utile est exploitée sur un point
elle fait naître la consommation sur un autre, el-
le commerce transporte dans les cantons les plus
reculés de nos provinces, les produits les plus in*
génieux et les plus récens de nos villes. L'écono*
mie politique a démontré jusqu'à la dernière évi-
dence les heureux effets de cette réaction qui
' nous a valu les travaux de communication si
nombreux et si variés dont le territoire européen
est sillonné. La géographie joue un rôle important
dans les combinaisons* économiques des temps
modernes. On sait ce que valent l'embouchure
de l'Escaut, celle du Rhin, celle du Danube. On
ne traverse plus le Rhin avec des armées ; on ne
jette plus des ponts de chevalets sur le Danube,
pour les grandes batailles : on y établit de$ ba*
teaux à Vapeur. Tous ces fleuves militaires sont
devenus des lignes commerciales. La lutte s'éta*
bllt maintenant entre ces fleuves et le chemin de
fer , da^nière expression du progrès industrie.
Qui eût dit en 1804, lorsque dans un recoin ob-
scur du pays de Galles, une machine à vapeur se
mit en mouvement pour la première fois sur des
barres de fer, en traînante la remorque un convoi
de wagons, que c'était là le commencement d'une
révolution destinée à changer la face du monde!
Des centaines de millions se sont mis depuis lors»
au service de cette merveilleuse machine, qui
DB L'ÉCONOMIfi POLITIQUE. 367
n'est peut-être encore aux locomotives pcrfee-
tionaées de l'avenir, que ce que les fusils à mèche
furent aux armes à feu de nos jours. Mais que de
questions font déjà naître les changeroens qui
s'opèrent à la suite de ces admirables machines !
Sur un pointi la valeur des propriétés décuplée,
et réduite peut-être au dixième sur un autre
point; ici des débouchés nouveaux; ailleurs, la
perte die tous les débouchés. Cinq cent mille voya*
fdurs circulent où l'on en comptait à peine quel-
ques milliers et le rapprochement des distances
donne lieu i des révolutions pareilles à celles
qu'entraîneraient des déplacemens de territoire.
TeUes sont les phases nouvelles sous lesquelles
désormais l'économie politique doit étudier le
mouvement industriel et social, dont l'humanité
hii demandera compte. U faut qu'elle ait les yeux
toujours fixés sur cette grande loi de la réparti-
tion la plus équitable des profits de travail; tant
qu'il y aura des milliers d'hommes qui seront pri-
vés des premières nécessités de la vie , au sein
d'une société riche de tant de capitaux et de tant
de machines, il restera quelque chose à faire et
la tâche de l'économiste ne sera pas finie. La ci-
vilisation est appelé à couvrir d'une protectioii
commune, comme fait le soleil, le riche et le
pauvre, le fort et le faible, l'habitant des villes et
388 HISTOIRE
celui des campagnes. L'économie politique doit
indiquer à la civilisation les mesures à prendre
pour étendre chaque jour davantage le bienfait de
cette protection.
Je citerai, en finissant, un exemple frappant
de ce qui reste à faire dans cette noble carrière;
Il est aujourd'hui incontestable que la richesse
publique s*est accrue en Europe et principale-
ment en France d'une manière rapide et brillantes
Dans quelle proportion avec l'ancienne fortune^
des différens pays, nul ne le sait; on ne sait pats
davantage dans quelle proportion les profits se
sont partagés entre les diverses classes de travailt-
leurs. Ce qui est certain, c'est que la population
des grandes villes et surtout des villes manufac^
turières et commerciales a profité beaucoup plus
que celle des campagnes du progrès général de là
richesse. Nos villes s'embellissent chaque jour de
constructions nouvelles; les citoyens qui les ha-
bitent jouissent de plus de douceurs qu^autrefoîs;
la bourgeoisie y est mieux logée, mieux vètue^
mieux nourrie. Les vieillards qui ont pu observer
l'aspect général des populations urbaines, il y a
un demi-siècle^ sont frappés du contraste qui
règne entre leur physionomie actuelle et la phy-
sionomie du temps passé. La banlieue de chaque
grand foyer industriel et commercial, du Havre,!
DE l'Économie politique. 389
de Rouen, de Lille, de Mulhouse, de Saint-Quen-
tin, de Lyon, de Marseille, se couvre de faubourgs
opulens et de maisons de campagne délicieuses.
Les villages seuls demeurent immobiles et con-
servant de génération en génération leur aspect
de misère et de monotonie. On n'y voit que fu-
mier et que malpropreté ; partout des murs en
ruines, des demeures couvertes de chaume, des
enfans mal vêtus et plus mal élevés. A présent ,
si vous considérez que les habitans de ces tristes
réduits composent les deux tiers de la population
française et consomment à peine le quart du pro-
duit de nos manufactures, vous reconnaîtrez aisé-
ment qu'il reste beaucoup à faire pour améliorer
leur condition et pour assurer des débouchés à
nos produits manufacturiers. N'y a-t-il pas sujet
de réfléchir sur un système de production qui
nous force de chercher des consommateurs aux
eictrémités du monde , quand à nos propres
portes, au sein de notre patrie, nous avons
des travailleurs qui manquent de tout! Nous
ne pouvons vendre nos toiles et plus de dix
millions de nos concitoyens n'ont pas de linge !
Nous demandons des primes à l'exportation des
sucres, et il y a des vieillards et des enfans qui
n'ont jamais connu, qui ne connaîtront jamais,
peut-être, cette denrée! Cent arpens de terre se
390 HISTOIRB OK L'ÉGONOMIB POUTIQUE.
vendent moins cher dans la Sologne et dans les
Landes qu'une fosse, à Paris pour se faire en-
terrer ! Voilà de singuliers contrastes : Téconomie
politique en est toute remplie, et cependant une
nouvelle histoire pleine de contraste plus étranges
commence pour elle, au moment où celle-ci finit.
BIBLIOGRAPHIE.
Ainsi que je l'ai anDoncé dans mon Introduction,
je n'ai pas eu le projet de doDoer ici une bibliogra-
phie complète de l'écoDomie politique, majs la plus
complète qui existe pour l'étude de la science, puis-
que aucun livre essentiel n'y a été omis. Tous les
ouvrages dont cette bibliographie se compose, ont
passé successivement sous mes yeux et j'ai essaya
d'en préciser la valeur par des notes brèves et carac-
téristiques. Le lecteur saura ainsi d'avance quel est
le livre auquel il peut avoir affaire , et jusqu'à quel
point il lui conviendra de l'approfondir. C'est un
travail qu'on n'avait pas osé tenter encore, d'abord
parce qu'il devait être long et fastidîenx, et ensuite
parce que la plupart des anciens livres d'économie
politique sont devenus fort rares : il sufBra de dire
que la Bibliothèque royale de Paris ne possède pas un
seul exemplaire original du T(^leau économique de
Quesnay. Les bibliothèques particulières m'ont été
d'un plus grand secours.
J'ai conservé scrupuleusement les titreû de ces ou-
392 BIBLIOGRAPHIE.
vrages dans la langue où ils ont été écrits, etj*ai seu-
lement indiqué en français ceux des livres étrangers
qui ont été traduits , de manière à dispenser de la
lecture des originaux. On peut ajouter foi aux notes
apologétiques ou critiques dont je les ai fait suivre
avec une impartialité vraiment cosmopolite. Mal-*
heureusement étranger à la langue allemande , j'ai
dû recourir, pour compléter mon catalogue 9 à To-
bligeance de mon savant ami , M. Théodore Fix, qui
a bien voulu composer pour mon ouvrage la biblio-
graphie dés économistes germaniques. Je n'ai pu
étudier que ceux qui ont été traduits , et je présente
son opinion ^ur les autres comme l'indication la plus
sûre que puissent souhaiter à leur égard tons les
lecteurs éclairés.
BIBLIOGRAPHIE
DES PRINCIPAUX OUVRAGES D'ÉCONOMIE POLITIQUE.
A.
Abeille, (L.-P^). Lettre d'un négociant sur la nature du corn-
merce dès grains, Paris, 1763, in-8.
— Réfieanons sur la police des grains en Angleterre et en
France. Paris, 1764, in-8.
— Effets d'un privilège exclusif sur les droits de proprié-
té, etc. Paris, 1764, in-8.
— Principes sur la liberté du commerce des grains. Paris,
4768, in-8.
Abot de Basinghen. Traité des monnaies et de la juridiction
de la Cour des Monnaies, en forme de dictionnaire, Paris,
4764,in-4,2vol.
— Table des monnaies courantes, Paris, 1767, in-12.
Agazzini (Michel). La science de l'économie politique, ou Prin-
cipes de la formation, du progrès et de la décadence de la
richesse, et application de ces principes à l'administration
des nations. Paris et Londres, 1822, in-8.
Le titre de cet ouvrage est un peu ambitieux; mais les doctrines en sont
généreuses et élevées. On peut surtout consulter avec fruit tout ce qui est re-
latif à l'assiette des impôts. L'auteur, quoique Italien, a écrit en français, non
MM quelque élégance.
Agoult (d ), ancien évêque de Pamiers. Des impôts indirects
et des droits de consommation, ou Essai sur Torigine et le
394 BIBLIOGRAPHIE.
système des impositions françaises, comparé avec celui
de l'Angleterre. jPari*, 1817, in-8.
Livre iotéressanl à consulter à cause des particularités qu'il renferme sur
les finances de l'empire et sur celles de l'Angleterre.
AL6AROTTi(Francesco). Saggio soprailcommercio^ con aleuni
frammenti economici dello stesso autore.
AlgaroUi est un grand seigneur littéraire qui s'est borné à des essais , mais
tous remarquables par la rectitude des idées, l'élégance du style et un certain
caractère d'évidence qui leur est propre. Il considérait l'Aft-ique comme pré-
férable i^ l'Asie et à l'Amérique, dans l'intér^M de l'industrie et du commerce
des Européens.
Son mémoire sur ce sujet serait trés<curieux à étudier, aujourd'hui que nous
sommes maîtres du nord de l'Afrique.
Anderson. a chronological hisfory of commerce (Histoire chro-
nologique du commerce).
André d'Arbelles. Mémoire sur la conduite de la France et
de r Angleterre à Végard des neutres, 1 vol. in-8, 1810. —
Imprimerie impériale.
Manifeste semi* officiel, très-digne d'attention, en faveur du bloeua eonli-
nental, qui a été attribué à M. d'Hauterive *.
Anquetil ou Perron. La Dignité du commerce et de Vétut du
commerçant. 4 vol. in-8, 1789.
Ouvrage plein de vues commerciales trés-judicieuses.
Anzano (Thomas). Refteodones economico-politicas sobre las
causas de las aller aciones deprecios que hapadecido Ara-
gon, y discursos ^obre las médias que pueden facilitar la
restauracion de Aragon. Zaragoza, 1768.
Les considérations de cet auteur sur l'altération des prix survenue en Ara-
gon à l'époque où il écrivait, prouvent qu'il n'était point étranger aoi véri-
tables principes de la science sur cette matière.
Aristote. La Politique y ou la Science du .gouvernement.
On y trouve une esquisse des idées des anciens en économie politique ;
mak il est à regretter que le livre 4a. même auteur sur la constitution ifA-
tbènei ait été perdu.
Arnould. Histoire générale des finances de France^ daputf le
^ VarMif, 4aiii sf n DietUmnaire dé$ Anonyme» t oit« Andvé d^Àrbell^ê wmm
auteur d« c«t ouvrage. M. Beochol croit que c'est une erreor.
BIBI.I0611APHIB. 9^
eomtnencement de la monarchie-, potir sot-vir dlntrodiic-
tion à la loi annuelle du budget de Tenipire français.
Pflff*, 1806, in^4.
' ' OtiTrtge médiocre; il y a dans les pièces jusilficalives quelques. chiffres in-
téressaftls à eonsalter.
— De la Balance du commerce et des relations commerciales
extérieures de la France dans toutes les parties du globe,
particulièrement à la fin du règne de Louis XIV, et au
moment de la révolution ; le tout appuyé de notes et ta-
bles raisonnées, authentiques, sur le commerce et la na-
vigation, la population, le produit territorial et de l'in-
dustrie, le prix du blé, le numéraire, le revenu, la
dépense et la dette publique de la France à ces deux épo-
ques, avec la valeur de ses importations et exportations
progressives depuis 1716, jusqu'en 4788 inclusivement.
2 vol. in-8, avec 1 vol. in-4 de tableaux. PariSy 1792.
Consulter les Taits cités dans cet ouvrage ; négliger les doctrines.
•*• Système maritime et politique des Européens dans le diœ-
huitième siècle, fondé sur leurs traités de paix , de com-
merce et de navigation. 1 vol. in-8. Paris, 1797.
O«Tra80 écrit soas la préoccupaiioD du système de ta balance du corn-
merce.
Arrêta DE Monte-Seguro (Antonio). Disertadon sobre el âpre-
cio que se debe hacer de las artespracticas, y de los que las
eœereen oon honradez, inteligencia y aplicacion.
Ouvrage couronné en I78i par la société de Saragosse.
Plaidoyer en faveur des arts utiles.
Laoteur cherche à démontrer que les travaux mécaniques ne déshono-
rent point. Triste pays que celui où l'on est réduit à démontrer de pareilles
choses !
Arriquibar (D. Nicolas dtî). Recreacion politica, Reflexiones
êohre el Amigo de los kombres en su tratado de Poblarion,
coimieraëo can respeelo à nuestros inêeteses] obra postu-
396 BIBLIOGRAPHIE.
ma, presentada à la sociedad Bascongada en 1770. Publi-
cada en Victoria, 1779, dos tomos en-quarto.
L'auteur combat la doctrine émise par Hirabea)i le père dans son ou-
vrage VAmi des hommes, en faveur de la grande culture qu'il préfère
à la petite. Il avait traduit précédemment l'ouvrage de l'Anglais Davenant,
en y joignant une préface pleine de vues judicieuses d'application à l'Es-
pagne.
ÂRRivABÊNE (lo coDite Jean). Sur les colonies agricoles de la
Belgique et de la Hollande. Bruxelles, 1830.
— Sur les moyens d'améliorer le sort des ouvriers. [Bruxel-
les, 1832.
— Principes fondamentaux de V Économie politique, tirés des
leçons édites et inédites de M. N. W. Senior, professeur
d*Économie politique à l'Université d'Oxford. Paris, 1835.
Asso. De libris quibusdam Hispanorum rariorilus.
On trouve dans ce catalogue, rédigé par le savant bibliographe Asso, la liste
d'un grand nombre d'économistes espagnols du dix-huitième siècle, qui étaient
fort peu connus. L'inquisition y avait mis bon ordre.
Attwood (Thomas). Observations on currency, population
and pauperism. [Observations sur la monnaie^ la populo^
tion et la mendicité,) 1818, 1 vol. in-8.
AuBERT DE ViTRY. Rechcrches sur les vraies causes de la mi-
sère et de la félicité publiques, ou de la Population et de%
Subsistances. Paris, 1815, in-8.
Adversaire de Maltbus , il réfute fort bien les prétendus avantages du céli-
bat, préconisé par l'éconopaiste anglais.
AuDiFFRET (marquis d'). Système financier de la France, Pa-
ris, Dufart, 1841, 2 vol. in-8.
— Le Budget. Paris, 1841, 1 vol. in-8.
Ces deux ouvrages présentent d'une manière nelle et précise tout le sys-
tème d'organisation et d'administration des finances de la France. Le premier
est assurément le meilleur qu'on puisse consulter sur l'état actuel des finances
françaises.
AcGER, avocat. Mémoires pour servir à l'histoire du droit pu-
blic de la Fronde en matière d^impéts, (m Reeiieil de ce
BIBLIOGRAPHIE. 397
qui s'est passé de plus intéressant à la Cour des aides,
depuis 1756 jusqu'au mois de juin 1775; publiés sous
Finspection de M. Gabriel Choart, président de la Cour des
aides de Paris. Bruxelles^ 1779, in-4.
Ce précieux volume est le recueil de toutes les opérations de Malesherbei
pendant sa première présidence à la Cour des aides, c'est-à-dire pendani
vingt-cinq ans.
Ce recueil est devenu trës-rarc parce qu'il n'a point été mis dans le com-
merce, et qu'il n'a pu être imprimé qu'avec une permission tacite; encore
n'y laissa-t-on pas insérer dans leur entier les remontrances énergiques
dans lesquelles Malesherbes parlait au roi le langage de la plus austère
vérité.
B.
Babbaoe Gh.). Traité sur l'économie des machines et des ma-
nufactures, tr. de Tanglais par Ed. Biot. Paris, 1833, in-8.
Cet ouvrage est un hymne en faveur des machines. L'auteur en fait res-
sortir les plus merveilleux résultats avec une exactitude mathématique, et il
démontre fort bien tout ce que l'esprit humain doit gagner en soulagement
physique et en dignité morale à se débarrasser, par les machines, de ses plus
rudes travaux.
Bade (margrave de), abrégé de Véconontie politique, 1772.
Bailly (k,). Exposé de V administration générale\et locale des
finances du royaume-uni de Grande-Bretagne et d'Irlande,
contenant des documents sur Téebiquier, la dette natio-
nale, les banques, la navigation, les consommations, etc. ;
sur le produit et l'emploi des contributions, droits, taxes,
péages et émoluments perçus par l'administration de FË-
tat, le clergé, la magistrature, les comtés, etc.^ etc. Paris^
1837, 2 vol. in-8.
Exeellent ouvrage, le plus complet qui existe sur l'administration des fl-
nances de la Grande-Bretagne. L'auteur est un homme spécial qui a puisé
aux sources et qui est digne de toute conflance.
— Histoire financière de la France depuis V origine de la
monarchie jusqu'à la fin de 1789, etc. Paris, 1830, 2 v. in-8.
«%98 B1BL10GRA1»HIË.
BAM>idii (Salustio Antonio). Di$cor$o economico êcriito ûalV
arcidiacono. Nell' anno 1737.
On a prétendu que Bandioi arail été le créateur des doctrines lUribuées
aux économistes du dix-builiéme siècle; mais son livre n'a paru qu'en 1775,
c'est-à-dire longtemps après ceux de l'école de Quesnay. Il contenait d'ail-
leurs des Tucs d'amélioration dont l'exécution a été très-utile à la Toscane sa
patrie.
Bannëfroy. Mémoire sur la mendicité, Paris, 1791, in-4.
Barton (J.). Observations on the condition ofthe labouriiif
classes.
On trouve dans cet écrit des considérations d'un haut intérêt sur la condi-
tion des classes laborieuses.
Baudeau (abbé). Éclaircissements demandés à M. iV***(Nec-
ker) sur ses principes économiques, et sur ses projets de
législation y SiU nom des propriétaires fonciers et descul^
tivateurs français. 4775, in-8.
— Idée d*un citoyen sur l'administration des finances- du rai.
Paris, 1763, 3 vol. in-8.
— Idée d'un citoyen sur le commerce d^ Orient et sur la Conh
pagnie des Indes. Amsterdam et Paris, 1764, in-8.
— Idée d'un citoyen^sur les besoins ^ les droits et les devairê
des vrais pauvres, Amsterdam, 1765, in-8.
— Idée d'une souscription patriotique en faveur été l'agri^l-
lure^ du commerce et des or /«.Paris, 1765, in-12.
— Avis au peuple sur son premier besoin , ou Petits traités
économiques , par Tauteur des Éphémérides du citoyen,
Paris, 1768, '\vA% 3 parties.
•i— Lettres d'un iHtoyen à un magistrat sur les vingtièmes et
autres impôts. Amsterdam, 1768, in-8.
— De V origine et des progrès d*une science nouvelle. I^ondres
etParis, 1768, in-12.
y"
«- Hésultats de la liberté et de l'immunité du œmmerce da
grains j de la farine et du pain. Paris, Dewnt, 1768 , iiHi2.
BIBLIOGRAPHIE. 309
-»— Première introduction à la philosophie économique, par
un disciple de TAmi des hommes. Paris ^ 1771, in-8.
L'abbé Baudeau, aidé de la coopération da marquis de Mirabeau, Dupont
<deNemoars) et autres, a publié, sous le titre ù*Éphémérides du citoyen^
mm reeneil consacré aux matières d'économie politique , selon les idées de
Quesnay. La collection complète forme, ayec les nouvelles Éph^mérides, en-
Tiron 70 vol. in-i2.
— Dictionnaire du commerce. Paris, 1783, 3 vol. in-4. (Fait
partie de Y Encyclopédie méthodique.)
— Principes économiques de H^ouis XII et du cardinal d*Awr
boise^ de Henri IF et du duc de Sully, sur l'administra-
tion des finances, opposés aux systèmes des docteurs mo*
dénies. 1785. Sans nom d'auteur ni de ville.
Pamphlet dirigé contre les idées de Turgot et de Hecker.
Doctrinaire économiste, Tun des plus fervents sectateurs de cette école ,
et l'un de ceux qui ont le mieux exposé les principes.
BlBARDE de l'Abbati. Recherches sur les moyens de sî^primer
les impôts, précédées de rexamen de la nouvelle science.
1 vol. in-8, 1770. Amsterdam.
Examen du système des économistes sous forme d'une critique sévère du
livre de Mercier de La Rivière, intitulé : Ordre naturel et essentiel des so-
ciétés politiques,
Bbaumoht de Brivazac (de). L'Europe et ses colonies en de-
Cfw6rel819, 2 vol. in-8. Paris, Brissoi-Thivars, 1820,
(signé à la fin du second volume, par un cosmopolite.)
Ce cosmopolite paraît profondément imbu des préjugés haineux qui ont
ongtemps régné parmi nous contre la naiion Anglaise, et il esta regretter
que ses préoccupations à cet égard lui aient fait commettre de gravea er-
reurs. 800 livre est très^nférieur en mérite à celui de lord Brougham lur le
mèmesiiiiel.
Bbgcakia (G.). Elementi di economia puhblica. Milanese.
Cet! la collection des leçons publiques sur l'économie politique pro-
fessées par le célèbre publicisle italien. Il a partagé plusieurs des erreurs
de l'école des économistes français , notamment en ce qui concerne les ou-
vriert, qu'U eonsidérait comme une classe improductive; mais son style
400 mBLlOGRAPHlK.
est si brillant, si piUoresque , si neryeux, qu'on lui pardonne presque ses
erreurs. -
L'illustre auteur du Traité des délits et des peines est mort en 1793, d'une
attaque d'apoplexie.
— Discours sur le commerce et V administration publique^
trad. par Comparet. Lausanne et Paris, i769, in-8.
Bell (Benjamin). De la Disette, traduction de Prévost, de
Genève, 1 vol. in-8, 1804.
Ce petit livre renrerme.des détails Irës-inléressanls sur les questions d
conomie politique relatives à ragricullure de l'Angleterre. L'auteur déclare
qu'il en avait communiqué le manuscrit au célèbre Adam Smith , et il assure
avoir obtenu son approbation.
Belloni (Girolamo). Dissertazione sopra il commerciOy con
alcune note deir edizione di Bolognâ, ed una lettera dell'
autore Sulla moneta imaginaria.
Le pape Benoît XIV fil rautcur marquis pour celle disscrialion de ccn
pages, traduite dans plusieurs langues, et assez médiocre. Il y a soutenu
avec force l'utililé des prohibitions du numéraire à la sortie.
— Lettre sur la monnaie fictive, 1765, in-8»
Bentham (Jérémie). Défense de Vùsure^ ou Lettres sur les in-
convénients des lois qui fixent le taux de Tintérét de Tar-
gent. Paris, 1828, in-8.
C'est le chef-d'œuvre de Bentham; jamais plus d'esprit ne fut mis au
service de la raison. Ce qui nous étonne, c'est que nos absurdes lois sur
l'usure aient survécu à ce coup. Turgot lui-même n'avait pas frappe si
fort.
— Esquisse d'un ouvrage en faveur des pauvres, traduit et
publié par Duquesnoy. Paris ^ 1802, in-8.
— Théorie des peines et des récompenses. 2 vol. in-8.
Le second volume traite presque toutes les questions économiques.
Bères (Emile). Essai 4ur les moyens d'accroitre la richesse
territoriale en France, notamment dans les départements
méridionaux. Péris ^ 1830, in-8.
Le livre de M. Bères contribuera peut-être un jour à réveiller de leur som-
meil nos compatriotes du Midi. L'auteur a prit soin de leur Indiquer les mèil-
BIBLIOGRAPHIE. 401
leurs moyens de liror parti des magnifiques ressources de leur territoire,
patsse-i-il être entendu d'eux tous!
— Leê classes ouvrières. Moyens d*améliorer leur sort sous
le rapport du bien-étre matériel et du perfectionnement
moral. Paris, 1836. in-8.
Berçasse. Considérations sur la liberté du commerce. Lon-
dres, 4788, in-4.
Ce mémoire avait pour but de s'opposer à rétablissement d'une entreprise
de messageries publiques. L'auteur y a trouvé l'occasion de démontrer les
araniages de la liberté en matière de commercck
Bergier (Nicolas). Histoire des grands chemins de V empire
romain, contenant Torigine, progrès et étendue quasi
incroyable des chemins militaires payés, depuis la ville
de Rome jusqu'aux extrémités de son empire. Bruxelles,
4728, 2 vol. in-4.
C'est l'ouvrage le plus complet qui existe sur le système des communica-
tions ebez les Romains, et l'économiste n'y trouve pas moins à profiler que
fingénieur.
Bettange (de). Traité des monnaies. Avignon, 4760, 2 vol.
in-12.
BlANCHiNi (Lodovico). Principi del credito pubblico. Napoli,
4827.
— Dell* influenza delV amministrazione pubblicasullain-
dustria nazionaîe et sulla circulazione délie ricchezze.
Napoli, 4828.
— De' reati che nucciono alV industria ed alla circolazione
deile ricchezze. Napoli, 4840.
— Délia storia délie finanze di Napoli libri sete (sotto questo
nome : Si voile comprendere la storia civile di Napoli.) Na-
poli, 4834 e 4835.
— Sui porti franchi e $uî lazaretti a peste. Napoli, 4835.
— Sullo stato délie ferriere del regno di Napoli. 4835.
— Sulla conversione délie rendite inscritte nel gran-libro
del ieMio pubblico. Napoli, 4836.
^■
40S BIBLIOGRAPHIE.
-* Vella êtoria economico-civUe di Simlia^ due volumiiii in
ottavo ; il primo stampato in Napoli nella stamperia reale,
ed il secondo in Palermo, nella tipografiadi Lao, nel i84i.
M* Biaochini apparlieot à cette noble génération de savants Napolitains qui
cultivent les sciences économiques et historiques avec une persévérance in-
fatigable. Le caractère général des écrits de l'auteur est la netteté et Tordra*
Ses recherches sont consciencieuses, ses jugements toujours équltablei, et
nous le considérons comme l'un des historiens les plus dignes d'être consultés
sur l'état focial , économique et administratif de son pays.
BiGNON (l'abbé). Histoire critique du gouvernement romain.
Quoique moins profond que celui de Duni , ce livre mérite aussi d'êtn
étudié.
JBiGOT DE MoROGUEs {baron de). Recherche des causes de la rt-
chesse et de la misère des peuples civilisés; in-4, autogra-
phié.
Compilation rédigée en vue de démontrer que les prohibitions sont la base
de toute prospérité industrielle , et les progrès de rinslruction populaire la
source de tous les fléaui.
L'auteur, qui est d'ailleurs un homme de bien , y fait iioe rode guerre à
l'agiotage. M. le baron de Morogues a publié, en outre, dans le Nouveau CmÊtê
complet iVAgrieuliurêi de MM. Pourrat frères, un article très-remarquable
sur le blé, abstraction faite de ses prédilections prohibitives.
BiLHON (J.^F.). Gouvernement des Romains, considéré sous te
rapport de la politique , de la justice, des finances et du
commerce. Paris^ 1 807 . in-8.
Tentative hardie, après le livre de Montesquieu sur la ijrrandetii' du Ro-
mains. Nous conseillons toujours le livre de Montesquieu.
— Principes d'administraiion et d'économie politise des an-
ciens peuples , appliqués aux peuples modernes. PariSy
1819, in-8.
Blanc de Volic (L). État commercial de la France au com-
mencement du diœ-neuviéme siècle; ou du Commerce
français, de ses erreurs , et des améliorations dont 11 est
susceptible. Paris, 1803, 5 vol. in-8.
Oe livre eM fortement empreint des idées pxolusivcs qui ont prévalu dan*
nos assemblées délibérantes pendant la énrée des. hMiiliidi.rtf^lilimi-
BIBLIOGRAPHIE. 403
ititM* U Cmlle Mre, ne Cûtrce que pour se coovaincre du danger des pré-
jugés qui peuvent égarer uo honnêle homme, même quand U rêve le bien de
iOBpays.
BaDz-REYiiOMD(F.-H.) ^ '^.Staatswesen und Menschenbildung um-
fassende Betrachtungen. — Considérations politiques sur
l'appauwrissement progressif des nations et des partial
HerSy se$ causes^ ses conséquences et les moyens d'y remé-
dier. — 3 vol. in-8. Berlin, 1837.
Ce livre, rédigé dans d'exeellentes intentions, contient peu de vues neuves.
Les imperrections de la société actuelle y sont quelquefois exagérées et les
remèdes aux maux ne nous paraissent pas toujours d'une application facile.
La partie qui se rapporte â l'instruction et à l'éducation publique et (trivée
présente toutefois d'excellentes notions sur la matière , et cette portion du
livre de M. Bodz est véritablement recommandable.
BoBCKH, Économie politique des Mhéniens, traduit de Talle-
maody par M. Laligant. 2 vol. in-8, Paris, 1828.
Le savant ouvrage de M. le professeur Bœckh est une véritable révélation
de k iiolitiqne et des ressources des républiques grecques. C'est Texposé le
pkis Inmineiix t^m existe de la science économique des Athéniens, telle
qu'elle reisort de leurs lois et de leurs institutions.
BotsmuiDS L'OitiiE. De l'Esjpritdu gouvernement économique,
Paris, 1775, in-8.
. L'auteur eat un adepte des économistes du dix-huitième siècle, mais plus
clair et plus court que ses condisciples. Il a fait moins de bruit que les aur
tvii , et il mérite pentrétre davantage d'être lu.
BoiscuiLLEBERT (P.-P. AuG. Ls Pesamt, sieuT de). Le Détail de
la France sous le régne présent, avec êtes mémoires et des
traités sur la même matière. Nouv. édit., 1707, 2 vol. in-12.
— Faefum de la France, ou Moyens très-faciles de faire re-
cevoir au roi 80 millions par-dessus la capitation, prati-
cables par deux heures de travail de MM. les ministres,
* Tous les articles bibliographiques précédés d'un astérisque appartien-
nMUAJLTliéodoreFuL.
404 BIBLIOGRAPHIE.
et un mois d*exécution de la part des peuples. Sans lieu
dHmpression^ ni nom d^imprimeur, W date, in-12.
Un de ces hommes honnôles et clairvoyants qui sympathisaient en silence
avec les classes laborieuses, â une époque où ces classes étaient encore con*
sidérées comme de vils troupeaux.
BoisLANDRY (Louis dc). Examen des principes les plus favara-
htes aux progrès de Vagriculture^ des manufactures et du
commerce de France. Paris, 1815, 2 vol. in-8.
— Des impôts et des charges des peuples en France^ Paris,
1824, in-8.
Boissy-d*Anglas. Observations sur l'ouvrage de M. de Calonne
intitulé : De VÉtat présent et à venir de la France. Paris,
1791, in-8.
Réponse au pamphlet du mioîslre Calonne dirigé contre les travaux de FAs-
scroblée Constituante. Une réfutation plus savante de récrit de Calonne se
trouve dans Touvrage de Rœderer, intitulé : Système général des finances de
France, etc.
BoizARD. Traité des monnoyes, de leurs circonstances et dé-
pendances, Nouv. édit. Paris^ 1723, 2 vol. in-12.
Bosc (L), Considérations sur V accumulation des capitaux, et
les moyens de circulation chez les peuples modernes. Pa-
ris, an X, in-8.
L'auteur s'y montre favorable à toutes les mesures utiles an développe-
ment du crédit public. II y a peu de vues neuves dans cet écrit.
— Essai sur les moyens d'améliorer l'agriculture, les arts
et le commerce en France, Paris, 1800, in-8.
— Essai sur les moyens de détruire la mendicité , etc. Paris,
1789. in-8.
BotCHA UD. De V Impôt du vingtième sur les successions^ et de
rimpôt sur les marchandises chez les Romains. 1 vol. in-8,
nouvelle édit., 1772.
Ce mémoire, surchargé de noies fastidieuses, est écrit d'un style médiocre;
mais on y trouve des faits utiles, avec une indication exacte des sources où
ils ont été puisés.
On peut consulter avec fruit, sur le mémo sujet, la disscrlatiob latine de
BIBLIOGRAPHIE. 4a5
BonnaD : De veetigalilmt papuU romani , et celle de Boulenger : De tributis
et veciigaUbiu popuH romatiL
BouGAiNYiLLE (de). DiscouTs 9ur Us métropoles grecques , tiré
des Mémoires de TÂcàdémie des inscriptîoDs et belles-
lettres.
Mémoire intéressant sur an sujet purement historique. L'économie poli-,
tique en peut recevoir quelques lumières.
Bresson (J.). Histoire financière de la France^ depuis Torigine
delà monarchie jusqu'à l'année 1828. Paris^ 1829, S vol.
in-8.
Revue concise et rapide de nos fastes financiers; expose les faits, néglige
les causes. Bon à consulter.
Briganti (Filippo). Esame economico del sistema civile, 2
vol. in-8.
Il a consacré deux volumes à réfuter Içs paradoxes de Rousseau sur l'éco-
Bomie poKtique.
Oo ne les lit plos guère ni Tun ni Tautre en tout ce qui concerne la science
économique.
Beoggu (G.-A.). Traiiato de' iribuiti. in-8.
— Traiiato délie moneie considerate ne' rapporti di légitima
riduzione di eirculazione e di deposito. 2 vol. in-8.
— Opuscoli,
Le traité des impôts de Broggia est un ouvrage assez remarquable pour le
tempi où il fut écrit.
L'auteur îùi longtemps persécuté, malgré ses flagorneries au pouvoir.
H a fait l'éloge des dénonciations , et conseillé à son gouvernement d'avoir
toujours une réserve considérable en espèces; partisan du système mer-
cantile.
Brougham (lord). An inquiry inio ihe colonial policy of ihe
European powers. (Recherches sur le système des puis-
sances d'Europe à l'égard de leurs colonies) . 2 vol . in-8, 1 808.
Lord Brougham a porté, sur la polilique des Européens envers leurs
colonies , ce coup -d'oeil ferme et sûr qui caractérise particulièrement son
talent.
La plupart des événements qui ont amené l'émancipation coloniale sont
. prévus dans son ouvrage, le plus remarquable peut-être de tous ceux du
noUelord.
466 BIBLIOGRAPHIE.
BftowNE-DkîNAfir. Ssim mr leê principes politiques dé Véeono-
mie publiquBi Londres, 4776, in-i2.
BucHANAN. {L'édition qu'il adonnée du gr^nd oqvrage d'Adam
Smith, en 4 YoLin-8, Edimbourg, 1817, est remarquable
par les notes qu'il y a ajoutées , principalement dans le
4® volume.)
r
Cette édition est aujourtTbfii trè»-rare et hors de prii.
BucHÉ DE Pavillon. Essai sut léê causes de laâitersité des
taux de l'argent chez les peuples, 1 vol. in -12. Londres
et Paris, 1756.
L'auteur attribue le taux élevé de l'intérêt au peu de garanties offertes jiir
les emprunteurs aux prêteurs. Il voudrait une législation plus sévère contre
les débiteurs de mauvaise foi.
BuRET (Eugène). De la Misère des classes laborieuses en
France et en Angleterre. Paris, Paulin, 1841, 2 vol iB-«.
Le livre de M. Buret est l'un des plus remarquables de la nouveHe École
économique française. C'est la première protestation do travail contre les
abus du capital. Les conclusions n'en sont pas toujours praticables, et les
remèdes proposés par l'auteur laissent beaucoup. à désirer; mais cet ouvrage
est le plus éloquent manifeste qui ait paru contre les excès de l'industrialisme
anglais.
BuRTREL DU Pasquier. Obscrvations sur la déclaration du 30
octobre 1785, et l'augmentation progressive du prix des
matières d'or et d'argent, depuis le !•' janvier 1726.
Bush (J.). La Banque de Hambourg y rendue facile aux négo-
ciants de l'étranger, avec des recherches intéressantes sur
son origine, sur les changements qu'elle a éprouvés à dif-
férentes époques, etc. Paris^ 1861, in-8.
•«^ Traité des banques , de leur différence réelle , et des effets
qui en résultent, dans leur usage et leur administration.
Paris, 1814, in-8.
Bqtel-Dumont. Recherches historiques et critiques 9ur Vadm-
mstration publique et privée des terres che% les MommnSj
ÈIBLIOGRAPHie. 407
^Nqimis le commencement de la république jusqu'au sîè-
, ete dé Infe9-€ésar. Paris, 1779, ln-8.
Ouvrage extrêmement remarquable, le meilleur peut-être qui ait été
écrit sur le même ai^et. Il est irès-préCérable à beaucoup d'autres plus re-
cberchét.
— Théorie du luœê, ou Traité dans lequel on entreprend
.d'établir que le luxe est un^essort , non-seulemeift utile,
mais même indispensablement nécessaire à la prospérité
d*un État. fAméreê^ 1774, 1 vol. in^.
— Traité de la circulation et du crédit. Amsterdam et Paris,
1771, in-«.
Ce livre est une apologie un peu exagérée des effets du luxe. L'auteur est
uo adversaire des économistes. U démontre Tort bien que ce qu'on appelle
knê, en général , n'est que la satisfaction des besoins de l'homme , qui sont
It plttf gnnd stinnilant de ses travaux.
c.
Caharrus (Francisco). Memoria preseniado à S. M. para la
formocion de un banco naeional, por mano del Excellen-
tissimo Senor Conde de Floridablanca, su primer secretare
de EftadQ. Ji^adrid, 1782.
. Ce mémoire, pour rétablissement d'une banque, n'offre rien d'intéres-
sant, que son résultat qui Tut la banque Saiul-Charles.
— Memoria sobre los montes pios^ leida en la Real Sociedad
econonUca de Madrid eni5de Marzo de 1784.
L'auteur y blâme sévèrement les monls-de-piété, cofome source de démo-
ralisation et de ruine.
«- Memoria sobre la union del comercio de la America eon
la Asia, leida en lajunia gênerai de la compania de Ca-
ra§as^ de Z de julio de ilS4>.
— Memoria sobre los pesos ^ leida en lajunta de la Direecion
4êl banco nadonal de San Carlo.
-^ Cùtias sobre los obstaculos que la naturaleza^ la opinion
408 BIBLIOGRAPHIE.
y las leyes oponen à la felicidad publica^ escritas par el
CoNDE DE Cabarrus al S. D. Gaspav deJovellanos. Madrid,
4813, in-d8.
Le recueil de ces lettres forme le résumé de tousies obstacles qui s'oppo-
sent à la prospérité de l'Espagne; mais les moyens que Tauteur préconise
pour les faire disparaître sont bien près de l'utopie.
Galenge. Des Différentes banques de V Europe, Paris, 1806,
in-12.
Galonné (de). De l'État de la France^ présent et à venir. Lon-
dres, 1790, in-8.
Pamphlet contre les travaux de l'Assemblée Constituante. M. Boissy-d'An-
glas y répondit par ses Observations sur Vouwage, etc. Voyez Boisst-
d'Anglas.
— Des Finances publiques de la France, Londres, 1797, iii-8.
— Observations sur les finances, Londres, 1790, in-4, et au-
tres écrits moinis importants sur ces matières.
Gambon , député à la Convention. Rapport à la Convention
Nationale sur le projet de la formation du grand -livre,
Paris, 1793. Imprimé par ordre de la Convention, in-8.
— Lettre à ses concitoyens sur les finances, Paris, 1795, in-8.
Gampomanes (Rodriguez). Diseur so prelimnar sobre la mari-
na , navegacion , comercio y eœpediciones de la republica
de Cartago. Madrid, 1756.
Ce discours est un deé meilleurs écrits que nous possédions sur lliisloire
économique de CsiTlliSige,
— Respuesta fiscal^ sobre abolir la tasa y establecer el co-
mercio de granos. 1764.
L'auteur y demande la liberté du commerce des grains.
— - Discurso sobre el fomento de la industria popular. De or-
den de S. M. y del Gonsejo. 1774, in-8. Madrid.
— Dircurso sobre la educacion popular de los artesanos y su
fomento. Madrid, 1775, in-8.
— Apewlice à la educacion popular : Parte prima, que con-
tieife las reflexiones conducentes a entender el origen de
BIBLIOGRAPHIE. 409
la decadencia de los oficios y artea en Espana, durante el
siglio pasado, segun la demonstraron los escritores coe-
tanos, que se reimprimen en este Apendice, o cuyos pa-
cages se dan à la letra. Madrid, 1775, in-8, 4 vol,
Ces trois derniers ouvrages, quoique d'un intérêt spécialement espagnol^
sont dignes de toute l'attention des économistes. L'auteur y èombat lés.tarifM
sur les matières premières, les corporations et les abus de tout genre dont
l'industrie espagnole est encore infestée. Son liyre aurait encore aujourd'hui
l'attrait de la nouveauté.
— Caria al senor don Pedro Rodriguez Campohanes , renii-
tiendo el proyecto de Erarios publicos, impreso en el si-
glio pasado, 1777.
Canard (N.-F.). Principes d^ économe politique, Paris, 18Ô1,
in-8.
Ce mémoire de M. Canard a été couronné par l'Institut, en i80i, faute de
mieux. Je me souviens que J.-B. Say ne pouvait se rappeler cette circonstance
sans manifester quelque humeur ; cependant le travail de M. Canard n'est pas
sans mérite. L'auleor a eu le tort d'introduire des formules d'algèbre dans
les démonstrations économiques.
GandolE'Boissier (de) Examen de quelques questions d*éco-
nomie politique, Genève et Paris, 1816, in-8.
Gantalupo (D.-G.). Annorw, bssia piano economico di publica
sussislencia. in-8. .
Écrit favorable à la liberté du commerce des grains.
Gantillon. Essai sur la nature du Commerce en général;
traduit de Tanglais. Londres (Paris) , 1755, in-12. (Traduc-
tion supposée.)
Gapmani (don Antonio de). Memorias historicas sobre la
marina, comercio y artes de la antigua eiudad de Bar-
celona, publicadas por disposicion y à expensas de la
Real Junta, y consulado de comercio de la misma eiudad.
Madrid, 1779, 2 vol. in-4.
— Diseur so economico politico, en def^nsa dej trabajo meca-
nico de los menestrales, y de la influencia dé sus gremios
en las costumbres populares. Madrid, 1778, in-4.
Le premier de ces ouvrages inérite surtout Tattention, à cause des fiiits
27
UQP9r(ant9 ov'il oopUent 9W riodusirie et le commerce 4b iUrctloo«« «1 sur
les rapports de sa vieille constitulion politique avec la législation di| travail.
Ce qui lui donne un prix fnesthnable, c'est la collection de documents authen-
tiqqfis dont l'auteur l'a enrichi.
Le secoiîd ouvrage de Çapmani n'est autre etiose qu'une apologie du sys-
t|i)»e des corporations et des jnalirises. C'est une erreur impardonnable ehez
IW eoDtemporaiû <^e Turgot.
Gasli (GiaR Rinaldo). Osservazioni préventive al piano intorno
ûelle moneie di Milano, Publicate nel 1766.
— Brève ragionamento sopra i bilanci economici délie na--
zioni.
— Del libero commercio de'-grani.
Le premier de ces ouvrages a commencé la réputation de Carli, et le se*
second Ta justifiée. Le troisième est une réfutation de la doctrine des écono-
mistes français sur la question des grains.
Gârlier (l'abbé). Dissertation sur l'état du commerce en
France, sous les rois de la première et de la seconde race.
Anciens et Paris, 1753, in^ISl.
CkKKE\, Principles onpolitical economy. Phiiadelphie, 4837,
2 vol. iB-8.
Carrion-Nisas (A. de) Gl», Principes d^ économie politique, ^9x\&y
48â», in-lâ.
L'auteur n'expose qu'une partie des principes de cette science ; mais il
explique, chemin faisant, plusieurs événements financiers dont les causes
^tAieot jusqu'à ee jour mal connues. Ce manuel renferme un précis histo-
rique. <lc la Banque de France.
Casaux (marquis de). Considérations sur quelques parti^f du
méwnisme des sociétés, howàvQ», 1785-88, 5 part. m-8.
— absurdité de l'impôt territorial, et de plusieurs autres
imp0ts, démontrée par Vewposition des effets, ou Réac-
tions de$ différentes espèces de taxes sur tous ^e^ prix,
tant du travail que de ses produits, soit dans l'agriculture,
^it dans rindustrii^ 1790, in-8.
(«'im (les sectateurs de l'école économiste. Son livre est presque entière-
ment consacré à l'examen des impôts en Angleterre. On j trouve çA et 14 quel-
que! passages remarquables no^és dans un fatras de déclamations.
^ (kmfiiératiçm sur la ^ffeu A^Pin^t iawi hs Hfférmts
modes de taxation, J^ndres, 1^704, in-8.
(J^AO (Juçm-Frapcisco de)v/?î>(»*r^(0« critiom ê^hn Im Im^
y 9US iwterprfites t {ncertidumbres y d^x'm^v^ d<? los
Mayorazgo0 , y ptras disposiciones analog^^ ^ ^ bien
commun ; su ofensa à la pob^cipi^, a^iculturjpi, jîf'tp^ y
coviwvcio : ^ecesida4 à^ remçdio : teotativa d@ alguao^
mfidios. Madrid^ 4770.
Bicellent lirre, écrit en haine des rtuijorats, l'une des plaieç de l'Espagqe.
Cayley. Commercial economy in siœessays. London, 1820, in-8.
Cerreti. Histoire des Monts-de-Piété, avec des réflexions si^r
là nature de ces établissements. 1 vol. in-18. Paris, 1752.
Livre court, mais subslantiel. Il renferme les ordonnances et les bulles con-
•Kllutives des monts-de-piété.
L'auteur soutient que ies intérêts des prêts fournis pai: ees étaMissements
1^ pont pas ujsmraires.
Ghalmers (George). On polifieal economy in etmneâcion with
He moral state andmoralprospeclusofsûûiety.QlBSisfiw,
1832, in-8.
-•- Christian and dvic economy of large io^f^0, 3 vp}, )qr8.
Glasgow, 1832.
•f- An Historical ^ew of the domesUo economy of Great-
Britain and Ireland from the earliet to the présent
limes : with a comparative estimate pf their efficient
strength , arising from their populosity, land agriculture,
their manufactures and Irado in every âge. Mdiniurghj
1812, in-8.
Cet ouvrage mérite UQ intérêt particulier à cause des consi<)éraliop^ qu'il
renferme sur les conséquences économiques des grands événements qui ont
agité l'Angleterre depuis la seconde moitié du 18« siècle Jusqu'au commence-
ment du 19«, savoir : l'émancipalion des Éta^-Unis, la fondation die )a caisse
d'amortissement, la suspension des payements en espèces, les guerfes de la
réfohition et la paix d'Amiens.
Chaptal (comte). De l- Industrie françaiseASi^, 2 vol. in-8.
IfiVtffiUir» de It fi$\m9^ patiiMiale mêlé 4e b#tucoup ^em^n é«aR«f)M-
41^ BIBLIOGRAPHIE.
ques. Le comte Ghaplal était partisan de la l>alaoce du commerce ; néanmoins
sa liaute raison lui faisait sentir les inconvénients des prohibitions^
Ghastellux (comte de). De la Félicité publique y ou Considé-
rations sur le sort des hommes dans les différentes épo-
ques de rhistoire. Paris, 1822, 2 vol. in-8.
L'auteur appartient à Técole philosophique du i%* siècle. Il est un des pre-
miers écrivains qui aient osé secouer le joug des traditions classiques et
porter un regard sévère sur les institutions sociides de l'antiquité. Son livre
ne contient que des vues générales, mais si hautes, si généreuses, si hardies,
quMI est impossible de ne les point admirer, méme^uand on ne les partage
pas.
s.
Chassipol. Traité des finances et de la fausse monnaie des Ro-
mains, auquel on a adjoint une Dissertation sur la ma-
nière de discerner les médailles antiques^ d^avec les can^
irefaites, par M. Bejatuvais. Paris, 1740, in-12.
Ce petit traité tu.1 commandé par Colbert, désireux de connaître le système
financier des Rpmains. On y trouve quelques Taits précieux.
Chevalier (Michel). Lettres sur l'Amérique du Nord, Paris,
1836, 2 vol. in-8.
L'auteur appartient à cette brillante pléiade des saints-simoniens, dont les
écrits ont jeté tant d'éclat sur les matières économiques. Ses lettres sur l'A-
mérique du Nord ne sont qu'un cadre habilement choisi pour signaler les
préjugés industriels de tous genres auxquels notre pays est en proie. Les
questions de banque et de travaux publics y sont traitées avec une indépen-
dance d'esprit vraiment rare de nos jours.
Ce livre appartient à la nouvelle école économique française, qui a pris pour
devise l'amélioration du sort du plus grand nombre.
M. Michel Chevalier a publié depuis :
— Des Intérêts matériels en France. 4« édit. Paris, 1839,1 v.
grand in-18.
— Description et histoire des voies de communication auœ
Etats-Unis d'Amérique^ et des travaux d'art qui en d^eti-
dcn/. Paris, 1841-42, 2 vol. in-4.
Cheshire. Angliaresiauraia : or the advantages of smuggling
BIBLIOGRAPHIE. 413
wool from England and Ireland to France, etc. London^
1727, in-4.
Curieuses révélatioas sur la maaiére dont l'industrie des laines s'est échap-
pée de rAiigleterrr.
CHïLh (io»idih). Jnew Discourse on irade. (Nouveau Discours
sur le commerce.)
— Considérations sur le commerce et Viniérêi de l'argent ;
traduiten français par Gournay,1742, in-i2. — Dans le même
volumq se trouve joint le Petit Traité contre l'usure, de
Th. Gulpeper, traduit par le même, in-12.
Les intentions des auteurs étaient bonnes ; mais ils n'araient pas une juste
idée des causes véritables dé la baisse du taux de Tinlérét, puisqu'ils suppo-
saient que cette hausse et cette baisse dépendent de la volonté du gouverne-
ment.
Ghomel. Dictionnaire économique, Paris, 1767, 3 vol. in-8.
CiBRARio (Louis). Délia economia politica del medio evo H-
bri IJJ, che traitano délia sua condizidne politica, morale,
economica, ( De Féconomie politique du moyen âge, etc.)
Torino Bocca, 1839; 1 vol. in-8.
M. Cibrario est un économiste piémontais fort distingué ; son ouvrage mé-
riterait peut-éire d'être traduit en français.
Il est divisé en trois livres, dont le premier traite de la condition politique
def peuples de l'Europe au moyen âge ; le second, de leur condition morale ;
le troisième, seulement de leur condition économique. Il renferme une foule
de particularités intéressantes «ur le prix des denrées, sur Tétât de la propriété,
s|ir le système monétaire de cette époque ; mais il n'y a point de vues géoé-
rates ni de conclusion nette. et précise qui donne de la valeur à cette sta-
tistique, d'ailleurs riche et pleine de savantes recherches.
GiGiLiA (José). Memoria sobre los medios de fomentar solida-
mente la agricultura en un pais, sin detrimento de la cria
de ganadoSy y el modo de remover los obstaculos que pue-
dan impedirla . Ouvrage couronné par la société économi-
que de Madrid en 1777.
It'auteur propose dans ce mémoire les réformes indispensables à l'agricul-
ture espagnole, li y pote les bases d'un code rural que fBapagne attend en-
core. *
414 BiÉLidGttÂt^ittÉ.
GLiftftE (docteur). Coup d*étt surld foHé tt V opulence dé la
Grande-Bretagne, où l'on voit les progrès de son côm-
ttiet^e, de son agriculture avant et après ravétiement de
la maison de Hanovre ; traduit de l'anglais par Marchenà.
PaYiÈ, 180S; iondrëâ, 1*801, in-8.
Assez bon livre. Examen fort intéressant des différentes taiéé de PAbgle-
teite. C'est uli tnatiiféste cbntfe là féTOlution française.
ëLAtiÈRE. Opinion» d'un créancier de VEiai sur guelqUes #i(»-
iiéres de finance» importâmes dans le moment ofiiuel, Lon-
dres, 1789, ih-8.
Considérations curieuses sur les emprunts. L'auteur s'y montre fort opposé
à toutes les mesures qui avaient pour but l'établissement d'une banque eo
France; il affirme que les emprunts publics ont tous pris naissance dans les
pays républicains, et cette origine i'inquiéte. Il écrivait en 1789, il était mi-
nisire en 1792, et il est mort sur l'échafaud en 1793.
On doit encore à Claviére plusieurs brochures sur des différents si^ets
d^l^cbnoinië politique.
Cllùbdï DE fiLfeàvÀcHÈ. DiÉèèrîàîiôh sur Vêlai du conimetcé en
frd^téy définis îfHgitès Cûpti Jkisijû'à Ptançois /•'. Paris,
1766, in-8.
OhfrS^ë un jléii lourd. On t trôdte ijuél^ues tiiin à recueillir.
— Considérations swr le commerce, et en particulier sur les
Goiiipagnies , Sociétés et Maîtrises. Amsterdam ^ 17S8,
Généralités banales^ où brillent çà et là quelques éelairs de talent et qnet^
ques vues généreases sur la liberté de l'industrie.
Document intéressant seulement sous le point de vue historique.
CoBBETT (William). Paper against §eld .or the History êM
Mystery of tbe bank of Etigland. London, 1821, 4* édit
Ce pafaiphlet de 47o pages est étincelant de verre et de vigueur eoBtre la
banique d'Angleterre et contre le système des dettes fondées.
Jamais les questions de finances n'ont été traitées avec un tel luxe de sa-
voir, de raillerie, de colère et de raison.
Ce livre se compose d'une série de lettres comparables aûi Lettres jpro-
vtmMteh de VimcA, â celles de Innius et sux mémoires de Betunafeteis.
eiMt mi Mief^d^oof Iv de s^to et Ae disellssieiit 1m esmpltfret m
Yares.
BIÈLIÔÔRAPHIE. 4lS
GoELN (Fr. de). DieneueStaatsweisheU, Berlin, i812, in-8.
-i- Materialien far die Preussische siaais wirihscheft liche,
Gesergebund. Leipzig, 18H, in-8.
CoFFiNiÊRES (A.-S.-G.). De la Bourse et des spéculations sur
les effets publics, Paris, 1824, in-8.
Honorable protestation contre les abus de Tagiotage , qui a eu le sort de
toutes les protestations précédeules. Ce sera un ouvrage iotéressapt à con-
sulter le jour où l'on voudra sérieusement mettre un terme au brigandage
des spéculations de bourse. La législation sur la matière y est résumée avec
ordre.
ÙIlquhoun (Patrice). J Treatise on the population^ mealth, po-
wer^ and ressources ofihe British empire^ etc.
It à été donné un fragment de traduction de cet ouvrage sous le titre dé
PHtiê historique de l'établissement et des progrès de la Compagnie anglaise
Httt Indes-Orientales, Paris, 1815, in-B.
CkMtTE (Charles). Traité de législation, ou Exposition deâloîs
générales suivant lesquelles les peuples prospèrent,,dé-
périsçent ou restent stationnaires. Paris ^ 1827, 4 vol.
in-8.
Le traité de législation de H. Comte est un véritable traité d'économie so-
ciale , dont le 4e volume , entièrement consacré à la question de Tesclavage ,
^assé avec raison pour le plus important de l'ouvrage. Kulle part cette ques-
tion n'a été approfondie avec une plus grande indépendance de jugéttient et
«jhe plus riche profusion de faits.
— Traité de la propriété, Paris, 1834, 2 vol. in-8.
L'auteur déclare dans sa préface que cet ouvrage n'est que la suite du pré-
cédent ; il y examine les rapports qui s'établissent naturellement entre les
llOBimes et les choses au moyen desquelles ils peuvent exister. Ce plan lui
permet d'examiner les choses el souvent de résoudre une foele ée question!
économiques qui se rattachent â la propriété.
Le livre est écrit avec clarté, sans aucune prétention de style, et la.lecture
en est allachanle, malgré l'aridité du sujet.
Gondillâc. Le commerce et le gouvernement, considérés Vun
à Vautre, Amsterdam, 1776, in-12.
Cet ouvrage est une des expositions les phis précises el les plus claires
qiii aient été faites du système des Économistes du diz-buitiéAie siècle. Il
n'est malheureusemeût pm 60Bftpiél.
416 BIBLIOGRAPHIE.
GoNDORCET. Fie de Tungoi, Londres, 1786, in-8.
Le plus bel éloge qu'on en puisse faire , c'est de dire qu'elle est digoe de
lui.
— Bé flexions sur le commerce des blés. Londres, i776, in-8.
Réfutation de l'ouvrage de Necker sur la législation des grains.
— Réflexions sur V esclavage des nègres. (Sous le nom de
Schwartz). Neufchâtel, 1781.
On peut citer encore de Gondorcet les notes des œuvres de Voltaire , édi-
tion de Kehl, et plusieurs articles de la Bibliothèque de rhomme public.
Gondy-Raguet (de Philadelphie). Traité des banques et de la
circulation i traduit de l'anglaispar Lemaître. Paris, 1840,
1 vol. in-8.
Gonsidérant (V.). Destinée sociale. Paris, 1836, 2 vol. in-8.
Dernière expression du système de Fécole sociétaire. Ouvrage écrit d'un
style inégal, mais où brillent des éclairs de talent et des vues très-remar-
quables sur l'état actuel de la société. L'auteur y accuse tous les économis-
tes des maux de l'humanité, comme s'il avait dépendu d'eux d'y mettre un
terme. Nous n'en rendrons pas moins lustice à ses sentiments généreux et à
plusieurs de ses aperçus , remarquables par une véritable profondeur.
GoopER (Th.). Lectures of the éléments ofpolitical economy.
Golumbia, 1826.
GoRDiER (J.). Considérations sur les chemins de fer. Paris,
1830, in-8.
L'un des premiers ouvrages , si ce n'est le premier, qui ai fait comprendre
en France l'importance des chemins de fer.
GoRNiANi (Giamb.). Riflessioni sulle monete. Bresciano, in-8.
— Délia legislazione relativemente alV agricoîtura.
Son premier écrit est sans importance ; le second appartient é l'école éco-
nomiste française du dix-huitième siècle.
GoTTERiL. An examination ofthe doctrines of value, as set
fôrth by A. Smith, Ricardo, Mac-Culloch, etc. London,
1831, 1 vol. in-8.
GoYER (l'abbé). La Noblesse commerçante. Londres (Paris),
1756, in-12.
— développement et défense du système de la Noblesse com-
merçante. Amsterdam et Parig, 1757, in-12.
BIBLIOGRAPHIE. 4l7
Craig (Jobn). Remarks on same fundamenial doctrines in po-
litical economy. (Remarques sur quelques doctrines fon-
damentales en économie politique; in-8, 1821).
— éléments ofpoliiical economy, (Éléments d'économie po-
litique), 3 vol. in-8.
Grawfurd. The Doctrine of équivalents on an explanation of
the nature the value and the power ofmoney, Rotterdam,
1794, in-8.
CvLPEPER (Thomas). Petit Traité contre l'usure, Amsterdam,
1754, 1 vol.
CvsTom, Collection des Économistes italiens.
Le comte Pierre Custodi a publié à Milan, eo 1804, une magnifique édition
en quarante-huit volumes des économistes italiens.
D.
Dan VILLA (B.-J.). Lecciones de economia dvil^ o del comerciOj
çscritas para el uso de los caballeros.del Real Seminario
de Nobles. Madrid, 1779.
Ces leçons sont au nombre de sept. 11 y en a une , Tort curieuse , sur la
])opulatton, et une autre, non moins originale , sur la division des personnes
en propriétaires et non propriétaires.
Davanzatj (Bernardo). Lezione délie monette; in-8.
— Notizia de cambjy à M. Giulio del Caccia ; in-8.
Davanzati est le second Italien qui ait écrit sur les monnaies, après Scaruffl,
mais c'est son seul mérite.
Cet auteur est plus connu comme traducteur habile que comme écono-
miste.
Debray. Essai sur la foree^ la puissance et la richesse natio-
nales. Paris, 9* édil., 181 i, in-8.
Decasaux. Bases fondamentales de l'économie politique.Pms,
1820.
— La science économique d'après Sully et les anciens, Paris,
1854.
4îg BIBLIO(;tlAPHIË.
DÈLÀfiORDE (comte Alexandre). De l* esprit d'association dahs
tous les intérêts de communauté, Paris, 1818, in-8.
Ce que Taoleur conseillait il y a vingt ans, on le fait aujourd'hui et itaéaie
en en abuse. L'esprit d'association s'est emparé de l'Europe et produit des
merveilles. Nous en sommes déjà à craindre ses écarts; mais le livre de M. De-
laborde n'en proposait que les bienfaits.
Delfico {Melchiorre). Memoria sUlla liber ta del commercio
diretta a risolvere il probiema proposto dall' accademia
di Padova sullo stesso argoraento ; in-8.
C'est le partisan le plus prononcé de la liberté du commerce : « Celui,
dit-il, qui extirpera du diciionnaire des lois les mots droits, tarifs, douanes
celui qui détruira lé grand labyrinthe daus lequel tant de monstres dé^
vorentles nations en détail; celui qui établira en principe quo toute gène,
toute contrainte en économie est nuisible à la société, aî^ra la gloire d'avoir
assuré à l'humanité une vérité fondamentale et la véritable prospérité des
nations. »
Delisle de Sales. Fie littéraire de Forbonais -, 1 vol. in-8. 1801 .
La connaissance de celle biographie «si indispensable à l'élude des nom-
breux ouvrages économiques de Forbonnais, dont nous donnons le catalogue
complet au mot Forbonnais, en raison des services que cet économiste labé-
rteux et éclairé a rendus à la science.
Déon de Beaumont. ^ssai historique sur les différentes situa-
tions de la France, par rapport aux finances^ sous le ré-
gne de Louis XI F et la régence du duc d'Orléans. Axùè^
terdam (Paris), 1753, in-12.
Desaubiez. Système de finance et d'économie politique. PaHâ,
1827.
Dèslandes; Essai sur la marine et le commerce. AU 4^, in-8.
Desheuniers. Diciionnaire d'économie politique^ faisant partie
de \ Encyclopédie méthodique; 1834-38, 4 vol. in-4.
Il n'a fait que la première moitié de l'ouvrage en suivant les principes d'à*
dam Smith , mais sans se les aproprier. La seconde partie est de l'akbé Gri-
vely sectateur de Quesnay.
XSE^ïi(yïO\}v^%. Notice des principaux règlements^ publiés en An-
gleterre, concernant les pauvres. Paris ^ 1788, in^8.
Ôft doit à M. Desrotours, mort en i8!2i , une dizaine de brochures sur les
monnaies, publiées avant et pendant la révolution.
BtàLtOGRÀt^tftË. 4l§
DÈsttJTtbË ÎRAct (Comte). Traité d'écoifiomie politique, Paris,
1823, in-g;
Le meilleur noanuèl d'économie potitique que je connaisse.
îi. besluU de Tracy a publié un commentaire économique sur ['Esprit des
Lois, et le commentateur s'y est toujours montré à la hauteur du livre. On
né lii pas à^se^ ce cômrhentaird.
Dickson (Adam). De l'àgHcultitre des dneienë; fràdait de Fan-
l^tàié de Âdartti Didksofi. Pan\v, 1802, 2 Vol. in-8.
bii y trôilye de préèieude^ rêyélations sûr la condition déé agriculteurs
dans ^antiquité ; mais c'est un livre d'agriculture phiS que d'économie po-
litique.
DiLLON. Mémoires sur les établissements publies de bienfai-
mncBi de travail et de correction, considérés sous les rap-
ports politiques et commerciaux; an II, in-12. ,
DbÊ. Ttaiiésur Vinàigence, Quelles sont les prîticipàles cau-
sés de HndigeÉicet Moyens poiu* eh aitétet îeS progrès.
Paris, 1805, in-8.
Ddiu (l.-^A.). Maittialièn aur Aufstellung einer vemunftmae-
sigen Théorie der Staatswirthschaft, (Matériaux pouf ùiie
théorie rationnelle de l'économie politique.) Leipzig, 1797,
in-8.
Les matériaux se sont ort augmentés depuis la publication du livre de
M. Dori ; mais les siens seront consultés avec fruit.
Droz (Joseph). Économie politique, ou Principes de la science
des richesses. Paris, 1829, 1 vol. în-8.
C'est le traité élémentaire le plus clair, le plus élégant et le plus méthodique
4ue flous bonoiÉl^sfobs. Il a bëaucoiîp contribué à populàHéei* en ftance l'é-
Itâé de l'écoiioibie politique.
Du BuAT (comte). Eléments de la poliiiquey ôti Recherche deâ
vrais principes de Féconomie sociale. Londres y 1778, 6
vol. in-8.
Fatras économiste en six volumes, entremêlé de dialogues où se trouvent
souvent traitées d'une manière neuve et originale pour le temps, une foute
êk tlUestiohs auj6urd'htil résolue^.
Dmwi (J.-B.). Ihi Oommerûè ptdnpuis dënê Ntal weml de
t9uf9p$ , m Obiw lâtimg fcof li ocBitiWHtee te te Wtnce
420 BIBLIOGRAPHIE.
en Italie, dans le Levant, en Russie et dans lamer Noire, etc.
Paris, 1806, 1 vol. in-8.
L'auleur était uo employé supérieur de radministration française. Son
livre est essentiellement réglementaire et empreint de la routine des bu-
reaux.
Dubois- Aymé. Examen de quelques questions d'économie poli"
H que, etc. Paris, Pélicier, 1824, in-8.
DucHATEL (T.). De la Charité dans ses rapports avec Tétat mo-
rai et le bien-être des classes inférieures de la société.
Paris, 1829. in-8.
Ouvrage trés-remarquable sous le rapport de l'élévation des idées et de la .
noblesse des sentiments.
L'auteur nous semble d'ailleurs un peu trop asservi aux doctrines de
>lallhus.
DuDLEY-NoRTH. Discourscs upon trade, principally directed (o
the cases of interest, coinage, clipping, and increaseof
money. London, 1691.
L'un des premiers livres d'économie politique méthodique qui aient paru
en Angleterre.
C'est là qu'il faut voir avec quelles difficultés les vérités les plus élémen-
taires ont eu peine à se faire jour.
DuFRESNE DE Francheville. Htstotre du tarif de 1664; 1766,
3 vol.
Trop longue histoire d'un tarif modifié deux ans après sa promulgation.
Dufresne Saint-Léon (L.-C.-A.) Etude du crédit public et des
dettes publiques, Paris, 1824, in-8.
L'un des meilleurs ouvrages élémentaires que nous possédions sur la
science pratique des finances. Il est écrit avec un talent de style et une net-
teté de vues bien rares dans ces sortes de matières.
L'auteur avait été employé pendant longtemps dans les bureaux du Trésor,
et son livre est le fruit de sa haute expérience.
Du Hautchamp. Histoire du système des finances sous la miwh
rite de Louis XI r. La Haye, 1 739, 6 vol. in-1 2,
— Histoire générale et particulière du visa fait en France
pour la réduction et l'extinction de tous les papiers
royaux el des aetions de la Compagnie des Indes, que le
BIBLIOGRAPHIE. 421
système des finances avait enfantés. La Haye^MlZ, 4 vol.
in-i2.
C'esl finvenUire raisonné de toutes les pièces relatives au ^y«/émé de Law.
Ce livre est écrit avec partialité , et sous l'empire des ipécontentements qui
suivirent la banqueroute ; mais c'est un des documents les plus intéressants
de répoque.
Ddni. Origine e progressi del cittadino romano.
Gel ouvrage, plein de sagacité et d'érudition, offre des vues trés-ingé-
nieuses sur l'étal social des Romains.
DnNOTER (B.-C). Nouveau Traité d'économie sociale, ou Sim-
ple exposition des causes sous Tinfluence desquelles les
hommes parviennent à user de leur force avec le plus de
liberté, c'est-à-dire avec le plus de facilité et de puissance.
Paris, 1830, 2 vol. in-8.
Cet excellent ouvrage, dont il n'a été mis en circulation qu'un très-petit
nombre d'exemplaires , appartient à la nouvelle école économique française,
qui ne sépare pas les progrés de l'industrie de ceux de la morale et du bien-
êlre général. Il est plein d'idées neuves et d'austères vérités.
DupiN (baron Ch.). Le petit Producteur français. Paris, Bache-
lier, 1827 et années ôuiv., 7 vol. in-i8.
M. le baron Duptn a publié, sous ce titre, une série d'écrits, du genre Ta-
milier, dans l'un desquels il a attaqué lé système prohibitif avec une verve de
raillerie extrêmement remarquable.
— Discours et leçons sur Vindustrie, le commerce, la marine,
et sur les sciences appliquées aux arts. Paris, Bachelier,
i 825, 2 vol. in-8.
— Forces productives et commerciales de la France. Paris,
Bachelier, 1827, 2 vol. in-4.
DiîPiN (baron), ancien préfet, mort en 1822. Histoire de V ad-
ministration des secours publics, etc. Paris, 1821 in-8.
Dupont (de Nemours). Physiocraiie , ou Constitution natu-
relle du gouvernement le plus avantageux au genre hu-
main-, recueil publié par Dupont. Leyde et Paris, 17B8,
deux parties, in-8.
C'est l'analyse de la fameuse formule arithmétique du Tableau économique
d» QuçsiHiy, *jiivie à^ comimenbiir* ^es MOiç'mes générales ^u^Qw^tnmeM
économique et un royaume agricole , par le même.
On peai considérer ce livre comme le catéchisme de la secie économiste.
La Formule arithmétique n'y est point ; mais elle a été imprimée textuelle-
roent dans l'ouvrage de Mirabeau le père, intitulé^ : Vàmi des hommes.
— De l'exportation et de l'importation des grains. Soisson^,
1764, in-8.
— Lettre sur la différence qui se trouve entre la grande et la
petite culture, etc. Soissons, 1764, ia-12.
•^ Vu commerce de la Compagnie des Indes, 1769« \ v^.
m-8, 2^édition, augmeotée de Tbistoir^ 4u «ystèm^ de
Lâw.
L'or des meilleurs écrits sur le système de Law.
La question du commerce des Indes n'psi traita ()|l'ae<Ml9oir^l^9( dans
cet ouvrage.
— Mémoires sur la vie et les ouvrages de Turgot. PJiiîlade]-
phie (Pari$), 1782, 2 voh ia-8.
— Lettre à la chambre du commerce de Normandie ^ mit le
Mémoire qu'elle a publié relativement aii Ir^té 4e Qomr
merce avec l'Angleterre. Paris^ Moutardier; i voj. in-8,
1788.
Commealaire plein de faits curieux sur les conséquences 4)) iralbft ^
commerce de 1786 avec l'Angleterre. Cette lettre a pour objet de Ip d^tefldrç*
wm Oftservations sur les effets de la liberté du commerce des
« gvoi^^, ^t sur ceux des prohibitions* Paris, in-^, 192 pag.
— analyse historique de la législation des grains ^ depuis
1792, etc. Paris, 1789, in-8.
— Sur la Banque de France^ avec une théorie des banques,
rapport fait à la cbambre de commerce par une commis
sipn spéciale. Paris^ 1806, in-3.
Dupont de Nemours, qui continua la publication des Épliémérides du ci-
toyen, commencée par l'abbé Bandeau, était un auteur éminemment taboriem
et instruit. Il a publié , pendant soixante iams ',■ une foule de mémoires, d'arti-
des, de rapports, d'essais, qui fous outpour obieile bien public j mais
qu'on trouve trop souvent imprégnés de l'esprit de jsècte. I.-B. S.
PupRÉ pp Saint-Maur. JSssai sur Us monnaies^ ou Réflexions
sur te rapport entre l'argent et les denrées. Paris, 1746,
in-4.
Ce livre a élé beaucoup trop vanté ; on y trouve cependant d'intéressants
d^lails sur les monnaies du moyen âge , et le tableau des variations survenues
dans le prix des choses depuis l'an 1002 jusqu'en 1742.
— Jiecherches sur la valeur des monnaies et sur le prix des
grains, avant et après le concile de Francfort, Paris, i 762,
iM2.
IkiQV^SKOY.Jieeueil de mémoires sw les établissements d'huma-
nité ; traduit de l'anglais par Labaume, de Liaacourt et
autres ; publié par Duquesnoy avec soin. 4794-1804.
DuBEÂU DE LA Mâlle. Économic politique des Romains, Paris,
1840, S vol. in-8.
DuTENS (J.). Analyse raisonnée des principes fondamentaux
de V économie politique ; 1 vol. in-8, 1804.
Ce premier essai de M. Dutens a été refondu avec de grandes modifications
dans un autre ouvrage publié, trente ans après*, sous le titre suivant :
— Philosophie de l'économie politique , ou Nouvelle expo-
sition des principes de cette science. Paris, 1855, 2 vol.
in-8.
Les principes que l'auteur a soutenus dans ce dernier ouvrag9 diffèrent
essentiellement de ceux qu'il professait dans sa jeunesse. La philosophie de
^économie politique n'est autre chose qu'une nouvelle édition des doctrines
êè Quesnay, moins ce qu'elles avaient de grogressif en matière de liberté
commerciale et d'impôts.
DoTOT. Réflexions politiques sur les finances et le eCommerce,
La Haye, 1738, 2 vol. in-12.
IHUot est l'écrivain qui a analysé avec le plus de profondeur le système 4le
Law et les causes de sa chute. Son livre est d'une clarté admirable, et il ren-
(ipn9# sur le crédit fies réflexions dignes d'être méditées par tous les hoonroei
gui désirent approfondir la science difficile des fioiioces.
Pin^NEv. Foyez Paris du Verne y.
424 BIBLIOGRAPHIE.
E.
Ecrément. Entretiens eVvues sur l'économie politique , etc,
Lille et Paris, 4848, in-42.
Ehrenthâl (V.). Die Staatswirthschaft nach Naturgesezen,
Leipzig, 4849.
— Neber dus œffentliche Schuldenweson. Leipzig, 4840.
EiKEHEYER. Abkandlungen uher Gegenstaende der Staats und-
Kriegswissmnhaftem. Frankfurt, iii-8. J846.
EiSELEN (J.-J.-H.). Grundzuge der Staatswirthschaft, Berlin,
4848,4 vol. in-8. .
(On doit à Eiselen une nouvelle édition, augmentée, de la
Science financière , par L.-H. Jakob.) Voyez ce nom.
Enfantin. Économie politique et politique. Paris, 4854, in-8.
Ensor (George). An inquiry concerning the population of na-
tions. (Recherches sur la population des nations) ; 4 vol.
in-8, 4848.
— The poor and their relief. (Des pauvres et des secours.)
i vol. in-8, 4825.
Cet auteur et Godwin sont les antagonistes les plus capables de la doctrine
de Maltbus sur la population.
EscHENMÀYER. * Ubcr das formate Prinzip der Staatswirths-
chaft. (Du principe formel de l'économie politique comme
science et comme doctrine.) Heidelberg, 4845, in-8.
Eschenmayer est un des économistes allemands qui a le plus contribué i la
propagation de la doctrine de Smilh par ses articles insérés dans les Annales
de Heidelberg (Heidelberger JahrbUcher) et dans la Gazette littéraire de Leip-
zig {Leipziger Litteratur Zeitung). Le liyre ci-dessus est abstrait et purement
scientifique.
EvERETT (Alex.-H.) Nouvelles idées sur la population^ avec
des remarques sur les théories de Malthus et de Godv^in;
traduit de l'anglais par C.-J. Ferry. Paris, Renouard, 4826,
in-8.
BtbLIOGRAPHIE. 4^
Estradà (don Alvaro Florez). Traité éclectique d'économie
politique; traduit par L. Galibert. Paris, 1833, 3 vol. in-8.
L'an des ineilleurg traités qui aient été publiés depuis A^dam Smith; il est
principalement remarquable en ce qui concerne la théorie des impôts. Une
cinquième édition, considérablement augmentée, vient de paratlre en espa-
gnol à Madrid, 1841.
F.
Fabricids. Jnfangggrûnàe âer œconomischen Wineuschafien,
Kopenhague, 1783, in-8.
Faiguet, IJ'ami des pauvres , ou V Économie politique, Paris,
1766, in-12.
— Uami des pauvres, mémoire politique sur la conduite des
finances. Amsterdam, 1770, 1 vol. in-12.
Fazy (Jean-James). L* homme aux portions, ou Conversations
philosophiques et politiques. Paris, 1821, în-12.
r- Opuscules financiers sur V effet des privilèges, des emprunts
publics et des conversions; sur le crédit et Vindustrie en
France. Genève et Paris, in-8, 1826.
— Du privilège de la Banque de France, considéré comme
nuisible aux transactions conmierciales. Paris^ 1819, in-8
de 76 pages.
Félice (de). Éléments de la police d'un État. Yverdun, 1781,
2 vol. în-12.
Fergusson (Adam). Essai sur l'histoire de la société civile ;
traduit de l'anglais par Bergier. Paris, 1783, 2 vol. in-12,
ou 1796, in-8.
Ce livre appartient plutôt à la philosophie de l'histoire qu'A l'histoire de
réconomie politique. Son meilleur chapitre , celui dans lequel il retrace les
avantages de la division du travail, peut passer pour une Inspiration d'Adam
Snith.
Ferrier (F.-L.-A.). Du gouvernement considéré dans ses rap-
ports avec le commerce, ou de T Administration commer-
28
436 BIBLIOGRAPHIB.
ciale opposée aux économistes du dix-neuvième 9iôclf .
Parî«, 18î2,in-8.
C'est le ZoTle d'Adam Smith, et le Pindare de la douane, où 11 a occupé un
emploi avantageux. Il écrit avec esprit , et ses arguments ne manquent po
d'une certaine verver; mais ils s'évanouissent devant le plus léger exanM.
C'est un économiste de bureau.
FiCHTE (J.-G.). * Der geschlossene Handelsstaat. (L'État fenné
commercialement.) Tuhingue^ 1800, in-8.
Ouvrage assez remarquable pour avoir mérité l'attention des çontempO'
rains. Il mérite encore d*élre consulté, malgré les travaux qui l'ont dépassé.
FiLANGiERi (Gaetano). Délie leggipolitiche ed economiche. in-^.
Grand partisan de la liberté du commerce et ennemi des armées perma-
nentes.
Quoique cet ouvrage ne soit pas son chef-d'œuvre, on y reconnaît l'homme
supérieur, l'esprit net et positif du grand réformateur italien.
Fischer. Lehrbegriff und Umfang der deutschen SiaaUfJDi"
nenschaft. Halle, 1785, in-8.
Fix (Théodore). Revue mensuelle d'économie politique. 5 vol.
in-8. Paris, 1833-1836.
FoERSTER. f^ersuch einer Einleitung in dié Kameral nu Po-
lizci'fFissenschaft. Halle, 1771, in-8.
-^ Entwurfder Land-Staats und Stadiwirchschaft. Berlin,
1793, in-8.
FoRBONNAis (Yéron de). Essai sur la partie politique du com-
merce de terre et de mer, de l'agriculture et des finances ;
1751, in-12.
— Éléments du commerce. Leyde et Paris, 1754. Nouv. édit.
augmentée. Paris, an IV (1796), 2 vol. in-12.
— Considérations sur les finances d'Espagne , relativement
à celles de France. Dresde (Paris), 1755, 1755, petit in-12.
">- Examen des avantages et des désavantages de la prohi-
bition de» toiles peintes, Marseille, 1753, in-12.
— Questions sur le commerce des Français au Levant. Mar-
seille (Paris), 1759, in-12.
— Lettre à M. F {Fréron)^ ou ExMnen pditique dei pré-
BIBLIOGRAPHIB. 437
■ *
iendui iocooyéuientg de la faculté de commercer en gros,
sans déroger à la noblesse. (1756), in-12.
JRtckereheê $i considérations sur les finances de France^
depuis 1595 jw«gu'à 1721, Bâle, 1758.— Seconde édition. -
Liège, 1758, ^ vol. in-12.
Bssai sur Vadmission des navires neutres dans nos colo-
nies. Paris, 1759, in-12.
De la nécessité^ pour assurer la rentrée des impositions j
d'assurer le payement de la dette publique.
De deux droits uniques^ Tun une dixme nature, et Fautre
une taxe, par arpent, pour les habitations.
De l'abolition de la taille dans les campagnes.
De la dissolution de la Compagnie des Indes.
Edit sur les célibataires.
Mémoire sur la servitude.
De la cession de VInde à la couronne d'Angleterre.
Essai sur le traité de commerce entre la France et la HùU
lande.
Du commerce de la France dans les colonies.
• Projet d'édit pour la réforme des finances.
' Introduction sur les finances, avec des tables calculées.
• Trois mémoires sur Véiat des financée en nZ9, en 1765 et
en 1776.
- Des impositions sur le luxe.
• Fues générales sur le système de Law.
' Parallèle du système de Law avec celui d'Angleterre §vtt
la Compagnie de fa mer du Sud.
- Mémoires sur ce que la France peut produire de revenus.
- Essai sur cette question : la France doit-elle être udepiii^
sance commerciale ?
- Sur la liberté du commerce des grains avec l'étranger.
- Mémoire sur la mendicité.
-^ Travail sur les hypothèques.
428 BldLIOÛRAPHlE.
-^ Principes et obsertatiom économiquei. Amsterdam, 1776,
2 vol. in-12.
— « Obiervaiions succinctes sur l'émission de deux milliards
d'assignats, Paris, 1790, iii-12^.
— • Analyse des principes sur la circulation des denrées et
Vinfluence du numéraire sur la circulation, Paris , 1800,
petit in-12.
— Le négociant anglais, Dresde (Paris), 1753, 2 vol. in-12.
Traduction abrégée d'un ouvrage anglais qui parut à Lon-
dres, en 1713, sous le titre de British Mer chant,
— Théorie et pratique du commerce et de la marine-, traduit
de Tespagnol d*UsTARiTz. (Voyez ce nom.)
Forbonoais est un des économistes pratiques les plus fécouijls et ies plus
honorables du dernier siècle. Sa grande habitude des afTaires le préserva tou-
jours de l'invasion des utopies, et son noble caractère ne lui permit jamais
de rien publier sans étu(jes sérieuses et sans recherches inratigables. Ses con-
sidérations sur les finances de France resteront comme un des livres les plus
intéressants de l'époque où elles furent écrites.
FoDÉRÉ (Fr. Emm.). Essai historique et moral sur la pauvreté
des nations, ta population, la mendicité, les hôpitaux et
les enfants 'trouvés,VairiB, M"« Huzard, 1825, in-8.
Fortune (Thomas). Histoire concise et authentique de la Ban-
que d* Angleterre, Londres, 1779, in-8-.
FouRiER (Ch.).' Traité' de rassodation domestique agricole;
2 vol. in-8. Paris, 1822.
Selon l'auteur, le mat n'est pas dans la nature de l'homme et dans ses pen-
chants natifs; il n'est que dans les circonstances sociales qui, -au lieu de mé-
nager à ses penchants un essor heureux et juste, ne leur présentent le plus
souvent que des voies de fraude, de lutte et d'iniquité. C'est là une grande et
belle idée ; mais le livre dans lequel M. Fourier a essayé d'en tirer les consé-
quences est écrit dans un style si obscur, avec un néologisme si bizarre éi
dés projets d'association si incc^préhensibles , que l'auteur a longtemps été
considéré comme un rêveur.
— Le nouveau monde industriel et sociétaire , ou Invention
du procédé d^industrie attrayante et naturelle distribuée
en séries passionnées. PariSj 1829, in-8, 1 vol.
Voici comment l'autour s'exprime dans sa préflice : « Ma (tu'il Aura été
BIBLIOGRAPHIE. 429
constaté, par cet essai, que le mécanisme nommé pliaiaugc de séries passiou-
hées crée raltraclion industrielle , on verra Timitalion aussi rapide que l'é-
clair : tous les sauvagfS, tous les nègres de l'Arrique en>brj8seront l'industrie .-
on aura , deux ou trois ans après^ le subre à l'échange , poids pour, poids,
contre le blé, et proportionnellement les autres denrées de la zone torride.
Un autre avantage, entre mille, sera d'éteindre subitement les dettej publiques
en tout pays , par suite du quadruple produit : lorsque celui de France ,
qu'on estime six milliards, sera élevé à vingt- quatre, le fisc percevra plus
aisément deux milliards sur un,' qu'aujourd'hui un sur six. »
— Théorie des quatre mouvements. 1808, 1 vol. in-8.
c'est le premier ouvrage de Fourier. Sa pensée y est encore obscure et
confuse, et ne commence à se manifeslcr que dans le traité de VAssocialion
domeslique agricole.
Franklin (Benjamin). La science du bonhomme Richard, —
Plusieurs essais qu'on trouve dans ses OEuvres morales et
politiques^ notamment sur le luœe^ la paresse et le travail;
sur Vétat de l'Amérique anglaise, ou tableau des vrais in-
téréts de ce vaste continent ; observations sur Vétat de VO-
hio ; réflexion sur V augmentation des salaires. Voyez aussi
Vinterrogatoire qu'il subit devant la Chambre des com-
munes en 1776.
Franklin, qui ne parait pas avoir connu les écrits des économistes poli-
tiques qui l'ont précédé, ne s'est trouvé démenti dans ses doctrines par aucun
de ceux qui l'ont suivi, ce qu'il faut attribuer à l'influence de la méthode ex-
périmentale appliquée aux sciences morales et politiques. 11 étudiait la politi-
que et ré.conomic sociale comme il faisait la physique.
Froumenteau (N.). Le secret des finances de France^ descou-
vert et départi en trois livres, in-12, 1581. Sans nom de
ville.
C'est le procès-verbal des pillages et des dévastations de la guerre civile,
pendant les querelles de religion qui ont désolé la France avant ravénemeni
définitif de Henri IV. L'auteur y fait avec un sang-froid inaltérable le dénom-
brement des victimes qui ont succombé, par toutes les provinces, aux vio-
lences des gens de guerre. On n'y lit jamais que ces mots sinistres .- tant de
pendus, tant de brûlés^ comme si c'était chose naturelle. La bonne édition,
celle qui porte le nom de l'auteur, est assez rare.
FuLDA. Syslematischer Abris der sogenannten Kameralwis"
senschaften, Tubingue, 1802.
4^ BIBLIOGRAPHIE.
-r- Grundsaeze der Kameralwissenschafien, Tuhingue, 1820,
in-8.
-^ IfebàrIH'ùductionundConsumiion.liUbiRgiie, 1820, in-8.
-^ Der Siaatsereàil, Tubingue, 1852.
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FuRSTENÀU. Fersuch eincK apologie des phisiocratiscf^n Sys-
tems, Brunswick* 1780, in-8.
G.
Gàete (duc de). Notice historique sur les finances de France
( de Tan 1800 au l»*^ avril 1814). Paris, 1818, in-8.
M. le duc de Gadte ne parie que des choses quMI a vues et auxquelles il a
prit pari. Son litre est certainement le plus intéressant i consulter sur les
finincei de TEmpire.
G^LUNi (Fernando). Délia moneta, (De la monnaie). 17S0,
1 vol, in-.8.
-^ Dialogues sur le commerce des blés, Londres, 1790, in-8.
L'abbé Galiani est un des économistes les plus connus de l'Italie, et cepen-
dant ses deux ouvrages sont loin de justifier la réputation dont il a joui.
Ses dialogues su^ le commerce des grains ne^ sont qu'un plaidoyer contre
la libre exportation, et son essai sur Içs monnaies a été surpassé en Angle-
terre ei en Italie par la plupart des écrivains qui ont écrit sur le même stget.
Il écrivait à M. Suard, en 1770, à propos de ses dialogues: « vous qui êtes de
la secte de Diderot et de la miennej ne lisez-vous pas le blanc des ouvra-
ges ? à la bonne heure que ceux qui ne lisent que le noir de récriture
B^ienl rien vu de décisif dans mon livre; mais vous, Itsea le blane, Hsez ce
que je n'ai pas écrit, et ce qui y est pourtant , et voici ce que vous y trouve-
rez : dans tout gouvernement, la^ législation des blés prend le ton de l'esprit
eu gouvernement; sous un despote, la libre exportation est impossible, le
lyron a irep peu/r des cris de se» esclaves affamas, » Et eepenéant Gatiani a
ooBibaUula Ubre eiporiation ; mais il était secrétaire d'anbikisade. Il éorîTail
In voir, il faut lire le blanc.
Gandillot (avocat). Essai sur la science des finances. Parié,
Joubert, 1840, 1 vol. in-8.
Ganilh (Charles). Essai politique sur le revenu public des
peuples de l'antiquité^ du moyen Hge, des siècles moder-
BIBLIOGRAPHIE. 431
net, et spécialement de la France et de l'Angleterre, de-
puis le 13' siècle jusqu'au 19'; 2' édit. Paris, Treuttell et
Wurtz, 1825, 2 vol. in-8.
— Des systèmes d'économie politique, de la valeur compara-
tive de leurs doctrines, et de celle qui parait la plus favo-
rable auï progrés de la richesse ; 2» édit. Parii, Treuttell
et Wurtz, 1823, 2 vol. in-8.
— Théorie de l'économie politique, fondée sur les laits recueil-
lis en France et en Augleterre, etc. Paris, les mêmes;
QDUV. édit., 2 vol. in-8, 1822.
— De la science des finances, i vol. 182S, par le même.
— Dictionnaire analytique d'économie politique. Paris, Lad-
vocat, in-8, 1826, par le même.
M. Gwilb évùl au écoDOniiBle lyborïoui ; mais laus ses bçtWi onL i|ui!lc|UD
cbOM de (sgue el d'iDcampIel qui a nui i leur suFcèa auprès des hommes
■pÊsiiui. Le meilleur de ses outragea esl son râsumé Des sysléians en éco-
nomie pollilgae ; le plus mauvais esL aon 0(0^(0111131™, œuvre indigne de lui.
Gans (baron de). * System der Staalswissenschaft. (Système
d'économie politique), in-8. Leipzig. 1826.
Livre iSiei superficiel; on j parle de la ricbesse. nslionale, dea impûla el
des délies publiques. L'auteur ne parall pas i^lre au CDuranL do la science.
Gahmeh (Germain) . Abrégé élémentaire des principes de l'éco-
nomie politique. Paris, 1796, iD-12.
— Théoriedes hanques d'escompte. Paris, 1806, in-8.
— Histoire de la monnaie, depuis les temps les plus reculés
jusqu'au règne dn Cbarlijmagne. Paris, 1819, 2 vol. ia-8.
L'un des meilleurs ouvrages 9ur la monuale, C'esl p*r celui-U qu'il faut
commencer l'élude de lous les aulres,
— De la propriété dans ses rapports avec te droit politique.
Paris, 1792, iD-18.
L'auleur prétend que la gonTeralnelé oallonale réside eicluillemenl diai
les propriétaires.
Le coinle Garnier a publié, en nuire, une LraduclioD de f ïijoi lur la ri-
cliesie des nalloiis , d'Adam smïlh, avec nMes, IraduclloD que je m'occupe
de reioir, el dont nn imprime eu ce moment une nouvelle édition, enrictile
432 BIBLIOGRAPHIE.
Gasparin (de). Comid^rations sur les machines. Paris, 1835,
in-8.
Gavard. Grundlenien der reinen und angetoaudten siaaisco-
nomie. Wurtzbourg, 1796, in-8.
Geier (Pierre-Philippe). * Uher Encyclofedie und Méthodolo-
gie der Wirthschaftslehre, (De rEncyclopédie et de la Mé-
thodologie de l'économie politique.) fFurizbourg, 1818,
in-8. Du même auteur : Ferusch einer logischen Begriin^
dung der ff^irthschaftslehre, Wurtzbourg, 1822.
Ces deux ouvrages sont pureinenl scientifiques ; les doctrines de Smilh et
de J.-B. Say leur servent de base.
Genovesi (Antonio). Lezioni dieeonomia civile.
— Opuscoli di economia politica.
Genovesi est le chef de la grande famille des économistes italiens. Quoiqu'il
ait protégé de toute la Torce de. son talent les funestes doctrines du système
mercantile, on te doit pas moins reconnaître quMl a le prenÂier contribué i
répandre dans son pays les études économiques.
Son Éloge des résultats du travail est une réponse solennelle auzdéiractean
de la science, que sa prédilection pour TADgleterre avait peut-être irrités.
Gentz (Frédéric). Essai sur l'état actuel de V administration
des finances et de la richesse nationale de la Grande-Bre-
tagne. Londres et Hambourg, 1860, in-8.
Bon livre, principes droits ; applications nettes à Tadministration des éuts.
L'ouvrage n*a que 275 pages, et il est empreint d'une partialité évidente
pour l'Angleterre; mais il a la valeur de dix volumes, et son élude est du plus
grand intérêt pour un Français.
Gérard de Rayneval. Principes du commerce entre les nations;
traduit de l'anglais de B. Vaughan. Paris, 1789, in-8.
Gerboux (Fr.). Discussion sur les effets de la démonétisation
de Vor^ relativement à la France,
Document bon à consulter.
Gerdret. Réflexions sur la mendicité, in-12.
Gerstner. Mémoire sur les grandes routes , les chemins de fer
et les canaux de navigation; traduit de Tallemand de
BiBLIOGRAPiUË. 433
Gerstner, et précédé d'une introductiou par M. P. S. Gi-
rard. Paris, 1827, in-8.
BoD livre, utile à consulier par les économistes et par les ingénieurs.
Gheiurdo d'Arco (Giamhattista). J9e/r armonia politico-econo'
mica ira la cita e il stu) territorio, MantovaDO, in-8.
— DelV annona. in-8.
— DelV influenza del commercio sopra i ialenti e i cosiumi,
— Riposta al quesilo : Se in uno stato di terreno fertile favo-
rir debbasi maggiormentel'estrazione délie materie prime,
ovvero quella délie manifatture. in-8.
— Del diritto ai Iransitti. in-S,
Tous les ouvrages de cet auteur sont empreints du même esprit de pédan-
tismç, et surchargés de citations, de notes et de dissertations interminables.
GiLBÀRT (James W.). The hisiory andprindples of banking;
2« édit. London, 4835, in-8.
La meilleure histoire que nous ayons de la formation des banques euro-
péennes. L'auteur a trop légèrement parlé dé celles de Venise, de Gènes,
d'Hambourg et d'Amsterdam; mais on peut compléter celte étude par la
lecture des notes que le. sénateur Gamier a jointes à sa traduction de Smith,
par les notiees qui accompagnent l'ouvrage de Slorch, et par les écrits de
J.-B. Say
Le livre de M. Gilbart servira principalement à bien connaître l'organisation
de la banque d'Angleterre.
GiojA (Melchiorre). Nuovo prospetto délie scienze economiche,
ossia somma totale délie idée teoriche e pratiche în ogni
ramo d'administrazione privata e publica. Milano, 1815,
6 vol in-4.
Ce prospectus, en six volumes in-4, paraîtrait un peu long, si l'auteur, qui
était un homme d'esprit et dont l'Italie regrette la perle récente, n'en avait
Tait une véritable encyclopédie économique, riche des documents les plus
précieux et des citations les plus originales. Sa critique sévère ne fait grâce
à aucune renommée; Adam Smith, J.-B. Say, Malthus, ont essuyé tour à tour
Je feu de ses épigramm^^s. C'est le Gcoffiroy de l'économie politique ; sa verre
s'exerçail surtout aux dépens des économistes qui n'étaient point de son
pays, tandis que sa grande érudition donnait, â ses attaques une apparence
d'impartialité. Son livre est trop peu connu et trop peu étudié en France.*
GoDwiN (Will.). Recherchex sur la population, et sur la faeul-
494 BIBLIOGRAPHIE.
té d'aceroissemênt de l'espèce humaine; contenant une ré-
futation des doctrines de Malthus sur cette matière; tra-
duit de Tanglais par F.-S. Gonstancio. Paris, 1821, â toI.
in-8.
Le livre de Godwin a ftU moins de bruit que celui de Mâllhus dont il est la
rérutalion ; il renrerme cependant des vues bien plus hardies et plus géné-
reuses. Il est écrit d'un style vif et pittoresque, avec une verve de raillerie et
une énergie d'expression qui lui donnent le caractère d'un pamphlet, quoique
ce soit un ouvrage vraiment spécial.
GouRNAY (Vincent de).
Il donna une traduction française de Josiah Child et Thomas Culpeper
(voyez ces deux noms), et se fit principalement eonnatlre par dé nombreux
mémoires, comme intendant du commerce. Il professait, mais avcd des
amendements très-judicieux, les principes des économistes du siècle passé.
Turgot a écrit son éloge ; mais le plus grand de tous les éloges est le nom de
son panégyriste.
GoRLOF. De valoriê naturâ, Dorpati, 1838, in-8.
Gouttes (l'abbé). Théorie de l'intérêt de V argent contre l'abus
d'imputation d'usure, Paris, ^1780, 1 vol.
Cet ouvrage ne renferme rien qui ne se lrouv« dans les écrits de Benlham
et de Turgot.
Grauman. Lettre concernant les monnaies d'Allemagne, Berlin.
1752, in-12.
— Lettre sur la proportion entre l'or et l'argent ; >ur les mon-
naies de France^ etc. Paris, 1788, in-8.
Grenville. Mémoire sur l'administration des finances de V An-
gleterre, depuis la pato?; ouvrage attribué à M. Grenville,
ministre d'état, chargé de ce département dans les années
1763, 1764 et 1765. Mayence, 1778, in-4.
Ce livre a pour but de signaler au peuple anglais la nécessité d'une sage ad-
ministration des finances. L'auteur y manifestait des inquiétudea sur l'avenir
de son pays, en voyant la dette publique s'accroître. Qu'aurait-il dit, s'il avait
vécu après la guerre d'Amérique et Ja révolution française, par suite desquel-
les la dette anglaise fut portée à près de vingt milliards ?
Grimaudet (François). Des monnaies, augment et diminution
â'keiles. Paris, 1586, in-S.
BIBLIOGRAPHIE. 435
Grôuber DE Groitbenthal. Théorie générale de Vadministra-
lion des finances, Paris, 4788, 2 vol. in-8.
GuA DE AAtYEs (abbé de). Discours pour et contre la téduc-
tion de V Intérêt naturel de l'argent-, traduit de Fanglais.
Wesel, 4797,1 vol.
L'observation faite pour Pouvrage de l'abbé Gouttbs (page 434) peut s'ap-
pliquer également à celui-ei.
GuDiN DE LÀ Brenellbrib. Essax sur l'hisioire des comices àê
Home, des états- généraux de France et du parlement d'An*
gleterrs. Pari», Maradan, 1789, 5 vol. iih8.
Cet ouvrage a remporté le prix d'utilité à l'Académie française. Il a le mé-
rite, rare 4ans ces sortes d'ouvrages, d'être écrit avec beaucoup de clarté.
GuER (de). Jffistoire de la Banque d'Angleterre, et considéra-
tions sur les grandes banques de circulation. Paris, 1810,
in-8.
— Considérations sur les finances. Paris, 1805, in-8.
— Du crédit public, Paris, 1807, in-8.
— Essai sur le crédit commercial, considéré comme moyen
de circulation, et suivi de Texposition des principes de la
science du crédit public, et de celle de l'imposition. Pa-
ris, 1801, in-8.
GuLicH (Gust.).* GesohiehilicheDarstellung des Handels, etc.
(Exposé historique du commerce, de l'industrie et de l'a-
griculture des États commerçants les plus importants de
notre époque.) â vol. in-S. Jena, 1830 ; chez Froman.
Cet ouvragé, bit avec soin et conscience, répond à son titre. Il coittient
des recherches précieuses snr le commerce et l'industrie. Lei relations ex-
térieures des peuples y sont surtout traitées in extenso, sans que pour cela
les données sar le connerce intérieur aient été négligées.
H.
Hagrn (von der). Stamtslehre. Kœnigsberg, 1839, iii-8.
Hamburger. Dû preHis rerum aipud veteres Ihmanos disputa-
tro, Gottingue, 17^4.
436 BIBLIOGRAPHIE.
Thèse fort contestable sur un sujet qui ne sera jamais éclairci, mais riche
de Taits el d'observations.
H AMiLTON (Robert). Recherches sur Vorigine ^ les progrés, le
rachat^ l'état actuel et la régie de la dette nationale âfe la
Grande-Bretagne ; traduit de l'anglais par Henri Lasalle,
Paris, 1817, in-8.
L'un des meilleurs ouvrages qui aient été écrits sur la matière. Il est con-?
suite tous les jours comme un document officiel, quoiqu'il ne le soit pas.
Hamilton (Alexander). Rapport ofthe secretaryofthe ireasury
of the united States on the subject of manufactures. 1 vol.
in-folio, 1791.
Harcourt (vicomte d*) . Réflexions sur la richessse future de
la France et sur la direction qu'il convient de donner à
la prospérité du royaume. Paris, 1826, in-8.
Cet ouvrage renferme qpelques vues utiles.
L'auleur y soutient la possibilité d'employer les troupes aux travaux pu-
blics ; il n'est pas très-grand partisan du commerce extérieur, mais en revan-
che il se montre très-favorable â l'entretien d'une dette fofidée, comme moyen
de rallier les rentiers à la fortune du gouvernement. On a vu, en i830, de quel
secours était ce renfort. ^
Hautërive (comte d'). Éléments d'économie politique^ suivis
de quelques vues sur TappUcation des principes de cette
science aux règles administratives. Paris, 1817^ in-8.
L'ouvrage de M. le comte d'Hauterive expose, avec beaucoup de lucidité,
les graves incoavénients d'une mauvaise répartition de l'impôt.
Nous ne connaissons pas d'adversaire plus énergique des lois prohibitives,
et son opposition est d'autant plus courageuse que l'auteur appartenait à Tact-
mioistration.
Heeren. De la politique et du commerce des peuples de ta f^
tiquité; traduit de l'allemand, sur la 4" édition, par M.W.
Suckau. Paris, Didot, 1850. 6 vol. in-8.
*— Manuel de l'histoire ancienne, considérée sous le rapport
des constitutions, du commerce et des colonies des divers
États de Tantiquité.Traduit de Tal^lemand par M. Thurot
Paris, F. Didot et fils, 1825, ou 1857, in-8.
B1BLI06RAPHIR. 437
— FisaiÈur l'influence dés croisades, i vol. in-8.
Heeren est l'un des historiens qui a fourni le plus de matériaux à l'écono-
mie politique sans être économiste.
Hégderty (d'). Essai sur les intérêts du commerce maritime,
La Haye, 4754, in-i2.
L'auteur y proposait un acte de navigation semblable à celui de l'Anglc-
terre.
Hennet (le chevalier). Essai d'un p^an de finances, Paris, De-
launay, 1816, brochure in-4.
— Théorie du crédit public. Paris, Delaunay, 1816, 1 vol. in-4.
Henrion de Bussi. 7>e la destruction de la mendicité. Riom ,
1790, ip-4.
Herbert (Cl. Jacq.). Essai sur la police générale des graim.
Londres, 1754, in-8; Berlin, 1755, in-12.
— Observations sur la liberté du commerce des grains. Paris,
1759, de 60 pages.
Hbrmann. * Staatswirthschaflliche Untersuchungen. {Recher-
ches d'économie politique.) in-8. Munich, 1832.
L'auteur a traité la science d'un point de vue Irès-élevé. L'esprit public est,
•elon lui, indispensable pour la réalisation des idées économiques ; c'est la pra-
tique qui doit le développer, soit par l'organe du gouvernement, soit par la li-
béralité des citoyens. Les recherches d'économie politique sont écrites avec
clarté et précision, et les chapitres du prix des marchandises, des profits, du
revenu et de ia consommation sont Irés-remarquabies.
Herrenschwand. De Véconomie politique et morale de l'espèce
humaine. Londres, 1796, 2 vol. in-4..
"— De Véconomie politique moderne^ Discours fondamental
sur la population, Londres, 1786, in-8.
Cet auteur appartient à l'école allemande, agricole et administrative ; il
ftrme la transition entre Péeole de Qiiesnay et celle d'Adam Smith. On peut
lé considérer comme un philanthrope imbu des doctrines de Mirabeau, le
père, plutôt que comme un observateur exact des Taits sur lesquels repo-
sent aujourd'hui les vr.iif^ théories de de la science. Quoique Allemand, il a
écrit en Trançais. Son livre de la Population^ dédié à Louis XVI, fourmille de
paradoxes sur le luxe ; on n'en saurait tirer aujourd'hui aucpn résultai avan-
tageux.
HoDGSKiN (Thomas). Popuiar poHtieal eeonotnyj four lectures
438 BIBUOaRAPHIE*
delivered at the London mechanics ia^itution. London,
1827, in-S.
Modèle bon à coonatire, de la manière dont les Anglaia ont sinpiifié, pour
les classes laborieuses, les plus hautes questions de récooomie politique..
HoECK. * Materialien zur Finanz-Siatisiik der deutzehen
Bundesstaaten. ( Matériaux j)Our servir à la statistique
financière de la Confédération germanique.) in-8. Smal-
kalde, 1823.
L'auteur a fait un rapprochement des différenta systèmes Onanciertilef états
. allemands. 11 donne en général le détail des revenus, des dépenses et dts det-
tes publiques. Ce livre contient touteXois plusieurs lacunes qui ont été conH
blées par des travaux plus récents.
HuERNE DE PoMMEusE. Des colouies agricoles. Paris, 1832, in-8.
Livre sérieux sur un sujet impraticable; on se souviendra du livre, même
après l'abandon de l'essai.
HirET.(at)cien éyèque d'Avranches). Histoire du commerce et
de la navigation dés anciens, 1763, 1 vol. in-8.
Ouvrage élémen'taire, complètement éclipsé par celui de M. Héerwi, mf fe
même sujet.
HuFELÀND (J.). " Neue Grundlegung der Stoais-Wirthschaft^
. kunde, (Nouvelles bases de réconomie nationale.) 2 vd.
Giessen, 1807 à 1813. in-8.
Cet ouvrage n'est pas encore terminé.
Hume (David). Essais sur le commerce, le luxe, l'argent, etc.,
1767, in-12.
Les Essais de Hume renferment une partie purement philosophique ei
une partie économique. La seconde, qui est la seule dont nous ayons à
parler ici, se compose de plusieurs chapitres sans liiâton entré eux, mais
remarquables par la clarté du style 9t la solidité des dédifctions. Les plus in-
téressants sont relatifs à la monnaie, au crédit public, â la population des an-
^ eiens états. ^
HusKissoN (William). The speeches of the right honourable,
. 3 vol in-8. Londres, 1831.
Les discours dé ce célèbre ministre demeureront toujours le point de dé-
part de la réforme économique en Angleterre. On peut les considérer conme
farsenâl où les adversaires du système pi^bibitif doivent venir tremper leurs
armes. (Consulter, sur le même sujet, la Notice biographique lue à MstU-
m par PtulMir d§ eetle htst^in^ le 3 mii iMo.)
B|||LipGRA)»|iIR, 439
I.
(SNARQ. Traité des richesses, Londres et Lausanne» 1781, 2 vol.
in-8.
Adreruire des éconinnistes ; un peu dédamateur comme eux.
Quelques déUUs atUchanls sur certains points de TécoDomie politique des
anciens, notamment sur leurs impOts.
IvsuKoift (François d']* Tableau historique et politique de$
pertes que la révolution et la guerre ont causées au peuple
français, dans sa population , son agriculture ^ ses colo-
nies, ses manufactures et son commerce. Mars, 1799, â vol.
in-^.
Il est fâcheux que ee livre, imprimé à Londres, ait ie caractère d'un pwi-
pblel cooMnandé centre le gouyernement de la nalion française ; mais à pif^
le sentiment qui Ta dicté, nos compatriotes y trouveront plus d'un grave su*
1^1 dç réflexions et d'enseignement.
J.
Jacob (William). An historical inquiry into the production and
consumption of the precious metals. London, 1851, 2 vol.
in-8.
Ouvrage plein d'intérêt , incomplet à beaucoup d'égards, mais riche de bits
jprécieux et de recherches spéciales, le meilleur dans son genre ; une (radoc-
lion française aurait des chances de succès.
— fieport on the trade in corn and on the agriculture of the
Dorih of Europe; imprimé par ordre de la Chambre dçs
communes, in-folio, 18â6.
Ce rapport contient dés documents de la phis haute importance sur le
commerce des grains en Europe, et il a servi à rérorraer les idées exagérées
qu'on s'était faites sur la fertilité des régions du Mord. On y trouve lef ta-
formations les plus récentes et les plus authentiques sur la question dei ce-
440 BIBLIOGRAPHIE.
Jakob (f^H.). * Die Siaatsfinanzwissenschàft. ( La science fi-
nancière, théorique et pratique, éclaircie par des exem-
ples puisés dans l'histoire financière moderne des États
de l'Europe.) 2* édition, augmentée par J.-J.-H. Eiselen,
Halle, 4837, in-8.
Cet ouvrage se disiingue par sa clarlé et par sa simplicité. L'auteur y a Ikit
preuve de connaissances Tort étendues, et son nouvel éditeur, M. Eiselen, a
cherché à y ajouter les faits nouveaux du monde flnancier. Les détails qui se
rapportent à la Prusse sont surtout intéressants.
Jakob. * Grundsaetze der Naiionalœconomie , etc, (Principes
d'économie nationale, ou théorie de la richesse nationale.)
in-8. Halle, 1825.
Cei ouvrage traite, dans les quatre sections dont il se compose, des élé-
ments de la richesse nationale, des conditions d'origine de celle-ci , et de son
accroissement en général. Suivent leis causes spéciales de l'accroissement des
richesses, les principes de leur distribution, et enfin ies phénomènes de la
consommation.
JOLLivET. De l'impôt progressif, et du morcellement des patri-
moines , par J.-B.-M. Jollivet, ex-député de rassemblée
nationale-législative. 1 vol. in-8, 1793.
L'auteur se prononce avec énergie conire l'impôt progressif : Texpé-
rieoce n'a pas justifié ses appréhensions. Son mémoire contient des calculs
intéressants. '
JoNCHÈRE (de La). Système d*un nouveau gouvernement en
France. Amsterdam, 1720, quatre parties in-12.
Dans ce livre, extrêmement original, l'auteur suppose. qu« le roi, pour évi-
ter mille détails embarrassants^ permettra l'établissement d'une compagnie
qui sera chargée des dépenses annuelles de l'Ëtat, de tout ce qui regarde les
finances et le commerce, et du maintien de la police. En d'autres termes, il
propose de donner le gouvernement à bail à celte compagnie; et de former
une société ien commandite qui ferait le métier de roi. On trouve dans ce
livre une description complète et détaillée du palais et des appartements
qui seraient habités par les gérants de, la société : le balcon du premier
étage devait être garni d'une grille en fer doré ; il y aurait des cascades dans
le jardin.
JoRio (Michèle de). Storiadel commereio e délia navigaziane^
BIBLIOGRAPHIE* 441
dal principio del mondo sino a giornî nostrl. Napoli, 1778.
Longue et faslidieuse compilation, Tort au-dessous de l'ouvrage de l'évéque
d'Avranches (II..Huet), sur le même sujet.
Jones (Richard). An essay on ihe distribution of wealth and
on the sources of taxation, Londres, 1 vol. in-8, 1831.
Le livre de M. Jones est un traité complet des origines du revenu territo-
lial dans les divers pays du monde, depuis les anciens jusqu'à nos jours. Cet
essai, sur la distribution de la richesse , ne s'occupe que d'une partie de la
richesse, celle qui dérive de la terre ; mais cette monographie est d'un prix
infini, à cause des documents nouveaux et variés dont elle est enrichie.
JovELLANOs. Informe de don Gaspar de Jovellanos en el ex-
pediente de la ley agraria, Burdeos, 1820, in-12. •
Jovellanos n'était pas un économiste, et 11 n'a pas donné les raisons vérita-
bles du triste étatile son pays; mais il en a signalé les plaies avec une rare
sagacité, et son livre aura longtemps le mérite de la nouveauté, comme ceux
de beaucoup de ses compatriotes.
— Memoria sobre el establecimiento del monte pio de hidal-
gos de Madrid^ leida en la real sociedad de Madrid, por
don Gaspar Melchior de Jovellanos , en 12 de Marzo de
1784.
Joyce (Jeremiah). A complète analyse ofAdam Smith, în-12,
1797, London.
JusTi (von). StaatswirtïischaftodersysiematischeAbhandlung.
Leipzig, 1753, in-8.
Jung. Fersuch einer Grundlehre saemtlicher Cameralwissen-
schafien. Lautern, 1779.
— Lehrbuch der Finanzwissenschaft, Leipzig, 1788.
JuviGNT (B.). Exposé des principes élémentaires et raisonnes
. sur le meilleur système d'' emprunts publics^ et sur le meil-
leur mode d'amortissement, précédé de notions générales
et spéciales sur la dette publique. Paris, 1833. in-8.
C'est un excellent livre élémenlaire pour l'édification des hommes qui ne
comprennent rien aux afTaires de bourse.
39
ièî BllLtOORAPHIB.
K.
Rloc(ii (Gaspari) Traciaius 0conofnicopoliiicu8 de èoniri-
butionlbus, Nuremberg, 1640, in-folio.
KftAus (Chf. J.)- Siaatswirthschaft, S vol. ,in-8, 1808-1811,
Kqenisberg,
KftAnss (Jf.-F.). * Ferseuh eines Systems der National und
Siaaisœeonomie. (Esaai d'un système d'économie nation
nale;. 2 vo). in-8. Leipzig^ 1850.
C'est une «iposition populaire des principes d'écononiie poliMcpie. L'au-
teur a procédé chronologiquement, et il a déduit ses doctrines des ùiits. Il a
fait Thistoire du développement de réconohiie politique en décrivant les chan«
gements que le temps et la nature ont amenés chez chaque peuple. Il com-
mence par la vie pastorale et de chasseur, et montre la transition à Tagricul-
ture ; puis il arrive à Torigine de-l'induslrie et du commerce et i TorgauPsation
réfiiliéi'e (|es subsistances. Des noternombreuses contiennent les défifiitions
scientifiques et la discussion de plusieurs doctrines économiques.
Krug. 4prissder siaalsœcQnomie, Bçrlin, 1808, in-8.
— Ideen zu einer Staatswitthschaftlichen siatistik. Berlin ,
1807, in-8.
KoTTLiNGER (Friedemann). * Grundzuge einer allgetneinen-
Eechis-und-fFirthschafislehre, (Principes généraux du
dfolt etjde Téconomie politique à l'usage des juriscon-
sultes et descaméralistes). 2 vol. in-8. Erlangen, 1837.
c'est tin essai d'Union entre le droit et l'économie politique. L'auteur ne
semble pas être très au courant de celte dernière science. L'on rencontre
dans son livrç plusieurs idées surannées ; il y règne Hussi quelque eonfusion.
Ainsi le droit' des gens suit immédiatement la partie économique de l'ouvrage»
sarts que cet arrangement soit suffisamment justifié. Le livre de M. Ruttlinger
contient au reste un grand nombre dç matériaux dont l'étude ne sera pis sani
lililiié poui^ las commençants.
L.
i
Labarthe. Intérêts de la France dans l'Inde^ contenant:
BIBLIOGRAPHtB. 448
i« llndication des titres de propriété de nos possessions
d'Asie; 2*» les époques de nos succès et de" nos revers dans
ces contrées ; 3" les actes relatifs à la rétrocession de no^
établissements après la paix de 1783. PariSj 18J6, in-8.
j^xcellent résumé des événemenls, hélas ! trop rapides , qui nous ont ré-
éntla, dans rinde, à la triste position que nous y occupons aujourd'hui.
Laboulinière (P.). De la disette ^t de la surabondance en
France^ des moyens de prévenir l'une, en mettant Tautre
à profit, et d'empêcher les trop grandes variations dan§
le prix des grains. Paris y 1821, 2 vol. in-8.
Trjtvail QQO^plencieux d'un ipagistrat éclairé. L'auteur n été sous-pféfet i
Ëtampes, ville d'approvisionnement et de céréales, et il a pu étudier, d'une
manière spéciale, le côté pratique de la question des grains.
La Farelle (Fét. de). Du progrès social au profit des elasses
populaires non indigentes , ou Études philosophiques et
économiques sur Tamélioration matérielle et morale du
plus grand nombre. Paris, 1839, 2 vol. in-8.
Lapfitte (J.). Réflexions sur la réduction de la rente^ et sur
l'état du crédit Paris, 1824, in-8.
M. Laffitte a eu l'honneur de signaler le premier, dans cet écrit, les avanta-
ges qui devaient résulter de la réduction de la rente, à une époque où les es-
prits étaient peu favorables à cette grande mesure financière. Ajournée de-
puis lors, la question reparaît après plus de dix ans, et le livre de Bl. Laffitte
semble reprendre un intérêt nouveau. Nous en conseillons la lecture aux
personnes qui veulent se Tamiliariser, sans effort, avec les théorie^ du crédit.
— Opinion sur le projet de loi relatif à l'emprunt de 80 mil-
lions, etc. Paris, Bogsange, 1828, in-8.
Laforest (l'abbé de). Traité de Vusmeetdes intérêts. Cç]!^%ike
^t Paris, 1769, 1 vol.
«- État des pauvres , ou Histoire des classes travaillantes de
la société en Angleterre^ depuis la rconquéte jusqu'à l'é-
poque actuelle, etc. ; extrait de l'ouvrage publié en an-
glais par sir Morton Eden ; par Larochefoucauld-liiancoqrt.
/'art*, an VIII, in-8.
CetexIftitaiiraiKM pfO|»ager davaniage la eonnaiasanee da Ktre qof est
444 BIBLIOGBAPHIE.
excellent, et qui devait servir de modèle à toutes les recherche! spr l'état des
pauvres. Malheureusement Touvrago de sir Fr. Morton Eden n'a pas moins
de trois volumes in-4. Londres, 1797.
Lamg. Neher den oberstenGrundsaz der poliiischen œconomie,
Riga, 1807, in-8.
Lassalle (Henri). Des finances d'Angleterre, Parfis, 1803,
1 vol. in-8.
Livre utile en son temps, dépassé, depuis lors, par les ouvrages de sir Henry
Parnell, de M. Pebrer et de M. Bailly.
Làuderdale (lord). Jn inquiry itiio ihe nature and oriffin of
public wealihy and into the means and causes of its in-
crëase. Edinburgh, 1804, in-8. (Traduit en français, Paris,
Dentu, 1807, in-8.)
— Considérations on the state ofeurrency, 1813.
Ces deux ouvrages de lord Làuderdale sont encore estimés aujourd'hui,
surtout le dernier, même après les écrits de Ricardo.
Lauraguâis (comte de). Mémoires sur la Compagnie des Indes ^
dans lequel on établit les droits dés actionnaires, etc. 1 y.
in-8, 1770.
C'est un examen passionné du système de Law, le plus court et l'un des
plus curieux de tous.
Latoisier. Résultats extraits d*un ouvrage intitulé : De la Hi-
chesse territoriale du royaume de France; ouvrage dont
la rédaction n*est pas encore achevée, remis au comité de
l'imposition. Paris, 1791, in-8. Nouv. édition, suivie d'un
Essai d'arithmétique politique sur les premiers besoins de
l'intérieur de la France, par M. de Lagrange. Paris, M"»»
Huzàrd,1819, in-8.
Law (Jean). Ses œuvres, contenant les Principes sur le nu-
méraire, lé commerce, le crédit et les banques. Traduit
de Tanglais, avec des notes, par M. de Sénovert. Paris,
1790, in-8. ^
Cet unique volume'rcnferme tous les écrits de Law.
Ses lettres sur les banques devraient être le vade-mecum de tous ceux qui
commencent Fétode des questions flnaocière* en économie politique^ •
BIBLIOGRAPHIE. 445
Ses Considéraliona sur le numéraire sontun véritable cheM'œuvre qui n^
.pas même élé surpassé par les belles analyses d'Adam Smith.
Law était un homme do génie, dont le seul tort a été de naître cent ans trop
tôt.
Lebreton (Joachim). Rapport fait au nom de la section des
finances^ sur le projet de loi relatif aux monnaies, Paris,
germinal an XI, in-4.
Lechevàlier (iules). Étude de la science sociale, in-8, 1854.
L'auteur y a combattu les doctrines du saint-simonisme, dont il avait été
un moment partisan. Cet ouvrage est suivi d'un Programme d'économie po^
litique.
Leipziger. Geist der Nationalœconomie, 2 vol. in-8. Berlin,
1813 à 1814.
Lequin de la Neuville. Origine des postes chez les anciens et
chez les modernes, Paris, 1708, in-12.
Ce livre contient quelques particularités intéressantes sur le sujet; maison
n'y trouve pas le moindre aperçu sur les conséquences des améliorations ob-
tenues.
Lethlnois (André). Apologie du système de Colbert, ou Obser-
yations juridico-^politiques sur les jurandes et maîtrises
d'arts et métiers. 1 vol. in-18. Amsterdam, 1771.
L'aulcur n'a vu qu'un côté de la question ; mais il en a tiré tout le parti pos-
sible. Son livre est un plaidoyer ingénieux en faveulr des corporations.
Letrosne. De V ordre social ^ ouvrage suivi d'un traité élé-
mentaire sur la valeur, l'argent, la circulation, l'indus-
trie et le commerce intérieur et extérieur. Paris, 1777,
in-8.
— De V intérêt social, 1 vol. in-8, 1777.
Le second ouvrage est plus spécialement consacré i l'économie politique
que le premier.
Tous deux appartiennent à l'école économiste; mais le premier se rattache
davantage à la politique sociale.
— De l'administration provinciale et de la réforme de Vim-
pat, Bâle, 1788, 2 vol. in-8.
Application des doctrines économistes i la réforme de l'hnpôt. On sait qm
l'utopie des économistes était le remplacement de tous les impôti par m i»»
pôt unique sur la terre.
446 BIBLIOGRAPHIE.
LttJtSHS (L.-C.). * OefJm-b-iihd'Hàndelsfre^hêiî. (De la liberté
du commerce et de l'industrie, ou Exposé des moyens dé
fonder la prospérité des peuples, la richesse et la puis-
sance des nations.) 1 vol. in-8. Wurtemberg, 1827.
M firenière partie contient des considérationa historiques générales. Elle
traite de Télal primitif des hommes, de l'origine et de l'organisation des socié-
tés et des institutions destinées à Tavoriser le commerce et l'industrie. — La
deoitème est tonsacrée à l'examen des règlements fayorabtes à la prospérité
Ihi commerce et de llndinfrie. — Dans la troisième, Fauteur esquisse le plan
trVin ffbuveau système industriel.
M. Leuchs est partisan de la liberté conimerciale.
Ltil^GUET. L*impât territoriat , ou la diœme royale avec toui
ses avantages. 1 vol. in-8, 4787.
-^ Dû ttmihertis des jgraîfis , nouvelle édition, augmentée
d'une lettre à M. Tissot, sur le mérite politique et physi-
que du pain et dû blé. 1789.
Le second de ces écrits est resté célèbre à cause de la philippique de l'au-
teur eontre l'usage du pain, qu'il appelle un poison lent, Linguet déclamait
be^ueoup, dans son temps , contre iâ culture des pommes de terre qui de-
IfUlent, selon iui, en fte multipliant, acquérir les propriétés reâoûttdfties du blé.
Parroentier, à fs» y^i, était un ennemi publie.
Locke. Treaiiit onraising ihe value ofmoney. 1694.
Ouvrage digne d'être lu, autant à cause du nom dé son auteur, que paircè
(fa"\\ 8*y trouve une théorie analogue â celle de Ouesnay.
LbcQucAN. Essai sur l'établissemeiM des hôpitdiMp Soffiâ les
grandes villes: Paris, 1797, in-8.
LoEN. Entwurf einer staatskunst. Francfort, 1751, in-8.
LoTz (J.-E.). *JIandbuch der Staatswirthschafslehre, (Manuel
d'économie politique.) 5 vol. in-8. Ërlangeii, 1823.
Cest un développement des principes de l'économie politique dana leur
application à l'état présent des sociétés, et en même temps un manuel pour tes
administrateurs qui possèdent d^ les premières notions de la science. La
théorie des valeurs et des prix est exposée avec une jgrande lucidité dans cet
ouvrage. On y a aussi traité d'une manière remarquable les questions àt cré-
Él| (Mb tnonnaie ei de ta liberté commet* claie. L'autetn*) dani fa diicitttioii des
lfl(>éll, préVfrre les côhtribmton» ^iiiecles aiU tftkeé Iwdtteete» ; iS^Vb tMAtls
de son ouvrage laisse i désirer.
LijDBii. Handkf^ éer StaatswetBheiU leaa, 1811, ittS.
LvEDEla. * Uber Nûtionàl industrie nnd Staatswirthsthafl.
(Dé rinduâtrie nationale et de Téconomie publique). 3 y.
in-8. Berlin, 1800.
— L*inâustrie nationale et ses £ffeis, Berlin, 1808, in-8.
— Économie nationale, lena, 1820, in-8. Les neufs premières
feuilles seulement de ce defplèl* livre soni de Liieder; le
reste a étt^ rédigé diaprés des notes trouvées à sa port.
lies doetrinei de Smilb domioeni daps les irpis ouvrages cités «t-dessof •
M.
MiUY (l'abbé de). Doutes proposés aux philoêopheê éeono-
misies, sttr Vordre naturel et essentiel des sodétéê politi-
ques. La Haye, 1748. in-12.
Gei ouvrage de Tabbé de Mably signale quelques-unes des erreurs de Vê-
coie économiste; mais comme il était lui-même éirauger i ta science, il n'a
fait ressortir de ses adversaires que les erreurs politiques, parliculièreniej^
leui^ teikdàhce à Ikvorfler outre lÀesurè, ÊOiotne pIUs tard les saihUsiinonièns,
le pouvoir absolu.
«*• D9uie$ proposée auœphiiosaphes éeenomiêteë. Farid, 1768,
in-12.
MaMy avait parfiriiefloenl compris en i|floi la dt>clrine dès êcdhoinistfei éuit
erronée; mais il ne hii était pas pmsijiie de le leur déniimtrer. GM hoineur
appartient exclusivement â Snith.
Mac Gulloch. Principes d'économie politique, 1 velk i|i-8.
Londres, 1830.
Cet excellent ouvrage est précédé d'une inireductiMi bistorique, f ui a iité
traduite par M. Prévost de Genève.
— A diclioHory , praetieal^ ihe&rical^ {n%d hisierietU^ ofik$
commerce and commereini nttvtfofion^ f é4iliOB« km**
dres, 1834, 1 vol. in-8.
cette vaste cotleciion de docuiiienis renfëfô&e plUfeteiiH àtttbleî t\^t ttei-
poriancc telle, qu'on pourrait les consldét-er (ibhime déi ^UV$geA li^ëfciàiii.
TcU SOS4 : iM9pUt9t MtftÊflpit de t% iiomim^iU^ ilet tnèùt ; ÏJIperps fiffir-
448 BIBULOGRAJPHIE.
rai sur les Banques j et uoe foule d'autref . L'auteur en prépare une troisième
édition. Le dictionnaire de M. Mac Cullocb a donné Fidée d'une entreprise ana-
logue qui a été exécutée en France, mais sur un plan beaucoup plus vaste,
par une société de collaborateurs, sous la direction de M. Guillaumin.
— A êtatistical account of the British empire, 2 vol. in-8.
Londres, 1837.
C'est la meilleure statistique ralsonnée de la Grande-Bretagne.
Le second volume est spécialement consacré à l'exposé des ressources ma-
mifjieturiëres du pays, et à ^examen de ses reveuus et dépenses. L'auteur y
a joint un résumé îles lois sur les pauvres, et des considérations élevées sur
Tadministralion de la justice.
Nous ne connaissons pas d'ouvrage plus digne des méditations de l'écono-
miste.
BIacé de RiCHEBOURG. Essaî sur les qualités des monnaies
étrangères^ et sur leurs différents rapports avec les mon-
naies de France , etc. Paris, Imprimerie royale, 1764. in-
folio de 58 pages.
Mac Fàrlane (John). Inquiries cancer ning the poor. Edim-
bourg, 1782, in-8.
Macnâb (Henri-Grey). Examen impartial des nouvelles vues
de M. Robert Owen et de ses établissements à New-La-
nark en Ecosse, pour le soulagement et remploi le plus
utile dès classes ouvrières et des pauvres, etc., etc.; avec
des observations sur l'application de ce système à Féco-
nomie politique de tous les gouvernements, etc. etc. Tra-
duit de Tanglais par LafTon deLadebat. Pam, 1821. in-8.,
de 250 pages.
Ces deux ouvrages présentent l'exposé des doctrines du réformateur écos-
sais. Je lui ai entendu dire , à fui-méme, que l'idée fondamentale de son sys-
tème était la réforme de l'éducation dès Vàge le plus tendre, 11 ne parlait des
eisais tentés àNew-Lanark que comme d'une expérience curieuse , mais sans
poHée. Les imitations qui en ont été fiiites en Amérique, nommément à la
Nouvelle-Harmonie , n'ont eu d'ailleurs aucun succès.
n se publie depuis quelque temps en Angleterre un journal intitulé the New
Moral Worldf i l'appui des idées de M, Owen.
MAGPHEitsoN. Hiêtaryof commerce (Histoire du commerce).
BIBLIOGRAPHIE. 449
Maffei (marquis de). De l'emploi de Vargeni^ ouvrage dédié
au pape Benoît XIV. Avignon, 1787.
Le marquis de Maffei a essayé de prouver dans ce livre , où il déploie une
vaste érudition théologique, que le prêt à inlérét n'a jamais été virtuellemenr
interdit par TËglise. Les arguments^ qu'il cilc en faveur de cette opinion con-
vaincront peut-être ceux qui ont résisté à la logique de Turgot et de Ben-
tham.
Malchus (baron de). *//an(i&uc^(ïer Pinanzwissenschaft^ etc.
(Manuel de la science financière et de Tadministration des
finances.) 2 vol, in-8. SluUgardet Tubingue, 1830.
Les contributions sont un des principaux sujets de cet ouvrage , dont la
première partie renferme des considérations sur l'amortissement et sur l'ad-
ministration de la dette publique.
Màllet. De la ligue Hanséaiique, de son origine, ses progrès,
sa puissance et sa constitution politique, jusqu^à son dé-
clin, etc. Genève, 4805. 4 vol. in-8.
Très-bon résumé à consulter.
Les véritables causes de la prospérité et de la décadence de Tunion han-
séalique n'y sont pas développées d'une manière complète ; mais l'ouvrage
renferme des aperçus très-ingénieux.
Màllet, premier commis des finances sous le contrôleur-gé-
néral Desmarets. — Comptes-rendus de V administration des
finances du royaume de France, pendant les onze derniè-
res années du règne de Henri IV, le règne de Louis XIII,
et soixante-cinq années du règne de Louis XIV ; avec des
recherches sur l'origine des impôts, sur les revenus et dé-
penses de nos rois, depuis Philippe le Bel jusqu'à Louis XIV,
et différents mémoires sur le numéraire et sa valeur, sous
les trois règnes ci-dessus. Paris, Buisson, 4789, in-4 de
455 pages.
Màlo de Luque (Eduardo). Historia politica de los estahleci"
mienîos ultramarinos de las nadones £uropeas, Madrid,
4784, 85 et 86. 3 vol. in-8.
Livre bien inférieur i VBisloire philosophique de Tabbé Raynal, età ron-
vrage de lord Brougham, sur le même sujet.
Malouet (baron). Contidéraiions kistariques sur Vmpire de ia
46b BIHLIOGRAPHIB.
mérehejs les anciens et les modernes, i vol. ia«-8. Anvers,
1810.
Pamphlet écobomique contre l'Angleterre. Outrage déplorable d'un botn-
liië de beaucoup d'esprit.
Maltuus. Principes d'e'conomie poliligue, considérés souS lé
rapport de leur appréciation pratique. Traduit de FÂn-
glais par Constancio. Paris, Ailiaud, 1820. 2 vol. in-8.
Les principes d'économie politique de Mallhus n'ont pa9 obtenu le même
succès que son livre sur la population. Ils ont le grave inconvénient d'être
obscurs et de propager en matière de fermage des doctHnes qûelàthébriede
Rieardo a complètement réfutées.
— Essai sur le principe de populutiony ou Exposé deà fkits
passés et présents de l'action dei cette causjd sur le bonheur
du genre humain ; suivi de quel(jues recherches relatives
à l'espérance de guérir ou d'adoucir les maux qu'elle en-
traine. Traduit de l'anglais par Pierre Prévost Genève et
Pan>,1823, 4 vol. iri-8.
Ceàt le principal ouvrage de Malthus, celui qui a tàtt le plus de bruit ël
soulevé les discussion» les plus véliémeAtts dans toute l'Europe, ^on fatttedk
théorème de Vaccreisaemenl de la populations progression géométriqtië,
Candis que tes subsistances s'accroissent en progreMibii Arithmétlifiie^ com-
mence à recevoir de nombreux démentis; Everett^ Godwinet Essor l'ont
. fortement ébranlé, et cette doctrine perd chaque Jour de son crédit.
— Définitions in political economy^ preceded by an inquiry
into the niles whicb ougbt to guide political economists in
the définition and use of their terms ; with remarks on
the déviation from thèse rules in their writings. London,
1827.ia-r8.
Bf alihus a essayé , dans cet ouvrage , de mettre les différents écononisi^ en
contradiction avec eux-mêmes pour démontrer la supériorité de ses défini-
tions sur les leurs. Son petit livre en contient , en effet, une série assei <èvt-
rieuse ^nr les rapprochements qu'eiie présente; mais ses innontions n'ont
pu prévaloir , surtout depuis que J.-B. Say en â démontré le ^uite fende-
ment dans les ciuq lettres qui font partie de ses oeuvres postlmmes»
! Nous avons encore de Malihiis les ouvrages suivants :
^ À» tnfulrsf m i^ (et n/aHretmi fvroftvrf of reM 18i^»
BIBLIOGRAPHIE. iSrt
w» ûbiiTtttitonB on the effects of corn Law, in-8.
Il* Obmte a publié dam tes Mémoires die l^Atxtdémie des sciences morales
et pelil^uesderimHiut de France,une notice extrêmement reiQarquable sur
la YÎe et les ouvrages de Malthùs.ll y indique les litres de deux ou trois autres
èértis du ménib auteur ; mais Ils sont de peu d'importance.
Malyaux. Les moyens de détruire la mendicité en France, en
rendant les mendiants utiles à TÉtat saiis les rendre mal-
heureux. Paris, 1780. in-8. ■ /
Excellent livre, bien supérieur encore à tous les essais tentés de nos Jours.
Lé Ityle en est un peii déclamatoire ; mais Touvrage est rempli de vuei ingè-
flteiues et de ftiits spéciaux qu'on ne saurait trop!médiler.
la première édition de ce livre parut sous ce titre : ïtéswnné des mémoires
guiént concouru pow te prix accordé en l'année 1777, etc.
IjLà^ET (Mme). Conversations sur V économie politique, dans
lesquelles on expose d'une manière familière les éléments
de cette science. Traduit par Prévost de Genève. Genève
et Paris, 1817. 1 vol. in-8.
« C'est la teule femme, disait M. Say, qui ait écrit sur Téconomie politi-
que, et elle s'y est montrée supérieure à beaucoup d'hommes » ; ihais à cette
tjpoqùe, Mlle Henriette Martineau n'avait pas encore publié ses Contés sur Pé-
conomie politique»
Ob attribue à Un* Marcet de Genève an autre ouvrage élémentaire d'écooo-
mie politique, intitulé :
-- John Hopkin's, notions on poliiical economy (Notions de
John Hopkins sur Téconomie politique.) Traduit par
!!"• Gherbuliez. Paris, in-8.
G^est un petit manuel de l'économie politique , sous une forme simple et fa-
milière , digne aussi dlntérêt par sa netteté qui n'exclut pas la profondeur.
Martineau (miss Harriet). Contes sur l'économie politique »
Traduit de l'anglais avec des notes et des préfaces par
M. Barth. Maurice. Paris, Ch. Gosselin, 1833-39. 10 vol.
in-8.
Lea contes de mademoiselle Martineau s'ont très-utiles, n^ais li'Oplongi. fté*
HuHli Ih de ph» justes proportions, et dégagés d'une foule ùte 4éiatis oiseux ,
étrangers à la science , ils seraient certainement un des meilleurs ouvrages
ëAÉnestasres d'«e<HKnBie poltii^pie.
Mauvillon. Physiocratische briefe» Leipzig, 1776, in-8.
45-2 BIBLIOGRAPHIE.
Melon. Essai polUique sur le commerce. Rouen ou Bordeaux,
1734. in-i2 de 273 pages, divisé en dix-huit chapitres ;
2® édition, augmentée de sept chapitres, 1736, in-1 2.
Voltaire a dit de ce livre qu'il était l'ouvrage d'un homme d'esprit , d'un ci-
toyen', d'un philosophe.
Mercier de la Rivière. L'intérêt général de l'État, ou la Li-
berté du commerce des blés, démontrée conforme au droit
naturel. Amsterdam et Paris, 1770, in-12.
— De Vinsiruction publique^ ou Considérations morales et po-
litiques sur la nécessité, la nature et la source de cette
instruction. Paris, 1775, in-8.
— Lettre sur les économistes^ sans date, 1787, in-12, in-8.
— Lettre à MM, les députés composant le Comité des finances
dans l'Assemblée nationale, 1789, in-8.
— Uheureuse nation, ou Relation du gouvernement des Fé-
liciens, peuple souverainement libre et heureux sous
Tempire absolu des lois. Paris, 1772. 2 vol. in-8.
— Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques. Londres
et Paris, 1767. in-12, 2 vol.
Mercier est le plus habile interprète du système économiste, le vulgarisa-
leur par excellence des idées de Quesnay.
Merrebi. Allgemcine grundsaeze der bûrgerlichen wirthschaft,
Gottingue, 1817, in-8.
Messance. Nouvelles recherches sur la populàtionde la France,
avec des remarques importantes sur divers objets d'admi-
nistration. Lyon, 1788, in-4.
Meynieu (M"»« Mary). Éléments d'économie politique, exposés
dans une suite de dialogues entre un instituteur et son
élève. Genève, 1839. 1 vol. in-8.
MiGNOT (Vabbé). Traité des prêts du commerce, ou de l'intérêt
légitime et illégitime de l'argent. Amsterdam, 1767, 4
vol.
Ouvr^fe à consulter après ceux de Bentbam et deTurgot, rar leiiitaie
aujel.
BIBLIOGRAPHIE. 453
«
MiLL ( J.). EîémenU d'économie politique. Traduit de Tanglais
par J.-E. Parisot. Paris, 1823, in-8.
Les idées que H. Hill a exposées dans cet ouvrage d'une forme senlencieuse
et dogmatique se Felrouvent, dans sa belle Histoire de Vlnde Britannique,
appliquées aux grands intérêts de l'Angleterre.
Mirabeau (le marquis). Lami des hommes^ ou Traité sur la
population. Avignon (Paris), 1756. 6 vol. in-12, ou 3 vol.
in-4<>.
— Philosophie rurale, ou Économie générale et particulière
dej Tagriculture. Amsterdam (Paris), 1764. 3 vol. in-12.
— Théorie de V impôt, Paris, 1760. in-4o et in-12. — Supplé-
ment, Lahaye, 1776. in-12.
— Éléments de philosophie rurale. La Haye, 1767, in-8.
— Lei économiques, par L. D. H. i)i^Amides hommes), Amster-
dam et Paris, 1769-72. 2 vol. in-4°, où 4 vol. in-12.
Les œuvres du marquis de Mirabeau, pèi:e de notre grand orateur, peuvent
être considérées comme le commentaire de 1^ doctrine de Quesnay; com-
mentaire nébuleux et indigeste où brillent par roomenls quelques éclairs de
r^on et de science, perdus dans un fatras de^ déclamations.
Mirabeau (le comte de). De la Banque d"* Espagne, dite Saint-
Charles, in-8, 1785 «.
La meilleure exposition que nous ayons de cet établissement. . L'auteur y a
ajouté de nombreuses copsidérations sur le commerce de l'Espagne.
— De la constitution monétaire, précédé d'observations sur
le rapport du comité des monnaies, et suivi des lois mo-
nétaires, présenté à l'Assemblée nationale, in-8. Pâ^is,
1790.
- Exposé remarquable par sa lucidité ; a beaucoup contribué à la réforme
de notre système monétaire depuis la révolution.
' LMnfluence des partisans de celte entreprise flnanciére fut assez forte
pour obtenir la suppression du livre de Mirabeau : elle fut prononcée par
un arrêt du conseil d'état du 7 juillet 1785, lequel provoqua, de la part de
J'auleur, un pamphlet plus véhément, plus audacieux , la Lettre du comte de
Mirabeau à 31. Lecoulttux de iMUoraie sur la banque de Saint-Charles et
sur la caisse d'escompte. (Bruielles, 1785, in-8o de 117 pages). Un second
arrêt da conieil frappa celui-ci de roèroc que le premier.
454 BlBLIOORÀl^HIB.
MoHÊAfj. JReeherehes et ooMidérHÊUmi êur la^^efulaMo^ «ki Uk
France, Paris, 1778, 2 pàrtied en 1 vol. in-^ '.
Dédamatiotf mêlée de quelques faits curieux sur l'Issalabrilé des mélitM.
MoNBORGNE. (J.-M.). Tahhau général d% maximtim àê ia ré*
publique française, Paris, fieiin, an II (1794), 3 vol*, in-8.
MoNDENARD. Considérations sur V organisation sociale^ appli-
quées à l'état xivil, politique et militaire de la France et
de TAngleterre ; à leurs mœurs , leur agriculture , leur
commerce et leurs finances, à Tépoque de la paix d'A-
miens. Pam, 1802, 3vol. in-8.
Ce livre a été publié à roccasion de la paix d'Amiens, en vue dV>|^rer on
rapprochement entre la France et TAnglelerre. On j trouve des doeuments
dignes d'intérêt sur l'état économique des deux payq à cetlii époque.
Mo»6Ez. Considérations sur les montMiies, par Mooge?^ mem-
bre de Hpstitut national, suivies d'une Notice pir les
monnaies /ranpai«e«, par Dibarrart. 1 vq1« ip-S. P4ris» Tan
IV de la république française.
Le premier de ces mémoires , lu à l'Institut , renferme quelques détails ia«t
téressants suri'origine des monnaies et sur leurs frais de flabrieatioR. Le N*
cond, celni de Dibarrart, est un résumé historique des variation^ monéUiril
en France, depuis 1726 jusqu'en 1796.
MoNiNO (don José). JRespuesta fiscal Sobre acopiQ de irigQ pcura
el consutho de Madrid, 1769.
Travail approfondi , sur la question de savoir si la 'Ville de Madrid aura une
réserve de blé.
MoNTAiGNAG. Réflewions sur la mendicité^ ses causes et les
moyens de la détruire en France. 1790, in-12.
MoNTANARi (Germiniano). Délia moneta^ iraitato mercauUle,
Modenese, in-8.
Cet écrivain appartient à la nombreuse famille des auteurs qui ont écrit sur
les monnaies. Son livre est d'un orfèvre plus que d'unf économiste.
]tfoNTESQuiou. Du gouvemement des finances de France^ d'»-
près lesjois constitutionnelles et d'après les principes
*Cet ouvrage a été attribué à H. ()eMoDlyonparLalaQde,dans le Jqmima^ d(H
SavantSt mai 1779. v .
BIBLIOGRAPHIE, iS/j^
d'un gouvernement libre et représentatif. Paris» 1797,
in-8.
OafrtgQ insignifianti On y trouve quelques faitsr précieux.
MoNTTON (baron de). Quelle influence ont le,s diverses espèces
d'impôts sur la moralité, l'activité et Vindu^trie des |)'ew-
p/«>? Paris, 1808, in-8.
Excellent livre,' court et substantiel, comme tous ceux de l'auteur.
T«» Particularités et observations sur les ministres des finan"
ces, les plus célèbres, depuis i66û jusqu'à 1792, eic, Lon-
dres, Dulau, 1812.
Heonête bomme parexcellenee, toujours instructif, toujours ingéiiieux,
même quand il se trompe ; mais il se trompe rarement.
Le premier de œs deux ouvrages reviendra naturellement ^ Tordre du
jOur, toutes les fois qu'on s'occupera de la réforme des impôts. ■
MoNTCHRÉTiEN sicur do Vatteville. Traité d'économie politi-
tique. Rouen, 1613, in-4.
Cet ouvrage, aujourd'hui fort rare, est divisé en trois livres qni traitent
des manufactures et de l'emploi des hommes, du commerce et de la naviga-
tion. Il ne présente d'autre intérêt que celui de résumer les idées du temps
sur ces graves matières.
MoRANDiÈRE (de La) . Police sur les mendions, les vagabonds, etc.
Paris, 1764, in-12.
MoREAU DE Beaumont. Mémoircs concernant les impositions et
droits en Europe, Paris, nouv. édit., 1787-89, 5 voL in-4.
Excellent livre , qu'il serait utile de refaire aujourd'hui.
Qui de nous peut se flatter de connaître à fond le système des impôts de
iQus les peuples de l'Europe ? C'est cependant un des premiers éléments dfi.
toute bonne économie politique appliquée, et le seul moyen d'apprécier à
leur juste valeur les relations intcrnalionalea des peuples , et les effets de
certaines mesures de douanes.
MoREAu DE JoNNÈs. Ls commefcè au dioMieuviême siècle ; état
actuel de ses transactions dans les principales contrées
des deux hémisphères, etc. Paris, 1825, 2 vol. in-8.
-^ Statistique de l'Espagne. Paris, 1834, 1 vol. in-8.
-f* StaUsiiÇMe de la Martinique, la Guadeloupe et la Guy9nne.
466 BIBLIOGRAPHIE.
— Statistique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande. Paris,
1858, 2 vol. in-8.
— Recherches statistiques sur l'esclavage colonial et sur les
moyens de le supprimer, Paris, 1842, 1 vol. in-8.
L'auteur est un esprit net et judicieux, dont les écrits appartiennent plutôt
à la statistique qu'à l'économie politique ; mais ils seront consultés avec fruit
par les économistes.
MoRELLET (l'abbé). Prospectus d'un nouveau Dictionnaire de
commerce. 1 vol. în-8, 1769.
Le prospectus de Tabbé Morellet a^tongtemps passé pour un traité d'écono-
mie politique. On ne doit cependant le considérer que comme un recueil de
définitions généralement nettes et précises des termes usités en matière de
commerce, dans leurs rapports avec la science économique. Les travaux pré-
paratoires de son dictionnaire occupèrent l'auteur pendant vingt ana : il n'y
renonça qu'au moment où éclata la révolution de 1^89.
— Réflexions sur les avantages et les désavantages de la li-
bre fabrication et de Tusage des toiles peintes en France.
Bruxelles, 1758, in-12,
— Mémoires sur la situation actuelle de la Compagnie des
^ Indes. Amsterdam et Paris, 1769, in-4.
— Examen de la réponse de M, N," (Necker) àM, Morellet^
sur la Compagnie des Indes, Paris, Desaiat, 1769, in-4.
— Réfutation de l'ouvrage (de Galiani) qui a pour titre :
Dialogues sur le commerce des blés. Londres (Paris),
1770, in-8.
•^ Analyse de l'ouvrage (de Necker) intitulé : De la législa^
tion et du commerce des grains. Amsterdam et Paris, 1775,
in-8.
MoRTiMER. Eléments of commerce and finances. London, 1773,
1 vol. in-8.
MoRUS (Thomas). Description de Vîle d'Utopie. Le titre de ce
singulier ouvrage, écrit en latin, est celui-<îi : De optimo
reipublicw statu^ dequenovâ insulâ Utapiâ. Louvain, 1516,
BIBLIOGRAPHIE. ASï
in-4 ; il en existe trois traductions en anglais et trois en
français.
C'est une débauche d'esprit, où Ton trouve de bonnes .vues et des vœux ar-
dents.pour le bonheur public; une exeogitation allégorique, dans le goût de
la république de Platon, à l'éloquence prés. L'honnête chancelier y propose
naïvement le partage des biens.
MossÉ. L'Art de gagner sa vie, ou Encyclopédie industrielle,
traitant de toutes les ressources, indiquant tous les moyens
pour faire, conserver, ou augmenter sa fortune dans quel-
que état et dans quelque situation qu'on se trouve. Paris,
1826, in-8.
Ce livre a^ eu trois éditions. Il renferme des particularités d'un grand in-
térêt sur les avantages et les désavantages des diverses professions, et des
indications utiles aux hommes sans fortune qui veulent s'assurer un état.
MuiRON (Just) . Sur les vices de nos procédés industriels ; aperçu
démontrant l'urgence d'introduire le procédé sociétaire.
Paris, M"»® Huzard, 1834, in-8.
L'auteur est un des disciples les plus distingués de Fourier.
— Nouvelles transactions sociales^ religieuses et scientifiques
de Firtomnius, Paris, Bossange père, 1832, in-8.
MuLLER. Die Forischritte der nationalœconomie in England.
Leipzig, 1817, 1 vol.
MuN (Thomas). Englan'ds Ireasure hy foreign trade, or the
balance of our foreign trade is the rule of our treasure.
London, 1664, in-12.
L'un des plus ingénieux et des plus classiques défenseurs du système mer-
cantile. Ses successeurs n'ont fait que répéter ses arguments.
MuNoz (Antonio). Diseur so sobre la economia politica. Madrid,
1779, in-8.
Les critiques espagnols supposent tous que Munoz n'est pas le nom véri-
table de i'auleur; mais son ouvrage n'en renferme pas moins d'excellents
principes et des vues très-ingénieuses.
MuRHARD (Charles). *!rAcone undpolitik der Handels (Théorie
et politique du commerce); 2 vol. in-8. Gœttingue, 1831.
— Théorie der Geldes. Leipzig, 1817, in-8.
M. Murhard , publiciste fécond et infatigable , marche pour lea théories
30
458 BIBLIOGRAPHIE.
icopomiquef sur lef traces de J.-B. Siy. Ses prineipef sont eaprelnlf de la
plus grande libéralité, et dans l'ouvrage indiqué il tend à établir le ooBunerce
sur des bases larges et rationnelles.
M. Murhard examine le commerce dans ses rapports avec le gouTernemeot,
les impôts , et puis dans son essence même, en classant tous les éléaients snr
lesquels il repose. Il défend la liberté commerciale souTent aTec éloquence ,
toujours avec une grande vigueur.
MusHET (Robert). Inquiry inio the effects of hank restriction
(Recherches sur les, effets de la suspension des payements
de la Banque). 1810.
— A séries of tables eœhihilvngihe gain and loss of the fund
hoîder (Séries de tables montrant le gain et la perte des
rentiers par la dépréciation et la réintégration du papier-
monnaie). 1851.
N.
^ÂYEki}. Le financier citoyen, Paris, 1757,2 vol. in^2.
Naville. De la charité légale^ de ses causes, de ses effets, et
spécialement des maisons de travail et de la proscription
de la mendicité. Paris, 1856, 2 vol. in-8.
ÎJïBENius. * Ver œffentliche crédit, (Le crédit public). 1 vol.
in-8. Carlsruhe, 1829.
L'auteur s'est fait connaître par de nombreux mémoirei, par un H?re sur
les douanes prussiennes, et sa réputation comme économiste est parfoite^
ment établie. L'ouvrage sur le crédit public a eu un succès mérité. Outre des
doctrines très-saines , il renferme un grand nombre de faits qu'on pourra
consulter avec fruit.
Necker.Z?c V administration des finances de la France. Paris,
Panckouke, 1784, 5 vol. in-8.
c'est le premier ouvrage sincère qui nous ait révélé la science des finanees,
et de plus un acte de courage et de bon citoyen au moment où il parut.
— Sur la législation et le commerce des grains, 2« édition.
Paris, 1755, in-8.
M. Necker a combattu dans cet écrit les idées de Torgot.
BIBLIOGRAPHie. 459
Nim ^(PoinpeQ). O9S0n>azioni sopra il preisxo âeUe monete,
Fiorentino, iii-8, 1751.
Ces.\, UD 4e8 weiDeura livrei qui aieni été publMs sur la matière. Oe devrait
tU^ lanv9Quel de tous les directeurs de mouQaies. II y a plus de teelwologie
l|U« d'économie politique.
liliqtOLifi (Pseudonyme). Voyea Plumart de Danceul.
MiBiiB¥BR. Uêher die Ursaehen des englisehen Nationalrefch-
thum, Berlin, 1810, in-8.
-*- Ueher den Einfluss der HandeU und der Handehsys-
têmeauf National- GMk und Ungliick, Bre^len, 1805,
ln-8.
0.
Obuni^oiifer (J. Adam). System der National œeonomie (Sys-
tème de réeonomie politique déduit de la vie nationale).
1832, in-8.
— Bases des sciences eamérales, in-8, 1818.
OtloNNOR (Arthur). Etat actuel delà Grande Bretagne %Vwvi^f
1 vol. in-8, 1804.
Détails curieux 9ur la suspeesiou des payements de la banque d'A49MerrA,
suspension que Tauteur qualifie de faillite. M. O'Connor est |iq patriote ir-
landais proscrit par suite des troubles de son pays.
OttTES (Giammaria). Delta economia nazionale libri lef, Yfi-
neziano, 3 vol. in-8.
— Biflessioni sulla popolazione délie nazioni per rapporto
alV economia nazionale^ iD-8.
— Délie scienze utili e délie dilettevoli per rapporto alla fé-
licita umana^ in-8.
— Calcolo sopra il valore délie opinioni e sopra i piaçeriei
dolori délia vita umana, in-8.
— Errori popolari intorno alV economia nazionale comide-
raii sulle presenti controversiCy tra i liaci e i sçhêrvi in
ordine al possedimento de ftent, iii-8.
460 BIBLIOGRAPHIE.
— Dei fidecomesH a famiglie e a ehie$e e luoghi pH in pto-
posiio del termine di mano morte inirodoito a qfusli ul-
Umi tempij neW economia nazionale libri due, in-8.
Aateur trop vanté et trop déprécié. Ce qu'il y a de plus curieux dans ses
ouvrages, c'est qu'il a inconleslablement eu la première idée du système de
Halthus sur la population. Il est lourd et prolixe. H. Gustodi lui a fait beau-
coup d'honneur en imprimant ses œuvres en sept volumes dans la Collection
des Économistes italiens.
OwEN (Robert). JSew views ofsocieiy, or essais upon the for-
mation of human eharacter (Nouvelles vues de société,
ou essais surlafonnation du caractère humain). Londres^
1812.
Cet ouvrage, qui suivit Tessai industriel de New-Lanark, est le premier écrit
de M. Owen , qui affecte une forme scientifique et s'élève à la hauteur d'un
système.
— Adress ta ihe sovereigns of the holy-allianee uniied in
congresê ai Aix-la-Chapelle, 1818. — Adress to ihe eur-
ropean governementSy 1818.
Ces deux adresses, l'une aux souverains alliés réunis à Aix-la-Chapelle,
l'autre aux gouvernements européens , ont pour objet d'indiquer les moyens
d'améliorer le sort des classes industrielles. Ces opuscules ont été traduits en
français par M. le comte de Lasteyrie. Paris , 1819.
— The book of ihe new moral world (Le livre du nouveau
monde moral.)
Ouvrage capital de M. Owen, et dans lequel il aborde l'exposition dogmati-
que de son système.
P.
Pagnini (Gio. Frgmeesco). Saggio sopra il giusio délie eose, la
giusia valuia délia moneia e sopra il commercio dei Ro-
mani.
Opuscule de cent pages, plein de vues judicieuses.
Palmieri (Giuseppe). Biflessioni sulla pubblica félicita relati-
vamente al regno di Napoli, in-8.
BIBLIOGRAPHIE. 461
— * Osservasioni suUe iariffe^ cOd applicazione al regno di
Napoli. iD-8.
— Délia ricchezza nazionale, io-S.
Palmieri n'a pas la hardiesse deFilangieri, ni les vues libérales du professeur
GenoYesi ; ministre d'une monarchie absolue , il youlait procéder avec de
grands ménagements à la réforme des abus. Il ne faut pas oublier qu'il écri-
vait pendant la réYolulion française, et que celte circonstance a dû lui impo-
ser beaucoup de réserve.
Paoletti (Ferdinando). Estraiio de* pensieri sopra V agricole
iura^ in-8.
Papillon-Latapï. iinecdote sur la vie politique de Burhe et sur
sa mort, relativement à ses recherches et à ses calculs
sur les finances et le commerce de la France depuis un
siècle ; avec des rapprochements sur l'état progressif de
l'Angleterre, et sur les moyens de ruiner la nation iVan-
çaise. Paris, an YIU, 1 vol. in-8.
Ouvrage de circonstance, composé sous l'influence des préjugés de la ba-
lance du commerce. O^est un manifeste véhément contre l'Angleterre , digne
d'être connu comme un échantillon des idées économiques du temps. Il s'y
trouve d'ailleurs quelques bonnes idées.
— Réflexions sur le plan d'une régence des impôts indirecte
réunis. Paris, 1805, in-8.
Ce mémoire a pour but de centraliser la perception des impôts indirects ,
projet réalisé depuis.
Papion. Mémoire sur le crédit public. Tours, 1808, in-8.
Ce mémoire a été présenté à Napoléon. Il ne renferme rien d'intéressant.
Paris du Verney. Histoire du système des finances sous la mi-
norité de Louis Xr, pendant les années 1719 et 1720.
C'est la chronique la plus curieuse de l'agiotage et.de8 agioteurs pendant
toute la durée du système de Law.
— • Examen des réflexions politiques sur le commerce et les
finances de M, Dutot. Paris, 1740, 2 vol. in-12.
Cest le livre qui expose avec la plus grande supériorité de vues tout le
système de Law, et c'est là surtout qu'il faul i'éiudier. Nulle part les causes
de sa obute n'ont été présentées avec autant de clarlé.
Du verney était un financier de la plus liante habileté, mérite devenu bien
rare de nos jours, où le pays en aurait pourtant besoin.
401 BIBblOGiUlLPHIB.
PàRiifiLi; (sir HeniTf). De la reformé financière en An§letètre%
Traduit de Tanglais par Benj. Laroche. Part», 183â,iti-8.
Vaste et sa vante revue des instittitieDS écoDomiqaes de rAbgleterre; |fllr'un
homme qui les ceooatt bien.
C'est le programme des réformes que l'administratjon anglais e exécute cha-
que Jour avec une persévérance et une Justesse de vues si remarquables^
^ îHpâpiiefmdnnûie H des banques, Loiidres, 1852.
L'auteur s'occupe successivement, dans cet ouvrage, de l'état dé lâ ifUei-
tnifi M hUméràlne^ dèébéii^Uès t)i'oVtfacialés , des coihpaghiés t)air aètiëhli
du système des banques en Angleterre , en Ecosse et en Irladde; iCest ail des
meilleurs traités sur la matière.
Pebr£r (Pablo). Histoire financière et statistique de l'empire
Britannique^ avec un exposé du système actuel de Tim-
Çôt, suivi d'un pis^n pratique pour la liquidation de la
dette; oii impôts, revenus, dépenses, dettes, forces et ri-
chesses de l'empire britannique et de ses nombreuses co-
lonies dans toutes les parties du monde, traduit de Tan-
f lais par M. Jacobi; Paris et Londres, 1854^ 2 vol; in-8.
PKcieiise eelleetioB de dofeumèhls étatistiqueb les plus nécesstirei à V^
tilde de la constitution économique de la Grande-Bretaghe*. On peut les cob-
sMérer êoiiimti le complément du tableau de Bé^rt^ et de V Histoire d^êngle-
terre , par M. de Montvérau. J'aurais plus de confiance dans l'ouvrage de
)A, Bailiy y sur le même sujet.
^ECCBio (le comte Joseph). ïfistoire de l'Économie politique en
Italie^ x)u Abrégé critique des économistes italiens^ Tra-
duit par Léonard Gallois. Paris^ 1850, 1 vol. in-8.
Bicellent résumé bibliographique des écrivains dlêbonomio {iolitique ett
Italie. C'est l'appèndtee nécessaire de là collection des économistes italiens ,
publiée à Milan par M. Custodi.
Pecqueur. Économie sociale. Des intérêts du commerce^ de
rindustrie, de Fagricultore et de la civilisation en géné-
ral . Paris, 1859 , 2 vol . in-8.
Ouvrage -malheureusement couronné par l'Académie d6s sciences morales
et politiques.
— Des améliorations matérielles dans leurs ^tipporf» at«e Ai
Ubei'fé. lUtt'odaction à rétu(te de récohomilB sociale let
politique. Paris^ 1840, î voi, grand làÀi.
BIBLIOGRAPHIE. 463
Pbttï («ir W.). Tracts , ehiefly relating io Ireland. Dublin ,
4749, in-S.
Partisan timide de la liberté du commerce, il examine principalement Pélat
de rirUnde, et il applique à cet ourrage les principes les plus élevés de 1*6-
oonomie politique. '
Ouvrage riche de faits bien exposés.
— Several essays in political ariihmetick, London» l'755, in-^s
Ce livre est une espèce de statistique raisonnée de l'Angleterre , comme le
précédent Test de l'Irlande.
L'auteur y expose fort bien , en passant , les véritables causes de la prospé-
rité des Hollandais.
Peuchet (Jacques). Statistique élémentaire de la France,
contenant les principes de cette science^ et leur applica-
tion à Fanal yse de la richesse, des forces et de la puis-
sance de Tempire français. Paris, 1805, in-8.
— Statistique générale et particulière de la France et de ses
colonies^ ayec une description topographique , agricole,
politique, industrïelle et commerciale de cet État. Paris,
Buisson, 1805, 7 vol. in-8, et atlas grand in-^*», composé
de dix-neuf tableaux et de neuf grandes cartes.
Pfbiffer (Ton). Lehrbegriff saetntlicher œconomiseher und
KameraluHssenschaften, Mannheim,l 764-1 778, é vol. iti-8.
— Grundriss der Staaiswirfschaft, Francfort, 1782, ln-8.
PiLLET-WuL (le comte). De la dépense et du produit des ca-
naux et des chemins de fer, De l'influence des voied de
communication sur la prospérité industrielle do la France.
Paris, 1837, 2 vol. in-4°, dont lin de planches.
Plaidoyer très-savant en faveur des canaux conlrc les chemins de fer; prin-
cipalement digne d'intétêl parce qu'il s'jippUie toujours sur des câlOuM. Le
temps seul peut lui donner tort ou raison « car les expériebees ne tout pêi
faites; mais elles se font tous les jours.
Pinheiro-Ferreira* Précis d*%m cours d'éeonomis politique,
Paris, 1840, in-l«.
Programme un peu léger pour un titre aussi ambitieux.
PiNTO. Traité de la drculatton et du crédit, contenant Une
464 BIBLIOGRAPHIE.
analyse raisonnée des fonds d'Angleterre, et de ee qu'on
appelle commerce ou jeu d'actions ; etc. Amsterdam, 1787,
in-8.
Pioto est ce fomeux juif hollandais qui portail famour du crédit jusqu'au
point de considérer les délies publiques comme de véritables bienfaits pour
les peuples. Ce n'était pas , d*ailleurs , un homme sans mérite,
— Essai sur le luxe, considéré relativement à la ^population
et à V économie, Amsterdam, 1764, in-12.
Dans cet ouvrage Fauteur fait une sortie très-vive contre le luxe des Hol-
landais dans leurs maisons de campagne.
Place (Francis). Illustrations and proofs of the principle of
population (Exemples et preuve du principe de popula-
tion.) vol. in-8, 1822.
C'est une conQrmalion des principes adopiés par tous les économistes
sur la population. L'auteur est un des hommes les plus judicieux de l'An-
gleterre.
Plaifair (W.). In inquiry into the permanent causes ofthe
décline and fall ofpowerfal and wealth nations, London,
1805, in-4.
Platon. La République,
Nous avons cité quelques-uns des rêves de ce philosophe sur les questions
économiques. II en avait deviné l'importance.
Plumard de Dangeul. Remarques sur les avantages elles dés-
avantages de la France et de la Grande-Bretagne , par
rapport au commerce, etc. Amsterdam, (Paris, Estienne),
1554, in-12. Trad. de l'anglais du chevalier John Nickolls.
(Traduction supposée.)
— Le rétablissemeut des manufactures et du commerce d'Es-
pagne-, traduit de TEspagnol, 1753, Voyez B. de Ulloa.
Pluquet (l'abbé). Traité philosophique et politique sur leluîte.
Paris, 1785, in-12, 2 vol.
Longue homélie, en deux volumes, contre le luxe. Peu de doctrines, beau^
coup de déclamations. L'auteur, qui était abbé, aurait dû intituler son livre :
Sermon contre le luxe.
PorvRE, intendant de File-de-France.
Les OBUvrei de cet [excellent homme, publiées en un volume in-8o ( Ta-
BIBLIOGRAPHIE. 465
ris, 1797, in-So) par Dupont de- Nemours, reofermeot des vues précieuses d'é-
eoBomie polilique.
PoNCELiN. Tableau général du commerce de VEurope avec
V Afrique^ les Indes Orientales et V Amérique^ fondé sur
les traités de 1763 et 1783. 1 vol. in-8, 1787.
statistique coloniale dans laquelle se rencontrent quelques vues gé;k' raies
sur le commerce avec l'Amérique.
PoNCET DE LA Grate. Considérations sur le célibat^ relative-
ment à la politique, à la population et aux bonnes mœurs.
1 vol. in-8, 1801.
Cet opuscule de i4o pages oflï'e un résumé assez curieux de la législation
ancienne et moderne relative aux célibataires.
L'auteur, fougueux apologiste du mariage, a terminé son travail par un pro-
jet de loi en vertu duquel les célibataires seraient déclarés incapables d'exer-
cer aucune fonction publique , depuis l'âge de vingt-cinq ans jusqu'à celui
de soixante-dix, et de plus, inhabiles à tester et à succéder à leurs pères et
mères ; tout le reste est de cette force.
PoTERAT (marquis de). Observations politiques et morales de
finance et de commerce, ou Examen approfondi d*un ou-
vrage de M. R*** (Rillet) de Genève , sur Femprunt et
rimpôt. Lausanne^ 1780, in-8.
Bonnes doctrines. L'auteur y attaque les emprunts avec une chaleur philo-
sophique ; mais il n'en appréciait pas les effets utiles dans des circonstances
données.
Porter. Progrès matériels de T Angleterre. Traduit de l'an-
glais et mis en parallèle avec les progrès matériels de la
France, par M. Chemin-Dupontès. Paris^ 1839, 1 vol. in-8.
M. Porter est un des employés les plus distingués du bureau de commerce
{Boctrd of trade) d'Angleterre, et un partisan éclairé de la liberté com-
merciale.
Poulain (Henri). Traité des monnaies, Paris, 1707, in-12.
Prévost de Saint-Lucien. Moyens d'extirper Vusure, ou pro-
jet d'établissement d'une caisse de prêt public sur touç
les biens de Thomme, contenant lettres-patentes de créa-
tion du Mont-de-Piété de Paris en 1777. Dédié à Henri IV.
Pans, 1778, in-12.
466 BIBLIOGRAPHIE.
Henri IV ne pourail guère retaser Ift dédicace de ce litre, publié ^MêH dé
cent cinquante ans après sa mort.
Ce que Tauteor y donne de plus intéressabl , c'est un balàlogue de toiil
les écrits relatifs au prêt A intérêt, et principalement aux rnoota-ëe-piété
(pages 47-50).
Prévost (de Genève). De V économie des anciens gouverne-
ments, comparée à celle des modernes. Berlin^ 1735, in-8*
Price. Arithmétique politique^
C'est le premier qui ait proposé des caisses d'amortissement an moyen dln-
tè^éts composés. ^
Prinsep [C^,). a letter to the earl ofLiverpoùl on thé présent
ûistress of the country, and the eJfiCacy of raising the
standard ofour silver currency. 1816.
Cette curieuse lettre est une pièce indispensable de la discussion qui s'éleva
en Angleterre au sujet du papier-monnaie» après les événements de 1814, et
à l'occasion du projet de reprendre les paiements en espèces.
— An essay on money, iSiSfin-S.
Cet écrit, dû au traducteur anglais du traité d'éconoitaie politique de J.-B. Saf»
est Irés-eslimé en Angleterre , et mérite do l'être par sa lucidité et son ex-
cellente exposition de la matière.
pROUDHo!i. Qu'est-ce que la propriété? Paris ^ 1841, 2« édition,
1 vol. in-12.
• Dans la v édition de cet ouvrage l'auteur avait fait cette étrange réponse :
Uiproprk'lé,c*est le voLM. Proudhonest un homme de beaucoup de talent qui^
frappé des abus de la propriété, n'a rien trouvé de plus simple que d'en abo-
lir le principe. Bfais tout en déplorant cette erreur, il est impossible de ne pas
reconnaître dans son livre des vues d'une grande hardiesse et une vigueiir de
Ibgiiilue digne d'une meilleure thèse.
-fi Lettre à M. B langui sur la propriété. Paris, 1840, i vol-
in-12.
Opuscule destiné à la délbrise dn t^récédeni , mais il lui eM toti intèrïtùt «h
originalité.
— Avertissement auœ propriétaires. Paris, 1841, in-iS de
115 pages.
-* Dt l'utilité es la célébration du dimanche. Paris» 1841, 2«
édit. in-12.
ft)lltÈ8 (ClëOt^es); Tàutés les elassiss producH^es de riàhesiès
(AU classes productives of riches). 1 vol. ih-8, I8l7.
Q;
QuESfiAT (François). Essai sur l'administration des ierre§.
Pari») il^s in-8; (Publié sous le pseudonyme de Béliui
des Ferius.)
-^ PhyÙOïïràni, bU (Cotistittitloii naturelle dû godvërnèmetlt
)ë piiià àVàhtâgëûi aU ^énre htiniain. ReëUëil (dé traités
dii docèèui* Quesnay) publié pai* Dupont (de Néinours).
Leyde et Paris, ilQS,inS.
•^ Vahieau économique avec son explication, suivi des
Méâèiinits féfiérales du gouvernement économique d'un
irù^mm agricole. Vehsailles, 4758, in-8. Très-ral-é.
Gel où Vf âge à éié réimprimé dans VAmi des Hommes, parle marquis de
Miràbèaii, aoiit ii ^orme la éiiiie ^e la sixième parlie. Il se lirouyb compris
égâlelhénl dans la j^hysiocràtie.
^heshày est àiisisii aiiièur des articles fermiers et grains dans YEncyctopédié
dêbiderôl; d'iihè grande quarililé de mémoires et d'articles dans lé Journal
d^agriculiure, du commerce ei des finances , el dans les Épiienièrides du d-
)$h)siba^ à*i (taa Misse une Seule idée réeliemeni praticable ; hiaié il a ou-
vert le chanlp des expériences économiques. Ses écrits, peu tHMttbreax et
tous empreints d'un néologi^c sentencieux qui rappelle assex bien le style
des écoles récentes saint-simonienne et Touriériste, sont à Téconomie poli-
tique ce que l'alchimie est à la chimie. Quesnay cherchait modestement la
pierre philosophalo : nos sectaires modernes déclarent sincèrement qu'ils
l'ont trouvée.
R.
Rachon. Essai sur les monnaies nncîenwes et modernes, i Toi.
itt-B, 1702, àrefc planches.
Ouvrage plus intéressant sous le ra|H>Ort dd M lechlblogie ^dé sooi lé rap-
port de l'économie politique : très-digne, néanmoins, d'être consiUlé.
RàMEL (VO' Desfinaneesde la république française enPanlX.
Paris, an IX, in-8.
46B BIBLIOGRAPHIE.
LiYre spécial d'un auteur qui ayait eu rayantage de prendre part tu maoio-r
ment des finances de l'époque dont il parle. ^ '
Ramsay (George), ^n e^^ay on ihe distribution ofwealth (Essai
sur la distribution de la richesse). Edimbourg, 1836, 1 v.
iil-8.
Liyre utile, plus politique qu'écottomiqite j et beaucoup plus écrit en vue
des questions relatiyes à Tagriculture anglaise que dans l'intérêt général de
la science elle-même.
Rau (K. E,},*Lehrbuchderpolitiêchenœconomie (Traité d'é-
conomie politique). 3« édit. 3 vol. inS, H^delberg, 1837.
Le premier volume de cet important onvrage contient l'économie politique
proprement dite, ou la théorie des richesses ; le second, la science adminis-
trative ; le troisième, les finances.
Lés ouvrages de M. Rau sont rédigés avec une grande clarté et d'après les
principes les plus accrédités de notre époque. Les doctrines de Smith et de
Say forment la base du livre ; l'auteur a néanmoins éclairé plusieurs points
que les deux célèbres économistes n'avaient pas sufiRsamment approfondis.
On remarque surtout, dans le troisième volun\e, qui renferme la science finan-
cière, une foule de notions neuves sur les impôts, et des vues pratiques qu'on
ne rencontre pas ordinairement dans les traités de ce genre. Le succès rapide
de l'ouvrage, qui est arrivé en peu d'années à la troisième édition, est au reste
une preuve assez concluante de son mérite.
Ratnal. Histoire philosophique et politique des établissements
et du commerce des Européens dans les deux Indes, Paris,
A. Coste etC>e., 1820-21, 12 vol. in-8,avec un atlas in-4.
Grand et bel ouvrage, malgré ses imperfections et ses déclamations.
L'auteur n'a pas toujours pensé comme il avait écHt; mais sa mémoire n'en
est pas moins digne de respect. Cest lui qui a porté les premiers et les plus
rudes coups à l'esclavage colonial.
Reimarus. Nouvelle exposition des principes sur la liberté du
commer ce des grains. Trsid, de Tallemand. Paris , 1793, in-8.
Partisan enthousiaste de la liberté du commerce des grains. Son livre est
d'ailleurs plein de sens et d'originalité.
Reinhard. Fersucheinez Grundrisses der Staatswirthschafts
/e^re. Mannbeim, 1805, in-8.
Reitemeier, Mines des anciens.
Ouvrage plein de détails précieux sur les ressources métalliques des Greei
^t des Romains.
BIBLIOGRAPHIE. 469
Reybaud (Louis). Etudes sur les réformateurs contemporains
ou socialistes modernes Saint-Simon , Charles Fouriery
Rohert'Owen. 3<^ édition, augmentée d'une bibliographie
raisonnée des principaux utopistes. Paris, Guillaumîn,
1842, 1 vol. in-8.
L'ouvrage de M. Reybaud a obtenu un succès légilime, dû autant à l'élé-
gance et à la clarté de son style qu'aux aperçus ingénieux et profonds dont
son livre est semé. C'est un des écrits les plus remarquables de-I'école éco-
nomique française.
Retniër (Jean-Louis-Antoine). De V économie publique et rur
raie des Arabes et des Juifs, Genève, 1820, in-8.
— Z7e V économie publique et rurale des Celtes, des Germains
et des autres peuples du nord et du centre de l'Europe, Ge-
nève et Paris, 1818, in-8.
— - De V économie publique et rurale des Égyptiens et des Car-
thaginois; précédée de considérations sur les antiquités
éthiopiennes. Genève et Paris, iS^Z, in-8.
— De l'économie publique et rurale des Grecs. Genève et Pa-
ris, 1825, in-8. .
-^ De V économie publique et rurale des Perses et des Phéni-
ciens, Genève et Paris, 18i9, in-8.
RiGARDo. — Les œuvres de Ricardo comprennent les écrits
suivants, dont le mérite a été apprécié dans le cours de cet
ouvrage, savoir :
— The high price of Bullion, aproofofthe depr£eiation of
bank noies,
— Essay on ihe influence of a low price ofcorn on the pro-
fits of stock;
— Proposais for an economical and secure Currency;
— Principes de l'économie politique et de l'impôt. Traduit de
ranglais par F.- S. Gonstancio; avec notes explicatives et
critiques par J.-B. Say. Paris, Aillaud, 1818, 2 vol. in-8.
— Protection to agriculture.
Nul écrivain n'a traité les questions de finances, tprés M. Ricardo, avec plus
de talent que M. Francis Borner, dans la Revue d'Edimbourg, Voir (tome i,
470 BIlUOMAraiB.
page tm tome u, pagei lOi.Mi toma ^, pegM mi \m9L^Vh HM Hf;
toffte STin, page 448; tome xzi^y, page 404) 1«« arUcle^ TfWI?<|Vj^eft qull a
publiés sur ces matières.
Ricci (Ludovico). He forma degV institua pii d^lla diia HMo-
dena. Modenese, in-8.
C'est le premier écriyaiD de Tllalie qui ait traité d'une manière philosophique
la question des institutions de bienfaisance ; il démontre fort bien les abus
de la charité publique et les inconvénients des hospices d'enfants-trouyés. 8a
doctrine s'accorde ayeccelle de Mallhus, qui ne (ùl publiée pourpa première fois
qu'en 1798.
RiLLET pE Saussure. Lettres sur V emprunt et Vimpât^ adressées
à M. Necker de Gennani. 1779, in-8.
Écrit importante consulter, sur des questions aujourdliui résolues, comme
des échantillons des réyes de nos pères.
Rocco, Des banques de Naples. Napoli, iTSSi, i¥oJ.
Intéressant à consulter, quoique ineomplel et diffiUf
R«DET (D.-L.)* Ou cùmmwee extérieur et i$ la ffUfttiail d'un
entrepôt à Paris. Paris, i8^, in-S.
— • Questions commerciales, Paris, 1838. iii-8.
RosDERER (le comte Pierre-Louis). Journal dtécc^nwmep^lli-
qucy de morale et de politique. Paria, 1776 et anaéea sui-
vantes , 5 \o\.— Mémoires d'économie publique^ 4$ v^ale
et de politique (faisant suite au journal précédent), fm§,
1709, 1 vol. ; en tout 6 volumes in-8.
— De la propriété considérée dans ses rappot^U av^ l^ droits
politiques.^ édii.Varis y Hect. Bossange, 1830, in-i8«
Esprit original et inégal, qui n'a jamais eu que des idées vaguea et incer-
Uàoes sur les yéritables principes de l'économie politique ; élève des pky-
êiocraies , par ses premières études, modifié par Texpériènce des affaires ,
mais demeuré toujours excentrique et paradoxal en toute chose. Gonsullei
sur ses écrits une notice beaucoup trop flatteuse de H. Mignet, lue à l'Aea-
démie des sciences morales et politiques de llnstitut de FraBce.
RoEssiG Encyclopœdie der Âameralwissenschaft^n. Leipzig,
1798, in.8.
Rqssi. Cours d* économie politique fait au collège ds francs.
Parié, loubert, 1859-40, 2 vol. in-8.
BIBLIOGRAPHIE. 471
Le court d'éçoqomie politique de M. Rossi eit un TériUble traUé dont les
deux premiers volumes seuls ont paru. Ils sont consacrés i reipo^ilion des
phénomènes de la production des richesses. Ce bel ouvrage nous semble
dettiné à caractériser d*une manière brillante la transition entre l'école de J.*
B. Say et celle de notre temps, qui en a reçu tant de services.
Rûssi (Adiotato). D$l eeonùma délia ipede umwia, Pavia,
1819, 4 vol.
RoTTECK. Lehrhuch der œconomischen PoliHck, Stuttgart ,
1835, in-g.
RouBADD (l*abbé). Béoréaiions économiques, ou Lettres de l'au-
teur des représentations aux magistrats, à M. le chevalier
Zanobi, principal interlocuteur des dialogues sur le com-
merce des blés. Amsterdam et Paris, 1770, in-8.
Pamphlet très-spIrltuel contre rouvrage de Galiani.
RuGGLES (Th.) Histoire des pauvres^ de leurs droits et de leurs
devoirs, et des lois concernant la mendicité; traduit de
Tanglaispar A. C. Duquesnoy. Paris, an X (1802), 2 v. in-8.
S.
Sabatibr. Des Banques, de leur influence pour faciliter la
circulation des capitaux , faire baisser le trop haut prix
de r intérêt, et des mesures à adopter pour que ragricul^
ture, l'industrie, le commerce de la France et des divers
États jouissent de l'avantage de tels établissements. Avril
1817, Paris, in-8.
— Considérations sur les contributions et les taxes indirec-
tes, Paris, imprimerie de P. Guefller, 1818, in-4.
— Du crédit public et particulier j des moyens d'acquitter in-
distinctement la dépense de tous les services, et d'opérer
des améliorations dans les diverses branches de l'écono^
mie politique. 1798, in-4.
-^ Tablea%tœ comparatifs des dépenses et de» c(mtribuHoeu
de la France et de V Angleterre, suivis de considérations
sur les ressources des deux États , et servanl en wèm%
472 BIBLIOGRAPHIE.
temps de réfutation à Fouvrage de M. Gentz. Paris^ Âr-
thus^Bertrand, 1805, in-8.
Saint-âubin. Opuscules sur lesfimnceSy le papier-monnaie^ le
crédit^ etc. 1797, avec tables, 20 pièces, 1 vol.
J.*B. Say l'appelait le bouffon de Féconomie poliligtie, bouffon souvent très-
judicieux.
Saint-Ghamans (le vicomte de). Du système dHmpôh fondé sur
les principes d'économie politique, Paris, 1820, in-8.
Boutade d'un écrivain distingué, qui a dépensé au service des doctrines
surannées de l'économie politique plus d'esprit qu'il n'en fallait pour faire un
excellent ouvrage. C'est dans son livre, que se trouve la plus habile apologie
du système mercantile.
— Nouvel essai sur la richesse des nations. Paria, Lenor-
mantpère, 1824, tn-8.
Saint-Péravi (de). Mémoire sur les effets de Vimpôi indirect
iur le revenu des propriétaires de biens- fonds , qui a rem-
porté le prix proposé par la société royale d'agriculture
de Limoges, en 1767. Londres^ 1768, in-12.
L'auteur partageait l'opinion des économistes sur la question de l'impôt.
Tous les profits venant de la terre, selon eux, c'est à la terre seule qu'il fallait
imposer des taxes. La suppression des impôts indirects devait profiter aux
propriétaires, selon l'auteur du mémoire; mais les propriétaires n'en croyaient
rien , et ils avaient raison.
— Principes du commerce opposé au trafiCy développée par
un homme d'État. 1787, 2 vol. in-8.
Saint-Pierre (l'abbé de).
Les écrits de cet excellent homme, que le cardinal Dubois lui-même appe-
lait les rêves d'un homme de bien , se composent d'nne foule d'essais sur tou-
tes sortes de sujets. Voici les titres des plus importants :
— Mémoire pour l'établissement d'une taille proportionnelle,
1717, in-12 et in-4, réimprimé sous le titre de Projet d'une
taille tarifée.
-• Mémoire sur les pauvres mendiants et sur les moyens de
les faire subsister. 1724, in-8.
«— Mémoire sur les billets d'État.
BIBLIOGRAPHIE. 473
— J^émoire pour diminuer le nombre des procéx. l'aria, ms.
Il î proposail l'itablisseinenl d'un code unifonne pour lout le royaume.
— Les annales potiliques. Londres, 1757, 2 vol. in-8.
— Projet pour rendre la paix perpéluelle en Europe, etc.
Utrecht (Paris), 1713-17, 5 vol. in-d2.
— Le mime ouvrage, abrégé. RolteiàauilPaTis), 1729, iD-12.
— Les Rives d'un homme de hien, gui peuvent élre réalisés, -
ou les Vues et pratiques de M. l'abbé de Saint-Pierre. (He-
cueilliesparAlletz). Paris, Daciesne, 1775, in-12.
Saiste-Croiï (de). Del'élat eldu iorl descoloniei detanciefu
peuples. Philadelphie (Paris), 1779, in-8.
I*s lolonies des anciens lonl Irop Jugées, dans ccl oui rage , avec les pré-
jugés des modernes.
Saint'Sihok (Uenri de), /.'industrie, ou Discussions politiques,
morales et philosophiques dans l'intérêt de tous les hoin-
mes livrés à des travauxutiles et indépendants. Avec cette
épigraphe : « Tout par t'indtutrie, tout pour elle. »
— L'organisateur.
Paru en plusieurs éditions et de la manière la plus cDnfuse. —
Pour réunir l'ouvrée complet, qui Forme un volume de 365 pag.,
il faut avoir la 3' édii. de U 1" livraison, et la S* édit. de la •• li-
vraison.
— Système industriel, 1821-92, Sparties io-S.
I^ première partie est la réimpression de diverses lettres, soil
Imprimées, soit liihographiées, que Saint-Simon avait adressées
aux itiduttrielt , aux euUivaleurs, négociant*, fabricants, ele.
— Catéchisme des industriels. Paris , 1822-23 , eu 4 cahiers
formant 422 pages.
I.e chapilrc qu« nous avons consacré A Sainl-Simon, itans le coun de
celle lihletre, noi» dii[^nse d'entrer ici dans de nouieaui délalli sur la
œuvrai. Le lecicur pourra consulter avec plus de truil encore, i ce sujcl,
l'eiceUcnl ouvrasse de H. L. Iteybaud ; Éludes aur les Socialittet moàtmts,
}> ''dîl,, rail, IB41, 1 vol. ln-«, chri (luilliumin.
474 BIBLIOORAPHIB.
Santa gruz de Marcenado (le marquis de). JRapsodia eeono-
mica.
Livre original, encore bien empreint dei préjugés eipagnolf , naii qui en
allaqualt plusieurs. Il esl devenu assez rare.
Sartorius (G.). " Bandbuch der Siaaiswriihschafi, (Manuel
d'économie publique à Tusage des leçons académiques).
Berlin, 1796, in-8. — l^a deuuème édition a été publiée
sous le titre suivant : ÉlémenU de la richesse nationale,
Gœttingue, 1806, in-8.
Cel ouvrage esl rédigé d'après les principes de Smilh et contient quelques
observations criliques sur plusieurs points de la doctrine de Péconomiste
écossais.
Sartorius est un des écrivains qui ont le plus contribué é populariser les
principes économiques de Smith en Allemagne.
— Fon denElementendes Naiionalreichihums, Goottingue,
1806, in-8.
Sauvaise. Salmasii de usuris liber. Lugduni Batavorum,
1638, in-8.
— De modo usurarum. Leyde, 1639, in-8.
— De fœnore trapezilico. 1640.
Ces trois ouvrages de Saumaise ont soulevé dans le temps la colère de tous
les jurisconsultes. Le savant auteur y soutient avec beaucoup de force k lé-
gitimité du prêt à intérêt.
Say (J.-B.). Traité d' économie politique^ ou Simple exposition
de la manière dont se forment , se distribuent et se con«
somment les richesses ; sixième édition, augmentée , et
à laquelle se trouvent joints un Epitomé des principes
fondamentaux de rËconomie politique et un Indew rfii-
sonné des matières. Paris, 1841, 1 vol. grand in-8.
Cet ouvrage est le principal titre de gloire de notre plus célèbre écono-
miste. Il a eu cinq éditions successives, du vivant de l'auteur, qui les a re-
vues toutes avec un soin infini. Il a été traduit dans toutes les langues de
l'Europe.
— Cours complet d"* économie politique pratique, ouyrage des-
tiné à mettre sous les yeux des hommes d*État, des pro-
priétaires fonciers et des capitalistes, des savants, des agri-
BIBLIOORAPHtH. 476
culteurs, des manufacturiers, des négodants, et en gêné*
rai de tous les citoyens, VÉconomie des sociétés; 2* édit.
revue par l'auteur, publiée et augmentée de notes par
Horace Say son fils. Paris, Guillaumin, 1840, 2 vol. grand
W-8.
Vers la fia de sa carrière, J.-fi. Say recueillit les leçons quH avitt pmfes-
sées au ConBervatoire des arts" et métiers pendant plus de dix ans , et il les
publia en six volumes , sous le titre qui précède. Les idées répandues dans
soq Traité s'y trouvent modifiées sur certains points importauts; mais f ou-
vrage est particulièrement remarquable à cause de ses iKJmbreuseï appllta-
tiona pratiques.
— Catéchisme d'écofiofffiiepoliiiquey ou Instruction familièri^
qui montre de quelle façon les richesses sont produites ,
distribuées et consommées dans la société. Paris, 1835,
in-12, 5*^ édit.
Cest le résumé , en dialogues , des principes de J.-B. Say.
"^ Mélanges et correspondance d'économie politique, ouVr9^e
iH>9tbume, publié (avec une Notice historiqui^ mr h Yi#
et les ouvrages de Fauteur) par Charles Cprote, pon gendre.
Paris, Chamerot, 1833, in«>8.
•— Fetit volume, contenant Quelques aperçus des homm$$ et
de la société. 3« édit. publiée par M. Horace Say. Paris,
1839, 1 vol. grand in-32.
n nous reste encore, outre ces ouvrages, plusieurs écrits du même éco-
nomiste. Le plus rare de tous est une espèeede nouvelle, set» fome allé-
gorique, iniitulé : Olbie, ou essai sur la manière de Hfmn» Uê mœurs
4^m$ê nation, travail léger qui pouvait faire aoupfonner à p9m te ffVi4 ^sp*
nomiste.
)t»AV (Horace). Histoire des relation^ commerciales entre la
France et le Brésil, et Considérations sur les monnaies, les
changes, les banques et le commerce extérieur. Paris^
1839, 1 vol. in-8.
Say (Louis) de Nantes. Traité de la richesse individuelle et
de la richesse publique. Paris, 1827, in-8.
L'auteur est le frère du célèbre économiste J.-B. Say. H l'âDignait déjà
)>ew(oqp ftei principes de aon frère lortqull publia cet ouvrage; H l'en est
476 BIBLIOGRAPHIE.
éloigné bien davantage encore par la publication! d'une brochure intitulée ;
— Études sur la richesse des nations et réfutation des prin-
cipales erreurs en économie politique. Paris, 1836, iD-8.
véritable pamphlet contre les maîtres de la science , son nrère compris.
ScARUFFi (Gaspardo). Discorso sopra le monete^ et délia vera
proporzione tra Foro e Fargento. Reggiano, in-8, 1582. -
C'est le plus ancien ouvrage qui ait été publié en Italie sur Téconomie po-
litique , à Toccasion des désordres monétaires qui suivirent la conquête de
Fltalie par Charles-Quint.
L'auteur avait conçu la pensée d'une monnaie universelle pour toute TEu
rope; on lui doit l'invention de la garantie, c'est-à-dire de la marque des msf-
tiëres d'or et d'argent pour tous les articles d'orrévrerie.
ScHENK (K.-F.). * Das Bedurfniss der Folkswirthschaft, (Les
besoins de réconomie politique dans la plupart des États
de la Confédération germanique). 2 vol. in-8. Stuttgard,
1831.
C'est un ouvrage populaire dans lequel l'auteur s'applique principalement
i traiter les questions d'économie politique , sous le point de yue pratique.
ScHLETTWEiN. '^Grundvestc der staaten oderdie politische œco-
nomie, Giessen, 1777, in-8.
Cet auteur a été d'une très-grande fécondité ; on a de lui une vingtaine de
volumes sous différents titres, où il aborde un grand nombre de questions
économiques en les traitant du point de vue de l'école physiocratique dont il
était le zélé promoteur en Allemagne.
ScHLOEzER (Ch. de). * Anfangsgrunde der Slaatswirthschaft.
(Éléments.d' économie publique). 2 vol. in-8. Riga, 1805.
L'auteur est un disciple d'Adam Smith.
ScHNALz. Économie politique. Irdidnii de l'allemand, par Henry
Joufifroy. Paris, 1826, 2 vol. in-8.
M. Schmal2 a voulu ressusciter en Allemagne, comme H. Dutens en France,
tes théories de l'école de Quesnay, dans toute leur simplicité primitive.
Pourquoi donc rendre à cet arbre vénérable l'écorce irrégulière dont les pro-
grés de la science l'avaient délivré ?
ScHOEN (Jean). * Neue Uniersuchung der Nationalœkonomie.
(Nouvelles Recherches sur l'économie nationale). 1 vol.
in-8. Stuttgard, 1835.
Doctrines complètes présentées avec une grande lucidité. M. Schœn s^est
appliqué à circonscrira nettement toutes les questions d'économie sociale. U
BIBLIOGRAPHIE. 477
a éloigné les discussions inutiles et il a racilité par une classification métho-
dique l'étude de la science.
ScROFANi (Saverio). Memorie di publica economia. (Mémoires
sur réconomie publique), in-8. Pise, 1826. ,
Contient quatre mémoires :
10 Liberté du commerce, ou le commerce des grains pour la Sicile ;
20 Mémoire sur le même sujet , contenant des faits empruntés à la Toscane;
11 expose dans le 3« le système des impôts , tant pour Tantiquiié que pour
les temps modernes ;
Le 4« mémoire renferme des considérations sur les manufactures dltalie*
ScROPE (G. ^owXeit). Principles ofpoliiical economy^ deduced
from the natural laws of social welfare, and applied to
the présent state of Britain. London^ 1855, in-12.
Disciple de Técole radicale , son livre expose avec une concision pleine
de netteté les principes économiques de la production , dans leurs rapports
avec les intérêts des classes laborieuses. Ennemi déclaré de la doctrine de
Malthus.
ScuDERi. Principi di civile econ. Napoli, 1829, 5 vol. in-8.
Semer. Beiirag zur naeheren Besiimmung der SiaaUwirths^
chaft undihres Gebiets. Mannheim, 1794, in-8.
Sénac de Meilhan. Considérations sur les richesses et le luxe.
Amsterdam, 1789, in-8.
Pamphlet contre Tabbé Terray. Il s'y trouve des considérations sur les an-
ciens impôts.
Senior (N.-W.). Principes fondamentaux de l'économie poli-
tique. Paris, 1856, in-8* Traduction française du comte
Ârrivabene. -
Cet écrit est le résumé des leçons d'économie politique professées A Tii-
niversité d'Oxford, dans la chaire fondée, en 1825, par M. Drummond. M. Se-
nior , qui est un esprit très-distingué , y considère un peu trop les imperfec-
tions sociales comme un mal sans remède , et il défend les principes avec
une inflexibilité de langage peui-élre aussi cruelle pour les gens quMI protège
que pour ceux qu'il attaque.
Serra (Antonio). Brève iratiato délie cause che possono far
ahondare H regni d' oro e d* argenio dove non sono mi-
nière. in-8, 1615.
llaUribue une puisunee industrielle presque exclusive i l'argeoi; nMïi il
47i BIBLIOGRAFIilE.
esplU}ae auul très-bien comB^eot to tnTail et le« naoufoemrM peuvent iUi«
rer le numéraire dans un pays.
i^ftm¥l\ i ^v^T oomnie représentant des ephiioas éeoooiBiqiief ^f%
temps.
Seutter (baron de). * Die Staatswirthschafi aufder grun4Hge
deriVaitaiHi/û?(k>fu>ime, 6^c.(L'é€pnomiepu))lique appliq
au fouireraeHient, à radministration et aux finances).
5 vol. in-8. Ulm.
I^e 9|stëme de l'auteur est fondé si^r la liberté individuelle, la liberté de
l'industrie et la liberté de la presse. Le premier volume traite de Torganisation
politique. Le second , de l'administration inlérieuror Le troisième s'occupe
ê$» oonlritintions de tout genre. L'ouvrage contient des Idées larges «t dé-
mocratiques.
SsYBERT (Adam). Annales êiaiiêUques deê Élaii-UnU, Traduit
de ranglais par Scheflfer, 4 vol. in-8, 1826.
Recueil utile et plein de documents indispensables pour apprécier avec
fruit Ips relailona^e l'E.Mrope avec |es Ëtats-Uois. Le chapitre relatif aux ten%^
publiques , ceux des revenus , de la monnaie et des dépenses laissent peu de
chose à désirer.
Sinclair (John). T^Ao hislôryofthe puèliere'eûnue ofth$ british
empiré. London, 478S, in-4.
Ouvrage moins clair et moins précis que eelui de ROt^eri Hamilton « mais
4tgBe éi» coniidératien par 1« Ubéraiité de sei ftoctrines.
SiMONDE DE SisMONDi. De la fickesse commerciale, ou prineipes
d'économie politique appliqués à la législation du com'-
merce. Genève, 1805, 2 vol. in-8.
C'est le premier ouvrage de M. de Sismondi. Il était alors sectateur tf'Adam
Smith. Ses idées se sont modiflées depuis , et il a publié le plus important de
ses ouvrages sous le titre suivant :
'^Nouveaux principes d'économie politique, ou de la richesse
dans ses rapports ^vec la population. PariSy 1827, 2 vol.
in-8.
C'est le plus éloquent manifeste de l'école radicale.
L'apparition de ce livre a produit une grande sensation dans le monde scien-
tiflque. L'auteur y attaque le système des banques, l^mploi des machines ,
le régime manufacturier anglais; il y plaide avec chaleur il eanse des classes
ottffiévM; mais il ne propose tiicmi remède à leurs maui. « le Hvroiia» dit-il
BIBLIOGRAPHIE. 479
M flpi^MDli aprte arofr indiqué où est à ipes yeux la justice , je ne me sens
ma la force de tracer lea moyens d'exécutiop. » Personne ue le pouvait mieux
que lui, inais on pe f osera pas de sitôt.
-^Études sur V économie politique. Paris, Treuttel et Wurtz,
4838,2 vol. in-8.
Skarbek (le comte Frédéric). Théorie des richesses sociales.
Paris, 1829, 2 vol. in-8.
L'ouvrage du comte Frédéric Skarbek est trop exclusivement théorique.
L'économie politique , à Tépoque toute récente où ce livre a paru , exigeait
des développements pratiques plus étendus et des vues d'application plus po-
sitives. L'auteur, qui est Polonais, aurait pu faire pour son pays ce que
M. Storcb a fait pour la Russie , un exposé spécial des questions d'économie
politique particulières à la Pologne.
Smith (Adam). Recherches sur la nature et les causes de la
tichesse des nations. Traduit par le comte Germain Gar-
nier^ Faris, 1822, 6 vol. in-8. — Nouvelle édition revue et
oorrigée par M. Blanqui, avec des notes de Mac Gulloch,
Buchanan, Malthus, Mill , Ricardo, Sismondi, etc. Paris,
1842, 2 vol. grand in-8.
Le grand oBTrage d'Adam Smith est considéré par tous les économistes
eonne I0 véritable point de départ de la science en Europe. Ce livre est en
eifet, malgré ses longueurs et ses digressions, le premier qui ail analysé les
causes réelles de la richesse des nations et les procédés de l'industrie. Il en
existe plusieurs traductions françaises, dont la meilleure est celle de Garnier;
celles de Roucber et de Blavet lui sont de beaucoup inférieures. M. Mac
OuUoch a publié en Angleterre une édition de Smith avee des notes : c'est
l'édition classique par excellence.
SHrrH (Thomas), jén aitempt io de/ine some of the first prin-
dples ofpolitical economy. London, 1821, in-8.
SûDEN. Die Nationalœconovfiie. Einphilosophischer Fersuch
ueber die Quellen des Nationalreichthums, und ueher die
Mittel zudessen Befœderung, 180S-1824, 9 vol. in-8. Leip-
zig, Arau et Nuremberg.
SoLERA (Maurice). Essai sur les valeurs. Grand iD-8 de 116
pages, publié en 1798.
Sous ce titre , l'auteur a publié des considéraliona d'un grap() Intérêt éco-
nomique pour le Piémont , sa patrie. La forme en est neuve ^ piquante.
480 BIBLIOGRAPHIE.
SoLLT. Considérations on poliUcaleconomy. Berlin, 1814, in-4.
Sopp (A. A,). *N€ues1e Darstellung derkameralwissenschaf'
Un (Nouvel exposé des sciences camérales). 3 vol. in-8.
Fienne, 1808-4811.
Le premier volume contient l'économie agricole , le second l'économie in-
dustrielle, et le troisième l'économie politique.
Springer. Grundrissder Kameralwissenschaften, lena, 1768,
in-8.
Steuart (J.). Recherches sur les pincipes de V économie politi-
que, ou Essai sur la science de la police intérieure des
nations libres. Traduit de Tanglais par Senovert. Paris,
Didot aîné, 1789, 5 vol. in-8.
L'ouvrage de Steuart a fait grand bruit, même après l'apparition de celui
d'Adam Smith. C'est pourtant un livre qu'il Taut lire avec défiance, car il four-
mille do paradoxes sur une foule de questions ; mais jusqu'à Ricardo, aucun
économiste anglais ne s'est élevé à cette hauteur. Steuart est surtout remar-
quable par la clarté de ses démonstrations et par la franchise avec laquelle il
aborde les difficultés les plus ardues.
Storgh (Henri). Cours d'économie politique, ou Exposition des
principes qui déterminent la prospérité des nations, avec
des notes explicatives et critiques de J.-B. Say. Paris ,
1823, 5 vol. in-8.
Un des meilleurs ouvrages de l'école d'Adam Smith.
Il renferme des aperçus du plus grand intérêt sur le servage en Russie et sur
l'esclavage dans tous les pays.
Les notes sur les banques, qui font partie du 4« volume, doivent être lues
avec un soin particulier.
M. Storch a publié, en outre, sur le revenu national, un écrit important,
dans la préface duquel il exhibe en termes vifs ses ressentiments contre
J.-B. Say, son commentateur '.
Stokhausen. Dissertatio de confunctione jurispru4entiœ atque
œconomices, politices et sdentiœ cameralis in specie, I^ip-
zig, 1768, in-8.
• Cet oavrage est tonjonn Joint au Court d^Éeonomie politique , dont 11 formo le
einqatème volume.
n
BIBLIOGRAPHIE. 481
Sully. Mémoires des sages et royales économies d'État Très-
souvent réimprimés en 2 vol. in-fol., 12 et 15 vol. iii-12,
et plus souvent encore avec les arrangements de Tabbé
de l'Écluse.
Ce livre sera éternellement digne d'être consulté, comme le point de dé-
part des réformes économiques qui ont mis fin aux abus du moyen âge, et
qui ont abouti à la révolution (irançaise.
T.
Thiers. De Law et de son système de finances, Paris , 1826^
1 vol. in-8 (faisant partie de Y Encyclopédie progressive).
Cet article est sans contredit le plus beau morceau de critique historique
qui ait été écrit sur Law. Nulle part le système n'a été plus clairement exposé,
et avec une fidélité plus scrupuleuse.
Thompson (William). Jn inquiry into the principles of the dis-
tribution of wealth. ( Recherches sur les principes de la
distribution des richesses), in-8, 1824.
Economiste radical appartenant, sous quelques rapports, à la secte coopé-
rative d'Owen, abstrait, logique, sévère, excellent pour exercer l'esprit aux
plus rudes études de la science.
Thornton (Henry). An inquiry into the nature and effects of
the paper crédit ofthe Great-Britain. London, 1802, in-8.
Brochure de circonstance, publiée à l'appui de la suspension des payements
en espèces de la banque d'Angleterre.
C'est un plaidoyer spécieux en faveur du papier-monnaie; mais il renferme,
sur le crédit, des considérations profondes que Ricardo lui-même n'aurait
pas désavouées.
Cette brochure est devenue fort rare.
Thunen (J.-A.de). * Der isolirte Staat in Beziehung aufLand-
wirthschaft un Nationalœconomie , etc, (L'État considéré
sous le rapport de l'économie agricole et de Téconomie
nationale, ou recherches sur l'influence qu'exercent le
prix des grains, la richesse du sol et les impôts relative-
ment à l'agriculture). Hambourg, 1836.
TiFAUT DE Langue (Jérôme). Réflexions philosophiques sur
Mft QIBLIOG&APHii:.
rtmpdl, où Ton discute les principes des éaonamiiiktti 0%
où Ton indique un plaa de perception patriotique» in-8.
Paris, 477g.
L'auteur est un adversaire des économistes. Homme essentieUement pratique,
il opposait aux thépries de ces philosophes i|n pUn de rép9r(UiQn d^ rimp^t
plus approprié aux r^ssource^ des différentes clawea (^ citoyens.
TooKE (Thomas). Thoughis and delails^ on tbe bigb aad low
priées of the last thirty years. London, 4823, in-8.
Cette collection renferme des partioularités curieuses sur la hausse et la
baisse des prix. Elle a principalement trait aux lois sur les céréales , qui sont
le fléau de TAngleterre.
-^ A hUiory of prices , and of the siate of the dPculûtion
from 4795 io 4857. Londres, 4858, 2 vol. in-8.
Cet ouvrage, de l'aveu de l'auteur lui-même, n'est que le développenient
da précédent ; mais on peut le considérer comme un livre nouveau par IM
additions importantes dont il a été enrichi. Il contient les détails les phis iB>
téressants sur fétat économique de l'Angleterre, depuis le comn^enoemMil de
i|e C(B siècle.
— On the siaie ofcurrency. Londres, 4 voL in-8.
H. Tooke est un des économistes les plus éclairés etlesplqs judiciem^ 4e la
Grande-Bretagne. Son opinion est du plus grand poids dapa les matiér^a de
finances.
Tdi-l^nape (L.-£. de). JEssai sur les entraves qm h cpn^WP^
épra^ve m Europe* Paris, ^820, i yol
on cfoirjiit, en lisapt ce titre, que laut^eur a fait la guerre au¥ restrictions
et aux entraves du commerce ; bien au cpnlrairp, U 9^ fait rapolpgis(Q 4(1
a^sléme prohibitif et des privilèges accordé^ am polQpies ; ç«9 14^9 04^ §9"^
pas toutes aussi illibérales.
ToRRENS (R.). An essay on the production ofwealth; wlthap
Appendix in wich the principles of political eeonomy are
applied to the actual ciroumstanoes of thia country. Lotir
don, 4824, in-8.
*^ An essay on theeœtemaleorn^trade. 4 voL 4845.
->^ Ontoages and comhination. London, 4854.
Tous les ouvrages de M. Torrens sont remarquable! par l*élévation dos Idées
et les sentiments de sympathie généreuse pour )a classe ouvrière. On peut
IjÇHjrrepirochei' i^p peu d'Qb$curité; J'auteipr c$§aye ^e lepir Iç m!i^\^^ entrç les
do^rin^çs ^ Riciir4o et p^lea de Mallbus. « le premier, diM, généralUe trop,
« et le second trop peu ; entre les mains de Tun , la science a une simpli-
« cité qui n'est pas naturelle; elle devient un chaos entre les mains de
«« l'autre. »>
TucKER (Josiah), 4 Pfief essai pn ihe adv^ntages and disad-
vantages which jre^peqtively att^pd France and Greafc-
Sfitain, wiQ^ regard to Trqde^ witb aome proposais for
removing t(iQ principal disadvantages of GreatrBritain in
a now m^tbod. The third édition. l4Qndûn, il^Z^ i^r-B,
Ouvrage triip-repnarquable par la libéraliié de ses doctrines. On y re^senl,
déjà l'influence exercée sur les progrès de la science par le? économistes fran-
çais. Tuclfer avait é^é en relation avec plusieurs d'entre eux , et quoique son
livre soit Tortement empretnt d'égoTsme national , 11 y Tait de grands sacrifices
aui nouteHei dôctriites.
TuRBULO. Diécorsi é relaziôni sulle monetedslregno âiNapoli.
Napoli, 1629.
TuRCOTT. OÉuvres comp/^fe*, précédée^ et accompagnée^ de
mémoire^ et dj^ notes sur sa vie , son administration et
ÈBê ouvrages. Paris, i^S-181i, 9 vol. ii^rS.
Celte collection complète des œuvres de Turgot a été publiée par Dupoat-
de Nemours. Elfe se compose principalement des écrits suivants :
— Lettre sur le papier-monnaie, adressée à M. Tabbé de
Cicé.
Tlfrçpt 9'ayiU <^ue y|Q^l-deux ans lorsqu'il l'écrivit,
^ Le# articles foires ^i marché^, at t^af «iir« et m9nnfli§M , de
FEncyclopédier
•*TF Mémûif0 sur la théorie des valeurs.
•— Éloge de M» de Gourtiay, Tun des fondateurs de Técole
des Économistes,
•-> Ses travauiL divers dans la généralité de Limoges.
Il n*y a pas un de ces fragmenta qui ne soit digne d'étude et d'admifttiou.
-— Réflexions sur la formalion et la disiribuiiondes richesses.
C'est le plus remarquable des écrits économiques do Tiirgoi, eelnl qui a
to plus mérHé d« r<^oier la cbatne entr» |^ 4o$triiXB« de Qiiei oay et«c^i de
miMs,
484 BIBLIOGRAPHIE.
— Lettre à M. de Trudaine, sur les encouragements à don^
ner aux manufactures.
-r- Mémoire sur les prêts d'argent.
Arguments sans réplique contre les lois sur Tintérèt.
Ce mémoire et celui de Bentham ont épuisé la question.
— Des fonctions des bureaux de charité.
— Lettres sur la liberté du commerce des grains, en opposi-
tion aux partisans des mesures restrictives.
— Édif portant suppression des Jurandes et des maîtrises.
— Comparaison de Timpôt sur le revenu des propriétaires et
de V impôt sur les consommations.
— Lettres sur les grains ^ écrites à Terray. 1788, in^.
— Mémoire qui contient les principes de l'administration pu-
blique sur la propriété des carrières et des mines , et sur
les règles de leur exploitation. 4790, in-8.
Turgot était un homme essentiellement pratique, et il a eu le rare bonheur
d'exercer, é Limoges comme intendant, et à Paris comme ministre, des fonc-
tions qui ont permis l'application immédiate de ses doctrines.
Ses différents mémoires devraient toujours être entre les mains des hommes
d'ÉUL
u.
Ulloa (D. Bernardo de). Rétablissement des manufactures et
du commerce d'Espagne; traduit de Tespagnol, par Plu-
mart de Dangeul. Amsterdam,! 753, in-42.
Bon livre à consulter sur la décadence industrielle et commerciale de l'Es-
pagne, et sur toutes les questions d'économie politique qui s'y rattachent.
Ure (Andrew). Philosophie des manufactures ^ ou Économie
industrielle de la fabrication du coton, de la laine, du lin
et de la soie, avec la description des diverses machines
employées dans les ateliers anglais. Paris et Bruxelles,
4836, 2YOl.in-12.
Ouvrage de technologie assez superficiel, où les abus du système indus-
triel anglais sontatténués avec une partialité prétentieuse et mystique. Le peu
BIBLIOGRAPHIE. 485
de faits intéressants qu'on y trou?e sont textuellement extraits des Enquêtes
officielles anglaises, que l'auteur a omis de citer.
UsTARiz (Geronimo de). Théorie et pratique du commerce et
de la marine. Paris, 4753, in-4.
La traduction de cet ouvrage est due à Forbonnais, et quoiqu'il soit plein
d'erreurs, nous le considérons comme l'un des plus capables de faire appré-
cier à sa juste valeur l'économie politique pratiquée en Espagne depuis le
régne de Cliarles-Quint.
V.
Valle Santoro. Éléments d'économie politique, Paris, i yo}.
in-8.
Excellent ouvrage élémentaire, quelquefois un peu obscur.
Vasco (Giamb.). Délie universita délie arii e mestieri. in-^.
— Mémoire sur les causes de la mendicité et sur les moyens
de la supprimer,
— La félicita puhblica considerata nei coltivatori di terre
propie. iD-8.
— Délia moneia, saggio politico, Torinese , in-8.
L'un des livres les plus originaux sur un sujet aujourd'hui épuisé.
Vauban. Projet d'une dixme royale, avec les réflexions sur le
même sujet. 4707, in-4 et in-12.
Livre d'un honnête homme, au cœur noble et pur. Le remède qu'il pro-
posait serait considéré aujourd'hui comme le pire des maux, tant étaient
grands les maux de ce temps-là!
Velsi (le comte). Méditations d'économie politique, i v. in-8.
Verri (Pietro). Meditazioni sulV economia politica , con an-
notazione de Gian-Rinaldo Carli.
C'est le principal ouvrage de Verri, l'un des premiers fondateurs de l'éco-
nomie politique en Italie, et le précurseur d'Adam Smith.
Voici la nomenclature des autres :
— Sulle legi vincolanti principalmente nel commercio de
grani, Riflessioni, scritte Tanno 4769, con applicazione
allô stato di Milano, in-8.
486 BIBLIOGRAPHIS.
— Consulta èulla reforma délie monete dello slata di Mfla-
no. 1772, in-8.
— Estraito del progeito di una tariffa délia mereanzia , pet*
lo stato di Milano. 1774, in-8.
— Mèmorie storiche sulla economia pubhlica delh iiato di
Milano, Milanese, in-8.
— Fari opuscoli di economia pubhlica, in-8,
Villeneuve-Bargemont (vicomte Alban de). Économie politi-
que chrétienne, ou Recherches sur la nature et les causes
du paupérisme en France et en Europe, et sur les moyens
de le soulager et de le prévenir. Paris, 1834, 3 vol. in-8.
M. de Villeneuve eit un Klversaire énergique du syslftn^o ii|i|Q«lripl 911811111*
11 s'effraie du progrès des manufactures et des malheurs qu'elles traînent à
leur suite ; mais les remèdes quMl propose ne sont plus de notre tenpi. Lt re-
ligion a eu ses beaux jours , Tinduslrie aura les siens, ^on déf f l^pl^^m^Ql
rassemble A celui d'une armée dont on pe peu( juger les l)ellç9 (tispQtitions
que lorsqu'elle a terminé ses manœuvres.
— Histoire de V économie politique , ou Études historiques,
philosophiques et religieuses sur l'économie politique des
peuples anciens et modernes. Paris^ 1841, 2 vol. ln-8.
Tout ce qu'il m'est perniis de dire de ce livre ,^ c'est que je n'aurait pas
fiUt le mien, si l'auteur eût écrit avant moi.
ViLLERMÉ. Tableau de Vétat physique et moral des ùUWieH
employés dans les manufactures de coton , de laine 'et de
soie. Paris, Renouard, 1840, 2 vol. in-8.
Cet excellent ouvrage est le résultat d'un voyage, entrepris par «rdm i$
l'Académie des sciences, morales et politiques de l'Institut de Fraiiee , i la rtr
cherche de l'état physique et moral, inconnu jusqu'alors, li^ oliUff oi|-
vrières. L'auteur a ainsi préparé la législation relative au (ravuU dts eiifwMfi
dans les manuractures, et il a fourni des matériaux de bon aloi A la spience
économique en tout ce qui concerne le travail industriel.
Vivant de Mezague. Bilan général et raisonné de V Angleterre
depuis 16Ô0 jusqu'à la fin de 1761, ou Lettre à M. L.-C. D.
sur le produit des terres et du commerce de TAngleterre.
1 vol, in-8, 1762.
Pamphlet économiste contre le luxe de la Grande-Bretagne . Il } a peu d'in-
struction à en tirer.
BIBLIOGRAPHIE. Wf
Vollamd. Mémoire mr les moyens de détruire la mendiciié en
France, 1790, in-4.
Ypi^LG^i^FF (Charles). *Die système der praktischen Politih im
Ahendlande. (Les systèmes de la politique pratique en
Ooeident). 4 vol. in-8. Giessen, 1828.
Cel ouvrage traite de réconomie politique de tous lea peuples et de tous
tel temps.
Le premier volume indlfiue les différences qui séparent les peuples de
rorient d'avec ceui de TOccident. Les peuples, dit M. Vollgraff, sont
toujours gouvernés comme io mérite l'état de moralité dans lequel ils se
trouvent.
Le second volume eipose la politique des Grecs et des Romaini avec do
nonit>reux détails sur les lumières, Tétat de la civilisation, le gouvernement,
radministration, l'étal social, l'esprit militairO| etc., chez les peuples célèbres
de l'antiquité.
Le troisième Volume, consacré à la politique moderne, renferme une bi-
bliographie des ouvrages qui ont paru dans les divers pays de l'Europe sur
l'économie politique et la législation des siècles passés et du temps actuel.
Le qnitrième volume décrit les relations des différents peuples de l'Europe
oniro eut, leur diplomatie et leur droit publie. Il contient aussi leurs insti-
tutions, et particulièrement celles des divers Étals d'Alleimgne.
— *{/&^r (fen he^tig^n Pegriffy Umfang wnrf Gegenstand ^çr
gtaaimiisenchafien, (Considérations sur Tétat actuel 4&
réeonomie politique). Marbourg^ 1824.
PotH opusoule de trente pages, où l'auteur trace les linéaments des deut
éoolM politiques et économiques qui se disputent aujourd'hui le terrain. Les
reiH^seiitants de cea deux écoles sont, selon H. voilgraff, d'une part, Halier,
%xfmx4ê kl ^e^lawQiioH de la politique, et de l'autre, Pœlita, auteur du livre
intitulé : la Politique de noire époque mise au jour.
Vp^s. ^inleiiung in die Geschichte der Litteratur der allge-
meinen Slaatswissenschaft. Leipzig, 1800-1802, 2v. in-8.
w.
Wade (John). Hisiory ofihe middle and [working classes j 2*
édit. London, 1854, in-i2.
488 BIBLIOGRAPHIE.
Cet essai sur la condition des classes laborieuses n'occupe malheureuse'
ment qu'une faible partie de l'ouvrage, et encore celte partie ne contient-
elle que les actes législatifs relatifs aux pauvres ; le reste est un traité d'éco-
nomie politique populaire, clair et facile dans sa brièveté. La traduction fran*
çtise aurait certainement du succès.
Wallace. Dissertation historique et politique sur la population
des anciens temps^ comparée à celle du nôtre , dans laquelle
on prouve qu'elle a été plus grande autrefois que dé nos
jours; traduit par M. E. 4 vol. in-8, 4769.
L'auteur s'est beaucoup plus occupé de la population des anciens que de
celle des modernes ; mais son livre est un des plus riches en faits anecdoti-
ques sur la vie privée et les dépenses domestiques des anciens.
Walra» (Auguste). De la nature de la richesse et de V origine
de la valeur, Paris, 4831, in-8.
Ce livre contient quelques nouvelles vues sur la théorie de la valeur : il sera
consulté avec fruit comme œuvre de critique. Le style en est quelquefois dif*
ficile et obscur.
Ward (D. Bernardo). Proyecto economico, en que sepropo-
nen varias providentias dirigidas à promover losintereses
de Espana. Madrid, 4789, in-8.
Cet auteur était un Irlandais naturalisé espagnol ; il avait voyagé à plusieurs
reprises dans son pays adoptif, et il lui aurait rendu des services, si ses plans
eussent été exécutés. Son projet économiqtie renferme d'excellentes idées sur
une foule de questions industrielles, et il est considéré comme l'un des écrits
les plus remarquables qui aient paru en Espagne sur Féconomie politique.
Wathely (Richard), archevêque de Dublin. Introductory lec-
tures onpolitical economy, (Leçons d'économie politique).
Londres, 4832, 4 vol. in-8.
Weber (Fr. 6én.). * Sysiematisches Handbuch der Staats-
îoirthschaft, (Manuel systématique de l'économie politi-
que). Berlin, 4804, in-8.
Le premier volume seul a paru. Les soixante premières pages de ce livre
traitent de l'économie publique ; le reste appartient à la science de la police.
— Traité d'économie politique, 2 vol. in-8, Berlin.
Ce livre, rédigé dans l'esprit de Smith, a été assez bien accueilli daoi son
temps en Allemagne.
BIBLIOGRAPHIE. 489
Welz (Giuseppede). Magia del crédita svelaia^ instituzione
fondamentale di pubbiica utilità. Napoli^ 1824, 2 vol. in-4.
M. de Welz est le premier économisle ilalien qui ail arboré avec hardiesse le
drapeau du crédit. Quoique ses idées à cet égard soient exagérées, au point
de lui Taire dire que le crédK multiplie réellemeot les capitaux , il n'en a pas
moins rendu un véritable service à la Bcience, en appelant rattenlion de ses
concitoyens sur les avantages d'un système de circulation mieux entendu.
Son livre contient des notices sur tous les ministres des iinances en France
et en Angleterre depuis plus de trois cents ans.
WiLB£RFOB££. Lettre à M, de Talleyrand sur la traite des ne-
*gres. Londres, 1814, in-8.
Beau plaidoyer, encore utile à lire, même depuis que le procès est gagné.
WiTT (Jean de). Ses Mémoires. La Haye, 1709, in-12.
Les mémoires de ce grand publiciste ont obtenu , depuis leur publication,
fine espèce de succès religieux. L'auteur y a signalé, avec une supériorité di-
gne de sa longue expérience , les causes 4e la prospérité et de ia décadence
des nations, principalement de la Hollande, si ingrate envers lui.
X,
XÉifOPHON. L'Éœnomique , suivie dti Projet de finances pour
augmenter les revenus de Unique. Paris, 175G, in-12.
Y.
TofjtfG (ÂrlhoT^. Arithmétique politique^SLÛresséediUX sociétés
économiques établies en Europe. Traduit de Tanglais par '
M. Fréville. La Haye, 1775, 2 vol. in-8.
L'auteur est un partisan timide du système des économistes , qui revendi-
quent pour l'Angleterre la priorité de leur idée. 11 n'est pas nécessaire au-
jourd'hui de réfuter une pareille prétention.
YouNC (Arthur) et Banks. Filature, commerce et prix des laines
en Angleterre, ou Correspondance sur ces matières ; tra-
duit de l'anglais par M. C.-P. 1 vol. in-8, 1790.
Détails intéressants sur le commerce dos laines.
32
490 BIBLIOtiRAPHiK.
z.
ZàCBkKJJE (K. G.). * SlaaU'îVirlhschaflslehre, (Principes d'éco-
nomie politique). 2 vol. in-8. Heîdelberg, 1832.
Livre Tort original ; on y remarque un ^rand nombre de dénominations
nouvelles qui ne sont pas restées sans criliquc en Allemagne. Les doctrines
•ont en général présentées d'une manière abstraite, sans égard pour les lieux.
Tes temps et les Taits statistiques. M. Zacharis a imaginé deux nouvelles espè-
ces de revenus : la rente de l'esprit, c'esi-à-dire celle qui dérive de riulelli-
gence, et la rente du crédit. A tout prendre, cet ouvrage, qui ne manque pas
de mérite, est peu propre à l'enseignement de la science, ei il ne peut être lo
^ue par des économistes.
Zanon (Antonio). Lettere scelle suW agricoltura , sul^com-
mercio e sulle arti, Udinese, in-8.
— Apologia délia mercaiura, in-8.
A commencé à écrire à soixante ans. Il proposait des écoles d'agriculture et
faisait l'apologie du commerce, mais sans idées arrêtées, sans principes.
Nous n'avons pas jugé nécessaire de joindre à cette Bibliographie la liste de
(fuelques ouvrages anonymes sans valeur, et le catalogue des publications or-
ficielles émanées du parlement d'Angleterre ou du gouvernement français.
Ces documents, qui consistent principalement en enquêtes sur des questions
spéciales, n'offrent qu'un intérêt relatif et de circonstance; ils sont d'ailleurs
si Tolumirieux et si nombreux, que les simples énoncés de leurs titres forme-
raient presque seuls un volume. Telles sont les enquêtes flrançaises surjes
fers, sur les sucres, sur les houilles, sur les laines, les cotons, et les enquêtes
anglaises sur les soirics, sur les banques, sur les chemins de fer. Quoique les
Économistes ne doivent pas en négliger l'étude, cette étude appartient encore
plus aux administrateurs qu'à la science pure.
FIN DE LA BIBLIOGRAPHIE.
TABLE DES MATIÈRES
DU DEUXIEME VOLUME.
■^•«^
Vagot.
CHAPITRE XXVlI.—Deréconomie politique SOUS Louis XIV.
— Ordonnances du coninïerce. — De la marine. — Des
eaux et forêts. — Code noir, — Conseils de prud'hommes.
— Lois sur les pauvres. — Fondation des hospices d'en-
fants-trouvés.— Création de compagnies commerciales. —
Opinion des Économistes contemporains : Vauban, Bois-
guilbert, l'abbé de Saint-Pierre . ^
CHAPITRE XXVHL — Propagation du système mercantile en
Europe, sous le nom de Colbertisme, — Il est neutralisé
par la contrebande. — Influence de la contrebande sur la
solution des questions économiques 25
CHAPITRE XXIX. — Delà première lutte du système mercan-
tile avec la liberté du commerce entre l'Angleterre et la
Hollande. — Funestes effets de cette lutte. — Acte de na-
vigation.— Éloquente philippique de M. d'IIauterive con-
tre le système restrictif 3S
CHAPITRE XXX.— Naissance du crédit en Europe.— Insti-
tution des Banques. — Influence qu'elles ont exercée sur
la marche de l'économie politique. — Des banques de dé-
pôt et en particulier de celle d'Amsterdam. — Des banques
de circulation. — De la banque d'Angleterre . ^ .(S
CHAPITRE XXXI.— Du système de Law.— Des circonstan-
ces qui lui ont donné naissance. — Des causes principales
de sa ruine. — Influence qu'il a exercée sur la marche
de l'économie politique fijt
CHAPITRE XXXn.— Du système de Quesnay et de l'écol«
Économisle. — Origine de se» doctrines". — Services
492 TABLE DES MATIERES.
ragfîf.
qu'elles ont rendus. — Des diverses nuances de PécoFe
Economiste, — Gournay. — Mercier de La Rivière. —
Turgot. — Admirable probité de ces philosophes. — Dé-
tails sur Quesnay 89
CHAPITRE XXXIII. —Du ministère doTiirgot. — Réformes
qu'il entreprend dans Tordre économique. — Résistances
qu'il rencontre. — Influence qu'il a exercée sur la marche
de l'économie politique H2
CHAPITRE XXXIV.— Des travaux d'Adam Smith et de leur
influence sur les progrès de l'économie politique. — Difle-
rence de ses doctrines et de celles des Économistes. —
Exposé des créations qui lui sont dues. — Ses belles défi-
nitions de la valeur^ du travail, des capitaux^ de la
monnaie. — Immenses conséquences de ses découvertes. 131
CHAPITRE XXXV. — Du système de Malthus sur la popu-
lation.— Exposé de ses formules. — Tableau de ses con-
séquences.— Doctrine de Godwin. — ^Elle a le défaut d'être
aussi absolue que celle de Malthus. — Elle est plus hu-
maine. — Hardiesse remarquable du livre de Godwin. —
Des divers écrits sur la même question. — Nouvelles idéeê
sur la population^ par M. Everelt. — Du livre de la cféa-
rité^ par M. Duchàtel. — De V économie politique chré-
tienne , (le M. de Villeneuve-Barçemont. — Protestations
de M. de Sismondi et de M. l'abbe de Lamennais i50
CHAPITRE XXXVI. — De l'infliieDce des écrivains du dix-
huitième siècle sur la marche de l'économie politique en
Europe. — Esprit des Lois. — Œuvres économiques de
J.-J. Rousseau. — Opinions économiques de Voltaire. —
L'abbé Raynal 177
CHAPITRE XXXVII. — Des doctrines économiques de la
révolution française. — El les ont toutes un caractère social
plutôt qu'industriel. — Elles sont cosmopolites en théorie "
et restrictives dans la pratique. — La Convention et l'Em-
pire eu font des armes de guerre. — Vue générale des con-
séquences du blocus continental. — Il existait de fait
avant d'être décrété. — Fâcheux préjugés qu'il a répan-
dus en Europe 192
CHA.PITRE XXXVIU. — De la révolution économique opé-
rée en Angleterre par les découvertes de Watt et d'Ark-
wright. — Conséquences économiaues de l'indépendance
des États-Unis. — Réaction de la révolution française sur
le système financier de l'Angleterre. — Accroissement des
impôts. — Suspension des payements de la banque. -^
TABL£ DES MATIÈRES. 493
Pages.
Développements et abus du crédit. — Énormité de la dette
publique. — Conséquences de la paix générale 209
CHAPITRE XXXIX. —De J.-B. Say et de ses doctrines. —
Conséquences importantes de sa théorie des débouchés.
— Exposé des services que cet écrivain a rendus à la
science. — Caractère de son école. — C'est elle qui a po-
pularisé l'économie politique en Europe 227
CHAPITRE XL. — De l'économie politique en Angleterre
depuis le commencement du dix-neuvième siècle. — Sys-
tème de Pitt, soutenu par Thornton, attaqué par Cobhett.
— Doctrines de Ricardo. — Écrits de James Mill. — De
M. Tofreus.— DeM. MacCulloch.— De M. Tooke. — Tra- ■
vaux de M. Huskisson. — De sir Henry Parnell. — Trai-
tés de M.Wade. — De M. Powlett Scr'ope. — Économie
des manufactures, parBabbage. — Philosophie des ma-
nufactures^ par le docteur Ure. — Grande popularité de
l'économie politique en Angleterre 244
CHAPITRE XLI. — Les économistes sociaux de l'école
française.— A'bwrcaw.r principes d'économie politique,
de M. de Sismondi. — Nouveau traité d'économie sociale
de M. Dunoyer. — Économie politique chrétienne de
M. de Villeneuve-Bargemont. — Traité de législation ,
par M. Ch. Comte. — Économie politique de M. Droz. 265
CHAPITRE XLII. — De l'économie politique éclectique el de
ses principaux organes. — M. Storch. — M. Ganilh. —
M. Delaborde. — M. FlorezEslrada 292
CHAPITRE XLIII. — De l'économie politique saint-simo-
nienne. — Premiers écrits de Saint-Simon. — Hardiesse
de ses attaques. — Théories de ses disciples. — Le pro-
ducteur, — Ce qu'ils entendaient par industrialisme, —
Ils fondent une enlise. — Leurs attaques contre l'héri-
tage. — Vue générale et appréciation de leurs travaux. . 303
CHAPITRE XLIV. — Des économistes utopistes. — Du sys-
tème sociétaire de Fourier. — Revue de ses principaux
ouvrages. — Idée fondamentale de sa doctrine. — Dé^ »•-
loppement qu'elle paraît susceptible de recevoir. — Du
système social de M. Owen. — Essais infructueux tentés
par lui à New-I^anark etàNew-IIarmony. — Esquisse des
vues particulières de cet économiste. ." 327
CHAPITRE XLV. — Vue générale des systèmes en écono-
mie politique. — Caractère national des diverses écoles.
— École italienne. — École espagnole. — École Française.
— École anglaise. — École allemande r)4r>
494 TABLE DES MATIÈRES.
Pa^c».
CHAPITRE XL VI. — Des complications économiques résul-
tant (le raffrancliissement industriel depuis 1789. — Des
inconvénients de la concurrence. — Contradiction entre
les faits et les lois. — Nécessité de les metlre en harmo-
nie. — Des révolutions qui se sont opérées dans les rela-
tions conunerciales depuis le dix-neuvième siècle. — Mo-
difications qui en résultent pour Téconomie politique. . . 367
BlBIJOGRAPHI!: 595
M?( Dh I.A TABI.K DU DKLllÈMF. LT DËKMKR VOI.L'Mi:.
PDBLtCATICHS NOUVELLES
DE LA HimAIBlE DE GUlLLAUllIN.
DICTIONNAIBE DU COMMERCE ET DES MARCHANDISES, coii-
leoaiil loutcc qui concerne le Cofnmerct^, la NiiTitjalioD, les Doua-
nes, rëconomio politi(|ue, coromerciale et induslriclli;; la Comii-
labiliié, le9FJnances,la Juiisprudencecommerciale, la Connaiseanct^
des produits naLureUet Toriques, leurs caractères spéciHques, leur.<
variéU's, leur llsioire; te Mouvement des eiportaiions M des im-
pnnaiions, les Changes et Usantes, tes MotiDHies, les PoiOs et les
Mesures de tous les pays, etc. , etc. , (lar MM. Bi-anoci aîné ( di^
riastliut], Blaise, Blat, Sontemps, ]. et A. Bdhat, Cueva-
Lies, Ed. CoBBtËBE(dn Havre], E. Costambert, Alex. deClebcq.
DËLËHEK (de Briixellea), Desiëib, Dorhiinfadt, DdjaudiN'
Saii.lt, h. Dcmard, Tb. Fut, Stép. Flachat-Mowv, Eog.
Flacbat, FBAncoeCB, J. GABMEBalné, Kaopfmakn (deLfOn),
Ch. Legehtil, député; Mac Colloch, de Moh-iat, Th. de
MOBVILLE, A. UlGKOT, B. PaNCE, J.-T. PaBISOT, PAVKN, Pe-
tODZE père, Pelouzb UIs, Pbbpicna, Pommieb. Ranok de la
Sagba (de Madrid). Rev, L. hevbavd, Bodet, Sainte-Pbedve.
Horace Sat, Schitcthi {de Morat), Sihon (de Nantes), Wawt-
ui. eic. etc. S forts vol. petit in-i° de 2.35a ^ges h S i-nlonucs,
la mntïère de plus de 15 vol. in-S° ordinaires, avec Atlas.
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me» et de la société. 3< ^dil. , rufondiie par Vauleur, eV publiée sur
les mannscrit-s qu'il a laissa, rai Horace Say, sou Uls. Un joli
volume i^i'aiid iD-3i, papier vâiii. Prix : 3 fr.
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